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CORRESPONDANCE POLITIQUE
DE
DOMINIQUE DU GABRE
(1552-1557)
CORRESPONDANCE POLITIQUE
DE
DOMINIQUE DU GABRE
(ÉVÊQUE DE LODÈVE)
TRÉSORIER DES ARMÉES A FERRARE
(1552 — 1554)
AMBASSADEUR DE FRANCE A VENISE
(1554 — 1557)
l'A H
ALEXANDRE YITALIS
ASSOCIÉ CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE FRANCE
PARIS
FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
1903
Tous droits réservés.
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t IX,
i
INTRODUCTION
Exhumer les écrits d'un diplomate, autrefois éminent dans sa
carrière, mais dont le nom s'est effacé, peu à peu, du souvenir de la
multitude, recueillir et classer son œuvre épistulaire , extraire de
cette substance la vie et l'histoire d'une époque , telle est la tâche
que de nombreux érudits ont entreprise, avec succès, au cours
des dernières années, et que nous prétendons nous imposer à notre
tour.
C'est ainsi, par exemple, que Monsieur Tausserat-Radel (1) a fait
sortir récemment des dépôts, où elles reposaient depuis plusieurs
siècles, les précieuses dépêches de l'un des prédécesseurs de
Dominique du Gabre à l'ambassade de Venise, l'évêque de Mont-
pellier Guillaume Pélicier (2), et a remis en lumière, grâce à la
publication de sa correspondance, précédée d'une magistrale intro-
duction, la grande figure de ce prélat si distingué (3).
La correspondance de Dominique du Gabre, qui fait l'objet de la
présente publication, constitue, à son tour, un inventaire, aussi com-
plet qu'il nous a été permis de le dresser, des dépêches du presque
immédiat successeur de Pélicier.
Elle renferme le texte des lettres, écrites par l'évêque de Lodève,
durant ses fonctions de trésorier du Roi en résidence à Ferrare, de
1552 à 1554, puis de celles, qu'ambassadeur à Venise, il data de ce
poste, de septembre 1554 à la fin de 1557.
l M. Alexandre Tausserat-Radel, sous-directeur des archives du ministère des
Affaires étrangères.
(2) Guillaume Pélicier. né vers 1490 à Mauguio, près Montpellier (Hérault:
évêque de Montpellier (1527-1568): ambassadeur à Venise 1540-1542); mort le
25 janvier 15G8 au château de Montferrand , diocèse de Montpellier.
(3) Correspondance politique de Guillaume Pélicier, ambassadeur de France à
Venise ^1540-1542), par M. Tausserat-Radel. Paris. Alcan. 1899, in-octavo.
2
VI INTRODUCTION
Ce recueil, composé de dépêches écrites après l'intervalle de dix
années (1542-1552), qui s'écoule entre la mission de Pélicier et celle
de du Gabre, période pour laquelle aucune correspondance n"a été
jusqu'ici publiée, apporte une contribution précise à l'histoire des
relations de la France et de l'Italie sous le règne de Henri II.
La correspondance de du Gabre est, en effet, abondante. Elle offre,
à tous les points de vue, un réel intérêt Elle permet de suivre,
comme on le ferait de nos jours à l'aide d'un journal, le récit régu-
lier des opérations militaires qui avaient pour principaux théâtres :
Ferrare, Parme, Sienne, La Mirandole ; elle nous révèle le triste état
de nos finances à cette époque agitée, et la légèreté avec laquelle les
dépenses de guerre étaient, trop souvent, engagées ; elle nous initie
aux événements auxquels le prélat fut directement mêlé, nous
dévoile les intrigues dont il fut le témoin, et détermine les rôles
joués par chacun des acteurs dans celle émouvante aventure.
Elle nous fait voir, enfin, combien, après avoir sacrifié sans compter
ses hommes et son argent, au profit d'une noble cause, la France
fut mal récompensée de sa trop généreuse intervention , et nous
laisse sur cette attristante impression qu'Elle ne recueillit, hélas,
pour prix de ses services, que l'ingratitude et l'abandon de ses alliés
de la veille.
Il
Il n'existe aucun recueil qui contienne, rassemblée en bloc, l'en-
tière correspondance de Dominique du Gabre.
Les dépôts d'archives que nous avons explorés, à cet égard, ne
conservent, sur les négociations auxquelles cet ambassadeur a été
employé, que des lettres isolées, et il nous a fallu, pour leur donner
une cohésion nécessaire, pour les éditer dans un ordre chronolo-
gique qui fût conforme au plan généralement adopté, réunir, en
une collection unique, des séries de dépêches disséminées dans les
fonds les plus divers
Les dépôts qui conservent les lettres de Dominique du Gabre.
entières ou à l'état d'extraits, originales (1) ou sous forme de copies,
sont nombreux.
En France, la Bibliothèque nationale possède dans le Fonds
français (2) un grand nombre de lettres, malheureusement éparses,
(1) Les lettres originales sont celles dont l'ambassadeur a dicté le texte à son
secrétaire, et au lias desquelles il a. d'abord, écril de sa main les formules de
politesse, puis apposé sa signature autographe.
(2) Les volumes de ce fonds, qui contiennent des lettres de du Gabre, portent
les cotes suivantes : F. Fr. 3111 -3125-3126- 15881—16079—20*53—20466- J0 iliô —
20512-20525-2) 545-20641-20642-20643—20644—20645—20970-23236.
tNTRODUCTION VII
qui permettent, dans leur ensemble, de suivre, pas à pas, le prélat
au cours de sa carrière, et de se rendre exactement compte de l'im-
portance de ses missions.
La même Bibliothèque possède aussi quelques lettres conservées
dans le Fonds latin (1).
Les archives du ministère des Affaires étrangères détiennent
également quelques lettres de l'évêque, et certains documents se
rapportant à la période qui s'écoula entre le rappel de du Gabre en
France et l'arrvée à Venise de son successeur « François de
Noailles» (2).
Enfin, la Bibliothèque de Grenoble conserve un précieux manus-
crit (3) qui nous a fourni un nombre inespéré de lettres. C'est un
fort volume grand in-octavo, mesurant trente centimètres sur vingt-
un, couvert en parchemin et portant sur la première feuille le titre
suivant :
((Lettres et Mémoires de
«Monsieur du Gabre, évêque de Lodève, ambassadeur à Venise;
de Messieurs de Lansac et de la Vigne, ambassadeurs à la Porte, es
années 1555-1556-1557, avec la harangue de M. de Belièvre à la
reine Elizabeth d'Angleterre en faveur de la reine d'Ecosse».
Les lettres contenues dans ce recueil sont toutes des copies trans-
crites sans souci de l'ordre chronologique.
En Italie, les Archives de l'État, à Modène (4), où ont été versées
en 1598 les archives de Ferrare, lors de l'annexion de cette dernière
ville aux États Pontificaux, nous ont fourni quelques lettres de du
Gabre adressées au duc de Ferrare.
La liste des ouvrages que nous avons dû consulter serait trop
longue à donner ici au complet. Il convient, cependant, de nommer
le recueil de Ribier (5), source d'une importance capitale pour
l'étude des négociations engagées à cette époque entre la France et
l'Italie, Ribier ayant reproduit un nombre considérable de lettres
expédiées par les principaux agents du roi, Messieurs de Lansac, de
Selve, du Gabre, etc. Toutefois, pour si précieux qu'il soit dans son
ensemble, le recueil de Ribier ne contient, de du Gabre, que sept
lettres, se rapportant, presque toutes, à son ambassade à Venise.
Quant aux autres sources, auxquelles nous avons dû puiser aussi,
(1) F. latin, cote 17026, correspondance des Évêques.
(2) Arch du ministère des Affaires étrangères, cote Venise, t. vu.
(3) Bibliothèque de Grenoble, N° 3i8.
(4) Arch. de Modène: série Cancelleria Ducale, Lettere di oratori Esteri in
Italia-Francia — Buste 7 ed 8 et série dei marchesi Fieschi di Ferrara — Buste 2A.
(5) Ribier, Lettres et mémoires d'État pour servir à I histoire de Henri [I,
2 vol. in-4°. Paris, 1666.
VIII INTRODUCTION
nous nous réservons de les indiquer au cours de cette publication,
et nous aurons soin de renvoyer, chaque fois, le lecteur aux
ouvrages et aux documents qui nous ont servi de guides à travers
les nombreux problèmes historiques ou biographiques qu'une
correspondance, embrassant une période aussi longue, ne pouvait
manquer de soulever.
III
C'est, dans cette partie de la vallée de l'Ariège, autrefois comprise
dans le comté de Foix, que la famille du Gabre prit anciennement
naissance.
La petite ville de Gabre (I) lui donna son nom. Nous y voyons,
dès le treizième siècle, apparaître un de ses membres, Fabre du
Gabre, comme représentant, en qualité de consul, sa communauté
dans un procès engagé entre la commanderie de l'ordre de Saint-
Jean, établie dans ce bourg, et les habitants, au sujet de certains
droit seigneuriaux (2).
A partir de l'époque où se place cet épisode, nous perdons trace
des du Gabre dans la région pyrénéenne (3), puis, un demi-siècle
plus tard, nous les retrouvons, tout à coup, dans la sénéchaussée de
Toulouse (4); mais, soudain, l'obscurité s'épaissit et, pendant un long
intervalle de deux cents ans environ, aucun document ne vient nous
aider à préciser l'histoire de la famille. C'est seulement vers le milieu
du xvie siècle qu'il nous est permis de la retrouver, cette fois déii-
nitivement établie dans un coin fertile et riant du pays toulousain.
Dominique du Gabre naquit à Grenade^ sur-Garonne (5). à une date
que l'histoire ne nous a pas conservée (6), d'un père qui avait trouve
(1) Gabre (Ariège), arrondissement de Pamiers, canton de Mas-d'Azil.
(2) Voir: Monographie d'une famille et d'un village, par M. Elisée de Robkbt-
Garils. — Toulouse, Ed. Privât, îS'.f'.i Cet excellent travail reproduit (Chap. \
et xi le texle d'une charte de 1293 où nous avons puise ce renseignement.
(3) M de Robert-Garils [Op. cit., p. 180} nous apprend que les arrima de
Gabre ont presque totalement disparu pendant les guerres de religion. M. Aristide
de Robert, actuellement maire de Gabre, qui a bien voulu explorer, sur notre
demande, ses archives particulières et celles de la commune qu'il administre,
nous informe aussi que ses recherches a l'égard de- origines de la famille du
Gabre sont restées infructueuses.
(4) L'Histoire générale <Ut Languedoc {t. \. p. 810, édit. Privât, 1888 . dans un
extrait des Comptes de la sénéchaussée de Toulouse, pour l'exercice 1336-1337,
mentionne un maître Raymond du Gabre.
— (5) Grenade sur-Garonne (Haute-Garonne^, chef-lieu de canton de 1 arrondisse-
ment d • Toulouse.
(6) Les archives de celle commune ne remontent pas au delà île 1584,
(Renseignement fourni par M. Rumeau, auteur d'une Monographie de Grenade-
sur-Garonne; Toulouse, Regnault et tils, 1819).
INTRODUCTION IX
fortune au greffe de la ville et viguerie de Toulouse (1). C'est dans
la ville de Grenade, ainsi que dans celle de Bussières-Buzet, en la
vicomte de Villemur (2), que s'étendaient les biens patrimoniaux de
la famille (3).
Les du Gabre, tels du moins que les documents nous apprennent à
les connaître, n'étaient pas dans l'opulence ; leur situation était celle
de gens de petite noblesse, aisés, possédant maison de ville et
quelques modestes domaines pour toute fortune (4). Par leurs ma-
riages, ils étaient alliés avec la plupart des familles nobles de la
contrée (5). Ce que nous savons des emplois occupés par les proches
parents de Dominique nous indique qu'ils vivaient étroitement
dans l'orbite du Parlement de Toulouse. C'est là que nous ren-
controns, en 1551, un Arnaud du Gabre (6) receveur des exploits et
amendes de la Cour, et un Georges du Gabre (7) conseiller clerc au
même Parlement, propre frère de notre évêque, qui institua ce
dernier son légataire universel (8).
Le jeune du Gabre, ne se sentant aucune disposition pour briguer
la survivance de son père dans la charge de greffier de la ville de
Toulouse, résolut d'aborder la théologie et de prendre la soutane.
Doué d'une rare intelligence et d'un penchant réel pour l'étude, il
conquit rapidement ses premiers grades et reçut les ordres sacrés.
Au début de sa carrière, en 1546, nous le rencontrons à Auch, où il
occupe les fonctions de vicaire général (9) auprès du cardinal de
Tournon (10).
(1) Société archéologique du Midi de la France, Bulletin N° 13, série in-8°,
pages 20 et 21.
(2) Ces lieux sont situés au bord du Tarn, à moitié chemin entre Gaillac et
Montauban.— Villemur, chef-lieu de canton, arrondissement de Toulouse (Haute-
Garonne).
1 3, Dominique du Gabre jouissait de ces biens en 1547. Par testament en date
du 3 février 1547 (par devant Jean Dabello , notaire à Auch), il en disposa en
faveur de son neveu Raymond du Gabre. (Communication due à l'extrême obli-
geance de M. l'abbé Galabert, curé d'Aucanville ^Tarn-et-Garonne), membre de
plusieurs sociétés savantes).
Nous aurions voulu retrouver l'acte de donation précité, mais les minutes de
Dabello ont disparu, ainsi que nous l'affirme M. Odier, notaire à Auch.
(!) Tous les biographes de du Gabre s'accordent, sans avoir vérifié ce point,
à lui attribuer une naissance obscure. Les actes sont là pour rectifier cette erreur,
et nous avons tenu à rétablir ici la stricte vérité.
(5) Les Puydorphille. de Capus, de Vaquiès, du Luc, etc. (Sommaires d'actes
intéressant la famille du Gabre, communiqués par M. l'abbé Galabert).
(6) Bibliothèque nationale. Fonds français 26103, N° 675.
(7) Bibl. nat., Cabinet des titres, pièces originales, volume 1261 (Dossier Gabre).
(8j Bibl. nat., Cab. des titres, etc. tTestamenten date du 14 janvier 1545).
(9) Revue de Gascogne, t. xxxi. p. 288. « Dominique du Gabre, vicaire général,
fut remboursé, le 22 décembre 1546, d'une somme de 95 livres 4 frs. 6 décimes,
restant due sur les 100 » livres qu'il avait prêtées au collège des Jésuites d'Auch.
(10) François de Tournon, cardinal d'Ostie, né à Tournon en 1489, mort le
X INTRODUCTION
Cette circonstance décide de son avenir. Le vicaire général trouve
dans le cardinal un ami sûr. et un protecteur qui s'entremet volon-
tiers auprès du Roi pour lui obtenir, coup sur coup, d'importants
bénéfices et de hautes dignités. C'est lui qui va lui faire franchir
rapidement les étapes de sa carrière ecclésiastique et qui, dans
quelques années, sera l'auteur de son élévation au poste d'envoyé
français en Italie.
Dominique du Gabre est pourvu de la commanderie de Bailleul,
en Normandie, reçoit la charge de protonotaire apostolique en cour
romaine , devient premier aumônier du Roi à la cour (1) et évêque
de Lodève (2). L'évêché de Lodève lui fut attribué à la suite de la
cession que Guido Ascanio Sforza(3)lui fit de ce siège, dont il venait
d'être, un an à peine, le titulaire, en échange de la commanderie de
Bailleul et du prieuré de Saint-Saëns, au diocèse de Rouen (4).
Il prit possession du siège de Lodève le 8 juin 1547(5); mais,
médiocre observateur des devoirs de sa charge, il ne daigna point
s'astreindre à résider continuellement dans son modeste diocèse ;
par goût autant que par calcul, il s'arracha à l'engourdissement de sa
ville épiscopale, et alla vivre à Paris. Là, en effet, tout en jouissant
des délices de la Cour de Henri II, en fréquentant à la ville, en
étendant ses brillantes relations, en demeurant étroitement rivé à
la haute personnalité de son influent protecteur, il pouvait, mieux
que du fond de sa province, assurer son avenir.
Les fréquentes absences de du Gabre sont manifestement consta-
tées par les procès-verbaux des sessions des États de Languedoc.
22 avril 1562, lut employé aux plus importantes affaires sous François I" et
Henri II. « Les Guises le firent envoyer comme ambassadeur à Rome, où il créa
des ennemis à Cliarles-Quinl. Il rentra en France à la mort de Henri II, fut
archevêque d'Embrun doll), de Bourges (1525 . d'Auch (1531;, de Lyon (15511,
cardinal'( 1531) et ministre d'Etat.
(1) Gallia christiana, t. v.— Ffsquet, La France pontificale idiocèse de Lodève.
Collection du Languedoc (Bénédictins), vol. 41, fol. 225. — Histoire de Saint-
Germain-cles-Prés, par D. Bouillard. Paris, 1724, page 190.
(2) Lodève, chet-lieu d'arrondissement du dép. de l'Hérault, siège d'un évèclié
sous l'ancien régime.
(3) Guido Ascanio Sforza, né à Rome en 1518, de Bosio, comte de Santa Fiore
et de Constance Farnèse, bâtarde de Paul III. Ce pape le lit cardinal à I" ans,
évêque de Parme, de Lodève, légat de Bologne et d'Emilie, ambassadeur en
Hongrie, etc. Il mourut à Cumedino, province de Mantoue, le 7 octobre i
(4) FisyuET, La France pontificale (diocèse de Lodève), p. 426.
(5) L'Histoire de la VUle de Lodève, par Ernesl Martin i Montpellier, Serre et
Roumégous, 1900, 2 vol. in-8°), apporte à cet égard (t. n, p. 3691 un très précis
témoignage; c'est une note retrouvée dans le livre de raison de la famille La
Treilhe de Fozières, ainsi conçue: « Le huictièsme juin de l'an mil cinq cents xmi
print possession de Lodève, Dominique du Gabre. bien désiré ; c'estoit merveilhièa
de veoir partant du cliasteau du Seigneur de Soubez et Casilhiac, un dimenge
au matin ».
INTRODUCTION XI
L'évêque n'assiste pas à la session de 1548 (I); se fait représenter
par son vicaire au concile tenu à Narbonne le 10 novembre lool (2),
ainsi qu'aux États de Béziers le 15 novembre 1552 (3 • Par exception,
il siège aux États à Beaucaire en loW (4j, et à Pézenas en 1551 '•">>.
Il ne perd pas, d'ailleurs, entièrement son temps ; s'il néglige ses
devoirs spirituels, il soigne ses visées politiques ; il cherche la voie
qui doit le conduire à la fortune. Ses vœux vont bientôt être exau-
cés ; vers la fin de 1551, le Roi décide de lui confier un emploi ; il le
nomme trésorier général des armées en Italie, avec résidence à
Ferrare.
Située au centre d'une plaine fertile, Ferrare était, sous les princes
de la maison d'Esté, un des principaux foyers intellectuels et
politiques de l'Europe (6). A l'inverse de Venise, où aboutissait tout
le trafic étranger et où s'opéraient les transactions commerciales de
l'Europe avec le Levant, Ferrare était dépourvue de négoce ; la ville
était triste et peu animée, bien que sa population égalât celle de
Rome; son Université, seule, lui donnait un semblant d'activité et de
vie (7). Aucune Cour n'était, cependant, plus brillante que celle de
Ferrare, où régnait Hercule II, marié à la fille de Louis XII et d'Anne
de Bretagne, la sensible Renée de France (8), si accueillante aux
lettrés et aux poètes de sa patrie.
A l'époque où M. de Lodève arriva à Ferrare, Henri II, excité par
les conseils de François de Guise et de Charles, cardinal de Lorraine,
poursuivait la détestable politique à laquelle s'étaient voués, avant
lui, Charles VIII, Louis XII et François Ier, politique qui consistait à
guerroyer, sans cesse, en Italie, sous prétexte de garder un pied dans
la Péninsule. L'Italie était, depuis longtemps déjà, le théâtre où se
livraient, du nord au sud, de continuels combats entre Français et
Impériaux, sans succès pour nos armes, mais pour le plus grand
dommage de notre prestige et aussi de nos finances qui s'épuisaient
chaque jour davantage dans cette ruineuse aventure.
Les événements allaient prendre une tournure décisive, lorsque
(1) États au Puy. «Un seul évéque y assiste, celui de Montpellier», (llist.de
Languedoc de D. Vaissette, édit. de Toulouse, 1878, t. xi, p. 291).
(2) Hist. de Languedoc, ut supra, p. 296.
(3) Hist. de Languedoc, ut supra, p. 309.
(4) Hist. de Languedoc, ut supra, p. 291 .
(5) Hist . de Languedoc, ut supra, p. 292.
(6 Sur Ferrare pendant le rè^ne d'Hercule II, voir notamment le Bulletin de la
Société de l'Histoire du Protestantisme français, N° 4, 15 avril 1872. (Article de
M. Jules Bonnet : Clément Marot à la Cour de Ferrare;.
(7) E. Rodocanachi, Renée de France, duchesse de Ferrare; un vol. in-8". Paris.
Ollendort', 1896.
(8) Née à Blois le 25 octobre 1510, morte à Montarids le 15 juin 1575.
XII INTRODUCTION
du Gabre arriva à son poste. C'était pendant l'été de 1551. L'Empe-
reur et le nouveau pape Jules III venaient de s'unir, et leurs deux
armées, alliées, avaient envahi le duché de Parme énergiquement
défendu par les troupes françaises.
En raison d'une situation aussi grave, c'était bien un poste de
confiance que le Roi accordait à M de Lodève. Les fonctions du pré-
lat devaient y être complexes, il fallait, pour les remplir dignement,
une intelligence supérieure, un tempérament souple, de la finesse
et du tact. Le cùté apparent de la mission consistait à régler les
dépenses de l'armée, mais, en dehors de cette partie purement
administrative de son rôle, l'envoyé français avait un autre mandat
à accomplir. Du poste d'observation où il était placé, il devait re-
cueillir toutes les informations utiles, les transmettre secrètement
«
au Roi ou au Connétable, surveiller les opérations de guerre dans le
Parmesan et le Siennois : enfin, il devait, par sa diplomatie, conduire
le Pape et le duc de Ferrare à entrer dans une ligue avec la France
contre les Espagnols.
A peine arrivé à Ferrare. du Cabre s'initie aux événements avec
le zèle d'un homme qui se rend compte des difficultés de la situation.
Il s'efforce, avant tout, de plaire au Duc de s'insinuer dans ses
faveurs, puis il tente de s'entremettre adroitement auprès de lui
pour l'amener, peu à peu. à conclure le traité d'alliance qu'il avait
mission de lui faire signer.
Lorsque le moment lui parait opportun, du Gabre rédige, eu effet,
un projet, mais ses clauses secondent en apparence les intérêts du
Duc. Elles étonnent au premier abord (1).
Ce projet (qui servira pourtant un jour de modèle et recevra
sa sanction définitive en 1555 attire à M. de Lodève des blâmes el
des moqueries : on le soupçonne de complaisance envers le Duc, on
l'accuse presque de trahison (2 .
Du Cabre prend l'alarme, et redoute que cette affaire ne lui vaille
un désaveu ou ne lui coûte une disgrâce : il se disculpe auprès du
Roi : « Sire, lui écrit-il. je vous supplieray tant el si humblement
que je puis de pardonner ma trop grande affection qui m'a ainsi
transporté à vouloir bien taire, et je serai doresnavant plus retenu
en telles choses etmettray peine en aultre endroit <le vous taire tant
de service qu'il effacera toute l'erreur dont on me veut reprendre
Il prend également M. de Beauregard \ h témoinde sa déconvenue:
(lï Voir à l'Appendice ce document reproduit in extenso avec les curieuses
annotations de M. de Lodève.
(2) Voir à l'Appendice I»1 pamphlet rédigé par Morvillers à propos de ce projet
d'alliance.
(3) Gabre au Roi; de Ferrare, il avril 1553. Bibl. nul., Fr. 20453, toi. 161 .
i) M. de Beauregard, conseiller du Roi, secrétaire des finances
INTRODUCTION XIII
«Je ne m'excuseray jametz, dit-il, d'avoir fait fa ul te en cette pra-
tique pour avoir voulu faire advantage à M. le Duc, car s'il est
permis de le dire comme de le faire pour le service de son prince, je
cuydois l'avoir bien embarqué et surpris avec promesses qui ne
costoient rien au Roy, et si vous l'eussiez prins au mot, il estoit
bien empesché de s'en retirer» (1).
Heureusement pour du Gâbre, on ne lui tient, à la Cour, aucune
rigueur de cette négociation avortée; sa faveur grandit au contraire.
Le Roi le comble d'éloges, il lui confie bientôt une autre mission,
celle de réaliser divers biens immobiliers appartenant à la reine
et d'en verser le produit au Trésor (2i. • Nous ne saurions faire, dit
Henri II, meilleure élection pour cet effet, que des personnes desditz
évêques de Lodève et sieur de Selves, pour la bonne et entière
confiance que nous avons de leurs personnes et de leur sens, vertu,
probité, loyaulté, expérience et bonne diligence».
Le nuage étant, désormais, complètement dissipé, du Gabre reste
à Ferrare une année encore, et s'y crée de solides relations ; tous ses
instants sont pris par les affaires de guerre, que les embarras des
finances françaises et les exigences croissantes des prêteurs d'argent
rendent de jour en jour plus difficiles La situation du Trésor est à
ce point critique, la gêne est si aiguë que Lodève écrit au Connétable
pour lui exposer cette lamentable confidence : « Vous pouvez faire
estât que les garnisons du Roy n'auront point d'argent de ce moys
qui sera la première paye qu'on aura faillie » (3).
Cependant ces graves soucis ne lui font point négliger ses intérêts
particuliers, il poursuit maintenant un but: quitter la résidence de
Ferrare et s'élever jusqu'à l'ambassade de Venise dont le voisinage
lattire. Il cherche à s'imposer par ses mérites ; mais il fait aussi
étalage de zèle ; il occupe son temps à régler des différends intimes.
Le cas de la duchesse de Ferrare l'intéresse et l'excite par dessus
tout. Faire rentrer dans le giron de l'église catholique cette prin-
cesse du sang de France, qui prête une oreille attentive à l'austère
voix de la Réforme, telle est la tâche délicate que l'évêque prétend
entreprendre. Tentative délicate en vérité ! Il s'agit de détruire en
quelques pieux entretiens les ravages que, jadis, Marot par sa verve
badine, puis Calvin par son dogmatique apostolat, avaient produits
dans lame naïve de la duchesse.
(1) Gabre à M. de Beauregard ; de Ferrare, 3 mai 15S3. Bibl. nat, Fr. 20453,
fol. 1691.
(2) Pouvoir donné à Fontainebleau le 28 novembre 1553. (Ms de Grenoble-
fol 19 .
(3) Gabre au Connétable; de Ferrare, 10 novembre 1553. (Bibl. nat.. Fr. 20453,
fol. 185).
XIV INTRODUCTION
A la fin du séjour de du Gabre à Ferrare, la situation est plus
grave que jamais ; Renée est, maintenant, une hérétique militante:
elle raille la religion catholique, n'entend plus la messe et prétend
faire partager ses idées réformatrices à ses deux tilles.
Le roi de France s'émeut, il envoie à Ferrare, pour réduire la
duchesse, le chef même de l'Inquisition du royaume, le redouté
Ory (1), mais elle reste inébranlable, ne cède ni à la persuasion, ni
aux menaces ; on la traîne devant le Tribunal d'Inquisition, on la
jette en prison, elle refuse d'abjurer ses nouvelles croyances.
Depuis le 7 septembre, elle est incarcérée au Palais San Francisco,
lorsque Lodève entre en scène ; il visite la prisonnière, la rassure,
l'exhorte à la conversion, mais elle résiste, se montre défiante,
soupçonne du Gabre d'être « tout de Monsieur le Duc» (2). Cela
suffit pour qu'elle ne veuille entendre aucune raison.
Peu à peu, du Gabre s'insinue davantage, il se montre plus élo-
quent et obtient le succès qu'il attendait; la duchesse abjure, entend
la messe et promet de communier dès que sa conscience y sera
disposée.
Tous ces événements avaient profondément refroidi les rapports
d'Hercule et de Renée ; du Gabre veut rétablir l'union dans ce nit-
nage ; il obtient du Duc qu'il ait une entrevue avec sa femme et
reprenne avec elle la vie commune.
Tout est rentré dans l'ordre à Ferrare, lorsque le Roi fait connaître
à M. de Lodève qu'il lui conlie la char^r d'ambassadeur auprès de
la République de Venise (3) en remplacement d'Odet de Selve (i),
transféré à l'ambassade de Rome.
Pour si flatteuse qu'elle fût, une telle fonction était loin d'être
purement honorifique ; il n'était, peut-être, aucun poste plus con-
voité à cette époque, mais il n'en existait point qui exigeai plus de
souplesse et de tact que celui d'ambassadeur à Venise.
Cette charge élevée avait été de tout temps brillamment occupée
par nos agents; on avait vu s'y succéder : l'évèque de Kioux. Jean
(1) Le docteur Ory. ancien prieur des Frères prêcheurs de Paris, inquisiteur
<lc la foi en France, en vertu de lettres patentes du Roi et d'un bref du Pape,
fut, à diverses reprises, chargé de semblables missions par l'Église chaque fois
qu'il s'agissait de combattre l'hérésie dans les nouveaux foyers où elle se déclarait.
(2) Gabre au cardinal de Tournon ; de Ferrare, 1er septembre 1554. Arrh. de
Modène).
(3) Dépèche du Roi à du Gabre : de f.ompiè-ne. •"> septembre 1554 (Ms de
Grenoble, toi. 82 r°). Voir cette lettre à l'Appendice.
l Odel de Selve, fils de Jean de Selve, 1er Président au Parlement de Paris et
ambassadeur, extraordinaire en Angleterre sous François lor. il tut. d'abord.
conseiller au Parlement de Paris, puis successivement ambassadeur auprès de
Henri Vlll 1546), à Venise (1550), à Rome (1584 : rappelé en France âpre- la inw
INTRODUCTION XV
de Pins (1) (1517-1522) ; l'évêque de Bayeux, Canossa (2) (1525-1528);
Févêque d'Avranches, Jean de Langeac (3j (lo.;S 1530 -, Lazare de
Baïf (4) (1531-1533) ; l'évêque de Lavaur, Georges de Selve (5) (1533-
1537): l'évêque de Bodez, Georges d'Armagnac (6' (1535-1539);
Guillaume Pélicier, évèque de Montpellier (1540-1542); Jean de
Morvillers (7), évêque d'Orléans (1545 1550) ; Odet de Selve (1550-
1554); tous hommes éminents, diplomates avisés et fins, pour
la plupart humanistes et lettrés, qui avaient rendu, tour à tour,
autant de services politiques que littéraires à leur pays.
La succession de semblables diplomates aurait paru lourde à tout
autre que du Gabre. Celui ci est de taille à l'accepter; sa réputation
n'est plus à faire. Odet de Selve, qu'il va remplacer, s'est porté
garant, un an auparavant, de ses mérites. Il avait écrit ceci au Con-
nétable : « S il vous plait de vous servir de M. de Lodève, la suffisance
duquel vous congnoissez et que vous avez employé et employez
tous les jours à beaucoup de grandz affaires, vous ny mettrez
poinct un apprentif, car il scayt de toute l'Italie plus que moy et de
ceulx d'icy tout aultant que moy pour la communication que nous
en avons eue toujours ensemble» (8).
Le nouvel ambassadeur reçoit ses instructions vers la fin de sep-
de Vaucelles (1556\ il prit part aux États d'Orléans 1560) et mourut en 1563. Il
était frère de Lazare de Selve, chargé de missions diplomatiques en Suisse . de
Georges de Selve, évêque de Lavaur, son prédécesseur aux ambassades de Venise
et de Rome ; de Jean-Francisque de Selve, panetier du Roi : de François de Selve,
évèque de Saint-Flour.
(d) Jean de Pins, né à Toulouse, conseiller clerc au Parlement de cette ville,
ambassadeur à Rome en 1519, évèque de Rieux en 1523, ambassadeur à Venise,
mort le 1er novembre 1537.
(2 Louis de Canossa, de la famille noble de ce nom, évèque de Rayeux (sept.
1516), mort en 1532.
(3) Jean de Langeac, comte et prévôt de Rrioude, aumônier du roi, abbé de
Saint-Gildas-au-Rois (1505). de Saint-Lo (1523). de Pibrac , 1525\ conseiller du roi
(1526). successivement ambassadeur en Portugal, Hongrie, Ecosse, Venise. Suisse,
Rome, évêque d'Avranches (.1526;, de Limoges fl533), mort le 27 juillet 1541.
(4) Lazare de Raïf, savant diplomate, né vers la fin du xv siècle, au château
de Pins, près La Flèche (Sarthe), ambassadeur à Venise, conseiller au Parlement
de Paris (27 mars 1533), ambassadeur en Allemagne <1539 . mort en 1547.
(5) Georges de Selve, troisième fils du Président de Selve, né en 1506, mort le
15 avril 1542.
^6) Georges d'Armagnac, né en 1505. évèque de Rodez 1529^. cardinal (19 déc.
1544 . archevêque de Toulouse (1547, ambassadeur à Venise et à Rome; rappelé
en France sous Charles IX. il devint lieutenant général au gouvernement de
Languedoc, archevêque d'Avignon (1577 et y mourut le 5 juin 1585.
7 Jean de Morvillers, né à Rlois en 1507, doyen de Rourges et d'Évreux,
conseiller au grand Conseil, maître des requêtes, ambassadeur à Venise, évèque
d'O'léans. conseiller au Parlement, le 23 janvier 1557, garde des sceaux en 1568,
mort à Tours le 23 octobre 1577.
(8) Ribl. nat.,Fr. 20456, fol. 83. (De Selve au Connétable; Venise, 4 août 1553 ).
XVI INTRODUCTION
tembre (1), prend congé de la Cour de Ferrare et gagne, en hâte, sa
résidence. D'ailleurs, le temps presse de se mêler, sans perdre une
minute, aux graves affaires dont il reçoit mission de s'occuper.
Les circonstances, en effet, n'étaient pas, à cette heure, exemptes
de difficultés. La lutte continuait plus âpre, plus acharnée que
jamais entre le roi de France et Charles-Quint; nul ne pouvait en
entrevoir la fin prochaine. Ni les insuccès éprouvés par les troupes
françaises, ni le lent épuisement du Trésor ne parvenaient à vaincre
l'opiniâtreté d'Henri II ; rien ne pouvait, d'autre part, réduire
l'ambition effrénée de l'Empereur. Dans ces conditions, il était
impossible aux plus clairvoyants de conjecturer auquel des deux
monarques, la Péninsule, sur le sol de laquelle ils se mesuraient,
si furieusement, appartiendrait désormais.
Les positions des belligérants étaient solidement acquises: Naples
et Milan obéissaient à l'Empereur; le Piémont était soumis à la
France; Sienne, toujours défendue par l'intrépide Montluc, persis-
tait dans sa glorieuse révolte. Seule, Venise conservait, au milieu
des provinces agitées, une impassible neutralité.
Telle était, à grands traits, la situation en Italie, au moment où
le pape Jules III (2), pontife gagné à la cause de l'Empereur, rendait
le dernier soupir après un règne de six années.
Son successeur immédiat, Marcel II 3), n'ayant occupé que quel-
ques jours le trône de Saint-Pierre, sa mort prématurée remit en
question l'élection d'un nouveau pape. Les Français et les Impé-
riaux attachaient une importance décisive à cet événement, car le
Sacré-Collège étant composé par fractions égales de créatures du
Roi et de l'Empereur, de son choix dépendrait, peut-être, le sort des
armes, suivant que le nouveau pontife ferait pencher son influence
du côté de l'un ou de l'autre des ennemis (4).
La France ne cachait pas ses préférences pour le cardinal d'Esté
et le soutenait de tout son appui (5); de leur côté, les Impériaux se
livraient aux plus habiles intrigues pour assurer le succès d'un
cardinal dévoué à leur politique. Mais l'accord ne parvint pas à se
(1) Cliantereau, secrétaire de M. do Selve, écrit de Venise au Connétable
(26 septembre 1554), qu'il a informé la seigneurie du choix que le Roy a fait de
M. de Selve pour son ambassadeur à Rome, el de M. de Lodève pour Venise
(Bibl. nat , Fr. 23521, fol. 129).
(2) Jules III, Jean-Marie del Monte, né à Arezzo le 10 septembre 1487, arche-
vêque de Syrente, élu pape le 8 février 1550. Il rétablit et continua le concile de
Trente auquel il avait assiste sons Paul III comme légat. Il mourut le 23 mars
1555.
('.\- Marcel II, Marcel Cervin, né à Montepulciano, cardinal du titre deSainl
en 1539, élu pape le 9 avril 1555, mourul d'apoplexie le 30 avril 1555.
(4) Le Conclave se réuni! le 15 mai.
(5) Le cardinal Hippolyte d'Esté, frère du duc de Ferrare.
INTRODUCTION XVII
faire; des luttes acharnées divisèrent huit jours entiers le Conclave
et, au bout de ce temps, ce fut le cardinal Carafa, combattu par les
cardinaux impériaux, qui sortit vainqueur du scrutin et fut proclamé
pape sous le nom de Paul IV (1).
Notre politique en Italie devait recevoir avec ce pontife une orien-
tation nouvelle. Paul IV, en effet, n'avait jamais fait mystère de ses
sentiments d'inimitié envers Charles-Quint ; on pouvait donc con-
jecturer qu'il ne tarderait pas à prendre bientôt parti dans la lutte
et qu'il mettrait, dans ce cas, au service de la France, l'influence qui
était l'apanage de la papauté. Ces prévisions ne tardèrent pas à se
réaliser.
A peine élu, il manifestait nettement l'intention de contracter un
traité d'alliance avec Henri II. C'était là un événement considérable;
Paul IV inaugurait son règne par un acte réfléchi de politique
belliqueuse.
Cependant, il importait au pape de trouver en Italie un troisième
allié. Le duc de Ferrare lui semblait qualifié pour entrer dans la
coalition; mais une sérieuse difficulté s'élevait entre Hercule et le
pape qui rendait les pourparlers momentanément impossibles.
Paul IV n'avait pu pardonner au cardinal Hippolyte, frère du duc,
d'avoir été son rival au Conclave et lui avait intimé l'ordre de quitter
Rome pour se retirer à Ferrare. Cette disgrâce était une si grave
offense faite à la cour d'Esté cpie, tant qu'elle ne serait pas réparée,
le Duc ne pouvait seconder les projets du Saint-Siège.
Du Cabre, en diplomate avisé, voit dans cet incident une occasion
de temporiser : « Votre excellence, écrit-il à Hercule, ne se doist
pas monstrer altérée de la rigueur tenue au mondit sieur le Cardinal,
mais laisser passer quelques jours pour voir ce qui succédera du
cousté de Rome et des Impériaux » (2).
L'attitude réservée de Lodève était sage ; le prélat jugeait avec un
sens très exact les dangers de l'aventure dans laquelle la France
allait s'engager.
Cependant, le pape ne tint pas longtemps rigueur au cardinal
d'Esté; le frère d'Hercule rentra en grâce et, aussitôt, le pontife et
l'ambassadeur français mirent leurs signatures au bas du projet
cher à Paul IV (3). Pour en ratifier les clauses, Henri II pnvoya à
Rome, en qualité de plénipotentiaires, deux cardinaux choisis
parmi les plus considérés du royaume : Charles de Lorraine, arche-
vêque de Reims et pair de France, et le cardinal de Tournon.
I On consultera sur Paul IV et son pontificat l'excellent ouvrage de M. Georges
buRUY, Le cardinal Carlo Carafa. Paris, Hachette, 1S82.
(2) Gabre au duc de Ferrare; de Venise, 14 septembre 1555. àrch. de
Modènej.
(3) A la date du 15 octobre 1555.
XVIII INTRODUCTION
Ces deux négociateurs arrivèrent à Rome vers la fin d'octobre; ils
y furent reçus avec une magnificence extraordinaire; on leur donna
l'hospitalité au Vatican ; des fêtes splendides furent célébrées en
leur honneur. Au bout de six semaines consacrées à l'examen des
articles du traité, les clauses en furent acceptées de part et d'autre,
et le document définitif, stipulant formation d'une ligue offensive
enlre le pape et le roi de France, fut signé le io décembre.
La mission du cardinal de Lorraine n'était pas limitée à cette
seulenégociation ; elle avait aussi pour objet de décider le duc de Fer-
rare à entrer dans la ligue. Le cardinal partit dans ce but de Rome
vers la fin de décembre, mais, au lieu de se rendre directement à la
cour d'Esté, il fit un détour vers Venise, où l'attendait Lodève, espé-
rant obtenir, en passant, de la prudente République qu'elle adhérât
à l'alliance.
Du Gabre connaissait trop bien la seigneurie pour s'illusionner
sur l'issue des efforts que tenterait le cardinal ; il donna au Roi son
avis et ne lui laissa pas ignorer que la République ne prendrait
jamais parti entre le Pape et l'Empereur (I).
Entre temps, le duc de Ferrare se montre froissé de ne recevoir
qu'après la seigneurie la visite de l'envoyé d'Henri II ; il s'en plaint
à du Gabre en termes véhéments, et, n'écoutant que sa colère,
réclame le remboursement immédiat de trente mille écus que, six
semaines auparavant, il avait prêtés au roi de France. Lodève, témoin
d'un semblable dépit, craint que le Duc ne passe dans le camp de
l'Empereur (2).
Cependant le Saint-Siège attachait une importance capitale à
l'entrée de la République de Venise dans l'alliance. Le neveu de
Paul IV, le cardinal Carafa, résolut d'aller lui-même vers la seigneurie
pour préparer les voies au cardinal de Lorraine. Carafa formula
les propositions les plus séduisantes, offrit même Ravenne(3) aux
Vénitiens ; mais, toujours fidèle à son système, la seigneurie ré-
pondit à cette ouverture « qu'elle avait advisé de différer son entière
réponse », et qu elle conformerait sa conduite à ce que Dieu lui
inspirerait» (4).
Sa mission ayant échoué, Carafa quitta Venise le 11 janvier. Le
cardinal de Lorraine, à son tour, y arriva le 16, et y lut reçu avec
une telle pompe que du Gahre, émerveille, ne put s'empêcher
(I) Gabre au Roi; de Venise, i janvier 1556. Bibl. nat., Fr. 80456, fol. UT .
(2 Gabre au cardinal deToumon: de Venise, i janvier 1556. (Bibl. nat.. Pr.
20644, fol. 8 .
(3) Gabre an Roi : de Venise. 5 février 1556. Msde Grenoble, \>- H)
i /</ . ibid.
INTRODUCTION XIX
d'écrire qu'il n'avait jamais vu chose plus splendide que cette
réception (1).
Mais, malgré sa splendeur, cette manifestation n'impliquait point
l'idée d'un changement quelconque dans la politique traditionnelle
des Vénitiens. Le cardinal de Lorraine se butta, comme Carafa,
contre l'opiniâtreté de la seigneurie; il partit donc , sans avoir
rien pu obtenir, pour Ferrare, où il trouva le Duc résolu, cette fois,
à adhérer au traité d'alliance contre les Impériaux.
Ce traité, dont la négociation avait coûté tant d'efforts, semblait
devoir lier pour longtemps les trois contractants. Il n'en fut pas
ainsi. A peine conclu, la nouvelle se répandit, tout à coup, que le roi
de France et Charles Quint s'étaient mis d'accord pour signer, le
3 février, à Vaucelles, une trêve de cinq années.
Un tel bruit était fait pour surprendre nos agents. Lodève en reçut
la confirmation officielle par une lettre du Roi (2) qui, dès l'abord, le
frappa de stupeur. Mais, après une plus attentive réflexion, il se
rangea sans hésiter du côté de la paix. Il savait, par expérience, que
les intérêts de l'Italie étaient nettement contraires à ceux de la
France. « Excusez-moi, Monseigneur, écrit-il (3). si je vous diz deux
mots de mon advis sur tous ces broillements d'Italie, car, ayant veu
durant ces guerres les procédés de ces potentatz et de ceste nation
envers le Roy quand ils l'ont veu en grand travail pour leurs affaires
propres; j'ai désiré souvent une chose que, Dieu mercy, je veoy
aujourd'hui; c'est de les veoir en nécessité et avoir besoin du Roy
et que Sa Majeté se peut passer d'eulx. La ligue du pape et la cap-
pitulation de Ferrare ont esté faites au temps de notre nécessité et
il est impossible qu'il n'y ait quelque chose trop désavantageux
pour le Roy, car nous estions contraincz de s'accommoder à toutes
leurs volontez, et maintenant, Dieu mercy, c'est à eux à s'accom-
moder aux nôtres •>.
Si tel était, sur la trêve, le judicieux avis de M. de Lodève, le
cardinal Carafa pensait tout différemment. Le neveu de Paul IV se
sentait atteint dans son amour-propre et ruiné dans ses espérances.
L'alliance, qui était son œuvre, lui avait coûté trop de labeurs pour
qu'il en acceptât gaiement la rupture. Il résolut de faire revenir le
roi de France sur la trêve qu'il avait signée à Vaucelles. Certes, le
(1) Gabre au Connétable; de Venise, 17 janvier 1556. (Bibl. nat., Fr. 20644,
fol. 54).
(2) Gabre au duc de Ferrare ; de Venise, 19 février 1556. (Arcli. de Modène).
(3) Gabre (lettre sans adresse, mais vraisemblablement au Connétable), de
Venise, 26 mai 1556. (Bibl nat, Fr. 3126, fol. 99).— Dans cette dépêche, lévèque
de Lodève informe son correspondant du départ du cardinal Carafa pour Paris,
en vue de négocier avec le Roi pour rompre la livvedeVaucelIes.il conviendra,
dit-il, de bien le caresser, mais il faudra conseiller à Sa Majesté de rester
inébranlable pour maintenir la trêve.
XX INTRODUCTION
plan était hardi, mais le rusé cardinal se sentait de taille à l'exécuter.
Il se fit donner par son oncle le titre de légat, quitta Rome le 11 mai,
s'embarqua pour Marseille à Civita-Vecchia et arriva à Paris le
15 juin.
Reçu d'abord, à Fontainebleau, par Henri II, puis, à Paris, par le
Parlement, le Clergé et la Noblesse, choisi par le Roi comme
parrain d'une princesse qui venait de naître, comblé d'honneurs
à la Cour, il manœuvra avec tant d'habileté qu'il triompha aisément
de la faiblesse royale. Grâce à ses intrigues, la trêve, signée pour
cinq années, avait à peine duré trois mois, et l'alliance belliqueuse
conclue entre le Saint-Siège, la France et Ferrare devenait un fait
accompli.
Cependant un succès aussi inespéré ne suffisait pas à l'ambition
de Carafa. 11 voulait, encore, tenter un suprême effort pour attirer
Venise dans la ligue. Dans ce but, il députa auprès de la seigneurie
son frère Antonio, mais, du (ïabre, comme toujours, se montre
sceptique à l'égard des résultats de cette négociation. «Je m'attends.
Sire, écrit-il au Roi (1), qu'il n'y aura de ces seigneurs que réponse
courtoise, mais elle sera tellement générale que cela ne les obligera
à rien qui soit ; et, après, ils se rangeront selon le temps et 1 occa-
sion»; puis, diins une phrase expressive, il trace de la seigneurie
le portrait suivant: «C'est, dit-il, un corps qui est composé de
plusieurs testes, et il y en a de bien grossiers et d'aucuns bien
habiles et grands personnages, mais, tout assemblé, ils font un -
et grand prince ; ils ne veulent point de guerre, s'il est possible. «'I
n'ont pas tort, et, avant de se mouvoir et rien faire, ils verront les
occasions bien grandes et se gouverneront toujours selon le temps».
Carafa ne tarda pas à vérifier par lui-même l'exactitude de ce
jugement; il arriva lui-même à Venise le -I décembre 2 . eut une
première, puis une seconde entrevue avec le Conseil, y employa les
arguments les plus persuasifs, mais ce fut, comme toujours, peine
perdue et du I labre formula son opinion personnelle en ces termes:
« Je ne crois pas qu'ils soient pour rien faire avec le pape, ni pour
ceci, ni pour cela » (3).
N'ayant rien pu obtenirde la seigneurie, le neveu de Paul IV quitta
Venise et se rendit à Bologne, où il avait à prendre de graves dis-
positions avant l'arrivée imminente d'une armée française en Italie.
Sous le commandement du duc de Guise, celte armée arriva à
Reggio dans les premiers jours de février; le duc Hercule. Carafa et
i Gabre au Roi; île Venise, 3 juillet 1556. Ribikr, i. m. toi. i
2 Cabre au Roi; de Venise. 23 décembre 1556. [Bibl. nat., Fr. 3111, fol 78
(3) Gabre, à M. de Selve; de Venise. 2 janvier 1557. Ms.de Grenoble,
fol. 51).
INTRODUCTION XXI
du Gabre allèrent à sa rencontre, et Guise, au nom du Roi, investit
solennellement le duc de Ferrare du titre de lieutenant général de
la Ligue.
Mais des dissentiments ne tardèrent pas à s'élever entre Carafa et
le duc de Guise à propos du plan de la campagne prochaine ; Guise
tenait pour que la Lombardie fût le théâtre des opérations; le
cardinal, au contraire, voulait que l'armée française défendît d'abord
les États de l'Église. Le duc de Guise, soit faiblesse, soit calcul,
abandonna le plan qu'il avait primitivement conçu et se rallia aux
desseins du cardinal. La faute était impardonnable ; joué par Carafa
qui lui promettait des renforts et ne les envoyait jamais, réduit, dès
lors, à ses propres ressources, notre général fut défait à Civitella et
forcé de battre en retraite devant les forces supérieures que com-
mandait le duc d'Albe.
A cet événement inattendu, en succéda un autre plus douloureux
encore. Le 25 août, la nouvelle arriva à Venise de la défaite éprouvée
le 10 août, près Saint-Quentin, par l'armée française.
Du Gabre communique au duc de Ferrare les tristes détails qui
lui parviennent sur ce lamentable échec (1). Le connétable de Mont-
morency, blessé au côté, est fait prisonnier avec le maréchal de
Saint-André et d'autres gentilshommes (2); le fils du Connétable est
mort sur le champ de bataille.
A cedésastre s'ajoutaient d'autres préoccupations ; Philippe, enivré
par sa victoire, ne serait-il pas tenté de marcher sur Paris? Ne
viendrait il pas dicter lui-même au Roi les conditions de la paix
sous les murs de la capitale?
Telles étaient les inquiétudes qui agitaient du Gabre lorsqu'on
apprit à Venise le rappel du duc de Guise et de l'armée dont il avait
le commandement. A cette nouvelle, Lodève ne peut maîtriser son
indignation. Comment oser, écrit-il au duc de Guise, abandonner
tout à coup l'Italie et les amis que le Roi a si chèrement achetés et
pour lesquels il a fait tant de dépenses (3) !
Entre temps, le pape faisait brusquement volte face ; il chargeait
son légat à Venise, le cardinal Trivulce, d'agir auprès de la seigneu-
rie pour qu'elle obtînt du roi d'Espagne la cessation des hostilités.
Paul IV voulait, en somme, dénoncer simplement le traité qui le
liait avec la France. « Il y a apparence, écrit du Gabre à ce propos,
que le pape et ses neveux, voyant l'adversité advenue au Roi,
craignent d'être abandonnés de Sa Majesté».
(1) Gabre au duc de Guise ; de Venise, 22 août 1557. (Bibl. nat., Fr. 23230,
fol. 553, et Mémoires du duc de Guise. Irap., p. 381).
(2) Notamment le duc de Montpensier et le duc de Lon^uevillc.
(3) Gabre au duc de Guise; Venise, 1" septembre 1557. (Bibl. nat.. Fr. 23236.
fol. 556, et Mémoires du duc de Guise. Imp., p. 285j.
3
XXII INTRODUCTION
La convention sollicitée par le pontife fut signée entre les deux
parties belligérantes; la paix fut conclue au grand désappointement
du duc de Ferrare qui tremblait pour ses États (1) et de du Gabre
qui exhalait son dépit en adjurant le Roi de se défier à jamais d'aussi
perfides alliés.
Cependant la mission diplomatique de Lodève arrive maintenant
à son terme. L'évêque reçoit la nouvelle de son rappel au moment
même où s*opère un changement aussi inexplicable dans la
politique du Saint-Siège Par une lettre du 2-2 juillet (2), datée de
Compiègne, le Roi notifie son congé à du Gabre et nomme, pour
son successeur à Venise, l'évêque de Dax. M de Noailles (3i.
Le rappel de M. de Lodève eut lieu sur la demande exprimée depuis
longtemps par l'ambassadeur lui-même. Déjà, dans une lettre à M de
Reauregard, il avait manifesté le désir d'obtenir son congé pour
vaquer à ses affaires en France (4). Toutefois du Gabre considérait
que ses services lui donnaient droit à une compensation ; il l'attendit
vainement, et ses lettres, à partir de ce jour, trahissent son découra-
gement et son dépit.
C'est au cardinal de Lorraine qu'il expose ses doléances (5) :
« Je ne suis, dit-il, en aulcune considération envers vous aulties
qui estes auprès du Roi. car, s'il pleuvoit abbayes et bénéfices, il
n'en sauroit tomber un seul sur ma teste ». C'est sur M. de Reau-
regard (6) qu'il épanche ses regrets et ses sentiments intimes (7) :
« Je n'esperoy jamais guières de noltre court du temps que je pen-
sois y avoir ung protecteur, dit-il, je vous laysse penser si j'en doitz
espérer maintenant que personne ne my cognois plus ».
Quoi qu'il en soit, du Gabre quitta Venise, après avoir touché pour
les neuf derniers mois de sa mission la respectable somme de
47573 écus, et se dirigea sur Paris.
Une lettre qui clôl définitivement sa correspondance, lettre qu'il
adresse, peu après son retour, au nouvel ambassadeur à Venise,
(1) Gabre au Roi ; 23 septembre 1551 Ribieb, t. n, p. 70t.
(2) Voir celle lettre à l'Appendice.
(3j François de Noailles. né à Noailles en Limousin le 2 juillet 1519, évéque île
Dax en 1555. Admis < i . ■ n -- les conseils île Henri II. le roi l'envoya successivement
comme ambassadeur en Angleterre, Venise ci Constanlinople. Il mourut à
Bayonne le 19 septembre 1589.
(4> Gabre à M de Beauregard; Venise, j; octobre 1556. Bibl. mit.. Fr.
20156. fol 1S1).
(5) Gabre au cardinal de Lorraine : Venise. 2j septembre 1557, Bibl. mit..
Fr. 20456. fol 199).
(6) Gabre a m. de Beauregard: de Venise, 2:: septembre 1557. Arch. des
Aff étrangères; Venise, t. vu. fol.
(7) Le Itoi à Noailles; 17 octobre 155";. Arch «les AH", étrangères; Venise, t. vu,
fol. 123j.
INTRODUCTION XXIII
nous initie à ses chagrins intimes II ne peut se résigner à voir sa
carrière si brusquement brisée, il ne peut prendre parti de sa
disgrâce ; qu'on lui assure une situation modeste, qu'on lui donne,
par exemple, une abbaye, et ses regrets seront moins cuisants !
Mais, hélas ! « ce ne sont guières que des expectatives sur les pre-
miers bénélices vacants » (1) qu'on fait luire à ses yeux, et l'infor-
tuné prélat, enfin désabusé, ne peut s'empêcher d'ajouter avec
scepticisme :« J'en donnerai bien la moitié pour en avoir l'aultre
assurée » (2).
Ulcéré par toutes ces déceptions, du Gabre n'avait plus qu'un
parti à prendre : chercher dans le cloître la paix et la consolation.
C'est ce qu'il fit sans hésiter davantage. Il choisit, pour s'y retirer,
l'abbaye de Saint-Germain des Prés, possédée à titre d'abbé général
par le cardinal de Tournon qui , continuant à lui distribuer ses
faveurs, lui céda, pour en jouir après sa mort, le bénéfice de cette
riche abbaye (3).
Du Gabre ne devait pas lui survivre ; quelques mois à peine après
son retour à Paris, pendant la nuit du mardi 1er février 1558, il exhala
son dernier soupir (4) et, trois jours après sa mort, son corps fut
inhumé au milieu de l'église abbatiale (5), au-dessus de la tombe
de l'abbé Guillaume (6).
Le précepteur de ses neveux composa pour lui cette épitaphe (7) :
Hic jacet Reverendissimus D. Dominicus du Gabre, episcopus
Lodovensis. régis consiliarius ac legatus Venetus, qui obiit prima die
mensis februarii anno 1558.
Qui jacet hoc tumulo prœsul lectissimus olîm
Virtutem merito splendidiore fuit.
Legatus varias pro rege electus in oras
Prœstitit exacte munere digna suo.
Sed quia res Christi longe studiosius egit
Jam fruitur tanlo jiost sua fala Deo (8).
(1) Gabre à M. de Noailles ; Paris, 13 janvier 1558. (Arch. des An", étrangères;
Venise, t. vu. fol. 284).
(2) Id. ibkl.
(3) BibI nat., Collection du Languedoc (Bénédictins^, vol. xli, fol. 125.
(4j Hist. de l'abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés, par I). Bouillard,
1724, in-fol., livre 5. p. 189.
(5) Hist. de Saint-Germain-des-Prés, par Jacques du Breuil (Bihl. nat., latin
12837, fol. 230).
(6) D. Bouillard (Op. cit , p. 318 ) dit que le tombeau de Dominique du Gabre
était dans la cbapelle de Saint-Casimir.
(7) A. Burty [Topographie historique du Vieux Paris, complétée par L.-M.
Tisserand (1876). p. 116) place l'épitaphe de du Gabre dans le sanctuaire, près et
derrière la tombe de Guillaume lit l'évêque, abbé de Saint-Germain, entre l'aigle
et le banc des chantres.
(8) Gallia Christiana, t. v.
XXIV INTRODUCTION
D'autres poêles de son temps chantèrent également ses louanges;
un. entre autres, Élienne Forcadel, jurisconsulte du diocèse de
Béziers, consacra les vers suivants à sa mémoire (1):
Vade, vola, quœsit^ diujam nuncia,serva
Gabrœum, meluo prxsul ut hicpereat.
Nam Phœbum aniisit nuper Parnassia rupes:
Bine doc tas lacrymis fons sucer atixil aquas
Ni cavetis ftel doc/arum prœda soro um
Quem cupiunt Phœbo subslituisse suo (2).
Le prélat avait institué, par son testament, Guillaume du Gabre.
son neveu, pour légataire universel de ses biens, à la condition que
trente pauvres, vêtus, à ses frais, d'habits de deuil, assistassent à ses
funérailles (3).
Il laissa, au dire d'un contemporain, l'ambassadeur vénitien à
Paris, Jean Michel, outre la somme de vingt mille écus comptant,
des meubles de grande valeur à répartir entre son neveu et ses plus
anciens serviteurs (4).
La famille du Gabre portait pour armes « Parti d'azur au lion d'or
à trois fasces ondées d'argent sur le tout •> i."> .
L'évèque avait pris pour armoiries personnelles « de gueules à
une chèvre saillante d'argent » (6).
(1) Etienne Forcadel (1534-73) succéda à Cujas dans la chaire de droit à Tou-
louse ; auteur d'oeuvres politiques que son Bis fil paraitre en 1579.
(2) Gallia Christiana, t. v.
(3) L'église de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés ayant été prolanée en 1793,
les tombes qu'elle renfermait onl été, pour la plupart, violées. Les touilles qui
ont été laites, à différentes reprises, depuis cette époque, n'ont permis de
retrouver que quelques rares tombeaux contenant encore les corps qui y avaient
été ensevelis. C'esl ainsi que Lenoir Mu ée des Monuments français, s vol. in-8 .
t. v. p. -in a découvert deux tombes d'abbés et leurs dépouilles. L'ancienne
église abbatiale de Saint-Germain-des-Prés esl devenue église conventuelle en
1792 Après les massacres de l'abbaye, en septembre, elle subit la profanation
rappelée plus haut vers la fin de 1793, el fui après convertie en magasin à sal-
pêtre. Elle devint église paroissiale après le Concordai de 180t.
(4) Bibl. nat. italien. 1719. Dispacci degl' ambascialori Venezione di Paria i>
febrajo 1558.
armoiries de François du Gabre, avocatau Parlement de Toulouse, habitan 1
Grenade Voir Armoriai général de 1696; Toulouse-Montauban, p. 28. - Us.
Bibl. nat.).
6) Fisqubt, /.'/ France pontificale diocèse de Lodève), p. 128.
INTRODUCTION XXV
IV
La publication des dépêches de M. de Lodève pendant ses deux
missions, à Ferrare et à Venise, telles qu'elles sont reproduites dans
ce recueil, permettra de mettre en relief l'action considérable d'un
ambassadeur français, presque inconnu jusqu'ici, et de lui rendre le
rang qu'il doit équitablement occuper dans l'histoire diplomatique
de la France sous Henri II.
Étudié et jugé par sa seule correspondance, Dominique du Gabre
apparaîtra négociateur habile et scrupuleux, écrivain disert et ex-
pressif. Le style du prélat est, sans doute, un peu familier; il révèle
un tempérament enclin au bavardage ; mais, sous réserve de cette
critique, on peut dire de la langue de l'ambassadeur qu'elle revêt
une absolue pureté de formes et que le ton de ses dépêcbes indique
un écrivain de race", vraiment original, entièrement personnel. Ce
style, émaillé parfois de saillies, pénétré de latinité, abondant en
citations classiques, vif et gai, produit l'effet d'une conversation
agile, affranchie de prétention: le même au papier qu'en la bouche,
suivant le mot de Montaigne, il montre bien au clair, l'âme toute
nue de l'écrivain.
Tel qu'il se dégage du ton de ses dépêches, le caractère du prélat
se dessine aussi avec netteté; c'est celui d'un serviteur zélé, pas-
sionnément dévoué à son souverain, rempli de louables intentions,
prudent et honnête, jugeant avec clarté les événements, désireux
de tout prévoir, étroitement appliqué à remplir le rôle délicat qui
lui est assigné.
Qu'on étudie du Gabre dans ses fonctions fiscales et politiques à
Ferrare ; qu'on l'examine dans sa mission diplomatique auprès de
la seigneurie, partout on peut affirmer qu'il sut se montrer digne
de la confiance royale, et n'obéit qu'à un mobile: étendre le prestige
du nom français dans la Péninsule. A ce titre, du Gabre mérite
une place distinguée parmi ces diplomates qui contribuèrent à la
grandeur de notre pays sous la monarchie des Valois.
Nous avons demandé à son style de nous révéler l'intelligence,
l'esprit et le caractère de du Gabre : c'est à la même méthode que
nous devons avoir recours, si nous voulons évoquer les Iraits du
prélat. Il n'existe, en effet, à notre connaissance, aucun portrait de
ce personnage, et les investigations minutieuses auxquelles nous
nous sommes livrés pour en découvrir un n'ont point amené de
résultat.
Il suffirait, en vérité, pour acquérir la preuve que l'effigie du prélat
XXVI INTRODUCTION
fait malheuresement défaut à la glorieuse galerie des hommes illus-
tres du xvie siècle, d'avoir recueilli de l'érudit conservateur du
cabinet des Estampes, M. Henri Bouchot, l'aveu qu'il n'a jamais
rencontré le portrait de du Gabre.
Nous avons cru, toutefois, devoir pousser notre curiosité au delà
des frontières de la France, et nous adresser, aussi, là où l'am-
bassadeur avait exercé ses fonctions ; mais pas plus à Ferrare,
malgré les obligeantes recherches de M. Venturini, conservateur
des Archives provinciales, qu'à Venise, où le chevalier Charles
Malaga, directeur des Archives de l'État, a mis à notre disposition
ses profondes connaissances des galeries de la cité, nous n'avons
pu mettre la main sur la moindre image de notre évèque (1). Il
nous restait à consulter, au Brilish Muséum, le manuscrit Harley
3310; de ce côté là également, nos investigations ont élé vaines (2).
Il faut donc nous résigner à enregistrer cette douloureuse consta-
tation, c'est qu'en un siècle où l'art de la gravure était dans son plein
épanouissement en Italie ; où l'école de Marc-Antoine Raimondi
venait de former des élèves incomparables, le prélat n'ait servi de
modèle à aucun artiste de ce pays, et, aussi, qu'à défaut du burin,
ni le crayon, ni le pinceau n'aient servi à fixer son image. Mais, la
correspondance donne des indications suffisantes pour brosser en
lignes très nettes la figure du diplomate.
Au physique, c'était un homme de taille moyenne et de forte
corpulence, affligé d'un embonpoint exagéré, et d un tempérament
bilieux, nécessitant le fréquent usage des purgalions (3).
Au moral, c'était un joyeux vivant, un épicurien, sensible par
dessus tout aux délices de la table ; s'invitanl chez le duc de Ferrare
pour manger «un couble de perdreaux» (4). se délectant à la pensée
de «boire frais et manger des fruits » chez ce prince (5), et écrivant
(1) Que MM. Venturini et If chevalier Malaga daignent recevoir ici l'expression
trèssincère de notre gratitude, pour l'empressement si aimable avec lequel ils
ont, l'un et l'autre, secondé uns recherches.
(2) Le manuscrit Harlej 3310, conservé au British .Muséum, est intitulé *Aivnat\
délia sua patria divisi m cinque libri, anno m. d. a»; c'est une chronique île
Roddi, ambassadeur ferrarais auprès du Saint-Siège, racontant l'histoire de Ferrare
depuis sa fondation jusqu'en 1598. Ce manuscrit contient une très considérable
série de pmiraiis, dont quelques-uns même ceux des contemporains de Itoddi,
ont été exécutés d'après nature. — Nous devons remercier M. W. de Binch
trustée du Itrilish Muséum, pour la gracieuseté avec laquelle il a bien voulu
(sur notre demande) compulser le Ms. Harlej 3310 alin de s'assurer si le portrait
de du Gabre ne s'y trouvait point.
(3) Gabre au duc de Ferrare. 3 avril 1553,
(4) Gabre au duc de Ferrare, '21 juin 1556.
(5) Gabre au duc de Ferrare, 6 août 1556.
INTRODUCTION XXVII
encore au Duc : «Je ne meneray que deux hommes, un pour me
porter à manger, l'autre à boire par les chemins» (1).
Nous croyons avoir, depuis le commencement jusqu'au lerme de
cette étude, éclairé, comme il le fallait, tous les points obscurs de
la vie privée et publique de l'évêque-ambassadeur. Peut-être nous
fera-t-on le reproche d'avoir donné trop d'ampleur à cette étude?
Nous répondrons à cela que, précisément parce que du Gabre était
tombé dans l'oubli, nous avons considéré comme un acte do répa-
ration de lui consacrer une notice biographique fidèle et détaillée
qui rendît à son nom la notoriété à laquelle ses services lui per-
mettent de prétendre.
Nous ne saurions terminer autrement cet avant-propos qu'en
nous acquittant d'un agréable devoir : remercier tous ceux qui ont
bien voulu faciliter nos recherches et nous aider de leur expé-
rience.
Ce sont: M. Léopold Delisle, administrateur général de la Biblio-
thèque nationale, qui, pour nous permettre de copier à notre aise
les dépêches contenues dans le manuscrit de Grenoble, a demandé
pour nous, avec sa bienveillance accoutumée, le transfert à Paris de
ce précieux document. M. Farges, directeur du bureau historique
aux Affaires étrangères, et M. Tausserat-Radel, sous-directeur, qui
nous ont communiqué, avec une libéralité à laquelle nous ne sau-
rions trop rendre hommage, les documents conservés dans les
dépôts du ministère. M. Paul Dufey, de Paris, à l'égard duquel nous
commettrions une injustice si nous ne disions avec quel zèle il
a fouillé à notre profit les divers fonds du Département des ma-
nuscrits ; MM. Yignaux, archiviste de l'hôtel de ville de Toulouse ;
Aristide de Robert, maire de Gabre (Ariège) ; l'abbé Galabert, curé
d'Aucanville (Tarn-et-Garonne), qui nous ont transmis des docu-
ments précieux pour notre étude.
Enfin, nous enverrons par-delà les monts nos sentiments de
sincère gratitude au chevalier Giovanni Ognibene, le savant directeur
des Archives de l'État, à Modène, qui a mis tant de bonne grâce à
nous donner communication des dépèches conservées dans les
fonds de la famille d'Esté et de la famille Fieschi.
(1) Gabre au duc de Ferrare, 6 août 1556.
NÉGOCIATIONS
DE
DOMINIQUE DU GABRE
(1552-1557)
NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU CABRE
GABRE AU DUC DE FERRARE (1)
4. — [Fer rare]. 3 janvier J 552. — Monseigneur, ce porteur qui est a
rnoy, a este depesche a Sienne pour aller de vers le Roy en dilligence,
et pour ce quil me fault bien tout aujourduy pour escripre, jay este
dadvys quil vous allast trouver, pour rendre compte a votre ex-
cellence dez artères du dite Sienne (2) et de la façon de procéder de
nions, le duc de Florence (3), si gratieuse et favorable en notre
endroict, que cela me faict prendre quelque oppinion que Ion na
poinct envye de faire lentreprinse. Vous pourrez, monseigneur, es-
cripre par ce dit porteur lequel sen ira a Venize prendre aussi une
depesche de monsr lambassadeur (4) auquel il conduyra bien de
vostre chasse sil vous plaist luy en faire part, et demain jenvoieray
mon pacquet droict a Bresse par ung aultre de mes gens. . .
De Ferrare ce me Janvyer 1552.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale Estense.
Lettere di oratori Esteri. Franchi .
GABRE AU DUC DE FERRARE
2. — [Ferrare], 5 janvier 1552. — Monseigneur, Je salue vostre
excellence de la prinse de Hesdin(5) que a este avec composition et
'1) Hercule II d'Esté, fils d'Alphonse Ier et de Lucrèce Borgia, duc de Ferrare
et de Modène, naquit le 4 avril 1508, épousa en 1528 Renée de France, fille de
Louis XII et d'Anne de Bretagne, régna de 1534 à 1559 et mourut le 3 octobre de
cette dernière année. Il fut, tour à tour, dévoué à la cause de Charles-Quint et de
Henri II, selon que la fortune souriait à l'un ou à l'autre de ces belligérants. Cepen-
dant il adhéra à la ligue conclue, en janvier 1556, entre Henri II et le pape Paul IV
contre les Impériaux, reçut du roi de France le titre de lieutenant-général en
Italie ; il fit la paix avec l'Espagne en 1558.
(2) Sienne, capitale d'une puissante république, longtemps rivale de Dise et de
Florence, fut soumise en 1540 par Charles-Quint. Libérée de la garnison impériale
qui l'occupait depuis douze ans, pendant l'été de 1552, elle était, à l'époque où
commencent les négociations de du Gabre, le centre de graves affaires qui
réclamaient l'attention des diplomates français, et le théâtre de l'influence de la
France au nord de l'Italie. Sienne fut défendue par Biaise de Monlluc qui a laissé
un écrit très émouvant de ce siège [Commentaire et lettres de Biaise de Montluc,
par Alphonse de Ruble ; publication de la Société de l'Histoire de France, 5 vol.
1865-1872).
(3; Cosme I" de Médicis, premier grand-duc de Toscane, né en 1519 de Jean
de Médicis (le Grand Diable , mort en 1574, monta sur le trône en 1537, après le
meurtre d'Alexandre de Médicis, régna en véritable tyran, introduisit l'inquisition
en Toscane, et se fit céder Sienne par Philippe II en 1557.
(4) Odet de Selve. (Voir l'introduction qui précède, p. xiv, note 4).
(5) Hesdin ^Pas-de-Calais), chef-lieu de canton sur la Candie. — Les troupes
i NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1552]
avec mesme condition que les aultres lavoient heue ; monseigneur
de Thaiz (1) y est mort et luy eust mieulx vallu demorer tousiour
banny ; monseigneur de Rasse (2) qui lavoit randue y a eu une
harquebuzade a la teste, voyla toutes les particularités que Catherin
Jehan (3, en escript a raons' lambassadeur par lettres du xxvme, et
la Seigneurye (4) en a eu corrier exprès. Jay letres du xxie du Roy
avec nouvelles de Metz que sont assez vieille, mais, monseigneur, je
vous envoyé le tout comme le Roy me le commande
De Ferrare le ve jour de Janvyer 1552.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
3. — [Ferrare], ô janvier 1 552. — Monseigneur, Fncores ce soyr est
arryve ung corrier depesche de sa majesté le xxve de ce moys ou il
y a ung pacquet pour vostre excellence quil ma semble vous debvoyr
envoyer dez ce soyr mesmes .le presupose que par la vous verrez
toutes les particularitez de la prinse de Hedin qui me feront ce soyr
cryer le Roy boyt de meilleure cueur.
De Ferrare ce vme de Janvjer velij.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
4. — [Ferrare], 5 janvier 1 552. — Sire, despuis mes dernières
lettres escriptes, est arrivé le corryer despéché par Vostre Majesté
avec vos lettres du xxve, par où nous voyons la redition de Hesdin,
avec grande réputation de voz forces, et plus désavantageuses con-
ditions de voz ennemys, et de ceulx qui estoient dedans que nous
n'avious entendu par les advys que nous en avions eu icy ce matin.
impériales avaient pris Hesdin depuis peu, quand on jugea que cette place devail
être reprise. Antoine de Bourbon fpère de Henri IV, fut chargé de cette mission
et y réussit. Après la prise de Therouenn<\ en 1553, Hesdin retomba dans les
mains de Charles-Quint. (Voir: Lettres d'Antoine de Bourbon et «le Jeanne
d'Albret, par le marquis de Rociiambeac. Soriété «le l'Hist. de France, p. i'.'.
note).
(1) Jean de Taix, chevalier de l'Ordre du Roi. gouverneur et mailre des eaux
et forêts de Loches, ambassadeur extraordinaire a Rome [1538 . grand-maltre de
l'artillerie.
(2 Horace Farnèse, duc de Castro, ainsi appelé par Catherine de Médicis.
(Correspondance de Cath. de Médicis par H. de i.a Femukrk. I. I, p. " .
(3; Catherin Jehan, maître de la poste à Lyon. (Commentaires de Mouline, p. 253 •
(4) La seigneurie ou république de Venise.
[janvier 1552] Dominique nu gabre .">
Je ne faiz nul doubte, puis que cesle espine la est ostée, que vous ne
ferez perdre bien tost a l'Empereur son obstination de Metz (1).
Vous voyez Sire que Dieu et le temps combattent pour vous ; avec
tant de bonshommes et de bons serviteurs que vous avez, c'est a ce
coup qu'il faull accabler vostre ennemy et luy taire confesser par
force qu'il ne vous est ny supérieur, ny esgal. J'espère bien que
Dieu vous en donnera la grâce, et que, du coste de deçà, il gaignera
encores moings qu'il n'a fait jusques icy. où, Dieu mercy, tous voz
affaires se portent bien, et. encores que l'argent nous fust failly,
nous avons trouvé crédit pour accommoder et satisfaire partout
durant ce moys. et n'ay failly d'envoyer a Parme (2) et à la Myran-
dola (3) qu'ils recepvront pour ceste feste des Roys vostre bonne
nouvelle, et croy.que leurs voysins orront demain cryer le Roy
boyt , a voz canons. Monseigneur le Duc de Ferrare se trouve de-
hors a la. chasse et je luy ay envoyé son pacquet duquel il recepvra
j'en suis sur un très grand plaisir ....
De Ferrare le ve Janvier 1552.
(Bibl. nationale, fonds français, vol. 20453,
fol. 143) (originale .
<;abre AT ROI
5. — [Ferrare], 5 janvier 1 55 2 . — Sire je vous escripvizhier par Gas-
sot (4) tout ce qui se presentoit a ma cognoyscance icy pour voz affai-
res, et, mainctenant, il n'est rien surveneu de nouveau du couste de
Sienne ne d'aillieurs, digne de vous escripre, sinon quil a icy passe ung
corrier espaignol et par conséquent menteur, qui disoit avoir laisse
l'armée de Naples a dix postes par deçà Naples, laquelle pourroit
estre devant Sienne dans le dixiesme du présent, et dist davantaige
que le Duc de Florence avoit faict jusques icy l'honeste et le gratieux
a l'endroict de voz serviteurs, laissant passer armée, corriers et
soldatz, et, qu'il avoit délibéré de le faire ainsy jusques a ce qu'il
se veist le plus fort, et l'armée impérialle comparoystre, et que alors,
il se declareroit a spaie tracte (5;, disant davantaige que l'Empereur
(1) Metz, Toul et Verdun, et le territoire de ces tiers villes, dites les trois
Évêchés, tombèrent au pouvoir de Henri II
(2) Le duché de Parme et Plaisance, donné au Saint-Siège par le Congrès de
Mantoue (loll;. annexé au .Milanais par François Ier après la victoire de Marighan
(1515), fui rendu au pape Clément VII par Charles-Quint 1.1530). Paul III le donna
en fief (1345, à son fils naturel Pierre-Louis Famèse, <|ui eut pour héritier Octave
son fils, en 15 il.
(3 La principauté de la Mirandole, sous la protection de la France, entretenait,
à ses frais, une garnison française dans sa citadelle.
(4) Gassot, courrier au service de la France,
(5) L'épée hors du fourreau.
t> NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1552"
n'avoit nulle envye de faire ceste entreprise, se n'eust este l'envve
de complaire audit Duc. C'est parler bien avant pour ung courrier,
et je m'en rapporte a la vérité, mais, je n'ay voulu faillir d'ad-
vertir vostre Majesté de ce. que j'en puis entendre. Sire, Monsieur le
Comte de la Myrandola Cl) m'a faict entendre qu'il despechoit home
exprès pour ses affères en France, qui m'a faict luy envoyer ceste
lettre, presupposaut que son homme ira en dilligence et ne veulx
faillir, Sire, a vous dire que ledit Seigneur, Conte lequel vous con-
gnoysces mieulx que nous trestons, pour estre de vostre norriture,
méritte toulte faveur et bon traictement de vostre Majesté, il a
pourté durant son siège de très grandes despences, et monstre son
affection, son cueur et sa bonne volunté en l'endroit de vostre
service, et se trouve mainctenant chargé de quatre ou cinq cappi-
taines qui ont faict si grand debvoir, que chacun scayt, durant ledit
siège, ils n'ont point maintenant de charge, cl il leur donne tous les
moys cinquante franc/, a chacun. La raison eust bien voulu qu'on les
eust employés a ceste expédition nouvelle de Sienne, mais ilz ont
este oblyés; ce sont des personnes, Sire, de qui vous pouvez espérer
service si vous avés a continuer la guerre et croy que vostre Majesté
usera en cela de libéralité. tant envers eux que envers ledit Seigneur
Conte qui ne les veult abbandonner après l'avoyr si bien servy, el si
n'a pas grand moyen de les entretenyr du sien. Je croy Sire qu'il
vous fera aussy entendre le peu de moyen qu'il a de fournir sa
ville de munytions d'artiglerie sans laquelle toutes les forlen
du inonde ne servent de rien; j'avois este recherche de y faire
quelque despence mais j'ay faict responeeque vous n'a\ es sen items
par deçà qui y mette la main sans vostre exprès commandement.
Sire, ce matin j'ay receu de voz lettres du \\r. et d'aultres de
Lyon quiasseurent la prise de Hesdin: je n'ay point failly incontinent
de despecher a tous voz serviteurs, tant eu Toscanne que en Lom-
bardye, affinqu'ilz en facent l'alégresse, aussi bien, que les Impé-
riaulx ont fait de la prinse de Metz que j'espère qu'ilz n'auront
jametz. Dieumercy on veoyt que \<>s ennemys ne scavenl garder ce
qu'ilz ont gaigné, et scavent encore moings recouvrer ce qu'il/ <>nt
pardu; a la lin fauldra qu'il/ se humylienl par force.
Sire, il est vray que nous avons quelque faulte d'argent; >i esl ce
que nous avons donné ordre partout avec le crédit, que pour ce moys,
on ne s'appercevra point de no/ nécessitez, et j'espère avant que
nous soyons a l'aullre. que vostre Majesté nous aura faietz secourir.
U Galeollo 11 Pièo, comte de la Mirandole, se plaça sous la protection de II
Franco, mourut en 1569.
[JANVIER 1552] DOMINIQUE DU GABRE 1
De quoy je vous supplye très humblement afïïn que voz serviteurs
par deçà ayent le moyen de vous faire le service qu'ilz désirent. . . .
De Ferrare ce ve jour de Janvyer 1552.
(Bibl. nat., Fr. 20453, fol. 147) (originale).
GABRE AU ROI
6. — [Ferrare], 9 janvier 1Ô52. — Sire, nous eusmes hyer icy au
matin, par lettres de Spire (1) du 2e de ce mois, ad vis comme l'Em-
pereur s'estoit levé de devant Metz avec tant de particularités que
nous ne faisons un seul doubte que la nouvelle ne soitvraye, etmes-
mement, d'aultant que chacun pense bien que la prinse de Hesdin
et la crainte qu'il a que vostre armée marchast vers luy, Font faict
resouldre à desloger plustost paradventure qu'il n'eust fait, et pense
que Vostre Majesté nous en fera scavoir bientost des nouvelles. Ce
sont, Sire, deux belles et grandes victoires que nostre Seigneur nous
a données, en bien peu de jours, et monseigneur de Guise (2) y a
acquis une réputation et louange immortelle, j'en ay advertiz par
deçà tous voz serviteurs en Toscanne et en Lombardie qui doibvent
en rendre grâce a Dieu et faire les allégresses que méritent tant
de prospérités, que Dieu vous donne ; je vous asseure bien. Sire,
que c'est ung plaisir de veoir en ce pays la les affections de ceulx
qui sont part ialz, car, ceulx qui sont de vostre cousté, font maintenant
tant de feste et de joye, qu'il semble que vous ayez gaigné tout le
monde, et les pauvres imperiaulx sont sy abattuz qu'ilz n'osent se
monstrer en place. J'espère bien que ces Napolitains perdront le cœur
et la volonté de venir plus à Siennes, et encore qu'ilz fassent de grandz
démonstrations d'y vouloir marcher jusques a envoyer a Rome leurs
forriers et provoyeurs pour arrester de leurs logis et de leurs vivres
dans les terres du Pape ; sy voiton que le Vice-Roy ne se hâte point
de partir, ilz ont la leurs espagnolz et allemans qu'ilz payent ainsi
comme ainsy, et, je croy qu'ilz les veullent faire promener et vous
mestre en despence, faisant cette bonne mine la, et voist on que les
Italiens que le sr Ascanyo fait, sont en fort petit nombre et sans
argent. Monsieur de Termes (3) m'escript du 5e, que Mr le Duc de
(1) Spire, près de la rive gauche du Rhin. La chambre impériale y fut transfé-
rée de Francfort en 1530. Diverses Diètes y furent convoquées par Charles-Quint.
(2) François de Lorraine, duc de Guise, fds aîné de Claude de Lorraine, comte
d'Aumale et d'Antoinette de Bourbon, né au château de Bar (1519). A l'époque
où commence la correspondance de l'évèque de Lodève, le duc de Guise, lieu-
tenant-général des Trois Évèchés, défendait Metz contre le duc d'Albe et Charles-
Quint. Il mourut le 24 février 1563, devant Orléans, assassiné par Poltrot de
Méré.
(3) Paul de LaBarthe, seigneur de Thermes, né en 1482, se signala à la bataille
8 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1552]
Florence a fait lever ledit Ascanyo de son estât pour ce qu'il yfaisoit
mille desordres, et qu*il s'est retiré sur le Perosin avec seullement
do cens hommes. Je ne puis encores croire qu'ilz viennent à Sienne
pour le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz doibvent espérer grand
proffit, mais, quoy qu'ilz en lacent, Sire, si portés, vous, dès ce mois
cy aussi grand despence que s'il y avoit devant Sienne 50000 hom-
mes, car, l'on a fait une nouvelle levée jusques a dix mille soldatz
dont la paye court dez ce mois, et, si scait on bien que nous n'avons
pas ung liard pour commencer ce bal ; j'en ay remonslre dict et
escript tout ce que j'ay peu, et quand nous aurions abondance d'ar-
gent je louerois ceste dépense et diroil que tout seroit bien fait ; mais
l'entreprenant sans moyen de la commencer, il y a danger qu'il y
aura plus de difficullé a la continuer; je scay bien que nous trouvions
par deçà en une grande honte si on n'eust trouve du crédit. Monsieur
l'Ambassadeur de Venize a recouvert 27 mil escuz en deux fois
de Francesco Nazy (1) qui en a fait très volontiers l'avance sans en
avoir commission du gênerai d'Albenne (2), et sy n'en veult point
dinterest; j'ay recouvert aussi en celte ville 50 mil escuz content
d'ung marchant, comme je vous escryviz, Sire, par une autre lettre,
et, sans cela, je ne scay pas ce que nous eussions faict, car encores
ai je receu aujourdhuy une lettre du gênerai d'Albenne du il de
ce mois qui me mande ne vous pouvoir envoyer argent comptant
ny en remettre de quelques semaines, mais. Sire, il vous est si
affectionné serviteur, que, sans attendre commission ny mandé
de vous d'autant que je lui avois escript vostre nécessite, il [n'en-
voyé une lettre de crédit pour envoyer a son nom Lm escuz lesquelz
j'ay trouvé dont je veulx attribuer tout l'bonneura son crédit et a sa
lettre et n'en prendre rien pour moy, et demain j'espère les envoyer
a Sienne par bon et seur chemin s'il plaisl a Dieu ; reste, Sire, qu'il
vous plaise commander qu'il nous soit envoyé pour le moys de
lévrier en toute dilligence, car, je ne pense plus pouvoir recouvrer
ung escu. Vous pouvez. Sire, congnoistre par l'effecl de la lettre île
crédit que ledit gênerai d'Albenne m'a envoyée si je vous demande
de Cerisolles [1544 . à Saluées 1541 . a Parme 1553 . recul le bâton île maréchal
de Fiance (1558), mais perdit la bataille île Gravelines, où il l'ut l'ail prisonnier;
il ne fut relâché qu'à la paix de Cateau-Cambrésis 1559); il mourut eu disgrâce
(1562\
(1) Francisco Nazy, gentilhomme florentin, résidant à Venise en qualité de
commettant du général d'Elbène. C'était, dil du Gabre AlV. étrangères, t. ". f° 9,
Venise), un homme de grand crédil el un homme de bien, qui a toujours fourni
les deniers pour le roi en Italie el a secouru les ambassadeurs.
2) Allasse del lî. no. de la famille del Itcne. originaire de Florence. S€ relira
en France sous le règne de François I- . Henri II le créa général el surintendant
des finances hors du Royaume; il avait épousé Lucrèce Cavalcanti, une des
tilles d'honneur de Catherine de Médicis.
[FÉVRIER 1552] DOMINIQUE DU GABRE 9
sans propoz, semblables aux lettres des marchantz dont je vous ay
escript par ma dernière despeche. Sire le Capitaine Nicolo Losco
sera porteur de la présente despecbe en dilligence pour les affaires
de Mr le Comte de la Mirandolle, et entre aultres choses il vous fera
requeste pour quelque enlretenement de quatre capitaines qui ont
si bien servy durant le siège, et pour avoir munitions de vivres dans
sa place ; je ne vous en fera y sur ce aultrement requeste, scachant
que vous ne faillies point de recognoistre ceulx qui vous ont fait
service etque, en tout cas, vostre Majesté trouvera bon ledit sr Comte
et ses cappitaines et va avec luy ung ambassadeur des pauvres sub-
gects du Mirandolois pour vous remonstrer la pauvreté de leur pays
qui est tout brûlé et dissipé depuis le siège, j'ay veu souvent alors
la pitié qui y est bien fort grande et suis sur que si vous l'aviez veue
vous y useriez de quelques libéralitez et aulmosne.
De Ferrare ce 9e jour de Janvier 1552.
Sire j'avais desja veu les estatz des Commis de l'extraordinaire de
lannée passée mais touls lesdits commis sont encores a Sienne et
m'ont envoyé ung estât, par lequel ilz ont despencé tous les 50 mil
escuz qui estoient de Rome en une cbose ou aultre durant le mois
de Décembre; ils attendent que Monseigr de Termes soit guéry de la
goutte pour signer les ordonnances et après nous compterons
emsemble ...
(Bibl. nat, Fr. 20641. fol. 32) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
7. — [Venise], 3 février 155 2. — Monseigneur, Je vous envoyé par
Partenay (1) la coppye de la lettre de Monsieur de Mirepoix et la cop-
pye de celle de Monsieur de Forquevaulx(2). 11 vous diral'ocasion de
son voyage de Sienne, surquoy il vous plaira luy dire vostre bon et
(1) Jean de Partenay Larchivèuue, seigneur de Soubise, né en 1512, se convertit
au protestantisme à la Cour de Ferrare, où sa mère avait suivi Renée, mourut le
1er septembre 1556.
(2) Raymond de Beccaria dePaviede Robert, baron de Fourquevaux, né en 1508,
fui blessé au siège de Pavie, fut fait prisonnier au siège de Naples, servit le roi à
la complète de la Savoie (1535-1536). En 1542-43 fut investi de la charge de capitoul
de Toulouse. En 1552 il partagea avec du Gabre la charge de Trésorier des
finances en Italie, devint ambassadeur à Madrid en 1565. mourut à Narbonne en
juillet 1574. (Voir sur Fourquevaux: Une importante correspondance <lu 16'
siècle, par l'abbé C. Douais, aujourd'hui évêque deBeauvais. Mgr Douais a égale-
ment publié la correspondance de ce diplomate avec Charles IX. (Imp. Boebm.
Montpellier, 1897).
10 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1552]
prudent advys et me tenyr au surplus en rostre bonne grâce pour
très humble recommandé....
De Venize ce me de février 1552.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
8. — [Ferrure], 3 février 1 5.')2. — Monseigneur Jay receu la lettre
qu'il vous a pieu mescripre du ve et mattenclz que Partenay sera de
retour de Sienne sil naura eu empescbement sur le chemyn et vous
aura dit ce quil aura veu ou entendu de ceste guerre de Sienne de
la quelle nous nentendons icy nouvelles non plus que sil ny en avoit
point, hier on disoit que le vice Roy(l) sen venoit a iMylain et domp
Ferrant (2) a Naples Je suys icy plus longuement que je cuydois
pour ung affere que je ne puys encores dire a votre excellence: ce-
pendant Monsr lambassadeur et moy vacquons a veoyr les masques
et moy par aventure quelque dame en tout bien si en toute honneur;
toutesfois prenaint ce loysir pendant quon De peult negotier avec ce
sénat qui est tout occuppe a lexpedition de votre trionvirat qui es(
icy et quant voz altères seront depeschcz a vostre contentement
nous essayerons les nostres. Je suis bien mai rv. monseigneur, que
je ne vous puys servir de prester en >■" saincl temps el aux bonnes
compagnies de dames ou vous vous trouvez Je repareray mes faillies
en caresme sil plaist a Dieu.
De Ferrare ce ixe de feburyer 1552.
Cejourdhuy est arryve le sr Amerigo Sanseverin (3) qui partyt de
Paris le xxve du passe et na porte lettres de personne II dit que le
Roy sen alloit en poste avec toute la jeunesse veoyr messieurs ses
enfans a AidIm.n se : la Rayne sen alloit au Sainct Germain et mons.
le conestable a Chantilly, et au retour du Roy se feroientles nopces
du duc Orace.
'i. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
(1) Doni Pierre de Tolède, vice-roi de Naples 1532 . mort le ^ révrier 1552,
oncle du duc d'Albe, beau-père de Cosme i*r. duc de Florence.
j Ferdinand II de Gonzague, '■'■ fils de Jean-François H el d'Isabelle d'Esté,
né h' -2S janvier 1507, s'attacha au service de Charles-Quint et commanda les
troupes impériales en Italie; se distingua devant Tunis en 1536, el lui nommé à
son retour vice nu de Sicile. En 1546, nommé au gouvernement île Milan, il se
rendit coupable de concussions, acheta le comté de Guastalla qu'il érigea lui-
même en duché, mourut le 15 novembre 1551 m Bruxelles.
\\ineii de Sainl-Seveiin. clerc, lui nommé le 31 janvier 1561 à l'évêché
d'Agde, mourut ;i Barcelone le 21 juin 1578 au cours d'un pèlerinag
[FÉVRIER 1552] DOMINIQUE DU GÀBRE il
GABRE AU CONNETABLE
9. — [Ferrare], 22 février 1552. — Monseigneur Jescripts ung mot
au Roy de quelque trouble ou se trouve Mrde Saint Ciergue (1) lequel
je pense ne se trouvera point en faulte dont le Roy doibve estre
malcontant et la qualité de ses accusateurs qui sont serviteurs do-
mestiques et petitz belistres, ne mérite pas qu'on les doive escouster.
Car comme j'ay entendu a Venise avant l'accusation, ils avoient été
convaincuz et condempnez de larrecins fait audit Sr de S' Ciergue.
Il fait grande profession d'eslre vostre serviteur et vous ferez, Mon-
seigneur, cbose digne de vous de prandre sa protection s'il n'a point
failly Car j'ay oppinion par ce qu'il m'a monstre qu'il se justifiera
fort bien de tout ce qu'on veut luy mettre sus (2).
(Bibl. nat., Fr. 20553, fol. 159. Exlrait) (copie).
GABRE AU ROI
10. — [Ferraré], 26/28 février 1552. — Sire depuis ma dernière
lettre qui fust du 22e de ce moys, par le bérault est arrivé Monsieur
de Bonnacorsy (3) présent pourteur qui s'en va devers vostre Majesté
dépescbé de Sienne lequel a este contrainct d'éviter Florence et pren-
dre la detorce a travers pays jusqu'auprès de Rome. Je voys aussi
par la despeche de Monsr le Cardinal que Jberonimo de Pise (4) est
allé audit Rome, et passe seurement,qui me fait espérer que largent
qui a ette envoyé par ceste voye la y pourra entrer sans danger ayant
dez hier eu nouvelles de Monsr l'ambassadeur de Venize qu'il avoit
desja fait partir 32 mil escuz par des corriers de la seigneurie, qui
peuvent passer partout, et y peuvent estre dez ceste heure, et le
demourant y seroit envoyé de main en main jusques a 5000 escus;
ledit Bonnacorsy dit aussi que quand il partit de Sienne on avoit nou-
velles que le Duc de Florence avoit laissé partir les 20 mil escuz et
leur faisoit prendre quelque nouveau chemin, sur lequel Monseigr
de Termes avoit envoyé escortes, monstrant ledit Sr Duc que les
difficultez quil avoit failtes estoient pour ne mettre ledit argent en
danger, d'aultant que les imperiaulx estoient advertyz que ledit
(1) Antoine Bohier, baron de Saint-Ciergue, seigneur de Nazelle, secrétaire du
Hoi, Général des finances en Languedoc, bailli de Cotentin.
(2) L'affaire dont il s'agit dans celte lettre est expliquée dans la dépêche de du
Gabre au Connétable, en date du 28 février.
(3) De Bonnacorsi. secrétaire du duc de Ferrare.
[i Jheronimo de Pise, colonel italien au service de la France.
il NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1552]
argent estoit audit Florence; s'il est ainsi ledit Duc se sera par avan-
ture adoulcy et résolu de mieulx faire, ayant veu ce que luy escrip-
voit Monsieur le Cardinal de Tournon par Gassot, mais quoiqu'il aye
nous ne pourrons avoir lettre ni nouvelles d'hommes que nous y
ayons envoyé. Dieu veuille que tout soit bien allé. Il passa hier par
icy ung gentilhomme napolitain qui alloit devers l'empereur porter
nouvelles de la mort du Yiceroy (1) qui morut mercredi dernier dans
Florence, par aventure, que cela pourtera quelque desordre et confu-
sion au camp des ennemis et que le Duc de Florence sera plus retenu
etmoins affectionné en ceste entreprinsequiln'eust faist; si est ce que
la revocation et parlement des ambassadeurs d'une part et d'autre
est faite et la déclaration tenue pour certaine de chacun qui s'y con-
noit. Les ennemis ont prins quelques chasteaulx abandonnez sans y
avoir este mis par les nostres gens de guerre, et aulcungs ou il y en
avoit par composition et par ce que l'on en attend icy, ilz se trouve-
raient a Pienca (2) qui est une assez grande ville entre Rome et
Sienne et non gueres loing du grand chemin, comme vostre Majesté
pourra voyr en une carte de Toscane ou par celle que porte le srSci-
pion ; je ne faiz doute Sire, que se trouvant maistres de la campagne
ilz ne prennent une infinité de chateaulx dans le Senoys ou
j'entendz qu'il y en a plus de 4 cent, car il est impossible de garder
tout, mais après ilz se trouveront n'avoir gaires gaigné, il est vray
qu'on pert ung peu de réputation d'avoir mis des gens dans ceulx
qui ne sont gardables, et suis toujours en oppinion qu'il eust este
meilleur et de plus grande espargne de les laisser vuides de gens et
de vivres, mais, tout le pis qui puisse a mon advis arriver est, qu'il/.
en fortifieront ce qu'il/, pourront pour tenir après cest estât la en
guerre guerroyable et continuelle comme est le Piedmont, pensantz
bien que a la longue après ilz auront Sienne. Vous verrez Sire, mais
qu'il/, ayent un peu tenu camp dans le pays du Sénois,que,peu apeu,
les vivres commenceront a leur manquer, je scay qu'il est impossi-
ble qu'ilz y treuvent a manger pour leurs chevaulx, ne gueres pour
les hommes, el «pie d'eulx mesmes ilz se défieront aussitôt qu'ilz
trouveront une place qui puisse les amuser huit jours et ne fait
doubte que a ces commencementz les Sennois ne se soient trouvez
ung peu empesché comme il advienl en tous sièges, mais au boul
d'ung mois ceulx du dehors commencèrent a trouver les diffîcultez
plus grandes et ceulx de dedans a se asseurer, et ne les gueres esti-
mer. Je ne fauldray Sire a user de toute dilligence avec l'aide de
Monsieur l'Ambassadeur de Venize (3) a y faire envoyer argent qui
(1) Le vice-roi de Naples, Pierre de Tolède.
(2) Pienza, autrefois Carignano, patrie du pape Pie il qui lui donna son nom.
(3) Odel de Selve.
[FÉVRIER 1552] DOMINIQUE DU GABRE 13
est le principal secours qu'on leur puisse faire pour ceste heure et
s'il s'en peult trouver a crédit ne a quelque perte que ce soit, il sera
accepte, il est vray qu'ilz mandent de Sienne qu'ilz ont 13 mil hom-
mes de pied la ou jametz ilz n'avoient escript que de 10 mil et dient
que a grand peine 70 mil escuz le mois leur suffiront parquoy Sire je
voys que comprins les autres dépenses de Parme, la Myrandola et
autres extraordinaires, que nous serons courtz chascunmoisde plus
de 25 mil escuz n'en envoyant que 50; je suis très marry de voir si
grand despence mais je veult croire comme les aultres que voz prin-
cipaulx serviteurs ne la feroient si elles n'estoient nécessaires, je
veoy par l'instruction de ce pourteur que Messeig1-3 le Cardinal (1) et
de Termes vous pressent de voulloir faire voz forces plus grande
en Italie et que sans cela ilz n'espèrent que pertes en toutes qualitez
pour vostre Majesté cela n'est pas fort discordant a ce que je vous
en ay escript par le herault et au mémoire que j'ai envoyé a Monsei-
gneur le Connestable (2) par quoy Sire il est nécessaire d'y bien
penser de bonne heure et vous en résouldre et semble que l'espé-
rance que vous avez d'estre ceste année maistre de la mer de deçà
plus par aventure que vous n'aurez de longtemps vous en doit don-
ner occasion. Vostre fortune est aussi si bonne que l'on doit espérer
que l'exécution aura moins de difficultez qu'il y a resolution. J'ai veu
les particularitez et parties que M. le Cardinal de Ferrare (3) a
envoyé au Pape pour le faire déclarer on verra si le proffit particu-
lier le mennera plus que les considérations publiques et honnestes
que vostre Majesté luy a fait proposer en le faisant rechercher de la
ligue, mais jay quant a moy peu d'espérance, et par les lettres inter-
ceptées que Bonarcorsy vous porte on voit manifestement que l'opi-
nion que j'en ay prinse n'est point mal fondée et sy le Pape son
honneur saulve vous pouvoit getter de Sienne je tiens pour certain
quil le feroit non pour y mectre l'Empereur mais pour ny avoir ne
l'ung ne l'aultre.
Sire Monsieur de Fourquevaulx est venu icy pour entendre les
particularitez de quelque traicté qui fut descouvert a Parme sur la
personne de Monseigneur le Duc et s'en est retourné bien informé
de tout. Nous avons arreste emsemble quil donneroit ordre a la
(1) Le Cardinal de Lorraine (Charles de Guise), 2« fils de Claude de Lorraine,
duc de Guise et frère du duc François, né à Joinville (1525), archevêque de
Reims, mort en 1574.
(2) Anne de Montmorency, né à Chantilly (15 mars 1492), mort à Paris (12 novem-
bre 1567). Gouverneur du Languedoc (1526; en récompense de la conclusion du
traité de Madrid ; grand-maître de la maison du Roi ; Connétable de France (1538).
(3) Hippolyte d'Esté, dit le Cardinal de Ferrare, frère d'Hercule II, né 1509,
mort 1572 ; vécut en France à la Cour de François Ier et de Henri II; s était placé
résolument sous la protection de la France.
14 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 15521
vente des vieilles munitions a Parme et a la Mirandola se trouvant
la de loisir mais quand au bled qui y est, je veoy qu'il se fault resoul-
dre de le vendre quant il plaira aux citadins de Parme et non quand
vous le commanderez, le tout se peult excuser et dissimuler au
temps ou nous sommes. J'ai baille audit sieur de Fourquevaulx la
copie de la dernière lettre que Vostre Majesté m'en a escript afïin
qu'il la mette a exécution comme il le scaura très bien faire car il
entend cela mieulx que moy et vous est Sire fort utile serviteur par
delà. Je luy ai envoyé le contrôleur Pomaro Cl) et officiers qui y doi-
vent intervenir. J'espère que tous y feront leur debvoir et le mieulx
qu'ilz pourront, car, quant a moy, Sire je ne puis aller ny avoir une
heure de loisir pour y penser....
De Ferrare le 26 février 1552.
Sire despuis ceste lettre escrite est retourne de Sienno Parte-
nay que javois envoyé conduire les 20 mil escuz qui asseure
quils estoient arrivez a Sienne a saulveté, et a passe par Florence
a son retour ou l'on a veu toutes ses lettres horsmis une petite
de Messeigneurs le Cardinal et de Termes quil avoit cacbée, les-
quelz ne mescripvent autre chose (pic la réception des 20 mil
escus et de leur en envoyer encore 70 mil, asseuranlz que avec cela
toutes choses se porteront bien ; ilz avoient aussi receu vostre despè-
che apportée par Gassot par la voye de Rome ou je l'avoys envoyée,
et ledit Gassot y estoit aussi arrivé, que le Duc de Florence avoit
laisse passer, de sorte qu'il semble qu'il se veuille efforcer de nager
entre deux eaux qui sera fort difficile a faire ; la Vice Reyne et toute
sa suite sont déjà partis pour Florence pour retourner a Naples. < i
semble que les capitaines de ceste armée d'Impériaulx de recongnois-
tre pour chef Domp Gartia (2) pourveu qu'il ne commande sinon ce
qui sera arresté, en attendant que l'Empereur y envoyé quelqif autre
lieutenant et pour ce, Sire, que en l'instruction dudit Bonacorsv il y a
quelque mention d'accord qui avoit este mis en avant du costé des
Impériaulx. J'en ay devise avec Monseigr le Duc de Ferrare qui n'a
pas trouvé bon la responce des noslres de vouloir obliger l'Empe-
reur qu'il ne peust assaillir la France et m'en a dit son opinion que
je trouve a mon gre très bonne, suivant laquelle j'ai escripl en chiffre
a voz serviteursa Sienne, et pour ce, Sire, qu'il pourroil advenir main-
tenant qu'ils ont pouvoir de vostre Majesté de traiter ei que sur cel
advis chacun commencera sa laisse, ces propos se pourroiénl remet-
tre en avant par celui qui en aura le plus de besoing Je vous supplie
(1) Pierre Pomaro, gentilhomme vénitien, intendant de l'ambassade de France
à Constantinoplc.
(2) Dom Garcia (\c Tolède, lils du vico-roi nom Pierre de Tolède, mort le i juin
1557.
[FÉVRIER 1552] DOMINIQUE DU GABRE 15
très humblement veoir la copie de ce que je leur en ay escript pour
leur mander sur le contenu de ma lettre vostre volonté et bon plaisir
et on pourra plus seurement y procéder. Le courrier que j'avois
envoyé a Monsieur de Mirepoix(l) est aussi revenu, et m'escript le
dit sieur qu'il ne fait aucune difficulté d'envoyer l'argent a Sienne et
qu'il pense le Pape de bonne volonté a vostre endroit, et que Vostre
Majesté aura le sieur Camillo a son service sy elle le veult traiter
comme il le mérite.
De Ferrare ce 28 février 1552.
(Bibl. nat., Fr. 20641, fol. 62) (copie;.
GABRE AU CONNETABLE
11. — [Ferrare], 26/28 février 1552. — Monseigneur ce pourteur
Monsieur de Bonacorsy vous informera du fait de Sienne et j'escript
au Roy ce que nous en avons entendu depuis quil est party Je vous
asseure, Monseigneur, que nous sommes fort mal d'argent et craint
qu'il n'en advienne quelque desordre Je ne doubte pas aussy que
vous ne soyez par delà au four de la boite et que c'est la cause qu'on
nous le envoyé aussi bellement, et, pour accoustrer tous ceux de
Sienne se trouvent sur les bras 13 mil hommes de pied, je pense que
le Roy n'en a gueres davantages en Piedmont, et s'y tient la campa-
gne le plus souvent, quant a moy je ne m'en puis taire et leur en ay
escript mon advis encores qu'ilz en puissent estre marrys et
m'estimer trop audatieux. Je vous supplie, monseigneur, résolvez
vous a finir cette guerre en Italie ou elle a commencé et l'esloigner
de la maison du Roy qui est la France, ne laissant de la que
quelque moyenne force pour ne faire que se deffendre et résister
aux correries des bourguignons, car si vous envoyez armée en Italie
l'Empereur sera contrainct y tourner toutes ses forces et voyant
l'Allemagne en tel désordre qu'on dit, il ne s'en pourra guères préva-
loir, ny faire armée d'importance pour vous aissaillir la, mais seule-
ment taschera de vous faire allarmes et empeschement pour vous
garder d'armer par deçà, et toute l'Italie ne scauroit trouver que bon
et grandement louable et tenir le Roy pour tout excusé de voir qu'il
envoyera armée par deçà pour si honneste occasion qu'est la liberté
de Sienne, et sy le Duc de Florence vous a donne juste occasion de
vous douloir de luy et de luy bailler une bonne venue, je vous res-
pondz qu'il est fort aise de luy faire beaucoup de mal et que tous
(1) Claude de la Guiche, prieur de Losne cl de Saint-Pierre de Maçon, abbé de
Hautecombe, évèquc d'Agde 1541), de Mirepoix (1546), ambassadeur en Portugal
et à Rome, mort à Rome le 0 avril 1556.
16 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1552]
vous leurront faire et ne s*y trouvera pour ceste heure princes ni
gueres de privez qui prennent les armes contre vous; vous n'aurez
aussi jamais, par aventure, plus belle occasion d'estre maistre de la
mer ny occasion plus a propoz de vous impatronir de la Toscane
qui vous seroit plus facille que le Royaume de Naples, et sy vous ne
faites bien tost armée, j'ay peur que vous perdrez les amis du Roy de
la réputation de tout ce que vous avez despendu pour l'acquérir en
ceste Italie ou vous n'avez jusques icy rien faict que pour aultruy et
maintenant, est le temps d'en tirer le fruit pour le Roy, le tout vous
soit dict, Monseigneur, par advis et avec supportation je ne vous
parlerayplus de Monsr le Duc de Ferrare lequel jentretiens toujours
mieulx que je puis sans entrer aultrement en besoigne n'en ayant
commandement, ses ambassadeurs sont revenuz de Yenize les plus
mal despechez de tout le monde, mais il ne fauldra a le dissimuler
jusques a ce qu'il en soit temps, cela ne nuyroit de rien a ce que je
vous ay escript, si le Roy trouvoit bon de le faire rechercher.
De Ferrare le 26e février 1552.
Monseigneur j'entendz que le faict de Mr de S1 Ciergue a esté jugé
a Venize. Le procureur du Molin (1) qui estoit accusé de luy relever
les secretz a été absouz, et le dit S' Ciergue pour avoir par voyes illi-
cites voulu entendre les secretz de la Seigneurie banny de tout Tes-
tât et terres fermes des Vénitiens avec peine de mil escuz s'il y
estoit trouvé. Je croy bien que ce Molin avoit tiré de luy quelques
milliers d'escuz et par cela il en demorera a mon advis quittes. C'est
maintenant audit de S1 Ciergues a se desmeler envers vous autres
des intelligences et praticques qu'on dict qu'il avoit avec les minis-
tres de l'Empereur dont il dit, et je le pense, qu'il se justiffira fort
bien.
C'est du 28 février 1552.
(Bibl. mit.. Fr. 20641, fol. 66) (copie)
GABRE AU DUC DE FERRARE
12. — [Ferrare], 'JS mars 1552. — Monseigneur, Gassot vient dar-
river tout a ceste heure le quel je retiendra}' icy pour toul demain
attendant quil vous plaisra denvoyer vostre paquet. El sil vous plais!
luy commender aultre chose il a bonne volunte de vous fere service.
11 est arrivé ce matin ung courrier de France mais il ne ma pal
apporté un seulle lettre de la court, el ma dil seullement de bouche
(l) C'est l'affaire à laquelle il est fait allusion dans la précédente lettre 'I'1 'I»
Gabre, datée du 23 février.
[MARS 1552] DOMINIQUE DU GABRE 17
quil avoyt porté lettres a monsieur le cardinal de Chastillon (1) qui
estoyt ja en chemin pour sen retournera la court et que monsieur
le Receveur de cens luy avoyt dit que nions" de Lansac (2) seroyt bien
tost icy, qui me portera la despesche du Roy et ma dit davantage que
monseigneur de Guyse venoyt. Je vous envoyé, monseigneur, ung
paquet quil vous a apporté, je croy, de votre ambassadeur, affin que
sil y avoyt chose de responce pressée vous y puyssiez respondre par
le dit Gassot. Jay aussy receu une lettre du gênerai Dalbene que je
vous prie aussy voyr, encor quelle soyt ung peu longue et me la
renvoyer avec votre volonté et commendement sur le tout.
Monseigneur je prie notre seigneur quil vous donne bonne et lon-
gue vye.
De Ferrare ce 28 mars 1552.
Monseigneur, Je viens de recevoyrtouta ceste heure lesxvmescus
qui restoient des Lm que Ion ma envoyé de Yenize en poste, de peur
de faillir a vous présenter toute la preste a ung coup, dautant que
Tombesy navoit receu la partie que Ion cuydoit.
Serres (3) vient aussi darryver qui vous jra demain trouver ; les
innemys nont encores assiège aulcune place, mais votre ambassadeur
vous escript et je vous envoyé le pacquet.
Je vous envoyé des advis de monsieur l'ambassadeur aux Souysses
que je nay eu loysir de lire. Il vous plaira, monseigneur, mêles ren-
voyer pour en rejouyr le sr Don Francesco d'Est.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
13. _ [Ferrare], 30 mars 1552. — Sire, ce porteur Mr Gassot est
despeche de Messgrs le Cardinal et de Termes et depuis par Mrde
Mirepoix ; par luy V. M entendra toutes nouvelles de ce coste la. Je
crois que les Imperiaulx n'ont encore entreprins depuis Monti-
(1) Odet de Coligny, cardinal de Chatillon, né en 1513, entra dans les ordres,
cardinal (1533), archevêque de Toulouse (1535) : se fit calviniste en 1562, fut excom-
munié par Pie IV, mais n'en continua pas moins à porter la pourpre romaine, se
maria avec Elisabeth de Hauteville (1564), combattit avec les protestants à Saint-
Denis (1567), s'enfuit en Angleterre et mourut empoisonné par un de ses serviteurs
en 1571.
(2) Louis de Saint-Gelais, baron de la Motte Sainte-Heray, seigr de Lansac, che-
valier d'honneur de Catherine de Médicis, ambassadeur à Rome (1548-1555), puis
au Concile de Trente, chevalier de l'Ordre du Roi, capitaine d'une C" de cent
^•ntilshommes, mort en octobre 1589, à l'âge de 76 ans.
(3) M. de Serres, Trésorier des armées et commissaire des vivres, secrétaire du
Roi.
18 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1552]
cello (1) aulcun siège et se treuvent a mon advis empeschez et irre-
soluz de ce qu'ilz ont afaire, ayant veu audit Monticello une si grande
deffence et ou ilz ont perdu tant de gens qu'ilz ne doibvent espérer
que beaucoup piz aux aultres lieux, qui ont eut cependant loizir de
se mieulx fortiffier et fornir dartillerie ; le principal, Sire, de ceste
despeche est pour l'argent et de la despence de quoy je veoy que
tous voz serviteurs en Italie vous sollicitent; la despense de Sienne
a este si grande et incertaine qu'elle avoit tout mis a sec et sans les
empruntz que l'on a fait à Rome, a Yenize et icy on se trouveroit en
grand desordre. Je vois que Mr de Mirepoix a trouvé 21 mil cent escus
qui coslent un peu chèrement, mais en telle nécessite c'est ung
secours fort a propoz et que je n'estime que a bon marché. Monsr
lAmbassadeur de Venize a prins de l'argent qui avoit été envoyé pour
les gens de pied qui sont sur l'armée de mer 20 mil escuz et 4 mil
que Nazy en a preste outre 10 mil qui luy en estoient duez, et j'ay
recouvert icy de Mr le Duc 25 mil escuz qui ne costent rien, acten-
dant que Y M aye commodité de les faire rembourser. Avec tout cela
nous avons satisfait a Parme et a la Mirande de tout ce mois de
Mars, de sorte quilz y pourront attendre la paye d'Avril jusques sur
la fin du mois ; l'on a envoyé a Sienne tant d'argent qu'ilz ont tous
les arrerrages qu'ilz ont sceu despendre et demander, et le parlait
de Mars, ou environ 30 mil escuz, pour commencer la paye d'avril, de
sorte qu'ilz pourront attendre quelques jours plus aisément le reste,
que je pense que Y M envoyera bientost; il estvray, Sire, si ceulx de
Sienne commencent nouvelles despenses et entreprinses pour cette
diversion et autre dont il me semble qu'il/, aycnt quelque volonté,
nous serons toujours a recommencer, et en nécessite; je leur en a\ e
scrit mon adviz et qu'ilz doibvent remettre telles chose a taire a
Y. M., car si l'on fait ladiversion foible et avec petit argent emprunté,
ce sera tout argent perdu et l'ung a faire gaster a l'autre, .le vous
envoyé, Sire, ung petit estât, tant des debtes que nous a \ on- que de tout
ce qu'il sera besoing pour tout ce mois d'avril, reprenant les arre-
mantz de l'autre dernier estât, et vous plaira. Sire, le faire veoir, et
pourveoir a ce que sera nécessaire, vous voulant dire. Sire, que se
trouvant Mr le Duc hors de cette ville, a l'heure que j'ay recru du
gênerai d'Albenne les 50000 escuz de son rembourcement, j'ai este
beaucoup plus hardy par lettre que je n'eusse este en présence, 'le
le requérir d'un nouveau prest ; pour ce que le papier ne rougit point.
et ay présenté le remboursement entier et honorable comme il l'al-
loit, selon vostre promesse, luy remonstrant avec cela la nécessite
de voz affaires et le besoing qu'ilz avoient de son secours; je vous
(l) Monticello, village dépendant dePienza(Pienza, ville de Toscane, à il lieues
S.-E. de Sienne).
[MARS 1552] DOMINIQUE DU GABRË 19
asseure Sire qu'il m'a incontinent respondu fort courtoisement,
et en langage très affectionne, a vostre service, et d'homme qui
désire vostre grandeur et la prospérité de voz affaires, ayant été très
content que je me servisse de 25 mil escuz pour ceste nécessite, a la
charge de le rembourcer des premiers deniers que vostre Majesté
envoyeroit, et les autres 25 mil escuz, je les ay mis en main de. ces
gens selon qu'il a ordonné; j'ay fait responce a M. le Duc qu'il avoit
presque ressuscite de mort a vie voz affaires et vos serviteurs en
Italie, et ay, incontinent, envoyé la moitié de son nouveau prest a
Parme et a la Mirande qui ne scavoient plus a quel saint se vouer, et
le reste, je l'ay envoyé a Sienne, ayant, aussi fait rendre a Mr le Comte
de la Mirande une partie de la vaisselle qui estoit en gaige, de sorte
que chacun a eu de quoy espérer, et attendre le secours qui doit
venir de vostre M. C'est un aultre service que le dit Duc vous a
fait aussy a propoz que le premier, dont vous plaira, Sire, le remer-
cier, de bonne sorte, et si vous, Sire, estiez résolu d'entrer et de venir
en conclusion de la practique que vous aurez vue, vous devez espé-
rer que une armée vostre ne se perdra jamaiz sous sa charge, par
faulte de cent ni deux cent mil escuz, lesquelz il ne lui fauldra jamais
emprunter de voysin qu'il aye, car il m'en disoit ces jours passez que
quant une armée se deffesoit pour cela, ou pour aultre accident, vous
n'y aurez perdu que de réputation, et luy il mettroit en danger tout
son estât, et qu'il luy fault faire resolution de ne donner jamais de
bon sommeil s'il entre en cette praticque avec V M, qu'il ne veoit
la rasse des espaignolz chassée de toute l'Italie. Je ne luy voy,Sire,
tenir propoz ne langaige de ce fait la, qui ne me donne grande espé-
rance quil passera oullre si vous en avez bonne envie ; il m'a envoyé
ceste nuict passée ung paquet pour son ambassadeur, ou il y a des
adviz de ce que l'on avoit entendu de la Cour de lEmpereur et aussi
du fait du sr Camillo (1), lequel il a fait practiquer comme de luy
mêmes et dit que vous l'aurez en vostre service en le faisant chef
des gens de guerre qui sont en Toscana, luy donnant dix mil escuz
de pension et une compaignie de 50 hommes d'armes et se trouvant
led. sieur Camillo recherché des Vénitiens et des Imperiaulx, il a
promis audit Duc de ne prendre aulcun parti d'ung mois entier dans
lequel puisse venir la resolution de V. M et scavoir si vous serez
content de luy accorder tout cela. Sur quoy Sire je vous dirai que
ce sr Camillo est en telle réputation en ceste Italie et mesmement
envers led sr Duc, que si vous larrestez, led sr Duc entrera plus volon-
tiers en la charge de voz^ affaires, et, en ce cas la, vous luy devez
donner la charge et non a autre de composer avec led. sr Camillo,
lequel le doit venir trouver icy; il a oppinion que le sr Camillo vous
(1) Camillo, capitaine italien.
20 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1552]
peut faire plus grand a la conservation de Sienne et la conqueste de
Naples que gentilhomme de sa qualité qui soit en Italie pour la
grande suite quil aura de tous les voisins et de leur estât et de leurs
maisons, et que cela donnera grand courage au Pape de se mettre
de vostre coste, par quoy, Sire, puisque vous êtes savant aux affaires
d'Italie, et qu'il semble que toutes choses vous convient a les ache-
ver, et non de vous en reculer, je pense que vous ne debvez pas lais-
ser passer telles occasions, mais vous en resouldre promptement et
gaillardement, et, quand bien vous n'auriez pour volonté dy faire
guerre pour ceste heure, mais espérance de respirer, et la différer en
autre temps, telz serviteurs, l'ung si puissant comme est le Duc de
Ferrarre, et l'autre de si grande réputation, et si grand suite, feront
toujours vivre votre réputation en Italie, tiendront vostre ennemy
en suspens, et en peine, et en despence, et vous faciliteront toutes voz
entreprizes pour ladvenir, de sorte que ce que vous despendrez pour
leur entretien ne sera point mal employé. Ledit sr Duc m'a prié de
vous escripre chaudement de la résolution de ce fait, et vous plaira.
Sire, en faire responce au plustost; d'une aultre chose. Sire, vous
veulx-je faire requeste, c'est que, si V. M. n'a volonté d'entendre la
pratique dudit sr Duc de Ferrarre, qu'il vous plaise luy donner a
congnoistre sa bonne volonté, et ses effets, et que vous ayant comme
il m'a dit faict rechercher par cy devant de vouloir souldoyer la
garnison de Bresseil (1), comme vous eussies faict s'il fust demoure
a Mr le Cardinal son frère auquel V. M. eust este contraint de faire
la fortiffication, payer l'artillerie et la garnison, et que, ayant vous ou
Monseigneur le Connestable remis a quelque autre temps ou a je
ne scay quelle difficulté la responee résolue sur sa demande, il seroit
raisonnable maintenant qu'il se treuve si affectionné, qu'il vous
preste son argent sans proffict ni d'interestz qu'il pleust a V. M.
recongnoistre tout cela, et nous commander par décade, luy faire
payer ladite garnison qui ne sera a mon advis que de cent hommes;
en ce temps cela lobligeroit, Sire, sans autre capitation a vous faire
service de sa place quelque jour quand vous en aurez besoing. el il
congnoistroit par la que vous l'estimez, c'est si peu de chose qu'il
ne vault pas le parler, il me disoit ces jours passez ne m'en avoir
voulu jamais rien dire, pour oster toutte oppinion qu'il vous eust
fait service de son argent pour en espérer quelque recompense; il
vous plaira Sire m'en faire entendre ung mot de vostre m 'h. nie, pour
lui monstrer que je y faitloffice que j'ay peu.
Sire, le contrerolleur Pomaro (2) est revenu de Parme ou il a veu
(1) Brescello, dans la province de Modène, sur la rive droite du Pô.
(2) Pietro Pomaro, vénitien, intendant de l'ambassade française a Constan-
tin ople, employé à de nombreuses fonctions dans le oord de l'Italie.
[NOVEMBRE 1552] DOMINIQUE DU GABRE 2l
tout le fait de voz munitions avec Monsieur de Fourquevaulx qui
m'en escript bon tesmoignage, et se contente fortde luy; il n'y a ordre
que Ton veuille trouver bonne la vente des bledz, sans y en remettre
d'aultres, et encores moins qu'on toucbe a chose qui soit des muni-
tions de l'artillerie, je crey qu'il ne sera que bien fait de laisser
passer cela en ce temps qui n'est trop asseure de guerre et aussy
nous serons bientost a la récolte. Monsieur de Serres est vend de
Sienne ou il vous faisoit beaucoup de services, mais pour dix jours
il estoit nécessaire qu'il allast veoir sa charge; j'escript a M. de
Fourquevaulx que si l'on ne veult laisser vendre que a tout le moins
ilz gardent de laisser rien dépérir, et qu'ilz le baillent a renouveller
et après quelques jours, on en parlera plus a loisir, et regardera- t-on
les moyens d'en tirer ce qu'on pourra, autant en ay-je escript a la
Mirande et n'y scaurois pour ceste heure autre chose faire.
Sire, nous sommes tous attendant en grande dévotion de voz
nouvelles et la resolution que V. M aura prinse sur les affaires d'Italie.
Il se parle fort par deçà de la venue de Monseigneur de Guise qui est
fort désirée de tous voz serviteurs, mais qu'il vienne bien accom-
paigne, qu'est Sire tout ce que je vous scaurois dire pour ceste heure.
De Ferrare le 30 mars 1552.
(Bibi. nat., Fr. 20641, fol. 99) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
14. — [Venise], 13 novembre 1552. — Monseigneur, Je ne vous ay
point escript dez nouvelles qu'on dit icy de nostre guerre de Lorreine
ne de Picardye, pour ce qu'elles varient de jour à aultre, et que l'on
veoyt évidemment que tout n'est que mensonges. Il y a icy lettres
de Lyon du xime de ce moys qui eussent faict quelque mention de
ces escarmouches, de la prinse deMonsr de Haumale et duchasteau de
Hédin, s'il en estoit quelque chose et icy on veult croyre pour certain
que ladite escarmouche fut faicte le me de ce moys. Il s'en fauldra
raporter a ce que aportera le bon temz ; on y tient bien pour certain
la perte de Saint- Martin (1) pour nous et la conqueste d'Albe (2) pour
récompense. Monsieur l'Ambassadeur a trouvé, Monseigneur, vostre
advis très prudent et bon, de différer la requeste que j'avoys à faire
à ces Seigneurs, et dans deux jours je partiray d'icy pour m'en aller
trouver Vostre Exellence. S'il falloit, Monseigneur, vostre auctorité
(1) Saint-Martin, château situé à trois lieues d'Yvrée Mémoires de Boyvin du
Villars, coll. Michaud, t. 10, p. 97).
(2) Albe, ville du Piémont, sur le Tanaro, à 40 kil. S.-E. de Turin.
22 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1553]
et faveur pour me faire avoir logerz, j'ai dit à ce gentilhomme que
j'envoye pour préparer ledit logerz, qu'il en allast requérir Vostre
Excellence.
De Yenize ce xxme novembre 1552.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale).
GABRE AU ROI
15. — Ferrure], 21 janvier 1553. — Sire, ayant escripta V M. am-
plement par Niquet (1) et depuis a Monseigneur le Connestable par
le comte de Petiglian (2) je n'ay maintenant chose a vous dire davan-
taige par Monsieur de la Croix (3), sinon que ayant entendu ce qu'il
m'a dict de la despeche qu'il vous aporte de Sienne, et la façon de
vivre entre Monseigneur le Cardinal et le seigneur Pierre (4), il est
aisé a congnoistre qu'il sera nécessaire les séparer de lieu et de
charges ; j'appréhende que V. M ne s'en trouve ung peu empesché,
estant vostre intention que vous les vouldriez tous deux contens,
comme certainement ils le méritent. Le Sr Pierre me fait grande
instance que je luy veuille envoyer la paye de Février pour le pre-
mier jour du mois. C'est une chose en quoy je n'eusse pas failly, si
j'eusse eu vostre reponce sur noz partyz, laquele demeure si longue-
ment a venir, que je suis fort esbahy, car, si d'aventure vous, Sire,
aviez traité par delà avec le général d'Albenne.il debvroit donner par
deçà les commissions de fournir l'argon t : je suis bien empesché et
fault que j'aille jusques a Venise pour veoir si je pourrois recouvrer
quelque chose de ce qui est deub du passé, au marchand que savea .
afin que vostre responce venue, et encas que vous, Sire, vueilliez
accorder ces partiz la, je m'en puisse servir pour satisfaire au temps
que le Sr Pierre demande. Cependant, je ne puis croire que nous
n'ayons de voz nouvelles pour savoir ce que l'on aura afaire don--
navant, le Duc de Ferrai e fail gens, el s'arme plus qu'il ne souloit,
mais, Dieu mercy, le sieur Pierre ne s'estonne pas de si peu chose et
ne vous veult pour cela mettre en despence d'un homme de guerre
davantaige, qui me plaist fort, car, il congnoist que l'aultre a plus de
peur d'estre assailly qu'il n'a de volonté de vous offendre ; la seulle
personne du sieur Pierre le mel en grande despence el en merveilleux
suspect et commence a ce que j'entends déjà, a parler nouveau lan-
gage, qu'il vous a toujours été serviteur, et s'esbahist qu'on luy ait
(1) Niquet, abbé de Saint-Gildas, secrétaire du duc de Ferrare.
(2) Giovanni-Francesco-Ursino, comte de Petiglianoi un des plus actifs repré-
sentants du parti français en Italie.
(3) Jean-Jacques de la Croix, secrétaire de l'ambassade de France à Venise.
'. Le seigneur Pierre, très probablement Pierre Strozzi, maréchal <l«' France.
[FÉVRIER 1553] DOMINIQUE DU GABRÈ 23
envoyé pour voisin un sien rebelle. Si le fait de Corsegne succède
bien, j'espère qu'il faudra qu'il s'humilie davantaige. De St Florent
on n'entend rien, sinon que lesvostres souffrent très grandes néces-
sités de vivre et ont besoing de prompt secours. Dieu veuille que le
baron de la Garde (1) y arrive a temps et a saulveté.
De Ferrare ce 21 janvier 1553.
Sire le seigneur Pierre m'escript qu'il partist de la court le premier
jour de Novembre et que Testât de ce mois la lui est deub, me priant
de le faire payer sans luy donner la peine de le poursuivre en la court,
me disant davantaige quil en avoit grande faulte et quil vouldroit
que je fusse a Sienne pour beaucoup de considérations; je suis résolu,
Sire, de luy faire payer ledit mois qu'il demande, car, si Vostre Majesté
ne le trouve bon je le feray retenir sur ung autre moys avenir, et
vous plaira, Sire, me mander ung mot de vostre volonté; quant a
mon alée la, Sire, je me trouveray, Sire, bien partout et en toutmes-
tier pourvu que je vous face service, mais, celieu-cy a bien besoing
de ung plus suffisant que moy pour donner ordre a la provision et
distribution des deniers, d'où despend la conservation de toutes voz
affaires de deçà ; il est vray que ung homme seul ayant un peu la
praticque des marchants et l'intelligence avec ce Prince qui vous est
affectionné, qui fait et peult beaucoup, satisfera fort bien a la charge
de Venize et a ceste cy, je suis si ignorant, que je ne scaurois estre
sinon inutille en l'ung et l'aultre lieu, pourquoy je ne dois avoir en
cela volonté aucune, sinon de trouver bon et me disposer afaire tout
ce quil vous plaira me commander.
(Bibl. nat., Fr. 20642, fol. 9) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
16. — [1 enisë], 3 février 1 553. — Monseigneur, Ce porteur m'a
dit vous avoir baillé ung pacquet de Monsieur de Forquevaulx, duquel
(1) Antoine Escalins des Aymars, baron de la Garde, né d'une obscure famille à
La Garde (Drôme) vers 1498, plus connu sous le nom de capitaine Paulin ou
Polin qui devint son nom de guerre, s'éleva, par son intelligence et sa bravoure,
des derniers rangs de l'armée jusqu'aux grades les plus importants. Présenté
par Langey du Belley, dont il était le protégé, à François Ier, il reçut du Roi
plusieurs missions importantes. Envoyé comme ambassadeur auprès de Suley-
man II, il décida ce sultan à s'unira la France contre Charles-Quint.
A son retour, il fut pourvu des fonctions de lieutenant-général de la marine au
Levant (1543) et de général des Galères de France ^1544). Il se signala par une
telle violence à l'égard des Vaudois de Cabrières et de Mérindol qu'il fut destitué,
puis rétabli dans ses fonctions en 1551, encore destitué en 1557, et de nouveau
rétabli en 1566. Il conserva sa charge jusqu'à sa mort, survenue le 30 mai 1578.
Brantôme (Fie des grands capitaines. Ed. Lalanne t. iv, p. 139) donne du baron
de la Garde une intéressante biographie.
§4 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1553]
il faict mention en ma lettre, mais je croy qu'il ne parlera que de
Bresseil et du bruyt qu'il a entendu que les Imperiaulx y font quel-
que fondement. Je ne veoy aulcune occasion de rien craindre de ce
costé-là, je diz de Bresseil, pour les raisons que vous me distes der-
nièrement, car l'Empereur n'a pas besoin de vous rendre son ennerny.
Je ne scay s'il seroit bon, Monseigneur, que Vostre Excellence pré-
vynl en cela le Seigneur Domp Ferrant et luy faire entendre claire-
ment et à lettres de Scatola que s'il entreprend de vous faire ce tort
qu'il fera le plus grand desservice à l'Empereur que par aventure il
luy feist jamez. Vous estez, Monseigneur, si prudent et clairvoyant
en telles choses que ne vous conseillant qu'à vous mesmes vous y
pourverirrez fort bien, et quant vous, Monseigneur, n'y voudriez
croistre la garnison là y voyai nécessere pour s'asseurer en tout
évennement, Monsieur l'Ambassadeur qui est icy et moy. prendrons
ceste auctorité de la faire payer aux despens du Roy, quant vous le
trouverez bon. Nous avons plusieurs advys qu'ilz ont quelque entre-
prise sur Parme, ce ont advisé là d'y croistre les garnisons. Je y
envoyé pour ceste cause tant plus d'argent pour ce moys et leur
mande qu'ilz ne laissent point de se pourveoir de ce qui leur fera
besoing et qu'on ne leur manquera point d'argent. Je croy bien,
Monseigneur, que ledit sr de Forquevaulx ne vous aura rien respondu
de l'entreprinse de Grapelle et à ceste cause je vous envoyé sa pro-
pre lettre par laquelle il vous plaira veoyr que l'avertissement que
l'on leur a donné estoit plus que nécessere, et si vous le trouvez bon.
Monseigneur, de baillera mon homme qui est là, ung mémoire de
tout le faict. il l'envoyera à Monsieur de Forquevaulx à mon nom et
s'en pourront ayderàfaire le procès audit suppliant, de qui je parye
la perte. Je m'en retourneray, Monseigneur, devers vous le plus tost
que je pourray, bien que je croy que Vostre Excellence pourra faire
le voyage de Bresseil puys que le temps se met au beau. Ce jour-
d'hui Monsieur l'Ambassadeur a eu lettres de Rome qui asseuivnt
que le Pape a acommodé le Duc d'Urbin (1) à s«>n service avec des
particularités de ce faict-là et d'aultres que vous. Monseigneur, serez
à mon advys bien aise d'entendre, par quoy je foiz coppier la lettre
qui sera avec la présente. J'ai aussi veu la proposition que Monsieur
l'Ambassadeur a faicte à ces Seigneurs pour les persuader à la ligue
défensive, ce qui m'a semblé si belle et si pertinente, que j'en foiz
faire une coppye pour la vous envoyer par le premier. Je Fera) partir
cejourd'huy Partenay pour aller à Sienne conduyre île l'argent,
(1) Gui d'Ubaldo II de la Rovère, lils de François-Marie l" de la Rorère et
d'Eléonore île Gonzague; duc d'Urbin, de 1538 a 1574, date de sa mort. Fui célè-
bre par -es prodigalités, ses débauches et >cs cruautés.
[MARS 1553] DOMINIQUE DU GABRE 25
auquel je foiz prendre le mesme chemyn de l'aultre, donttoutesfois
il prendra vostre bon advys en passant.
De Venize ce me de Febvryer 1553.
Monseigneur, je croy que dans huyt jours on verra clairement si
les Espagnolz et Alemanez de Domp Ferrant doibvent aller à Sienne
ou s'arrester devant Panne, et qu'il ne seroit que bon de différer
vostre voyage de Bresseil jusques à ceste beure-là.
Monseigneur, je feray partir ce soyr Partenay qui vous portera les
coppyes de la lettre de Rome et de Monsieur de Forquevaulx, qui
vont peu-estre plus tost prestes, et ce porteur a grande haste de
retorner à Parme.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
17. — [Ferrare], 16 mars 1 553. — Monseigneur, depuis mon aultre
lettre escripte hyer est venumonsrBoucbier(l), de Rome, lequel est
party ce matin pour aller a la court. Je nay eu rien de nouveau de
luy, sinon que le Cardinal Burgues (2) a este relègue en Espaigne en
quoy ils ne luy ont pas faict grand mal. Il a, au surplus, commission
de dire au Roy de la part du pape, que si sa majesté veult estre mais-
tre de la compaigne et faire une bonne armée II se mectra de sa
part et trouvera argent et gens. Il porte aussi les indultz de Pied-
mont et Savoye depescbez fort favorablement pour le Roy. A Rome
on disoit que les ennemys sen alloient a Chauchanon et laissèrent
derrière eulx Chingy (3) et Montalchino (4). Nous' nen entendons
encor rien venir ducoste de Florence.
De Ferrare le xvie mars 1553.
Le dit Bouchier a porte ung paquet de Rome pour vostre excel-
lance, le quel sera avec la présente.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale).
(1) Arnould Bouchier, seigneur d'Orsay, secrétaire de l'ambassade de Rome,
maître des requêtes, président au Grand Conseil, mort en 1591 (Commentaires île
Montluc, Op. cit., t. iv, p. 34).
(2) François de Mendoza, cardinal, archevêque de Burgos. né en 1508, mort
3 décembre 1556. — Montluc l'appelle Burgos; Boyvin de Yillers, secrétaire du
maréchal de Brissac, l'appelle Burgues dans ses mémoire-.
(3) Chinsi, province de Sienne, sur une colline, dans la vallée de la Chiana.
(4) Montalcino, ville de Toscane, à 40 kilomètres de Sienne.
26 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1553]
GABRE AU DUC DE FERRARE
18. — [Ferrarè], 23 mars 1553. — Monseigneur, nayant pas grand
argument ne occasion de vous escripre,laffection, neantmoins,etmon
debvoir me commandent de vous faire révérence par ceste lettre.
Jay eu ce jourdhuy lettres du gênerai del Benne du xime de ce moys
a Lyon; il ny estoit encores nouvelles du parlement du cardinal de
Chastillon. Si vous avez bon loysir, monseigneur, de passer la voz
festes, il mescript que je trouveray la partie en mains de Nazy qui na
commission que de la mettre entre mes mains, pour en fere ce que
jay promys, et a cela, sil plaist a dieu, ny aura faulte quant aux provi-
sions davril. Il estoit après a y pour veoyr, mais qu'il en avoit eu de
la court les provisions bien lard, de sorte que je crayns bien fort que
nous nen ayons pas au xve dumoys. Il en pourra venir de desordre,
mais si ne vous prieray je pas de nous y ayder. Il est vrav que epis-
tota non erubescit elle vous pourra bien fere très humble requête de
vouloir pour ce coup quon sayde dune partie de ce qui vous est deu,
en attendant seullement que lassignalion davril soit venue, de la
quelle on remboursera le tout toutesfois. Je ne veulx en cela, rien
fere ny dire qui vous desplaise. Commandez, monseigneur, en cela et
toute aultre chose vostre volunle la quelle je ne passeray pour sil
plaist a dieu. Il n'y a rien de nouveau a Venize ny de Rome dont je
euz hier nouvelle de monsr de Mirepoix, qui a senty forl aigreraenl
sa revocacion. Monsr le gouverneur me monstra ce quil l'ust de
Florence le lendemain de vostre partement el depuis ne sen esl
entendu aultre chose. Je suys icy, monseigneur, ajouyr ce beau lieu
ayant commence ung peu de diète de toutes choses en ettendanl
vostre retour qui sera tousours désire, avec vostre contentement de
celluy qui présente a vostre excellence ses très humbles recomen-
dations.
De Ferrare ce xxiue mars 1553.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale .
GABRE AU DUC DE FERRARE
19. — [Ferrare], 26 mars 1553. — Monseigneur. Jentendz que
Matbeolle (1) passa avant hier par icy, le quel porta ung gros paquet
pour vostre Excellence. S'il y a quelque chose qui (misse servir en
l) Messer Matteolo, maître des postes du Pape. Fr. 20641, r 223, lettre de
M. de Lansac au Roi: «Sire, le Pape dépèsche \It ;s \iatteolo son maitre de
postes», etc.).
(MARS 1553 DOMINIQUE DU GABRE '11
voz afferes, il Vous plairra en fere part au Roy et envoyer voz lettres
que Gassot portera, le quel ne peult tarder plus gueres a venyr, et
affin monseigneur que vous commenciez desja a avoir ung peu de
poyne de la charge que jespere que vous aurez bientost, je vous
envoyé une lettre de monseigneur le cardinal (1), avec coppies de
lettres de monsr le duc de Florence et de luy, despropoz daccord,et
si daventure vous en aviez eu quelque responce de vostre ambassa-
deur a ce que vous en escripvistes dernièrement, il vous plairra
monseigneur, regarder ce quil vous samblera quoy y face et me ren-
voyer les dictes lettres, et coppies, et vostre bon advys sur le tout,
dons voyez monseigneur la nécessite dargent ou ilz sont; silz nen
sont secouruz je crains quelque grand inconvénient. Vostre partie est
toute preste a Yenize comme Ion ma escript et debvoit len envoyer
bien tost après aultre provision, mais, il y a danger quelle vienne
bien tard. S'il vous plaisoil quon sen aydast pour ce coup, laissant
tousiours le debte sur la mesme obligation, nous le ferons bien trou-
ver bon au marchand, combien quil ayt escript a ses commectans
quilz ne le missent que entre mes mains et a moy que je eusse a en
acquicter sa parolle; mais passée ceste nécessite et ce moys davril
qui sera le plus fort de la guerre a Sienne je mectray, entre voz
mains tous les deniers qui viendront, si tout debvoyst périr, ayant
escript dernièrement a la court par Partenay si expressément quil
est impossible quilz ny pourvoyent daultre façon. Je vous asseure,
monseigneur, que je ne suys pas assez hardy pour le vous avoyr
voulu dire en présence, mais je scay bien que ce papier ne se cour-
rousse point, et vous supplve très humblement men excuser, vous
souhectant monseigneur bonnes festes et bonnes pasques.
De Ferrare le xxvime mars 1553.
Monseigneur, mons1" de Termes faict une grande presse de luy
envoyer ung fondeur qui est a Parme et la ou il ny pourroit aller
que je face requeste a votre excellence de luy prester le sien pour
ung moys seullement, si monsr de Forquevaulx vous faict entendre
ne pouvoir, recouvrer laultre. 11 vous plaira me mander si nous pour-
rons avoir le vostre et je luy bailleroys argent pour sy en aller.
(Arch. de Modène. Caneelleria Ducale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
20. — Ferrare ,27 mars 1553. — Monseigneur. .lavreceu ce jour-
dhuy la lettre qu'il vous apleum'escripre du xxvr2 de ce moys qui ma
este portée pour monsr le gouverneur, lequel ma laid ceste faveur
(1) Le cardinal de Lorraine.
28 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1553]
(je me venyr trouver en ce beau lieu et ma faict entendre et cognois-
tre ce qu'il vous avoit pieu luy escryre dont je vous mercye très
humblement, et vous asseure, monseigneur, que vous ressuscitez
de mort a vye les afferes du Roy, et, beaucoup de serviteurs et de
mynistres que sa majesté a par deçà, ce que je feray sil plaist a Dieu
fort bien congnoistre la ou il en est de besoing, tenant ma depesche
preste pour Gassot lequel doibt arryver bientost comme il vous aura
pieu veoyr par la lettre de monseigneur le Cardinal. Je foyz aussi
mon compte que votre excellence m'aura envoyé son paquet conte-
nent les advys quelle a eu de son ambassadeur. Et si Gassot demeuroit
trop longuement a venyr, je depescheray corrier exprès si vous,
monseigneur,en estes d'advys. Je croys que demain viendra le corrier
de Florence, duquel nous entendrons quelque chose de nouveau de
Sienne et quel chemyn les ennemys auront prins. J'ay veu monsei-
gneur que vous noblyez point monsr Dandelot (l)et a faire tousiours
quelque bon office pour luy, dont jayadverly monsr Damanzay (2; qui
est icy. Il nya nulle nouvelle de monsr le cardinal de Chastilhon, ny
de notre court; soubdain comme il en viendra, je ne fauldray de vous
en donner advys. Cependant, monseigneur, encorque je me soismys
a une dyete du pain et deaue pour la santé du corps et de la vie si
me semble il que jengresse a jouyr de ce beau lieu avec la solitude
et liberté de l'exercisse. Domp Jocobo my est venu veoyr a cest heure
qui ma magniffye pour une chose trop extraordinere, les caresses
quil a receues a Florence de logeiz au près de la personne ducalle,
de deffrayement pour vingt et cinq bouches, de libéralité/ et grand/,
presentz au partir a hommes et a femmes. Et après, ma dit quil estoit
icy fort maltrecte de votre justice, et qu'il seroit contrainct bien tost
de sen partir, me priant si javoys eu son saufconduyt, le luy vouloyr
dire et qu'il avoit entendu a Florence que je lavoys eu ; je luy ay
faict responce que je speroys de lavoyr bientost, mais que, après
pasques, nous en parleryons pource que ces jours icy nous sont fes-
tes, et que vous ne vouliez pas que je hantasse malvai ses compagnies
en ce sainct temps et que je pensoys bien quil non pouvoit estre
de pyre que la sienne. Par ainsi, monseigneur, il sera remys a votre
retour icy, sil veult avoir nouvelle de son saufconduyt, et aussi quel-
que secours de votre excellence a lexpedition de son procès.
De Ferrare le xxvne mars 1553.
(1) François de Coligny, seigneur d'Andelot, né le 18 avril LS21, succéda en
1555 à son frère aîné L'amiral Gaspard de Coligny, comme colonel général de l'in-
fanterie; mourut à Sainles le 7 niai 1569, après avoir pris une par! très active aux
guerres civiles. — A l'époque où se place la présente correspondance, il rem-
plissait les fonctions d'agent de l'ambassade de Venise.
[2 Jean d'Amenzé, enseigne de la compagnie colonelle au régimenl de Piémont,
morl à Saint-Quentin en 1551 LaChesnayi des Bois, Dictii aire de la noblesse).
[Mars 1553] Dominique du gabre 29
No ricevuto querta matina di Venetia trentacinque milia scudi et
il tombezi me ne debbe dare quindeci milia fra dua giorni subito
faro lufïicio con messer PietroMoron (1). Fra tantomandoa Parma la
pagadi marzo cbe certo ferano disperati Domani aviaro dodeci milia
scudi verso siena per un poco de tratenimento non potendo credere
che fra octo giorni non venga di corte la loro provisione ordinaria.
Jo privero il servitio fatto a bisogni et se io non la cauto bene che mi
sia improverato, nel resto sor eccmo nunc vivo et regno simul ista
reliqui, etc, questo bel luoco mi da la vitta.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE A M. DE BEAUREGARD (2)
21. — [Ferrare], 29 mars 1553. — Monsieur, Vous verrez parla
despeche de ce pourteur la cause pour laquelle je le despeche exprès,
je lay employé icy en beaucoup de voyages et de postes pour les
affaires du Roy, l'ayant trouve de bonne volonté, dilligent et lidelle,
je vous supplieray luy vouloir faire donner voyage pour me revenir
trouver au plustost quil pourra, et Tintroduyre et instruyre de ce que
vouldrez quil dye pour mon interestz, si vous en voyez quelque
bonne occasion. On dit quil ny a que les honteux qui le perdent a la
court, pour ceste occasion je n'y gaigneray guieres. Pleust a Dieu
que vous eussiez une bonne paix, dont il est icy quelque bruit. Et
sil est ainsy, je vous prie de me faire oster d'icy et me laisser aller
dire mes heures en mon heritaige, car vous aultres êtes en posses-
sion de ne donner les biens et les honneurs, sinon a ceulx qui ne
font riens pour tous potaiges, et je ne suis que trop riche, mais qu'on
se contente de moy me recommandant, Monsieur, bien humblement
avostre bonne grâce.
De Ferrare ce xxix mars 1553.
Si vous donnez loisir a ce porteur d'aller demourer huyt jours en
sa maison, il vous viendra retrouver au temps que vous luy direz
pour prendre vostre despeche, je vous envoyé par luy une paire de
gant pannez pour cest esté et une aultre paire pour la favorite.
(Bibl. nal., Fr. 20453, fol. 195) (originale).
(1) Pietro Morone, cardinal. — Le pape Paul III l'avait chargé en 1543 d'aller
rappeler Modène, qui devenait un foyer de protestantisme, au respect de l'Église
(V. RODOGANACHI, Op Cit., p. 201).
(2) Jean de Thier, chevalier, seigneur de Beauregard en Blaisois, receveur du
domaine; auparavant secrétaire du duc de Montmorency, puis secrétaire du Roi
(1542), secrétaire des finances (1547), conseiller général des finances en 1553.
30 NÉGOCIATIONS DE TaVRIL 15531
GABRE AU DUC DE FERRARE
22. — [Fit rare], 30 mars 1553. — Monseigneur. Ce suffisant am-
bassadeur présent porteur vous rendra bon compte de Sienne, don il
vient, et vous dira le parteuient de Gassot qui sen va a Venize pour
ny l'ère que passer, et luy ay bien fort recommande vostre paquet
que monsr le gouverneur me porta laultre soyr, ayant escript de mon
coste tout ce que je doibz pour le secours que vous avez faict aux
affaires du Roy, et pour presser la resolution du sr Camillo et de la
garnison de Bresseil. Si vostre excellence menvoye au jourdbuy
quelque aultre paquet pour la court je lenvoyeray après le dit Gassot
qui pourra estre encor tout demain a Venize.
De Ferrare le xxxe mars 1553.
Arcli. deModène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FKRRARE
23. — [Ferrare],3 avril 1553. — Monseigneur. Jay receu ce matin
les deux lettres quil vous a pieu mescripre du dernier du passe et
IIe du présent et veu ou entendu ce que le sr Batistin (1) ma dit de
votre part. Et quant a laccord de Sienne, monseigneur le Cardinal
men escript, de sorte que la pratieque est rompue par le duc de Flo-
rence et ce que le dit sr cardinal (2) y a respondu par le passe doul-
cement, ce a este pour lour donner parolles. 11 vous plairra veoyr le
tout par la lettre de monsr le cardinal que je vous envoyé. .le trouve,
monseigneur, très bonne votre oppinion de nentendre a accord, sil
fault que le Roy quicte la protection, quelque seurete que en sceus-
sent 1ère les venetiens ny le pape, doute jescripray, selon votre
advys, a mons1 lambassadeur de Venize (3). Le duc de Florence, par
son langaige, ne parle plus en neutral et ses effectz accompaignent
la parolle comme il se veoyl par la lettre de nions' votre ambassa-
deur, h me samble, monseigneur, que cela mérite de depescherung
corrier exprès au Roy pource quilz sont sur le poinct de resouldre
ce quilz ont a faire aux afferes d'Italie. Cepandanl les ennemys samu-
seront quelques jour- a Montalcino ou a ce que vous aura dit Serres
a este pourveu de tout ce que ceulx de deddans onl seu demander.
Quanl a largent pour noz -eus. ilz ont eu tout ce quilz ont seu des-
pendre et demander pour mars et les moys passez et pour cominan-
(1) Baptistin sirozzi, gouverneur <le Modène, mort à Ferrare en I
i-i) Le cardinal de Lorraine.
(3) Odet de Selve.
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 31
cer le payement davril ilz ont trent mil escus. Il ne leur en fault
plus que xxvm pour achever de payer tout avril. Albisse del Benne
mescript. par une lettre du xxvme mars que jay receue ce matin, quil
envoyé pour la provision d'avril quatre vingtz mille escus et xxv111
écus sol pour rembourser le gentilhomme. Je voye, par la, que nous
aurons ahondence dargent, car ilz estoient en doubte si le gentil-
homme vouldroyt dez xxv™ escuz faire ce quil a faict. Avant que en
estre requis, jay baille les aultres xxvm escus icy a qui Ion mavoyt
ordonne, et ay panse, monseigneur, que ce seron ung secours fort
honorable et agréable a la court si, avant que leur argent vint, nous
envoyons encores a Sienne les dits xxvm escus du gentilhomme que
jay déjà paiez, affin que ce moys davril, qui sera le principal de ceste
guerre, fust du tout paye, qui donneroit grand réputation aux afferes
du Roy et cueuraux soldatz. Ce ne seroitqueung prest de huyt jours,
duquel la première seurete et obligation seroit toujours entière. Et
je respondz bien de ma teste de rendre ces xxvm derniers en escus
sol dans le xve de ce moys et des aultres xxvm déjà envoyez on leur
pourroit encor donner loysir du remboursement a laultre moys. Je
vous laisse penser, monseigneur, si ce ne seroit pas nouvelle fort
agréable a la court et digne de corrier exprès. Le gentilhomme a
encores preste les lu1 escus et Sienne ha tout ce quil luy faict besoing
jusques au xme de inay. La deffaicte des allemandz, le siège de Mon-
tealcino, si bien pourveu comme Ion escript, et le langaige et les
œuvres du duc de Florence, les quelles je vous asseure que je pren-
drai de leurs vrayes couleurs et seray bon soliciteur de ce que je
spere luy adviendra. Je remectz, monseigneur, le tout a votre bonne
volunte et prudent advis. Je feray payer tout ce que notre ambassa-
deur despendra pour vous escripre et ay prie le sr Batistin vous faire
courir ce paquet, affin que la responce vienne, si vous le trouvez bon.
Je despeche corrier exprès a la court et tout dung traine a Sienne
avec lez xxv'" escus que jay mis en mains del Manfredo. Il vous
plairra, monseigneur, me renvoyer la lettre de nions1- le cardinal et
le discours de la deffaicte dez allemandz pour les envoyer originelle-
ment au Roy, si vous le trouvez bon. Je veoy bien, monseigneur,
que vous estes occupe la pour chose si importante que cela me faict
porter plus patiemment la privation de votre doulce présence, la
quelle, monseigneur, nous attendrons, puis que aultrement ne se
peult fere a la semayne prochaine, affin que vous voyez, monsei-
gneur, ce que le gênerai dal Benne mescript de largent. Je vous
envoyé sa lettre quil vous plairra me renvoyer, que ung corrier de
banque porta hier au soyr et a faict, comme il me semble une mer-
veilleuse dilligence par la dite lettre. Je ne veoy mention de per-
sonne qui soit en chemyn pour venir icy et, dez le xxme, ilz receu-
vent les articles que scavez qui leur feront changer toutes leurs
32 NÉGOCIATIONS DE AVRIL 1553]
intentions, pourquoy je suys bien aise de demourer encores quatre
ou cinq jours sans avoir nouvelles, afïîn que tout a ung coup nous
en ayons de plus seures et concluantes, espérant que de vostre part
vostre excellence, conseillée et réconciliée avecque Dieu, sera réso-
lue a fere ce que toute raison divine et humayne vous persuadent.
Il vous plaira, monseigneur, me respondre a ceste despeche endilli-
gence si me commandez voz bons plaisirs.
De Ferrare en ce beau lieu 3 avril 1553.
Je donneray toute ceste semayne a monsrBresaule (1) pour purger
les bonnes chères de lyver, netoyant le corps après lame, affin des-
tre plus dispose a suyvre cest este vostre excellence par tout ou elle
vouldra aller.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
24. — [Ferrare], 4 avril 1553. — Monseigneur. Jay receu ce matin
le paquet venu de France quil vous a pieu menvoyerou jay trouve les
deux lettres du Roy, de monseigneur le conestable, et une de Monsr
le cardinal de Chastilhon que je vous envoyé. Jay oultre cela, quelques
memoyres signées de la main du Roy avec mandement de sa Majesté
de vous en faire entendre le contenu, ce que je remectray a vostre
venue icy, la quelle sera aujourdhuy comme je cuyde, car on mes-
cript de Venize que le duc d'Albe (2) a charge d'aller en Toscane
persuader le duc de Florence de prendre la charge de commander
a larmee, et, en ce cas la, le dit duc Dalbedoibt passer en Espaigne,
mais si laultre ne le veult accepter, jentendz qu'il a charge dy de-
mourer luy mesmes. Je suys fort ayse, monseigneur, de veoyr le con-
tentement que vous avez du Roy et que sa Majesté vous monstre
par effect combien il vous ayme et estyme. Hz me mandent quilzont
trouve fort bon tout ce que vous avez discouru de laccordde Sienne,
mais je veoy que le duc de Florence ne le trouvera jametz bon. m
nous nabbandonnons dutout la protection et me doubte que le pape
aye ceste mesme intention, mais pour user do leur langaige. je dirois
soubz vostre révérence et supportation quilz sont bien coillons silz
(1) Le médecin de du Gabre.
(2) Ferdinand Alvarez de Tolède, duc d'Albe, né eu 1508, prit part sous Charles
Quint à diverses expéditions, gaijna sur l'électeur de Saxe la bataille de Mulhberg
(1547), et obtint des succès ru Italie sur les troupes françaises et papales. Il
conserva le gouvernement en elief des armées après l'abdication de Charles-
Quint et conquit les États Pontificaux. Leduc d'Albe se distingua par sa cruauté
lors de l'insurrection des Pays-Bas, au cours de laquelle il se glorifia d'avoir fai*
exécuter plus de 10000 personnes. Il mourut à Lisbonne le il décembre 1588,
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 33
pensent que les minystres du Roi soient jusques la etmesmement,
ayant a cest heure ung gênerai généralissime en noz afferes, comme
vous estes sil vous plaist de laccepter et qui entendez toutes leurs
escrymes. Jattendz, monseigneur, responce et vostre advys a ce que
je vous envoiay hier de monseigneur le cardinal et duduc de Florence,
et incontinent, vostre responce venue, je croy que je despecheray a la
court, si ce n'est que le duc Dalbe vint icy, auquel cas je retarderoys
jusques a ce que vous fussiez departiz, pour vous laisser prandre
loysir descripre. Je vous diray seullement ce mot, que lacommedye
que scavez arryva a la court, a mon advys, le mesme jour que ceste
depesche en partist, et selon le langaige quilz me mandent, vous
tenyr. Je croy que je ne seray point battu de chose que je y aye
faict et en lieu quilz vouloient que vouz partissiez ung peu clair, ilz
verront que cest a eulx a se laisser entendre ; je remettray, mon-
seigneur, le demourant a quant je saurai vostre venue, ou si vous
demeureray encor cette semayne la. Je suis contrainct de tenyr la
chambre presque toute ceste semayne pour prendre le loisir de me
peurger.
De Ferrare le ime avril 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale).
GABRE AU CONNETABLE
25. — [Ferrare], 8 avril 1553. — Monseigneur. Je despeche ce
paquet exprès pour vous tenir advertiz des affaires de Sienne et
mesmement y ayant 3 choses quil est nécessaire que le Roy entende :
Tune le bon langaige tenu par le Duc de Florence qui seroit bien
content daccord, mais que le Roy quittast tout, et vous trouverez
aussi a mon advis que le Pape va ce chemin la, dont nous scaurons
bientôt la vérité, puisque son homme est a Sienne ; l'autre est la
défaite de ces 8 cens allemandz, et la 3me que a Sienne ne se peuvent
plus plaindre d'argent. Mr l'Ambassadeur de Venize (1) vient de me
mander quil a fait partir les 25 mil 700 escuz quil leur falloit pour le
parfait d'avril de l'argent que le gênerai d'Elbenne avoit envoyé, de
sorte que je retiendray ceux que M. le Duc ma encores preste, car
je crains que silz se voyoent plus d'argent quil ne leur fault, quilz
veuillent entreprendre creue de gens pour la diversion et aultres
nouvelles dépenses; le gênerai d'Elbenne m'escript quil nous four-
nira pour tout le mois 162 mil escuz.de sorte que nous serons riches,
et mesmement d'aultant que nous ferons bien coller quelques mois
avant que de rendre a M. le Duc ce qui luy est deu ; lequel vous avez
(1) De Selve.
34 NÉGOCIATIONS DE Tavril 1533"
rendu si content qu'il nest possible de plus, et vous escript de sa
main quil vous est tant obligé que merveilles, que vous y avez pro-
cède d'une bonne et grande affection d'amitié, et quil espère que vous
prendrez doresnavant la protection de ses affaires, dont il se tient
fier, ce commencement de bonne démonstration lui fera faire tant
plus aisément le sault; quant au reste, et je suis toujours en espé-
rance quil le fera, si vous en avez ferme envie, sur quoyje pense
que je aura y bientost de vos nouvelles, en attendant lesquelles je ne
luy parleray, ne offriray rien du contenu au mémoire quil a pieu au
Roy rn'envoyer, aftin que si jay fait une erreur, je nen face point
deux. Au reste, Monseigneur, il vous plaira m'avoir en vostre souve-
nance et bonne grâce pour très humblement recommande.
De Ferrare le 8 avril 1553.
Monseig1", il vous plaira voir par une lettre que M. de Beauregard
vous lira de M. le Duc, une requeste quil luy désire estre accordé,
dont j'ai mis un mot en la lettre du Roy, et vous plairra favoriser
cela selon la foy et espérance quil a en vous Monseigneur. Je ne scaj
si le maistre de la poste de ceste ville aura dit vray, lequel vient de
me mander que ung passant la assuré que les imperiaulx avoient lait
si grande batterie a Montalcino que les nostres estoient sur le poinl
de se rendre ou de recepvoir lassault, et que, sur cela, arrivèrent
3 mil hommes de pied et 3 cent chevaux légers, que Mr de Terme»;
avoit envoyé, lesquelz donnèrent l'aiïarme au camp et ceux de la
ville sortirent aussi, ou il y avoil eu nue demye bataille, et que les
nostres avoient ete en tout et partout supérieurs, et ce qui m'en fait
croire quelque chose, c'est que le corrier ordinaire de Florence pour
\ enize nest point venu a son jour accoustumé, et quand ils ont une
mauvaise nouvelle ils le retiennent et ne laissent sortir une seule
lettre; sil en venoil certaine je ne fauldray île vousenvoyer courrier
pexrès.
lîilil. uat.. Fr. 20ti î-j. toi. :.t copie ,
CABRE AU ROI
26. — [Ferrare], S avril /.">.'>.'>'. - Sue. le Secrétaire Billon I) pré-
sent porteur, qui est a Mr le Duc de Parme, avoil esté par ln\ despé-
ché pour vous aller parler de ses affaires, cl se trOUVOil icy attendant
argent pour son voyage, par quoy il ma semblé le debvoir accommo-
der de porter ceste despechequi mérite, selon mon advis, corrier ex-
près, et luy ayi baille cent escuz affin quil feist dilligence pour vous
tenir adverty de Testai de vozatlaires de deçà et des choses advenues
(1) Secrétaire du duc de Parme.
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 35
despuis mes dernières lettres qui ont esté par Gassot, affin que, sellon
la variété des choses, V. M puisse changer ou accommoder ses reso-
lutions sur lesd. affaires. En premier lieu, il vous aura, Sire, pieu
veoir par lad. dernière despeche comme javois rembourse Monsei-
gneur le Duc de Ferrare sur son prest de 25 mil escuz et remprunté
les autres 25 mil, et que d'un cote ou d'autre on avoit envoyé a Sienne
tout ce quilz avoient demande pour le passé et 30 mil escuz pour le
mois d'avril. Je me suis, a la fin, recherché et résolu de rechercher
mondit sr le Duc de me represter encor les autres 25 mil que j'avois
desjà payé pour les envoyer tout d'un trainc a Sienne, et leur fournir
largent,en attendant que l'assignation que le gênerai d'Elbenne doit
envoyer pour avril soit preste; de quoy ledit Seigneur, Duc continuant
toujours en la dévotion et bonne volonté de vous faire service, a este
très content et a escrit icy a ses gens de me le délivrer, de sorte que
voz gens de guerre a Sienne se trouveront aussy bien payez que
armée ne fut jamais, et ne leur sera deub un liard jusques en may,
qui mettra en grand repoz vos serviteurs par deçà et en grand seu-
rete et réputation voz affaires, lesquels prospèrent dieu mercy de
bien en mieulx ; ayant le sr Cornelio Bentivoglio (1), ces jours passez
deffait une troupe de 8 cens lansquenestz soubz deux enseignes du
comte de Ladron quilz ont aussi pardues, il y a eu quatre cens hom-
mes taillez en pièces et le reste prisonniers entre lesquelz est le filz
dudit conte collonel de Lanquenestz (2). l'exécution a été faite par ung
discours qu'il vous plaira voir, que m'a envoyé M. le Cardinal de Fer-
rare, lequel sera avec la présente. Depuis, les imperiaulx ont retiré
le reste des allemendz qui estoient a Marenne et joint avec leurs
camp, se sont logez devant Montalcino, délibérez comme l'on dit de
sy opiniastres et de l'avoir en toutes façons, et j'entends que ceux
qui sont dedans sont encores plus délibérez dy mourir plustost que
de se rendre. Serres qui est icy venu pour aller a Parme donner
ordre a sa munition, masseure avoir veu une lettre signe du sr Jor-
dan Ursin (3), du conte Camillo Martinengo de Moretz (4), callabrais
(1) Cornelio Bentivoglio, gentilhomme bolonais, colonel de l'armée de Pierre
Strozzi, attaché au service de la France dans les affaires d'Italie ; capitula honora-
blement à Sienne le 21 avril 1555, fut nommé lieutenant-général pour le roi en
Italie et généralissime des troupes d'Alphonse II, duc de Ferrare. — Brantôme
(édit. Lalanne, t. î, p. -298), parle de lui avec éloge et.lui décerne les qualificatifs de
brave, fidèle et bon capitaine.
(2) Jean Baptiste, comte Lodrono, colonel de lansquenets au service de Charles-
Quint.
(3) Jourdain des L'rsains, chevalier de Saint-Michel, gouverneur et lieutenant-
général en Corse pour le roi de France, mort le 25 septembre 1564. à l'âge de
39 ans.
(4) Camillo Martinengo. de la famille des comtes Martinenghi, capitaine italien
au service de la France.
36 NÉGOCIATIONS DE AVRIL 1553]
et je ne saiz quelz autres cappitaines qui sont dedans, par laquelle
ilz escripvent a Monseigneur de Termes quilz a voient tout ce qui leur
faisoit besoing, quilz ne demandoient plus rien, et que l'on ne fust en
aulcune peine d'eulx ny de leur place, et quilz en rendroient bon
compte; j'entendz quilz ont dedans quelques pièces de fer et assez
de mosquetz, boletz, poudres et vivres, de sorte que, Sire, chacun
en espère gloire et honneur pour les vostres et confusion pour les
ennemis. C'est grand plaisir quilz se soient adressez la, puisquil y a
des gens de bien dans la place, j'entendz quil n'y a pas moings de
15 cens hommes de guerre payez et sept cens de la ville, de sorte
quil sera malaisé de forcer tout cela et, s'ilz ne le peuvent prendre
c'est assez pour leur faire quitter toute leur entreprinse; il est vrai
que le Duc de Florence s'est a la fin mis a braver et parler clair quand
il a vu qu'on ne voulloit accordera son mot et quitter du tout la protec-
tion de Sienne, comme il vous plaira veoir par une lettre que Monsieur
le Cardinal deFerrare m'a escripte, laquelle je vous envoyé originalle:
le Pape commence fort a se remuer pour parvenir a cest accord
depuis le retour du corrier quil avoit envoyé vers l'Empereur, et a
despeché a Sienneung auditeur de Rotte pour cesteffect. Dieu veuille,
Sire, quil naye mesmes désirs et intentions que le Duc de Florence
de procurer que vous quittiez la protection, a quoy je scay bien que
Messeigneurs voz ministres n'entendront jamais, et ayant reçu ce
matin un paquet de vostre Majesté pour eulx du 24e, par lequel ilz
verront vostre intention sur la forme dudit accord, je leur ay envoyé
par corrier exprès ledit pacquet seur chemin aflin quilz puissenl
tant plus seurement negotier et repondre a l'homme du Pape, et luy
ay escript une lettre dont je vous envoyé la copie, par laquelle il/
verront qu'il ne leur fault craindre faulte d'argent el que pour cela
ilz ne doibvent prendre occasion de condescendre, a chose qui ne
soit honorable et advantageuse pour V. M. J'ay veu lettre de l'Am-
bassadeur de Ferrare qui est a Florence, par lesquelles le Dm-
avoit fait dix cappitaines qui faisoient gens en dilligence pour
aller au camp, quil faisoit encores porter ï canons et grande quan-
tité de munitions, je crois bien qu'il ne fault plus doubter de sa
volonté ni de ses effectz, ilz sont trop évident/ et par avanture
trop mal considérez pour luy, j'ay l'ail avec Monseigneur le Duc de
Ferrare que son ambassadeur qui est a Florence despechera corrier
exprès icy quant il y aura nouvelle d'importance de Montalcino ou
d'autre chose, et que je payeroy la despence des corriers, affin que
V. M. puisse estre adverlie le plus souvent qu'on pourra el je croy,
Sire, que vous advouerez ceste despence qui ne sera pas grande.
Sire, j'ay receu en escripvant ceste lettre la despeché qu'il vous m
pieu m'envoyer du 24e Mars, que ung corrier despeelie exprès a Mon
seigneur le Duc par son ambassadeur a apportée, ledit s1 Duc me la
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 37
après envoyée, lequel se trouve encores a Rege (1) et a Bresseil, et
m'escript la grande obligation qu'il aavostre Majesté et avostre ser-
vice pour la favorable responce qu'il vous a pieu faire sur ce que
son ambassadeur vous a voit parlé du fait de Bresseil, il estime plus
cette faveur et démonstration de vostre amitié en son endroit quil
ne fait tout ladvantaige et soulaigement que luy en peult advenir; je
luy ay puis après renvoyé vostre lettre et celle de Monseigneur le
Connestable luy escripvant seullement que je lerecongnoissois desja
pour nostre gênerai généralissime, et que par ma despeche je voyais
vostre intention estre telle, de sorte quil ne tiendra plus que a luy
remettant a luy exposer ma créance a son retour icy pour ce quil
me mandoit quil arriveroit dez hier, ayant entendu que le Duc
d'Albe qui estoit a Mantoua passeroit par icy allant en Toscana
devers lequel il avoit envoyé l'Eveque Rosset (2), mais depuis s'est
entendu que ledit Duc d'Albe a prins le chemin de Plaisance et de
Gennes, de sorte que ledit sr Duc de Ferrare ne sera icy encores de
huit jours estant retourné a Bresseil quil a si fort a cœur quil veult
voir les balouards (3) fondez avant que partir de la, et escript que
quoiquil puisse coster, il mettra ledit lieu et Rege en estât impre-
nable avantque soit la S1 Jehan. Je retarderay de faire partir ceste
despeche pour attendre le retour et le rapport dudit Eveque Rosset,
et pouvoir advertir V. M. de ce quil aura appris dudit Duc d'Albe.
Sire, j'ai veuparle mémoire quil vous a pieu m'envoyer, les parti-
cularitez et offices quil vous plaist que je présente a Monsr le Duc,
pour luy faire dire sa volonté, et. ce quil desirait pour entrer en capi-
tulation et en vostre service, et je congnois par la que j'aurois mérité
destre battu et croyans d'avoir fait une grande erreur en cuydant
bien faire, car je luy ay présente trop plus gros et grandz partiz que
vous me commandez; il est vray quil scait bien que c'estoit de lui a
moy et que je n'avois chargé de luy présenter ne peu ne beaucoup;
tout ce que j'en ay fait et dit n'oblige a rien V. M. si est ce que je ne
pense pas estre trop aslongné de la raison, car quant aux deux mil
hommes de pied pour la seurete de son estât, je vois que vous en
payez bien autant au Duc Octavio (4) encores que vous ne luy en
eussiez promis que 15 cens et scachans cela 2 cens chevaulx legiers,
la différence de l'ung estât a l'aultre, et de leurs forces et puissances
(i) Retrgio, ville forte à 25 kilomètres de Modène.
(2) Rosset (Alphonse), coadjuteur de l'Evéque de Ferrare avec succession
future, depuis 154S, fut pourvu de cet Evêché en 1563, mourut le 25 février 1577.
[Italia sacra, t. n, p. 487, N° 37).
(3) Boulevards.
i) Octave Farnèse, deuxième tils de Pierre-Louis Farnèse, né en 1524. Gendre
de Charles-Quint, dont il avait épousé en 1538 la fille naturelle Marguerite d'Au-
triche, veuve d'Alexandre de Vïédicis; mourut le 21 septemhre 1586.
38 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1553]
est notoire a chascun, et quant aux hommes d'armes, vous les paie-
riez aussi bien en France que icy et si en tirerez plus de service que
des 2 cens chevaulx legiers, et donneront oultre cela grande réputa-
tion a voz garnizons et a voz forces de deçà, car ce nom d'hommes
d'armes françois y est fort estimé. Quant a pentionje scay bien, Sire,
que 6 mil escuz plus ou moins en telle marchandise ne vous sont
rien une fois Tan ; quant aux villes, places, et pays, dont je faiz tant
le libéral en mes articles, Dieu mercy. je ne luy présente rien du
vostre et faictz bon marché de ce que vous ne tenez point encores en
payant toutefoiz, mais quant vous l'auriez bien dez demain conquis;
je crois que vous auriez besoing de trouver homme qui acheptat
ainsi des villes pour vous fournir argent a maintenir la guerre et
poursuivre la conqueste des autres ; par ainsy mon trop parler et pré-
senter se peult excuser, réduire et modérer a bien peu de chose, veu
mesmement les commoditez que vous pouvez tirer de ce prince, car
en premier lieu, Sire, ce sera grande réputation et faveur en vos
affaires d'avoir ung si puissant serviteur en ce pays, qui ne fera
jamais rien contre vostre volonté, quelque grand pouvoir que vous
lui bailliez, car il est homme de bien et aimé son honneur et je
vous respondz bien, sur ma teste, que vous le trouverez saige et
bien conduisant voz affaires; il vous accommode de 25 pièces
dartyllerie par prest et sans argent, que vous ne scauriez amener
de Piedmont ici sans grosses despenses, ny les faire fondre icy
de cet esté, ny les monster, sans quil vous coustat beaucoup,
oultre le retardement que l'armée feroit pour l'attendre, il vous
faict maistre de son état, comme s'il estuit au milieu de la France,
lequel estât au milieu de l'Italie, grand, riche et fertile et ou il y a
des plus fortes places qu'on puisse veoir ailleurs, et non seullement
il vous en accommode, mais il prive voz ennemi/, quelz quilz soient,
d'en pouvoir tirer aulcune commoditez, vivres, ne passaige, chose
que j'estime bien fort, car il leur fauldra chercher chemin nouveaulx
et prendre de terribles destours pour aller a Milan, a Rome el a
\aples. Quant aux conditions que je y ay mises de ne se déclarer m
vous ne voulez faire passer armée en Italie, et consigner la paye de
lad. armée pour 3 mois, si vous vouliez perdre Sienne, je lui voulois
oster toutes occasions de crainte et de difficultés el faire en cela le
neulral. Car aussy ne seroit il raisonnable quil se meist en ceste
peine, et en danger son estât s'il pensoil lEmpereur supérieur el
triomphant avec armée en Italie, el vous n'y avoir que des garni-
zons. Si je n'y ay mis contribution d'argent, pour sa part, aux guer-
res et conquestes, c'est uni: article dont je u'aj voulu aulcunemenl
approcher, car il penseroit que l'on ne le cherchast que pour son
argent et pour faire voz guerres a ses despen/., el c'est la chose du
monde qui le feroit le plustost retirer; toutesfuis. mon intention el
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 39
mon espérance est bien de s'ayder de ses deniers en une nécessité
sans en faire mention, car dez quil sera entre en déclaration, son
intérêt le pressera assez de ne laisser mal aller voz affaires par
faulte d'argent. Quant au traitement du sr Camillo (1) et du sr Bap-
tistin Strozzy, ce sont deux personnes auquel je voyais que le srDuc
a grande affection, quil estime gens de grand service, et pensoit que
ce vous seroit grand plaizir et grand repoz d'avoir icy ung tel chef
accompagne de grands et bons ministres, de sorte que pour les guer-
res de deçà, vostre Majesté ne seroit forcée de se purger de 4 ou 5
grandz personnaiges qui sont nécessaires et bien sceantz auprès de
V. M., avec lesquelz vos pourriez travailler l'Empereur du coste de
Flandres, tant qu*on luy face ung jour rendre l'esperit et, après tout
cela, Sire, ma principale mire n'a esté que de le y faire entrer a
quelque condition que ce peust, scacbant bien quil fault grande
tentation et occasion pour ce faire, car, pour son particulier, il n'a
aulcune nécessité qui l'en contraigne, 1 Empereur ne luy demande
rien, mais plustot le caresse et luy a rendu Bresseil, il ne craint
point d'être assailly ne provocqué a guerre par aulcuns Princes
d'Itallie et n'y en apparence le proffît ne le gain d'argent ne le peult
aussy mouvoir, car il n'en a que trop et en a moins faulte que prin-
ces d'Italie, ne autres qu'on congnoisse aujourdhuy ; il vivait en
repoz et se va mettre en ung grand travail ; je dis par la, Sire, que
s'il veut passer oultre, V. M. luy en aura très grande obligation et
que toutes ces raisons me doivent servir pour ma justification, et
sy l'on trouve que j'ay fait erreur en mes articles, il est vray qu'il y
a beaucoup de choses que je rabillerois bien s'il falloit venir a les
conclure a bon escient et ny ay pas mis, pour la première ouverture,
beaucoup de conditions et considérations qui y sont nécessaires;
car, a la vérité, je les lait a la haste et pour ung essaye seullement.
Je pense, Sire, que V. M. m'en mandera bientôt son bon plaisir et
volonté, suivant laquelle je feroy mon livre de retractation, s'il en
sera besoing et mettroy peine de me passer par vostre intention de
ma part; cependant je ne parleray point audit sr Duc du prêt de
2 cens mil escuz, affîn que l'une chose ne gaste l'autre et, si je suis
presse de ma créance, je ne luy diray de votre part sinon parolles
generalles, remettant le tout a quant V. M. aura fait responce auxdits
articles; d'une chose me suisje advisé, sur laquelle jevouldrois bien
aussy entendre voslre volonté et que vostre conseil y pensast, les
2000 hommes de pied de sa garnison, selon la solde que vous donnes
par deçà ne monte guères moins, comprins tous estatz el appoincte-
mentz de 8000 escuz le mois, qui est raison de quatre escuz pour
homme ; luy, en ses garnisons donne moins de solde et plus petitz
(1) Camillo Martinengo.
40 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1553]
appoinctementz et sy fait 35 jours au mois, par quoy je vous pen-
serois bien espargner 12 ou 15 mil escuz par an en ceste article seul
si l'ontrouvoit bon de luy bailler l'argent de ladite garnison et quil
les feist payer par ses trésoriers et officiers, et je croy, au compte
que j'en foiz que vous en seriez quitte pour 6 mil 5 cens escuz le
mois ou 7 mil au plus a Parme et a la Mirande (1) souloient se con-
tenter ainsy de petites sommes solde, mais depuis que vostre argent
trocta et que voz vieilles bandes y arrivèrent, tout le monde voulust
estre de leur livrée, je ne scay s'il le vouldroy ainsi, mais s'il est
trouvé bon j'en parleray et luy feray bien congnoistre que ce sera
vostre advantaige et le sien, et sy vous envoyé icy personnaige de
plus grande qualité et soffisance que moy pour traicter ce négoce,
je ne fauldray point de luy bien aider de ce que je pourray et scau-
ray, je croy que pour parvenir a bonne fin et a effect de ceste pra-
ticque V. M. ne fauldra pas de faire entendre audit Duc vostre déli-
bération d'armer grossement par deçà et de vouloir continuer la
guerre en ceste Italie, car il faict bien son compte, s'il entre en
ceste praticque, quil ne lui fault dormir de bon sommeil quil ne
voye les Espagnolz hors d'Italie et ne s'y veult pas mettre pour ne
rien faire, Je luy ay fait entendre ce qu'il vous plaist m'escripre du
renfort de Piedmont et de la descente des Souisses, je vous asseure,
Sire, que vous commencé par cette descente d'allemandz par le pays
des Vénitiens faisant courir le bruit qu'on les envoyé a Naples pour
les joindre avec des Italiens et favoriser l'armée de mer, chose qui
sera aisément crue, on leur fera incontinent tourner bride, et s'il est
besoing les mettre tous sur le pays jusqua Bresseil ou l'on pourroit
avoir envoyé 8 ou- dix canons devant dont on ne prendra aucune-
ment soupçon, d'aultant que Monsieur le Duc y envoyé grande quan-
tité d'artillerie pour bien fournir sa place et en une nuit on verrait
le canon planté devant Crémone (2), et ne scay si Domp Ferrand
seroit par avanture a temps de le secourir, pour le moins sait on
bien quil est sans argent, sans crédit et -an- -rnsde guerre, et l'effet
principal que je prétendz seroit tout bien asseuré, car la force prin-
cipalle que vous vouldriez envoyer de Piedmont et passeroit par le
beau grand chemin sans contradiction et netoyerait tout le Parme.
san de ces petitz Chasteaulx qui y sont, sant empeschement, et par
aventure feroit d'autres exploits en ce voyage, que le temps apporte,
lesquelz on n'auroit (3) ne espéré, et si une fois on peull avoir
par deçà un corps d'allemandz et de vostre gendarmerie, alors
diroiton que vous voullés faire guerre en Italie et verraton parler
(1) La Mirandole.
(2) Crémone, ville fortifiée au-dessus de l'embouchure de l'Adda.
(3) Mot laissé en blanc dans le texte.
[avril i553] dominiqi'k nu gabrë Kï
clair beaucoup de gens par deçà qui maintenant n'osent ouvrir la
bouche. Il n'est plus, Sire, le temps que l'on disoit que l'Italie estoit
le cimetière des françois, vous y avez deux ou trois grands pays
dont vous estes maistres, ou voz armées peuvent séjourner, se
rafreschir et retirer, et praticquera-t on quelquesfois les remeides
de l'Empereur de les faire vivre a discrétion dans les terres de vos-
tre ennemy quant il n'a point d'argent pour les payer. Les françois
ne sont plus insolans comme ils soloient estre et sont désirez en
Italie, et au contraire les Espaignolz hays de Dieu et du monde, et
puis, Sire, vostre fortune est telle et si grande, que tout s'inclinera
devant vous et serait dommage sarrester en si beau chemin. L'Empe-
reur se trouve bien peu d'Espaignolzen Italie et moins d'Allemandz,
scaurois croire que s'il en avoit le moyen comme il a eu autrefois
de 150 a 200 mil allemandz, qu'on n'ouyt déjà parler de sa levée, de
sorte que je pense qu'il n'y envoyera point et ainsi si vous pouvez
faire armée pour estre une fois maistre de la campaigne en Italie,
en ce temps que personne ne luy vouldra ayder, j'ay ferme espé-
rance que ce jeu sera bientost finy.
Sire, cette lettre gardée jusques a aujourd'huy que Monsieur le
Duc m'a envoyé le paquet par son ambassadeur par lequel, comme
il m'escript, Vostre Majesté entendra toutes les particularitez quil a
relire du Duc d'Albe, lesquelles je nereddiray point icy, il m'escript
quil a grande envie d'estre icy de retour et que nous avons bien a
parler ensemble, cependant j'espère bien avoir de voz nouvelles;
il craint que Mr le Cardinal, son frère (1), ne se contente point destre
recompensé en benetice de revenu de Bresseil, pensant quil espère
bien cela de Vostre Majesté, et plus grand choses pour les services
quil vous fait, et si ce n'esloit chose qui desplut a V. M., il desireroit
fort pour recevoir vostre libéralité bien complète quil vous pleust
recompenser ledit sieur Cardinal sur quelque terre temporelle pour
le jouir seullement a sa vie, toutesfois il proteste que V. M. ne le
trouve bon quil se contentera de ce quil vous plaira et me prie faire
bon office envers Monseigneur le Conneslable si vous le voulez bien
obliger, Sire, et avez intention vous servir et prévaloir de luy. Je
serois d'advis, soubz correction, qu'il vous pleust lui accorder cela,
car Monsieur le Cardinal vous est si affectionne que quant vous
prendriez tout son temporel, etlespirituel avec, pour vostre service,
il n'y aura jamais regret et pourrez accommoder cela avec luy.
De Ferrare ce 8 avril 1553.
Sire, en fermant ce paquet j'en ay receu un de Monsieur de Mire-
poix qui vous escript du parlement des legalz pour le l'ait de la paix
en poste; cela me fait croire que l'Empereur la désire fort et que le
(1) Le cardinal de Ferrare.
(i
42 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1553]
Pape n'en feroit si grande presse s'il n'estoit trouvé bon de l'Empe-
reur. J'entendz par la mesme despèche que le pauvre M. de Mire-
poix est si malade quil n'a peu signer la lettre quil m'escripvoit; Dieu
luy donne guerison, car vous avez en luy ung bon serviteur.
(Bibl. nat., Fr. 20642, fol. 43) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
27. — [Ferrare], 14 avril 1553. — Monseigneur. Je ne faillys point
denvoyer votre paquet a la court par le corrier exprès que je y
voulois depescher, etescripviz de la meilleur sorte que jesceuz de la
recompence de monseigneur le Cardinal en temporel, de quoy, je
spere que le Roy vous gratifyera voluntiers et mesmement. veu la
bonne volunte et affection que sa Majesté vous porte de la quelle
vous serez amplement informe par le sr Pierre Strossy (i ) qui sera
ce matin arryve devers vous, avec ample information de la volunte
du Roy sur les propos que vous, monseigneur, et moy, avons tenuz
ensamble sur les quelz, monseigneur, je vous supplye vous vouloir
bien resouldre et accomoder nostre intention a celle de sa Majesté,
de la quelle, sil plaist a Dieu, vous naurez jametz, si non toute conso-
lation et grandeur pour votre maison.
Monseigneur, Je scay bien que quant je vous feiz requeste dez der-
niers xxvm escus que javois icy baille a voz gens, jobligeois ma teste
de les vous rendre dans huyl jours, el en escus au soleil. Jescripviz
au Roy votre libérale et cortoise responce, mais, toutesfoys, je nay
point encores touche l'argent, et est entre les mains dez vostres.
.Nous en avons plus de besoing que jametz pour secourir Sienne et
oster a monsieur le cardinal et aux m iny s très du Roy toute occa-
sion de condessendre a aulcun accord qui ne soit honorable pour le
Roy, a quoy une grande nécessite d'argent les pourroit induyre.
Toutes foys je nay voulu reprendre les dit/ \\\m escus sans nouvel
commandement de vous, et délivrer ma teste du dangier en \>
quanl ma promesse réintégra comme il esl par mis, car je veoy bien
quil est impossible de vous rendre cest argent sinon du premier
fons qui vieillira dt; France. El pour ceste cause, monseigneur, il
vousplairra en mander vostre volunte, car vous ne ferez pas moindre
secours au Roy a ceste foiz que vous avez faicl aux aultres besoingz,
et mesmement voyant dequel bon pied le Pape y va, car son audi-
i Pierre Strozzi, d'une illustre famille de Florence, cousin germain de la reine
Catherine île Médicis. il s'était mis au service de la France: fui nommé général
galères, puis maréchal de France, il dirigea l'expédition organisée pour
secouru- Sienne en 1554, lui battu en 1555 à Lucignano, commanda eu 1555 les
troupes iiu Pape ci mourut en 1558 .m siège We Thionville.
[AVRIL 15531 nOMINIQUE DU gabre 43
teur Fanlouche (1), parce que mescript monsp le Cardinal, du vie, na
propose aultres conditions daccord, sinon que l'Empereur quicteroit
tout, pourveu que le Roy feist le semblable et quil se levast des
armes et de la protection, a quoy monsr le cardinal na faict aultre
responce, sinon quil ne pouvoit accorder cela sans en advertir sa
majesté, ne voulant du tout rompre la praticque, mais par ce moyen
la lentretenyr encores quelques jours, et monsr de Myrepoix mescript
que le Pape vouloit venvrceste semayne a Viterbe (2) pour s'approu-
cber des afferes de Sienne quil veult composer, bravant quil veult
veoyr a qui il tiendra pour se résouldre. Dieu veuille, monseigneur,
que mainclenent sur les bons coupz il ne se résolve a notre desa-
vantaige et quil ne se mec te a nous empescher passaige et argent.
11 y a deux moys que jay pronousticque et escript cela au Roy, Dieu
veuille quil en advienne aultrement. Rien vous veulx je faire entendre
que les médecins, a ce que mescript monsr lambassadeur de Venize,
asseurentque monsr de Myrepoix na scauroit vivre jusques a la fin de
ce moys. Il nous a escript deux lettres quil n'a peu signer pour une
grosse fiebvre quil avoit, et les a faict signer a .N'iquet, de sorte que
malade ou mort, il ny a la plus personne que puisse parler au Pape
ny donner ordre a la conduyte des deniers qu'on envoyé a Sienne,
et pource que je veoy que le Roy sera tousiours très ayse que vous
preniez l'auctorité de commander en sez afferes. Je croy quil seroit
bon que vous et le sr Pierre Slrossy en parlissiez ensemble pour y
envoyer, quelque gentilbomme denlendemant, en attendant que le
Roy y aye envoyé nions, de Lansac ou aultre successeur. Je finiray
aujourdhuy toutes mes purgations, et si vous ne venez icy bientost,
monseigneur, je suis bien homme pour vous aller trouver et veoyr
vostre fortyfycation de Bresseil. Il vous plairra me mander vostre
volunte en me recommandant, monseigneur, très humblement a
vostre bonne grâce.
De Ferrare le x\iine avril 155.3.
Monseigneur. Je vous envoyé une lettre que monsieur lambassa-
deur de Venize mescript par la quelle il vous plairra veoyr tout ce
quon peult espérer de notre armée et de la turquesque dont il plairra
a vostre excellence que le seigneur Pierre (3) aye communication, la
quelle lettre vous plairra, monseigneur, après me renvoyer.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.)-
(1) Frédéric Fanturcio, de famille noble 'le Bologne, auditeur île Rote, mourut
à Rome en 1561. Il était l'ami et le confident de Carafa. Voir Duruy, Le cardinal
Carlo Carafa. 0/>. cit., p. 205).
(2) Viterbe, ville d'Italie, à 90 kit. de Rome.
(3) Pierre Strozzi.
NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1553]
GABRE AU DUC DE FERRARE
28. — [Ferrare], 15 avril 1 553. — Monseigueur, Je suis prie de
lieu ou je nescaurois rien reffuyer de vous faire une requeste qui
est de faire miséricorde a ung pouvre contadyn qui est icy en voz
presons nomme Jehan Marye de Byasio, prévenu de quelque homy-
cide fortuit ou a tout le moyns ung peu excusable. Il a ung père bien
vieulx. Jentendz quil a aussi femme et enfantz, lesquelz desireroient
quil vous pleust commuer la vye en une gallere a temps ou perpé-
tuelle ou si vous vouliez plustost entendre la qualité du maléfice
quil vous pleust mander a monsr vostre potestat de diferer le juge-
ment et lexécution jusques a vostre retour. Cest, monseigneur, la
plus belle partie que dieu aye donne aux princes que de pouvoir
faire miséricorde et despencer sur la sévérité dez loix. Et je vous
supplye très humblement en vouloir user pour ce coup, pourveu que
le cryme nen soit indigne et notre seigneur vous en scaura bon gre
et aussy je vous en seray très oblige serviteur.
De Ferrare lexvme avril 155;*.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DIX DE FERRARE
29. — [Ferrare], 1~ avril 1553. — Monseigneur, .le croy que le
capitaine Jheronimo de Pize vous aura parle en passant, allant a
Panne. Je croy bien quil ne nous cuydoit pas la, car il ma envoyé
ung petit paquet de monsieur le cardinal pour votre excellence, le
quel sera avec la présente. Mon dict sieur le cardinal mescript du
xme que les afferes de Montalcino se portent si bien quon peult espé-
rer quil sera la ruyne des ennemys, car ilz nont plus desperence, a
labaterye; ont essaye et failly une myi I eD recommencent une
aultre qui leur reussyra aussi mal. Si vous, monseigneur, estes
contant comme je vous ay dernièrement escript, je ferois partir dez
demain xxvm escus pour la paye de may qui nicrtra noz gens en si
grand cueur que Ion pourra tenyr les afferes du Roy estre en une
grand seurete et aurez faict en cela, monseigneur, ung très grand
secours a sa Majesté et a ses afferes, de quoy je vous supplye très
humblement.
De Ferrare le xvne avril 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
AVRIL 1533] DOMINIQUE DU GABRE 45
GABRE AU DUC DE FERRARE
30. — [Ferrare], 18 avril 1553. — Monseigneur, Jattendz en dévo-
tion responce de ce que jay escript a vostre excellence du prest de
xxvm escus, espérant que depuis la venue du sieur Pierre vous naurez
pas dimynue mais plus tost augmente laffection que vous aviez au
bien des afferes du'Roy. Jay eu ce matin nouvelles de Ravenne (1)
comme le cardinal Sainct George (2) y est arryve et tn doibt partir
demain matin pour venyr icy et dicy en France. Je croy, monsei-
gneur, que vous eussiez bien voulu le veoyr et jen ay faict advertir
le sr Batistin présupposant bien que en vostre absence vous vouldrez
quilz le logent et le caressent. Cest, monseigneur, tout ce que je
vous puis dire pour cest heure.
De Ferrare le xvme Avril 1553.
Monseigneur, depuis ceste lettre escripte, le seigneur Batistin ma
porte la vostre du xvie davril et ay veu aussi ce quil vous a pieu luy
donner charge me dire doht je baise très humblement les mains de
vostre excellence, et vous asseure que vous avez conserve deux foiz
Sienne et je le precheray comme je doibz, de sorte quilz seront bien
sourdz silz ne lentendent a notre court, bien que mon crédit y soit
dimynue et moy presque ruyne, si vous, monseigneur, ny remé-
diez. Jay bien fort grand désir de vous parler et vous supplye très
humblement, monseigneur, navoir point moyns de volunte de bien
l'aire que vous aviez du temps de la comedye, encores que ce que
vous avez ouy depuis soit différant, remectant le surplus qui est bien
long a quant nous aurons ceste grâce de vous reveoyr.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
31. — [Ferrare], 21 avril 1553. — Sire, La venue du sr Pierre
pardeça, et après de Mr de Lanssac, auront esté s'il plaist a Dieu
utilles pour vostre service ayant voz ministres cogneu ou entendu
par eulx une partye de vostre volunte sur les afferes d'Italie. Il est
(1) Ravenne, chef-lieu de la province de ce nom, sur le Montone, à 6 kilomè-
tres de son embouchure, dans l'Adriatique. Place fortifiée de la Romagne.
(2) Jérôme Capiferi ou Capo di Ferro, romain, né le 22 juin 1503, nonce en France
en 1540; évèque de Nice 1542-46; envoyé en France en 1547 ; cardinal du titre
'le Saint-Georges au voile d'or (19 décembre 1544] ; légat en Romagne sous Paul III,
Jules III et Marcel II; mort pendant le Conclave en 1559.
40 NÉGOCIATIONS l'E AVHIL 1553]
vray, Sire, que pour ne faillir a la submission et révérence que je
doibz a Vostre Majesté, je confesseray, puis qu'ainsi elle Ta juge que
jay failly lordement a la praticque de Monsr le Duc de Ferrare (1),
mais non pas s'il vous plaist que chose que jaye faicte ne dicte, porte
maintenant ne pour ladvenir aulcun dommaige ne préjudice en voz
affaires. Ma faulte, Sire, s'il y en a, procède d'une maladie commune
a tous voz serviteurs et ministre en Itallye. Car il nous semble quil
ny a aullre monde que ce pays et que toutes choses laissées vous
deves entendre a vous en faire maistre ; porquoy nous ne parlons
que d'expedientz, de praticques des guerres et d'armes pour vous y
faire trionfer. Je ne vous ennuyeray point, Sire, de mes excuses et
de mes deffenses que je pense avoir bien pertinentes, mais vous
supplieray tant et si humblement que je puis, de pardonner ma trop
grande affection qui m'a ainsi transporte a vouloir bien faire, et je
serai doresnavant plus retenu en telles choses et mettray peine, Sire,
en aultre endroit de vous faire tant de service quil elîacera toute
Terreur dont on me veult reprendre, me remettant au surplus de
vos affaires a ce que j'en escriptz a Monseigneur le Connestable et
quil vous plaira entendre du sr Pierre, lequel en est si sollisemment
informé quon luy feroit tort de vous en escripre plus long discours.
De Ferrare ce xxvne avril 1553.
(Bibl. liât., Fr. 20453, f° 167) (copie).
(iABHE AU CONNÉTABLE
32. — [Ferrare], J~ avril 155$. — Monseigneur, je vous mercie
très humb'ement de ce quil vous a pieu m'escripre et faire entendre
par le sr Pierre, et depuis par Mr de Lanssac, et pour n'estre point
obstiné et contracter contre ce que vous avez desja trouvé maul-
vais, mais plus tost me humilier et repentir de la faute (2) que je ne
cuide pas avoir faicte, je vous supplye, Monseigneur, que cela, bien
ou mal quel qu il suit, me soit pardonne el quej'en puisse avoir mou
esprit en repos, car Dieu mercy, il n'ya rien de gasté mais plus tost
i Illusion aux négociations que venait d'entamer du Gabre, pour faire entrer
le Duc dt' Ferrare dans une alliance avec la France. Voir à l'appendice qui suit
le texte du projel d'alliance en date du 13 mars 1553 .
Du Gabre, à l'occasion de ce traité, fut blâmé par ses contemporains, tourné en
dérision, accusé «le trahison. Quelques ani s plus tard, cependant, le traité éla-
boré par du Gabre fui repris, sans qu'on y apportai aucune modification appa-
rente, par les cardinaux «le Tournon el <le Lorraine, ainsi qu'on le verra au
cours de la présente publication. G'csl là la preuve i|ue l'Évéque de Lodève avait,
au début île son ambassade, une très exacte conception des intérêts fran
Italie.
_ Nouvelle allusion au projet de traite d'alliance avec Hercule II.
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 47
amendé comme vous entendrez par le sr Pierre qui s'en va bien
informé du tout. Je n'ay rien présente a Monsieur le Duc de Ferrare
de la part du Roy ni de moymesme et ay seullement mis par escript
les choses auxquelles je luy voyois quelque affection, et que j'avois
tire de bouche de luy en devisant entre nous, retrangnant le tout, de
sorte que ce qu'il vouldroit avoir en don, je le luy vouloys faire
achepter bien chèrement, espérant tirer argent de luy par ce moyen
sur les conquestes qui sont a faire, ayant veu que tous aultres expé-
dients que je luy avoismis en avant a ceste fin ne pouvoientle mou-
voir et ne contiennent les articles, don d'ung poulce de terre, mais
bien de luy faire payer de Crémone ung million d'or, a vous qui ne
l'avez pas encores, lequel il a peu aultrefois avoir pour 4 cent mil
escus de lEmpereur qui le possède; et quant aux aultres places nom-
mées auxdits articles, s'il avoit tout largent qui est en Italie il n'en
scauroit avoir achepte la moitié, mais toutesfois cela luy rendoit le
traité un peu honorable et de quelque espérance. Quant a Parme, je
me suis bien garde, de mettre une seulle parolle qui puisse offencer
lhonneur du Roy ny la protection quil a prinse du Duc Ottavio, j'au-
rois grand honte dy avoir pensé ; quant le Duc Ottavio mesmes ver-
roit larticle, je suis seur quil ne le scauroit trouver maulvais et
l'accorderoit, sil ne tenoit que a cela que le Duc de Ferrare fut au
Roy, car lhors il pourroit dormir seurement de sa place et se tien-
droit tout assure, voyant un voysin si puissant affectionne et oblige
a sa deffence, et en disant seullement quil ne veult prendre recom-
pense de Parme, le Roy est obligé de toutes ses promesses, et s'il
vous plaist rebvoir et considérer ce qui en fait mention en mes arti-
cles, je suis seur que vous avez trop bon jugement pour me repren-
dre d'y avoir faict faulte digne de la collere du Roy. Monsieur le
Duc (1) trouve mes articles si peu advantageux pour luy quil seroit,
comme il dict, bien inarry de les avoir acceptez et concludz ainsyje
n'ay contenté ne vous ne luy, mais je loue bien Dieu que l'une n'y
l'autre des partyes n'en aye receu desplaisir ni dommaige, cela me
faict porter plus patiamment ma deffence, espérant que, après y
avoir mieulx pensé, vous changerez d'opinion et, quant a la resolu-
tion prinse avec le sr Duc par le sr Pierre, il la vous scaura, Monsei-
gneur, fort bien faire entendre, pourquoy je m'en tairay et aussi de
l'expédition faite du cappitaine Jheronimo de Piza vers Sienne par
Monsieur de Lanssac, et pour l'accord auquel j'ay grandîesperance et
en les partiz que le Cardinal Dandin (2) nous asseure de la part du
(1) Le duc de Ferrare.
(2) Dandini (Jheronimo), né à Césène en 1509, protonotaire, évêque de Cassano
1 1544), d'Imola (1546), nonce en France sous Paul III, cardinal en 1551, mort le
4 décembre 1559.
48 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1553]
Pape et ce que Mr de Lanssac a rapporte de l'intention de sa
Majesté qui me semble, Monseigneur, la meilleure et la plus saige
de tout le monde, ne voyant, quant a moy, que lhonneur et la répu-
tation du Roy y soit en rien intéressez. Mr le Duc montre ce quil
scait faire et sa vraye affection, car il aconduict le tout avec grande
repputalion du Roy, faisant que les legatz le prioient, et a tous les
ministres de sa Majesté qui estoient icy de chose dont nous les
eussions deu prier ce me semble a jointes mains, de quoy le Roy luy
doibt un bien grand mercy et pleust a Dieu qu'on se fict aussi bien
entendu il y a 4 mois, car on eut espargné o cent mil escuz au Roy ;
et si cela se peult accommoder a la façon qui s'est icy ouverte pour
l'bonneur de Dieu, Monseigneur, faites icy servir la botique, car je
vay faire dix mil despenses les plus perdues et inutilles que je vis
jamais. Messieurs qui sont a Sienne me mandent, par leurs derniè-
res despecbes, quilz ont encores faict lever six compagnies nouvelles;
je ne doubte point quilz en rendent bonne raison, mais si leur ay
bien escript quil y avoit peu de gens qui approuvent ceste grande
despense, ny de vouloir garder tant de pays, loutesfois a argent ne
tiennent que tout ne s'y porte bien, car il y a six jours que je lais
partir 3 mil escuz pour la paye de .May et Mr l'Ambassadeur de
Venize en devoit envoyer 24 mil, mais je luy escripvis hier quil estoit
meilleur de les retenir encores pour quelque jours, veu l'espérance
d'accord, et que par avanture les tenai.t court de cela, on saulve-
roit la moitié de la paye de May. .le suis fort ayse, Monseigneur, de
la venue de Mrde Lanssac qui est parly pour Rome, car nous ne
scavions a qui adresser nostre argent pour Sienne et avez faict, a
mon advis, une très bonne élection de luy, qui est bonnesteet saige
gentilhomme, et est desja connu et agréable au Pape. Vous aurez
entendu, par la despecbe de Nicquet, la morl de Monsieur de Mire-
poix, accompagnée de la perte de vingl mil escuz par ce que une
maulvaise nouvelle ne vient jamais seule. Quelques Italiens de fac-
tion impériale a Viterbe avoient dévalises sur le chemin de Peti
glan (lj ledit argent, lequel, depuis, a este recouvert comme m'es-
cript ledit Niquet et vous puis asseurerque a sienne. Monseigneur,
ont eu tous les restes de Mars et toute la paye de Avril de/, le com-
mencement du moys, et dez hier arrivèrent dans Rome les .'?<> mil
escuz pour la paye de May, qui n'est encores achevée, aflin que a
laulte dargent on ne prenne point excuse que les affaires du Roy
n'aillent point; il est vray que c'est de l'argent de Monsieur le Dur
et que toujours luy debvons nous 50 mil escuz qu'il a repretez aussi
libéralement que je veiz jamais, pourquoyje vous supplie 1res hum-
fi) Pitigliano, ville d'Italie dans la province de Grosselo, à 20 lieues s.-S.-K. <io
Sienne.
[AVRIL 1553] DOMINIQUE DU GABRE 49
blement que, sans plus différer, vous nous faictes envoyer de quoy
le rembourser. Il me semble que le Roy se peult aussy assurer de
sa bonne volonté que sil y avoit enlre eulx mil cappitulations, les
effets et les démonstrations et le langaige quil en tient tous les jours
me le font ainsy croire, et me tient tout asseuré que sil vous voyoit
en intention de faire quelque cbose de bon en Italie, quil se conten-
teroit de partiz raisonnables pour venir a la déclaration publique;
bien fautil, Monseigneur que je vous die quil a trouve voz articles
dix fois plus étranges que vous n'avez faict des miens et s'y n'a pas
laisse d'y respondre toutesfois fort bonnestement, comme vous
entendrez dudit sr Pierre, qui est, Monseigneur, tout ce que je vous
scaurois dire après mes très bumbles recommandations a vostre
bonne grâce.
De Ferrare le 27 Avril 1553.
(Bibl. nat., Fr. 20612, fol. SI) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
33. — [Ferrare], 27 avril 1553. — Monseigneur. Je ne puis faire
moins que de respondre a ce quil vous a pieu mescripre du faict des
munitions de Parme, auxquelles on ne touche en façon quelconques
de quelque espèce et qualité quelles soient, encores que le Roy aye
tant de foys escript d'en vendre aulcunes ; non que ce soit ma faulte
ny des ministres du Hoy, mais pour ce seullement qu'on ne le
treuve pas bon, et nous nous accommodons au temps; quand je m'en
fusse bien voullu mesler, je n'en ay jamais eu le loisir et ay tout
remis a Mr de Fourquevaulx qui est sur les lieux, et ne trouvant que
très bon tout ce qu'il faict et tout ce qu'il dict; car aussy ne semble
t-il sage et bonneste gentihomme, cela est bien loingde mestre volu
mesler de ses charges ny de diminuer son pouvoir et authorite. Je
ne me meslay jamais d'ordonner despence d'un escus, ny de com-
mander choses quelconques, et ne faict icy que leur respondre et
solliciter ce qui leur faict besoing, leur servant, ce me semble, de
valet a tant qu'ilz sont, de quoy je ne me dedaigneray jamais pour le
service du Roy a moindre qu'eulx, mais, sansl'interetz du Roy, je ne
le ferois ny vouldrois aussi peu que homme de mon estât qui fut au
monde, et ne puis penser, Monseigneur, ou l'on a prins qu'il y ait
entre nous incompatibilité ny entreprinse lung sur l'aultre, car je scay
bien que M. de Fourquevaulx n'en peult pas avoir escript, et je n'y
pensois jamais (1 ). Je vous supplie, Monseigneur, ne prenez pas
(1) Du Gabre et M. de Fourquevaux: étaient liés d'amitié. Voir C. Douais, Une
importante correspondance, Op. cit.. p. S;. L'évêque de Lodève se défend ici
d'une accusation portée contre lui. touchant ses rapports avec FourquevauX- Les
50 NÉGOCIATIONS DE TmAI 1553]
cette opinion de moy, car je vous respondz bien que je n'ay pas
grande envie de m'y forrer si avant, et, pour le commencement, on
ne m'en donne pas si bonne curée que je m'y doibve eschauffer
davantage.
Le 27e avril 1553.
(Bibl. nat, Fr. 20642, fol. 84) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
34. — [Ferrure], 14 mui lô53. — Monseigneur, je ne vous feray
longue lettre ni redicte de ce que j'escriptz au Roy, et me desplait
que je ne vous puisse mander quelques bonnes nouvelles de laffaire
de Sienne, mais je vois bien, par ce que nous entendons dudit Sienne,
que la difficulté et longueur ne viendra que de nous mesmes, et
que toujours nous ferons despendre au Roy plus quil ne veult ; de
quoy je ne pense pas estre de la partie, et pour ceste cause, Monsei-
gneur, il vous plairra faire pourveoir et continuer d'envoyer argent,
comme s'il n'y debvoit avoir accord; atlin quil n'en vienne inconvé-
nient, vous avez bon loisir tout ce moys, car avec le prest et secours
de Mr le Duc, toute la paye de May sera, dans bien peu de jours, dans
Sienne. Je ne vous parleray plus, Monseigneur, de Mr le Duc de Fer-
rare, sinon de vous supplyer que tout le passe soit oblyë (1), puisque
rien n'est mal aile, Dieu mercy. Je scay bien que led. sr Duc a parle
de moy au sieur Pierro (2) plus a mon adventaige que je ne mérite,
et je crains que cela me rende suspect envers vous aultres, car je
vouldroys que mes œuvres me recommandassent et non ceulx a qui
j'ai a négotier pour le Roy. Je scay bien que je vouldroys aussy peu
advancer mon honneur et mon debvoir que homme de mou estât
que le Roy aye en son servie»', mais, Monseigneur, pour osier tout
scrupule, vous me feriez grande grâce de m'oster die j . ri vous servir
de moyen aultre endroit. Pour le moins je scaurais bieu dire grâces
devant le Roy si je ne suis bon a aultre chose. Bien von- assureray
je, Monseigneur, que je ne m'accuseray jametz davoir fait faulte en
ceste pratique, pour avoir voulu faire advantaige a Monsieur le Dur.
car s'il est permis de le dire comme il est de le faire pour le service
de son prince, je cuydois l'avoir bien embarqué, H surpris, avec pro-
messes et espérances qui necostoientrien au Roy. et, si vous lussiez
prins au mot, il estoit bien empesché de sen retirer ; il est vray que
vous l'aurez tousjours si vous voulez faire quelque entreprise en
faits de ce genre abondaient a celle époque ou ion vivait dans une atmosphère
de délations et de basses calomnies.
(1) Allusion au projet d'alliance avec Hercule 11.
(2) Pierre Strozzi.
[MAI 1553] DOMINIQUE DU GABRE 51
Italye, fondée et digne de sa déclaration, et se contentera toujours
de la raison, car il me disoit, n'y a que deux jours, que sil voyoit une
fois ce que le Roy veult faire pour luy, que l'on luy laissast lors faire
sa déclaration quand il verroyt le temps a propoz, sans mettre temps
a vous en advertir. car il vouldroit commencer par un service et une
exécution d'importance, et avoir donne plustost le coup que la
parolle. J'estois résolu de ne vous en parler jamais plus, mais il me
semble ne pouvoir faillir de vous dire tout et le remettre après au
bon jugement du Roy et le vostre.
De Ferrare ce 14e May 1553.
lîibl. nat., Fr. 20453, fol. 169) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRAKE
35. — [Venise], II mai l.')33. — Monseigneur, Je eusse dez hier
renvoyé ce messagïer, n'estoit que je m'attandois recepvoir encores
quelque paquet de la Court, que Bocbier qui est passe a Ferrare
doibt avoir apporté. Le Secretere de Monsr d'Âramon (1), qui est
depesche oour Levant le m'a dit, ainsi qui partist de la Court le
xxixe du passe, et, a ce que je veoy, ilz désirent et solicitent l'arrivée
de l'armée pour après n'en rien faire. Il laissa le Sr Pierre Strozzy
a Lyon le premier jour de ce moys, de sorte que ce pouvre gentil-
homme aura faict ceste course en cinq jours, et disoit vouloir estre
a la Court le quatriesme. Je ne me vouldrois pas venter d'en faire
aultanls'il en estoit besoing. Je vous envoyé, Monseigneur, la lettre
de Monsrde Lansac avec l'advis du Pape sur les articles, ou il y a
quelques choses que je n'approuverois pas, comme seroit ce mot
liberta anticha, pour ce qu'on scait bien qu'elle a tousiours esté ville
imperialle et soubg la protection de l'Empire. L'aultre article est du
chef de la garnison, confident ou diffident, qui seroit tenir toutes cho-
ses en querelle et dispute, et est meilleur laisser le tout à l'élection
des Seinnois. Tout le reste ne me semble pas fortpreiudiciable. L'on
a icy nouvelles que les Imperiaulx se sont retirez de Terouenne (2),
n'ayant faict que courir après la bâche. Le Duc de Florence a envoyé
il) Gabriel de Luez. baron d'Aramon, né à Nîmes à la fin du xv siècle, fut atta-
ché à la Cour de La Mirandole (1542), puis ambassadeur à Constantinople jusqu'à
sa mort, survenue en 1554, pendant un voyage en France. Il tï! conclure l'alliance
de Soliman II et du roi de France contre Charles-Quint.
Le secrétaire de M. d'Aramon. dont il est ici question, est, sans doute, Jean
Chesneau, qui a laissé une relation très intéressante du voyage en Perse, Syrie,
Palestine, Egypte, de M. d'Aramon, lequel avait suivi Soliman dans son expédition.
(2) Tberouanne, village du Pas-de-Calais, à 16 kilomètres de Saint-Omer, était
une des principales forteresses sur les limites des Pays-Bas. Charles-Quint la prit
et la détruisit en 1553.
52 NÉGOCIATIONS DE [MAI 1553]
ung ambassadeur en Souisse, avec force argent, pour rechercher ces
Seigneurs des ligues, d'une ancienne confédération qui a este aultres
foix avec la maison de Medicis, mais il a este renvoyé comme homme
de qui l'on n'a pas tenu grand compte. J'espère, Monseigneur, estre
mardy pour le plus tard devers Vostre Excellence.
De Venise, ce xie May 1553.
Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
36. — [Venise], 14 mai 1553. — Monseigneur. Je foys mon
compte de partir demain, s'il plaist h Dieu, et remectray à vous
monstrer lors, les lettres que j'ay eu delà Court par Bouchier. qui
me mande vous avoir eu toutes nouvelles de la Court. Il me samble
qu'ilz son demy appaisez en mon endroyt. Ledit Bochier m'a escript
bien légèrement ma créance, remectant a m'en escripre plus ample-
ment, mais qu'il soit a Rome. Parquoy pour sa venue nous n'aurons
aprins grand cbose et fault attandre la despeche qu'on fera a l'arri-
vée du Sr Pierre (1).
De Venize, ce xmie May 1553.
\rrh. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
GABRE AU CONNÉTABLE
37. — [Ferrare , 20 mai 1553. — Monseigneur, il vous plaira
voir par la lettre du Roy l'occasion de la despeche de Perrot (2),
présent porteur, de quoy ne vous fault faire redicte ; jay faict ung
mémoire abreige de Testât des affaires de deçà et de quelques dis-
cours tenuz avec Mr le Duc de Ferrare, il vous plaira le lire, et après,
en faire entendre au Roy ce quil vous semblera estre bon, excusant
sil vous plaist le reste : cbascun dict icy sa ratellee et son advis
cuydiïnt bien faire ; niais ces! pour nous soubmetre après, comme la
raison veult, et vostre meilleure oppinion.
Monseigneur, icy est venu un Monsieur Dominicque de la hfirande
que ces dames de Mantoue 3 e1 M . le Cardinal i envoyenl devers
vous, pour ce quilz ont entendu que le Roy voulloit mener a la
(1) Pierre Strozzi.
2) Perrot, courrier au service de la France.
3 Les dames de la maison de Gonzague, duchesses de iantoue.
i Hercule de Gonzague, deuxième fils de Jean François il. né en 1505. Évoque
de .Mantoue (1520 . cardinal [1521 . mort le 2 mars 1563. il gouvernh le duché peir
dant la minorité de son neveu.
[MAI 1553] DOMINIQUE DU GABRE 53
guerre le Sr Ludovic de Mantoua (1); il y a ces deux bonnes femmes
qui ont grande crainte de le perdre, voyant le Duc, son frère (2), fort
mal sain, et, si ledit Ludovic se trouvoit a la guerre, mourant le Duc
son frère, il y a danger que l'Empereur et Domp Ferrand se saisissent
de son estât, le prétendant confisque comme d'ung rebelle, qui ne
seroit service pour le Roy, et puis ilz disent que le garson est fort
jeune pour n'en pouvoir tirer service, et quil peultbien attendre que
Monseigneur le Daupbin (3) son maistre aille a la guerre pour en ce
cas le suivre. Monsieur le Duc a este dadvis que je vous en escripvisse
ung mot et que le Roy fera bien de contenter de cela ceulx de ceste
maison. Je vous en ay escript ung mot par ledit Dominicque de la
Mirande qui est fort affectionné serviteur du Roy et le vostre. Il sen
va par le Piedmont et par luy j'ay escript ung mot de nos nouvelles
a Mr le Mareschal (4).
De Ferrare le 20 mai 1553.
(Bil)l. nat., Fr. 20642, fol. 101) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
38. — [Ferrare], 23 mai 1553. — Monseigneur, je receuz hier
unes lettre de Mr deLanssac, laquelle j'envoye a MrlAmbassadeur de
Venize(5) pour la veoir, et après vous la faire corrirparung pacquet
exprès et par les postes ordonnées, par laquelle il vous plaira veoir
que ledit sr de Lanssac a remis sur les praticques de l'accord de
Sienne, et a faict a mon gré bien saigement, mais, la responce
faicte par Mr le Cardinal au chambrier du Pape, monstre bien quil ne
fera rien quil n'aye commandement exprès du Roy, lequel je m'at-
tendz vous nous envoyerez bientost. J'ay veu par lettres de Gennes,
qui asseurent que le Marquis de Marignan(6)n'estoit allé a Florence
que pour faire embarquer des allemandz et espaignolz, qui sont
devant Montalcino, pour les descendre audit Gennes, et de la aller au
Piedmont; s'il sera vray, c'est desja le font du renfort que vous avez
envoyé en Piedmont et j'auray bien devine, car j'ay toujours dit que
(1) Louis de Gonzague, seigneur de Bozzolo.
(2) Pierre de Gonzague.
Les membres de la maison de Gonzague s'étaient, presque tous, mis au service
de la France.
(3) François II.
(4) Le maréchal de Termes.
(5) Odet de Selve.
(6) Jean-Jacques de Médicis, marquis de Marignan, né à Milan (1497), mort dans
cette ville (1555). Après avoir servi la France, il se laissa séduire par les pro-
messes de Charles-Quint et passa au service de l'Empereur. (Voir Bra.ntomk,
Grands capitaines étrangers. Édit. Lalanne, t. i, p. 291).
54 NÉGOCIATIONS DE [MAI 1553]
les Italiens nouveaulx que le Duc de Florence faisoit lever n'estoit
que pour remplir ceulx la qui s'en dévoient aller; s'il est ainsy, que
Mr de Termes voye n'avoir atîaire qu'a Italiens, vous verrez quil se
mettra en campaigne avec les 1 3 mil hommes quil lia et le doibl faire,
car, les siens sont déjà disciplinez, et bien armez, et sy n'y a pas
moins de cavallerie que les ennemys et si ce bel argent ne nous
falloit, il n'y a point de faute que la continuation de la guerre de
Sienne seroit plus maintenant pour le Roy que l'accord, et que Dieu
auroit inspire Mr le Cardinal de se rendre difficile audit accord pour
ne laisser séparer cette assemblée de gens de guerre qui est a Sienne,
et ne perdre ceste occasion, si l'armée de mer vient de destruire le
Duc de Florence, car vous avez a Sienne une demye armée toute
preste avostre renfort déjà achemine en Piedmont. Je vous laisse
penser. Monseigneur, où s'en trouveront ces imperiaulx s'il sortoit
encores de Parme ou du Ferrarois une bande d'artillerie accompai-
gnée seulement de <i mil hommes et trois cent chevaulx; pour ung
mois ou deux, ce seroit une despence de 60 mil escuz en ung mois
ou deux, qui par avanture en vauldroil ung million, car les impe-
riaulx ne scauroient quel coste secourir le premier assailli/ tout en
ung coup parle Piedmont, par Lombardie, par la Toscane et par la
mer; quand ilz vouldroienl remédier d'ung coste ilz perdroient de
l'aultre, et vous faites aussy bien la despence ainsy comme ainsy.
hormis de celle que l'on pourroil faire deçà, mais si vous nous
envoyez de quoy assigner ceux qui nous vouldrons prester, j'aurois
espérance de trouver l'argenl pour ceste petite troupe qu'on feroit
icy, laquelle ne seroit pas digne de mectre ung Dur de Ferrare en
campaigne, mais les gens seroienl prest plustost que le Sr Pierre (1)
ne scauroit estre icy pour les menner sans aultre intention que tra-
vailler a divertir et faire valeur les autres armées, et paradvanlure
quilz feroient plus d'effecl que tous les autres, avec huictoudix
canons seullement, car on prendroil une infinité de chasteaux et de
grandes villes non fortes qui se porroient fortiffier ; ce seroit un
camp volan, lequel en ung besoin paye le premier moi-;; mi tien-
il loi t en campagne au temps (\t>> vivres et de la récolte et sans
dangier de rien perdre, car ilz auroienl toujours leur retraite a seu-
rete; cela, Monseigneur, m'est échappe de la plume en passant,
mais je le pense, aussy aije a faire que a dire, si nous avions Mon-
sieur le Duc noslre et son artillerie. Monseigneur, vous aurez au — \
avec la présente une copie de lettre de lAmbassadeur de Ferrare a
Klorence qui escript quelques parti cularitez de la conspiration de
Sienne avec une liste des cappilaines que tait le hue de Florence,
et quant a nous faire raison des destroussemenl île corriersdu Duc
i) Pierre Strozzi
[MAI 1553] DOMINIQUE DU GABRE 55
de Ferrare, le Duc de Florence a fait rendre le cheval et l'argent,
mais des lettres il n*en est point de nouvelles; il montre bien parla
quil scait ou elles sont et quil ne cherchoit autre chose que cela.
Monsieur le Duc a dit aujourdhui au secrétaire de Florence quil ne
voulloit plus qu'on luy rendit les lettres et quil n'en avoit que faire,
et que son maitre montroit trop manifestement grand malice et
grand ignorance; s'ils estoient deux gentilshommes privez, je crois
quil fauldroit quilz combatissent, je vousasseure bien, Monseigneur,
que je ne tache pas fort a y mettre la paix entre eulx.
De Ferrare ce 23 Mai 1553.
Les lettres de lAmbassadeur de Ferrare sont dans le paquet adres-
sant a lAmbassadeur du Duc auprès de sa Majesté, nous n'avons
point encore nouvelles de Mp le Cardinal du Bellay (1).
(Bibl. nat.. Fr. 20642, fol. 102) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
39. — [Ferrare], 26 mai 1 553. — Monseigneur, le srFlaminio (2)
présent porteur est despeché par Messieurs qui sont a Sienne ; vous
aurez ample information de la conspiration de Sienne et du peu
d'espérance quil y a en l'accord, lequel Monsieur le Cardinal tient
pour tout rompu, tant pour n'estre, se dit-il, l'accord agréable aux
Siennois que pour le soupçon que l'on a quil y eut quelque intelli-
gence, en sorte quil conclut a demander toujours secours et plus
grand force et, a la fin, je crois que vous serez contrainct d'entrer
encore en ceste despence, pour faire d'ungcoup deux bons effectz,
l'ung pour délivrer Sienne, et l'autre pour favoriser l'armée de mer,
et donner quelque commencement a lentreprinse de Naples ; et si
vous, Monseigneur, résolvez par delà d'y faire effort et ne pouvoirou
vouloir envoyer ung peu de Souisses, on lèvera bien le siège de
Sienne avec quelques Italiens que l'on levé pour ung mois, et mes-
mement, si les Espaignolz et Allemandz se lèvent du siège pour aller
partie a Naples, et partie en Piedmont, comme il se dit pour certain
et comme il est bien croyable. A Venize estoit arrive Monsieur de
(1) Jean du Bellay, deuxième fds de Louis du Bellay, seigneur de Langey, et de
Marguerite de la Tour Landry, né en 1492; successivement: évêque de Bayonne,
Paris, Limoges, Le Mans; archevêque de Bordeaux (4544-1553 ; cardinal (1535);
fut nommé lieutenant-général du royaume (1536 et chargé de missions diploma-
tiques importantes en Angleterre. Disgracié par les Guises, il se relira en Italie,
où il devint évêque d'Ostie; il mourut à Rome le 15 lévrier 1560.
[2] riaminio Ursini, capitaine italien envoyé par Strozzi à Montluc pendant le
siège de Sienne (Montluc, Commentaires, Op. cit., t. n, p. 64).
56 NEGOCIATIONS DE [MAI 1553^
Cabassolles (1), comme vient de m'escripre Monsieur l'Ambassadeur,
et tous deux seront icy demain a larrivee de Mr le Cardinal du Bellay,
qui a mande quil pouvoit estre icy le 29. Je l'ay fait savoir a Mr de
Forquevaulx pour s'y trouver aussy, aflîn que nous fassions une
autre diète au Bosquet, comme celle de Chioja ('2;, et m'attendz bien
cependant que nous aurons eu quelque responces aux despecbes du
sr Pierre, et autres du 3e el 5e apportées par Francbot (3) et scauront
plus clairement toutes voz intentions pour mieulx resouldre tout ce
que chacun aura a faire; cependant, je vous diray seulement que
ceulx de Sienne ont pour le payement de Juin 45 mil escuz, que
M1' 1 Ambassadeur de Venize y a envoyé. M. de Lanssac me mande
avoir en main 33 mil escuz d'un party fait par feu Mr de Mirepoix.
Je luy escript quil veuille prendre la dessus neuf mil escuz quil fault
pour le parfait de Juing. 11 est vray que Messieurs, a Sienne, m'es-
cripventque je leur envoyé 6 mil escuz en lieu de ceux qui furent
perduz a Montalcino et encores 4 mil pour les compaignies nouvel-
les quilz ont levé. J'ay escript aud. sr de Lanssac que silz en font
plus grand presse, quil les leur vueille envoyer de la partie qui est
entre ses mains, de sorte que encores il aura de reste pour le mois
de Juillet 14 mil escuz ; par ainsy, on ne peult dire quil y ait faute
d'argent. J'ay icy de la monnoye que le gênerai d'Albenne avoit en-
voyé pour 36 mil escuz, de laquelle on ne peult se deffaire prompte-
ment, et j'espère la faire servir au remboursement de Mr le Duc (4),
a qui il ne sera plus deu que 15 mil escuz : ceux de Parme et de la
Mirandole attendront le mois de Juinjusques a la lin. cependant il
sera venu aultre provision d'argent. Mr de Lanssac m'escripl quil
voulloit rembourser une partie de 20000 escuz employez par feu
Mr de Mirepoix, qui furenl envoyez ;i Sienne, comme vous aurez ?eu
par uni: estai que j envoyai du 30e de Mars par Gassot, mais je luy
ay escripl (pie par les instructions du s1 de Mirepoix que pourta
ledit Gassot, le remboursement de ladite partie estoil assignée a
Lyon aux payements de la foire de Pasques, parquy il ne debvoil
employer la ceste partie des :'..". mil escuz. Voila, Monseigneur, en
somme, Testât ou toutes cboses se trouvent en matière de deniers,
de sorte que l'on ne peut dire quil y en nye nécessite ; j'entendz par
ledit porteur que a sienne non! point faulte de vivres el que. leur
fournissanl la paye accouslui '. ilz attendront fort bien VOStre
secours deux el trois moys; si la leste dure si longuement; le Duc de
(1) Antoine de Cabassolles, issu d'une famille de Provence; gentilhomme ser-
vani de Henri [I, capitaine des galères.
(2) Chiosa, ville à 22 kilomètres de Venise, avec poil sur l'Adriatique.
(:?) Courrier au service de la France.
i Le due de Ferrure.
[MAI 1553 DOMINIQUE DU GABRE 57
Florence se trouvera bientostau fons de sa boite et de ses provisions
et congnoislra bien quil a faict une grande folie de s'attacher (1, a
ung si grand Roy.
De Ferrare ce 26 mai 1553.
Mr le Duc partist hier pour aller accorder deux contes d'Allema-
gne qui doibvent combattre, desquelz le Roy de Roesme luy escript
en grande affection ; le Sr Flaminio et moy laccompagnasmes dans
son coche une grande partie du chemin, pour luy faire part de la des-
peche de ce pourteur a qui il dict son advis de tout, et vous prie de
l'excuser s'il n'a eu la comodite d'escripre par luy. Je vous prie,
Monseigneur, de vous asseurer de sa bonne disposition et volonté
aux affaires du Rov.
(Bibl. nat., Fr. 206«, fol. 104 (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
40. — [Ferrare], 26 mai 1553. — Monseigneur. Depuis mon aultre
lettre escripte est arrive ung corrier du Roy, exprès; après l'arrivée a la
court du Sr Pierre deLbome, du sieur Rodolphe (2) et de Franchot,par
le quel ilz nous escripront amplement, et nest ce corrier depesche
pour aultre chose que pour porter en extrême diligence lintention
du Roy a messieurs qui sont a Sienne, daccepter laccord selon voz
articles. Je vous envoyé, monseigneur, ce que le Roy et monseigneur
le Connestable men ont escript, avec les nouvelles de Terouenne. Le
corrier a laisse monsieur le cardinal du Rellay a Bresse et ne fauldra
pas d'estre icy dimenche ou lundy. Jay grand regret, Monseigneur,
a ce vostre voiage, et si déjà vostre excellence na commande ce quil
fault pour recepvoir ledit Sr cardinal, il vous plairra mander ce quil
vous ploist quon face, bien que jen iray parler après disner a mon-
seigneur le gouverneur, et vous plairra, monseigneur, me renvoyer
les lettres et nouvelles du Roy. Jay faict passer sur lheure le corrier
jusques a Rome avec le paquet de Sienne, et le sieur Flamynio est
aussi party pour la court. 11 ma semble, monseigneur, vous debvoir
depescher ce pourteur exprès.
De Ferrare le xxvie mai 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
41. — [Ferrare], 26 mai 1553.— Monseigneur. Monsr lambassa-
deur de Venize ma escript quil sera icy demain ou dimenche pource
(1) S'attaquer.
(2) Sans doute Rodolphe de Gonzague.
58 NÉGOCIATIONS DE [JUIN 1553
que monsieur le Cardinal de Bellay luy a escript de sy trouver le
xxixe qui est lundy, auquel jour il doibt arriver. De quoy je vous ay
voulu advertyr pour entendre ce quil vous plairra quon face. Cepan-
dent je parleray au sieur Batistin pour faire accommoder ce lieu icy
de quelques lictz et meubles. Je logeray icy monsieur lambassadeur
en atandant que laultre vienne ; mais vous serez , sil vous plaist.
content, monseigneur, que je mayde de votre cave et de voz meubles,
aultrement il serait icy fort mal receu. Il ma envoyé une lettre de
monsieur le Conestable a luy adressante, du vne de ce moys, en la
quelle il y a les motz qui sensuyvent:
« Je ne fors doubteque monsieur de Lodeve ne vous ay faict scavoir
comme il est aile delà négociation du sieur Pierre Strozzy, qui est
icy de retour dez avant hier, ensemble ce qui a este mis en avant
de la part de notre Saint Père sur le faict de Sienne, qui est
tant honorable pour le Roy que nous ne scaurions, pour le présent,
ce me semble, mieulx souhaiter». Hz escripvent aussi que dans
Terouenne (1), messieurs de Montmorency, de Fumel (2) et pieu-
sieurs aultres, et deux compaignies de gens de pied, et pource quil
ny avoit faulte que de gens, ilz espèrent que lEmpereur y prendra
une grand liante. Je vous envoyé, monseigneur, ung paquet
venu de France. Je vous escripray plus a loysir, ayant envye que
ce pourleur vous trouvast ce matin sil estoit possible.
De Ferrare ce xxvi' may 1553.
\ ch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
CABRE AU CONNETABLE
42. — [Ferrare], 3 juin 1553. — Monseigneur, le Cardinal «lu
Bellay ma donné charge de vous envoyer la lettre de Monsieur de
Lanssac que vous trouverez en ce pacquet, et vous supplye de l'ex-
cuser sil ne vous a pas escript la dessus, car il estoil dans le bateau
pour sen aller aujourdhuy coucher a Ravenne et faire sa meilleure
dilligence quil pourra pour se trouver a Orvieto (3), et aider a eeste
bonne œuvre de laccord de Sienne auquel jaj grande espérance,
car Ion voit évidemment que les Imperiaulx sonl du tout perdu/ sili
ne le font, et contrainctz d'abandonner le tout honteusement ; mais,
(1) Tlierouaiiue.
i François, baron de Fumel, gentihomme ordinaire de la Chambre, capitaine
«les gardes sous François I el Henri II, ambassadeur à Constantinople :
puis gouverneur de Marienbourg; mourut, massacré dans son château (dans le
Quercy par les protestants, le 29 novembre 1561 . •
3 Orvieto, ville d'Italie, province de Pérouse, chef-lieu «le l'arrondisse ni
de ce nom.
[JUIN 1553] DOMINIQUE DU GABRE 59
pour cela, le Roy ne se Irouveroit pas décharge de ses Siennois et
dune si grosse despence quil la fauldroit entretenir, a laquelle il se
desmele. Par laccord et par ainsi, il me semble toujours très bon
et nécessaire, car sil fault pluz rentrer en despence pour ledit
Sienne, ny pour la venue de larmee de mer, vous pourrez fayre ung
monde nouveau, et le tout sera par aventure mieulx entendu quil
na este pour le passé. Monsieur le Duc eut hier nouvelles que voz
lansquenetz etoient arrives a Albe et que Domp Ferrand estoit demy
désespère, nayant ne gens ne argent, et faisoit 4 mil italiens pour
mettre dedans ses places et sayder de vieulx soldatz qui sont pour
les garnisons, et a qui Ion dit quil est deu 4 ou 5 payes, qui nest
pas pour tirer grand service deulx; il cherchoit de vendre pour
30 mil escuz de revenus en la duché de Milan (1). Jay belle envye
douyr dire que M. le Maréchal commence a marcher, car chacun a
oppinion quil ne trouvera pas grande résistance. M. le Duc a lettre
delà Court de lEmpereur qui font mention du peu de recueil que
lEmpereur a fait au cardinal Dandin, nayant voulu que personne de
sa part soit aile au devant de luy ; je crois que cest pour faire a
maulvais jeu bonne mine et monstrer quon leur faict desplaisir de
parler de la paix ; mais si vous luy tenez bon tout cest este, il faut
quil confesse estre devenu de très grand bien fort petit, et quil se
rende ou quil meure de despit. Il vous plaira prendre quelque reso-
lution sur larmee de mer, car il semble que celle apportée par
Cabassoles ne soffit pas.
De Ferrare ce 3 juin 1553.
(Bibl. nat., Fr. 20642, fol. 107) (copie).
GABRE AU CONNÉTABLE
43. — {Ferrare], i 7 juin 1553. — Monseigneur. .Je despeche ce
corrier exprès pour donner advis au Roy du deslogement des im-
periaulx du pays des Senoys. Hz disent que c'est après avoir fait
laccord, mais je ne le puys croyre, veu ce que Monsieur le Cardinal de
Ferrare a escript par Tassin (2) qui partist hier matin, ce n'est aultre
chose, après tout, que pure et belle nécessite, et la vraye et bonne
fortune du Roy. On verra la vérité de l'histoire par la première
despeche qui viendra de Rome; mais, cependant, je croy que vous
ne trouverez point maulvaise la despeche de ce corrier que je fais
courir exprès pour ce que vous avez eu tant de nouvelles contreres,
que vous debvez estre en payne: les unes vous asseuroient la paix et
les autres la guerre, et ceste cy vous donnera grand espérance de la
(I, Domp Ferrand Frédéric II de Gonzague, voir p. 10, notes) était gouverneur
du Mil, mais et comte de Guastalla dans cette province.
•i Tassin de Lonato, agent de la France dans la haute Italie.
60 NÉGOCIATIONS DE [JUIN 1553]
victoire et de lhonneur pour le Roy, dont vous aurez bientost confir-
macion de la vérité par les despeches qui vous viendront de Rome
ou de Sienne, et ce pendant vous aurez tant plus de temps a resoul-
dre ce quon aura afaire par deçà.
De Ferrare ce xvne juing 1553.
Monseigr. Jay baille cent escuz a ce corrier qui ma promys
corir jour et nuyt et faire extrême dilligence ; il vous plaira lui faire
bailler argent pour sen retournera ses journées. Monseigneur le Duc
de Ferrare escript au Roy de sa main; il vous plaira luy faire quelque
bonne responce pour toujonrs la tenir en bonne volunte.
(Bibi. nat.. Fr. 20455, fol. 93) (originale;.
GABRE AU CONNÉTABLE
44. — [Ferrare], 23 juin 1553. — Monseigneur. Je loue Dieu de
ce que vous aurez par le sieur Niquet confirmation de la bonne nou-
velle que nous vous avons escrite dicy de la victoire de Sienne ; sil
vous plaisoit men donner ung jour une autre de quelque bonne ab-
baye que le Roy meust donne, ce seroit une bonne manche. Je ne
vous feray, Monseigneur, longue lettre par ce soffizant porteur, sinon
de vous supplier quon puisse le plustost quil sera possible ce que
debvront faire Messieurs qui sont a Sienne de ceste armée quilz se
trouvent sur les bras, car je me doubte quilz ne se hasterontde rien
casser quilz ne voyent autres nouvelles du Roy, et en toutes façons
faites, sil vous plait, envoyer de largent, car nous sommes tantost
en juillet et navons pas ung seul escu. Jay pave Monsieur le Duc de
toutcequon lui debvoit de quelque monnoye que le général Delbenne
mavoit envoyé, parce (pion ne sen pouvoil défaire ailleurs sans la
faire battre en autre monnoye de ce pays avec grand perte, oultre la
longueur, laquelle ledit Sr Duc se contentera dattendre, et je don-
neroy ordre, Monseigneur, suivant ce quil plait au Roy men escripre,
quil sera paye de sa garnison de cent hommes de Bresseil, depuis le
premier jour de avril, qui est le temps ipn' le Roy laccorda, et quant
a la recompence de Bresseil pour Monsieur le Cardinal (1), que le
Roy avoit accorde en autant de bénéfices que ledit Sr Duc demande
luy estre change en autant de temporel a la vie dudil sieur Cardinal;
je luy ay fait entendre ce quil vous plaira men escripre par Bona-
corsy qui arriva il y a trois jours. 11 ma dicl quil ne scauroit estre
que très content de tout ce quil plaira au Roy, mais quil me prioil
bien de vous en répliquer encore ung mot et vous supplier de luy
(i) Le cardinal de Ferrare.
[JUILLET 1553] DOMINIQUE DU CABRE 61
vouloir estre aydant, a cela quil tiendra a fort grande obligation du
Roy et de vous. Je croy, Monseigneur, que vous naurez pas grand
peine daccommoder cela avec Monsieur le Cardinal son frère; je ne
vous eusse pas fait cette recharge sil ne men eust bien fort prie.
De Ferrare ce 23 Juing 1553.
Monseigneur, si le Roy ne va pas a ceste guerre de Terouenne,
vous ferez grand plaisir a Monsieur le Duc den faire revenir Monsieur
le Prince (1 ) son filz, car il en est en très grande peine. Je veoy, Mon-
seigneur, quelques gens par deçà mettre des partiz pour conjurer la
tempeste de ceste guerre vers Naples et en desmeler le Duc de
Florence. Vous pourres, Monseigneur, pour en délibérer mettre en
considération que lune ne se peut faire sans Suisses et a grosses
despenses, et, sur lentree de liver, et celle de Toscane se peult faire
avec Italliens qui sont desa, tous portes et assemblez sur le lieu, et
si vous laviez une fois commence, les Florentins seroient gens pour
mettre la main a la bourse et vous descharger de ceste despence.
(Bibl. nat., Fr., 20642, fol. 118) (copie).
GABRE AU ROI
45. — [Ferrare], 7 juillet 1553. — Sire, vous n'entendez pas a mon
advis que je serve a mes despens, ny que je sois pirement traité que
les autres; si j'avois bien de quoy le faire du mien, je vous asseure
bien que je ne chargerois gueres voz finances, ny ne seriez jamais
importuné de moy ; et sur ce propos, je vous diroy, Sire, qu'on m'a
cotize au riereban (2) pour mon evesche, a 4 hommes darmes et
(1) Alphonse d'Esté, fils aîné d'Hercule, héritier présomptif du duché de Ferrare,
né on 1533, s'était enfui pour se mettre au service de la France (28 mai 1552).
— Voir, sur cet épisode, E. Roooc.vnachi, Renée de France, Op. cit., chap. X,
p. 223 sq.
Alphonse succéda à son père et régna de 1559 à 1597.
(2) Le ban était la réunion de tous les nobles, qui, relevant directement du roi,
devaient le service militaire. L'arrière-ban était composé des nobles possesseurs
d 'arrière-fiefs.
En leur qualité de seigneurs dominants dans leur diocèse, les Évêques de Lo-
dève auraient dû, comme les autres seigneurs, fournir au roi un certain nombre
d'hommes d'armes, mais ils en étaient exemptés, en vertu des diplômes royaux
qui leur avaient conféré les droits régaliens. Louis Vil et Philippe-Auguste
(Voir Histoire de la ville de Lodève, par Ernest Martin. Montpellier, Serre et
Koumégous, 1900, 3 vol. in-8°, au 3e vol., Cartulaire, pièces xxn et xxxviu)
défendaient formellement à n'importe quelle autorité d'exercer aucune action sur
les biens de l'Église de Lodève.
Malgré ces prohibitions, les officiers royaux avaient essayé de tout temps de
soumettre les Évêques de Lodève aux mêmes conditions que les autres seigneurs.
62 NÉGOCIATIONS DE [JUILLET 1553]
8 archiers; jamais Eveque mon prédécesseur n'en paya et en ay fort
bons privilèges et exemptions, mais le Senechal de Carcassonne (I)
ne nous veult autrement ouyr. Je suis oultre cela bien fort charge
de décimes et me semble que encores que mon estât me défende de
porter les armes, que je ne laisse pas deservir pour la guerre. Il vous
plaira commander, Sire, que je ne sois poinct travaillé, pour cela
faire escripre une lettre audit Senechal de Carcassonne qui a fait
saisir mon temporel, et mes officiers, et brouillé tous mes petits
affaires.
De Ferrare 7 Juillet 1553.
(Bibl. nat, Lat. 17026, fol. 180 (Évêchés de Franee .
Gagnières), lettre L. (extrait) (copie .
GABRE AU ROI
46. — [Ferrare], '^J juillet 1553. — Sire, Niquet arriva icy le 15me
de ce mois et le soir mesme partit pour aller a Sienne par la voye
de la Romaigne (2), prenant la traverse a Oruyette (3) sans le mettre
ni vostre despeche au hazard dépasser par Florence, car bien que le
Duc de Florence aye monstre quelques jours le passage libre et quil
aye laisse passer aucuns corriers et gens despechez par Messieurs
vos ministres, encore ne se sont ilz peu tonus, aux passages, d'ou-
vrir ce que s'adressoit a Monsieur l'Ambassadeur de Venize '» e* a
moy. Et est entre ledit Duc en tel soupseçon, que l'on n'entend de
luy toujours autre chose que d'avoir faict prisonniers les pins appa-
rens citadins de Florance. Il scayl bien que Messieurs vos ministres
attendent vostre résolution qui luy eust donne envie d»- la voulloir
scavoir, et pour cette cause, Monsieur le Duc de Ferrare n'a esté
d'advis que .Niquet en approchasten façon quelconque; nous n'avons
poinct veu par voz lettres ni entendu la résolution que vous avez
Ainsi. Gaucelin de La Garde (1292) avait été mis à l'amende pour n'avoir pas
envoyé île secours à l'armée de Navarre. En L314, Guillaume de Mandagot avait
dû payer des subsides pour l'expédition de Belgique.
En bien des circonstances, les sénéchaux de Carcassonne avaient exigé la
finance pour les acquisitions de fiefs ou.arrière-fiefs faites par les sujets des I
quesde Lodève (1294, L305, 1325, 1329, 1332, 1354, 1357, 1358, 1360, !
voir vidimus de la régale aux Archives municip. de Lodève . mais, toujours, les
Êvéques de Lodève avaient obtenu gain de cause et les officiers royaux avaient
été obligés de rapporter leur ordonnance ou de restituer ce qu'ils avaient perçu.
(Renseignements dus à l'obligeante érudition de M. Albin H&brard, notaire a
Lodève).
M L'Évéchéde Lodève était ressor table de la «'.oui- du sénéchal de Carcassonne.
-• Etomagne, province d'Italie, entre celle de Ferrare et celle d'Urbin.
(3) Orvieto.
(4) Odet de Selve.
[JUILLET 1553] DOMINIQUE DU GABRE 63
prinse sur le fait de Sienne, d'aultant que Niquet, pour n'avoir
charge de nous en communiquer ou aultrement, nous en a parle le
plus sobrement qu'il a peu. Mais je suis seur que Vostre Majesté ne
n'y peult avoir prins que bonne et saige resolution et que ceux a qui
vous lavez commandée le scauront bien exécuter. Sire, quant a ce
qu'il vous plaist me commander de requérir Monsieur le Duc de
vous represter les cinquante mil escus que je luy avois remboursé,
je luy ay baillé voz lettres et celles de Monseigneur le Connestable,
mais il avoit déjà fait ce que vous desirez, et il y a plus de vingt
jours qu'il m'avoit preste 14 mil escus dont je contentai ceulx de
Pannes et de la Myrandola,qui cryoient après cest argent et sans ce
ilz nen eussent point eu le mois passé, et il y a environ 10 jours
que Messeigneurs le Cardinal et de Termes m'escripvirent une
extrême nécessite ou ilz estoient par faulte d'argent dont ilz voyoient
une évidente ruyne en voz affaires, me priant de faire toute extrême
dilligence, de les secourir de vingt cinq ou trente mil escuz. Je mon-
tray ceste lettre à Monseigneur le Duc et n*euz que a ouvrir la bou-
che, car, incontinent, il me fit délivrer et rendre tout le reste des
50 mil escus, lesquels j'acceptay d'aultant plus volontiers que je ne
scavoys sans cela ou prendre la paye de ce moys pour Parme et la
Mhandola.J'ay envoyé a Sienne 25 mil escus; Monsieur de Lansac me
mande y avoir envoyé autres dix mille quil a empruntez, a la charge
de les rendre dans vingt jours, de sorte qu'ils ont de ceste heure trente
cinq mil escuz, qui est beaucoup plus que eux mesmes n'ont de-
mandé, et qu'il ne leur fault pour payer ce mois; s'il est vray ce que
l'on m'a dict, car ceux qui viennent de la disent quil n'y a point en
tout lestât du Sennois cinq mil hommes de guerre. Je suis asseuré,
Sire, que vous cognoissés bien que mondit seigneur le Duc vous
faict en ses prestz faictz a ses extrémités un très grand service, et je
scay bien que j"ay desja veu cinq a six fois vos affaires en fort mau-
vais estât sans son secours, car vous devez, Sire, croire que vous
n'avez serviteur déclaré en Italie, ni ville ni place, qui ne soient si
pauvres d'eux mesmes que leur taillant la paye d'ung mois, ilz n'ont
après de quoy disner; ilz vous seront affectionnez tant qu'ilz pour-
ront avoir de vostre argent largement, et sans mesure, comme ils ont
eu jusques icy, mais sil vous survenoient affaires et nécessitez telle
que vous ne leur puissiez continuer vos libéralités. Dieu veuille que
leur affection ne se change, et que vous ne les perdiez bientost, et
pour ceste cause, Sire, il est fort bon de recognoistre et entretenir
ce prince icy, qui ne vous fait service pour avoir rien du vostre, ne
pour besoing qu'il en ayé, et qui a, Dieu mercy, de quoy vous accom-
moder du sien comme il fait bien souvent, et au besoing, au regard
de ia lettre qui oblige le gênerai d'Elbene au remboursement de ce
prest que V. M. me recommande retirer, je l'avois offerte audit Sei-
64 NÉGOCIATIONS DE [JUILLET 15o3]
gneur Duc avant de recevoir vostre lettre, daultant que ledit Del-
benne, soigneux de vostre service, et ne pouvant, comme il m'escrip-
voit, pour ceste fois, nous envoyer argent dont il scavoit que nous
étions en nécessité, m'avoit escript que si je ne pouvois mieulx faire
que je obligeasse de nouveau sadite lettre, et m'a semblé ne devoir
point importuner de me la rendre, d'aultant que pour cela vous ne
serez pas plustost presse du remboursement, et que ledit Delbene
mesmes n'aura aucun regret de vous faire service de son crédit
envers ledit Seigneur Duc. Il est vray que jay promis le remborcer
des premiers deniers et voudroit bien qu'il se peust faire, puisque
ledit Delbene a déjà mandé faire les provisions, car c'est toujours
l'assurer, pour en tirer après secours plus grand, et en une plus
grande nécessité, mais je luy vois faire si francbement ce qu'il faict
que, encores, qu'il s'accommodast en tout ce qu'il pourra a vostre
volonté, si seroit il bonneste de monstrer qu'on luy veult tenir
parolle.
Sire, je crois que. tant plus ceste guerre durera, tant plus croistra
la despence d'argent et voy bien que les affaires que vous avez du
couste de Picardie, qui vous sont par raison plus importantes que
ceux-cy, vous ousteront le moyen de pourvoir aux affaires d'Italie et
serons tous les mois à recommencer et à travailler pour trouver ar-
gent. Monsieur l'ambassadeur et moy, avions trouvé assez bon
commencement sur vos gabelles de Lyon, mais puisqu'elles ont été
vendues aux marcbandts de Lyon, nous sommes contraincti de nous
retirer de ce marché, non <;m> laisser les marchans un peu marris
pour les avoir tenus si longuement en espérance. Il est vray que en
pratiquant avec plusieurs marchans chrestiens et juifs de trouver
argent, je pense avoir trouvé un party qui vous sera uni: très grand
service et commodité selon mon jugement, ayant trouvé gens qui
veullent faire une compagnie et entreprendre de fournir dans Venize
et dans Bologne tous les moys cent et dix mille francs que mons-
tent toutes vos despences des garnisons de Sienne, ih' l'arme et de
la Mirandola, et faire de ceste façon qui s'ensuit: cesl a sca voir que
au iou,couau 20med'aoust prochain ils fourniront en monnoye ayant
cours, aux lieux des garnisons, ou en or, selon leur commodité, la
somme de cent et dix mille francs; le 15e de septembre semblable
somme et le 15e d'octobre semblable somme, se contentons d'estre
rembourcez en escuz a Lyon, ou en monnoye grosse rumine
testons (1) et reals (2), toute monnoye menue exceptée, au courset
prix qu'elles ont maintenant en France, en la façon qui s'ensuit: cesl
1) Teslon, ancienne monnaie d'argent, valant dix sens el quelques deniers.
(2) Real, monnaie d'Espagne, égale, en billon, au ringtièn i. en argent, au
dixième de la piastre.
[JUILLET 1553] DOMINIQUE DU GABRE 65
à savoir le premier jour d'octobre cent et dix mille francs, le pre-
mier jourde novembre cent et dix mille, et le premier jour de dé-
cembre cent et dix mil, de sorte quils viennent a avoir déboursé
deux cens vingt milles livres du leur pour les deux mois daoust et
septembre avant que de toucher de vostre argent, pour lequel prest
et advance ilz ne vous demandent aucun proffit ne interetz. Voicy
tout ce quilz demandent: ilz disent en premier lieu quil couste, en-
tre marchans mesmes, de remettre argent de Lyon en Italie cinq
pour cent, ilz en veullent seullement ung davantage et se charger de
remettre en Italie ou ailleurs, ou bon leur semblera, et le mieulx
quils pourront, largent que vous leur aurez baille a Lyon, le tout à
leurs despens, périls et fortune, sans que Vostre Majesté aye aucun
souci, perte ni despence de faire tenirargent en Itallie, tellementque,
a ceste raison de six pour cent quilz veullent pour le port et change,
vous auriez à leur faire payer à Lion, le premier jour doctobre, cent
seize mil six cens livres pour principal, change et interestz, le pre-
mier jour de novembre autant, et le premier jour de décembre aul-
tant. Veullent une autre chose qui est la plus malaisée, c'est quils
n'ayent a traiter que avec le gênerai dAlbenne en son propre et privé
nom, et quil prenne par de la de vous, les sûretés telles qu'il advisera,
se voulant bien fier a luy seul de la seureté de leurs deniers pour la
bonne réputation, en quoy ilz le tiennent destre homme de bonne
foy et qui scait conduire ses affaires. Veullent aussi permission de
transporter hors de France, soit en Italye ou ailleurs, ce quilz auront
receu a Lyon, soit en or ou en monnoye, quand ils verront en avoir
plus de commodité que de le remettre par lettre de change, et a leur
langage je veoy bien que si l'on leur tient parolles ces trois premiers
mois qu'ilz continueront toute l'année et moys, en suivant de cette
mesme façon. Je ne scays, Sire, si je me scaurois bien expliquer et en-
tendre, mais cest ung party qui me semble bien claire et intelligible
et de petite perte pour Vostre Majesté, et qui mettra en grans repos
et sûreté vos affaires de deçà, vous et voz serviteurs avec, et ne voy
point ou c'est que peuvent en avoir grand gaing ceulx qui le veulent
entreprendre, s'ilz ne le. font sur la diversité des monnoyes, chose
qui ne vous tourne point à perte ny ne sort poinct de votre bource.
Et pour ce, Sire, que j'ay veu ledit General dAlbenne et autres mar-
chands difficiles a faire telles seuretez, je luy envoyé la coppie de cet
article pour ne point perdre de temps, et affin qu'il se résolve sil
vous vouldra ou pourra faire ce service qui luy tourneroitaussi,àmon
advis, a solaigement, veu les difficultez que luy mesmes m'escript de
trouver argent par deçà, et lui envoyé pour cette cause ung corrier
exprès, et puis que ces marchands ne demandent que luy, et je scay
fort bien, et le voy tous les jours par les effectz quil est fort affec-
tionnné à votre service, et au bien de vos affaires, j'ay opinion et es-
8
66 NÉGOCIATIONS DE rJUILLET 15531
perance quil ne fera difficulté, en quoy faisant. Sire, il vous fera ung
très grand service et digne d'estre recogna de V. M. avec les autres
passez, car pendant que vous serez occupé a cesle guerre de Pycar-
die et durant ces trois ou quatre mois, vous aurez loisir et commo-
dité de penser et pourvoir aux affaires de delà, et si ledit Delbenne
se resoult de faire ladite seureté et que Messeigneurs de vostre
conseil trouvent bon ce party, il ne faut, Sire, que advertiren dilli-
gence ledit Delbenne de vostre volonté et luy mander qu'il m'en-
voye par corrier exprès sa lettre obligatoire, telle que je la luy
demande, et puis reposez vous sur moy de l'exécution de ce party,
car j'ay fort bonne espérance de le faire mettre a effect sans qu'il
vous faille desborcer rien a Lyon, ne icy, jusques au premier jour
d'octobre, et si ledit général avoit cependant fait provision par deçà
d'autre argent pour aoust, jen pourrais rembourser Monsieur le
Duc, qui le rendroit fort content et plus prompt une autre fois, car,
après tout, c'est aultantd'argent en réserve et entre ses mains pour
vous en prévaloir à une grande nécessité à laquelle je suis seur quil
ne vous refusera jamais, veu l'affection qu'il porte à vostre service.
Et si davanture. Sire, ce party ne vous estoit agréable, ou que ledit
Général d'Elbenne ne voulut en cela vous prester son crédit, je vous
supplie très humblement luy escripre fort expressément quil ayt à
envoyer et pourvoir dargent par deçà, en sorte que a larrivée de
l'armée de nier, qui apportera encores plus grande despence, on ne
laisse point empirer voz affaires pour nous trouver en nécessité, ci
vous plaira. Sire, sur le tout me faire entendre vostre volonté et me
reputeray heureux si cecy vous est agréable d'avoir esté ministre de
chose ipie je pense vous estre de quelque solaigement aux grandes
affaires que vous savez maintenant. Il faudroit aussy, en ci' cas la,
pour la commodité de ces marchands une vostre lettre quilz m'ont
demandé, adressant aux commis de l'extraordinaire par deçà a ce
quilz ayent a recevoir toutes monnoyes de ce pays, aux prix qu'elles
auront cours, aux lieux ou vous faietes despences et les ecus avec, et
quils facent leurs quittances de ce qu'il/ recevront a livres tournois
et non a escus, puisque le remborcement se doit faire en livres
tournois, especifiant toutes fois en leurs dites quittances les espè-
ces qu'ils recevront, comme il est coustume en vos finance eu
France.
De Ferrare ce 21e de juillet 1553.
(ItiM. nat.. Fr. 20642, lui. I id (copie .
JUILLET i 5-r>3 DOMINIQUE DU GABRE 67
(ÎABRE AU CONNETABLE
47. — [Ferrure1, 'Il juillet l.).)3. — Monseigneur, J'ay vu qu'il a
pieu au Roy et a vous de m'escripre et ne ma point failly en recher-
cher Monseigneur le Duc de Ferrare duprest de 50 mil escus, car je
lavois desja faict sans qu'il me fust besoin dy user autre persuasion
ny remonstrance que de luy faire veoir la nécessité des affaires du
Roy par les lettres que javois de Sienne, lesquelles je vous envoyé ;
et m'a très liberallement fait rebailler le tout, je ne l'ay point re-
cherché des dix mil escus d'avantaige dont vous m'escripvez pour
ce que ce mois de juillet est paye partout, et avant que l'on soit a
l'autre paye, le général d'Elbenne aura faict quelque provision d'ar-
gent, comme il m'escript. Quant je y verrois la nécessité, je scay
bien que Monsieur le Duc ne laissa mal aller les affaires ; a faulte de
dix mil escus, et ne pense point que sans luy et son secours, il ne
fut advenu grands désordres aux affaires de deçà, car nous nous
sommes veuz cinq ou six fois, a la fin du mois, sans ung escu, et il
nous a toujours donne moyen d'appaiser et satisfaire partout. Je
vous supplie Monseigneur que sa bonne volonté et ses bons effectz
soient cognus et quil soit bien traité en ses affaires ; il me disoit
encores avant hyer que depuis quil pleust au Roy se charger de la
recompence de Bresseil envers Monsieur le Cardinal son frère, il
n'avoit plus a y penser qu rit a luy, mais que pour rendre son dit
frère plus content, il eust fort désiré que le Roy luy eust accorde
la dite récompense en temporel comme est Bresseil, a la vie dudit
Cardinal ; je ne vous en escript point pour vous en vouloir estre im-
portum, mais pour ne faillir a vous dire ce que je voy en luy et les
moyens que vous avez de toujours l'obliger, et en chose de petite
importance; je ne vous diray rien des affaires de Sienne, d'où je nay
rien entendu despuis la despeche que vous a apporté Ascanio de
Nepy; la restitution de Lezignan (1) n'est point encore exécutée pour
ce que le Duc de Florence a voulu avoir lettres patentes de la Sei-
gneurie, comme ils pardonnent, aux habitants de ce lieu la, toutes
les faultes que l'on leur pouvoit reprocher en cette mutation la ;
quant à l'armée de mer, je vous envoyé quelques advis que Mr le
Duc en eust hier, je présuppose que vous aurez escript par Niquet
ce qu'elle aura afaire, et a ceux de Sienne aussi. Vous verrez Mon-
seigneur ce que j'escrips au Roy d'un party pour vous mettre hors
de la passe ou vous estes, d'envoyer tous les mois argent par deçà.
Si le gênerai d'Albenne veut faire service au Roy d'asseurer ceux
(1) Lucignano, village d'Italie, au N.-E. de Sienne et à G4 kilomètres S.-S.-E. de
Florence.
68 NÉGOCIATIONS DE AOUT 1553]
qui veullenl fornir l'argent, vous seriez en grand repos et nous avec
par deçà, car il ne fault que faillir ung moys a ces gens icy pour
perdre tout, tant de biens que vous leur avez fait par le passé, et
pour peu qu'ilz vissent mutation de fortune en voz affaires, je croy
qu'ils ne demanderoient pas mieux que celte excuse, par quoy si
l'on vous trouve par delà les moyens et les inventions pour y remé-
dier, aidez les s'il vous plaist de vostre part, car de mon cousté j'ay
fort bonne espérance de faire exécuter ce que contient la lettre que
j'escrips au Roy, mais, que du vostre vous ne faillez a vous mesme.
et pour ne tenir ces gens en suspens, il sera bon, sy l'on trouve ce
party avantageux pour le Roy, que l'on despecbe incontinent ung
courrier exprès a Albisso d'Elbene, et avec une simple lettre sienne
qu'il m'envoye telle que je luy escris, il me suflîra. et puis après, il
traittera a plus grand loisir ce quil lui fault de vous pour sa seureté,
vous asseurant Monseigr que s'il fait ce service et vous ne luy faites
faire du bien, vous donnez un très mauvais courage aux autres, car
il y met son crédit, qui est l'bonneur et la ricbesse d'ung marchand,
et y hazarde tant de facultez qu'il a; cecy me gardera d'aller a
Sienne, ou, Messieurs qui sont la, me mandent aller: d'ailleurs je scay
bien que ce lieu icy ne doit point en ce temps demeurer qu'il ny
ait quelqu'un pour le Roy et seroit besoins qu'il y en eut un plus
suffisant que moy, qui est tout ce que je vous diray pour ceste heure.
De Ferrare ce 21 juillet 1553.
Monseigneur, vous m'avez escrit de voir ce quil fauldroit pour
fournir la place de la Mirandola, de ce qui y fait besoing, et vous en
envoyer un estât, il vous plaira voir une liste de ce que le Comte
demande, qui ne monte que 3000 ecus de dépense; quand vous vou.
drez qu'il soit accommodez de si peu de chose, il vous plaira de me
le faire entendre et m'envoyer de quoy le faire.
(Biltl. nul.. Fr. 20642, fol. 1 »•> (copie)
GABRE AU ROI
48. — [Ferrare], 14 août 1553. — Sire, Monsieur de Termes est
allé trouver l'armée en l'Isle d'Elbe, on verra quelle resolution ils
prendront ensemble; far si c'est de faire la conqueste de l'Isle,
beaucoup de gens disent que le port est garny de deux grosses for-
teresses, et qu'il y aura bien affaire a les forcer. Cependant le Duc
de Florence s'est armé grossemenl ci a aujourd'huy, comme disent
ceux qui en viennent, dix mille hommes, et en l'ail, tous les jours.
assembler davantage; il y a danger qu'aussi-tost que Monsieur de
Termes se sera embarqué avec les quatre raille hommes, et com-
[septembre 1553 Dominique du cabre 69
mencé la guerre a l'Elbe, ou a Plombin (1), que le dit Duc de Flo-
rence ne melte toutes ses forces dans le Siennois, conduites par le
Marquis de Marignan qui est auprès de luy. Mais je crois bien que
s'il voit que l'armée ne soit a l'Elbe que pour prendre rafraischisse-
ment, qu'il ne sera pas le premier a commencer la guerre entre
vous deux, et craindra de vous provoquer davantage ; scacbant qu'il
ne vous en a donné que trop d'occasion par le passé. Monsieur le
Duc de Ferrare ne se lie pas fort en luy, comme Vostre Majesté le
scait, et le voyant si grossement armé, il craint d'estre contraint
aussy de s'armer, et je luy en voy quelque volonté pour n'eslre pas
au despourveu, et si je la luy voy continuer, je ne travailleray pas
fort a l'en dissuader: car, s'il le fait, il mettra grand soupçon, et a
l'Empereur, et au Duc de Florence, et penseront qu'il se vueille
déclarer; chose qui ne leur plairoit guère. Il est vray que celuy la
fait désirer le remboursement de ce qui luy est deu, pour se pou-
voir aider du sien, et nous le rendra aussi d'aultant plus difficile a
en prester doresnavant, car si de mal-heur l'Empereur venoit au
dessus de ses intentions, ledit Seigneur Duc s'attend bien d'avoir
des affaires de son costé, et se veut tenir bien pourvu et préparé.
Pour ceste cause, Sire, je seroys bien marry s'il nous fallait recom-
mencer une guerre a Sienne ou ailleurs. Car je voy que vous avez
pour vostre guerre de Picardye besoin de tout ce qu'on peut recou-
vrer, et nous n'avons pas moien de payer pardeça une seule nou-
velle compagnie de gens de guerre, ny a peine de maintenir les
garnisons que vous avez commandées.
De Ferrare 14 août 1553.
(Ribier, Mémoires et lettres d'Estat, etc., t. n, p. 450).
GABRE AU DUC DE FERRARE
49. — [Ferrare], S septembre 1553. — Monseigneur, Je nay eu que
ce matin audiance combien que je arrivasse hier après disner. Mais
aussi je ne pouvois avoir chevaulx sans licence du seigneur mesmes.
Noz propoz ont este courtz et en termes generaulx. Et ayant veu
quon parloil fort réservé, jay incontinent prins congé, mayant dit
que le passaige sera tousjours seur pour moy et autres ministres
du Roy et pour largent avec. Mais quon ne luy donne occasion de
changer de volonté. Icy ont nouvelles que Drogut (2) avoit mis
(1) Piombino, ville forte de Toscane, en face de l'île d'Elbe.
(2) Droguet ou Dragut, célèbre corsaire, né en Anatolie, servit sous Barberousse
et commanda la flotte de Soliman le Magnifique; il mourut au siège de Malte en
1556.
70 NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 1553'
quatorze canons en terre pour batre Bonifacio (1) dans lequel estoit
le gouverneur de lisle et quon pense quilz le prendront. De Picar-
die, ilz nen ont aucunes nouvelles depuis le xxe du passe. Je serai
ce soir a Sienne, sil plaist a Dieu, et sil ne me survient aucun em-
peschement. Cest a la haste, Monseigneur, sur le chemin ou jay
rencontre ce porteur.
Ce vendredi vme septembre 1553.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale etc. .
GABRE AL' ROI
50. — [Ferrare], Pr octobre 1553. — Sire, depuis mon autre lettre
escripte a Sienne, je suis arrivé tcy de retour, ayant veu Monsieur le
Duc de Florence en passant, et este avec luv assez longuement et,
venant sur le propoz delà suspension que le Pape (2 a voit proposée
pendant que j'estois a Sienne, laquelle vous est envoyée par Mon-
sieur le Cardinal de Ferrare, il me dit que toute suspension et Irefve
luy seroit fort préjudiciable, car, il confesseroit par la. avoir été en
guerre avec V. M.; auquel cas ce seroi a lui qui est Finférieur, a la
chercher et demander, mais qu"il ne se plaint point de guerre que
vous luy avez faite, et aussy ne veull pas advouerde vous en avoir
commencée et que cela l'avoit gardé d'accepter ladite suspension :
je luy dis la dessus que cela ne seroit pris en cesle façon de chacun,
et que, lavant vos ministres acceptée, a la grande prière du Pape et
pour satisfaire a sa Sainteté et luy lavant refusée, on ne pouvoil
attribuer cela que a quelque desseing ou entreprinse qu'il eust sur
cest estât de Sienne, qui seroit cause de faire prendre meilleure
garde a toutes choses et de faire tenir plus -rosses voz i:arnizons.
Il me réspondit que je voyois bien qu'il avoil casse ses gens de
guerre et que cela nous devoit oster cesti' opinion de luy. mais que,
si l'on en avoit souspeçon quil seroi I presl d'entendre a toute autre
forme d'accord et de capitulation, et, luv ayant dit que s'il enpropo-
soit, j'en advertirois Monsieur le Cardinal pour lui respondre, lequel
a ce que il voyoit, estoit de fort bonne volonté eu son endroit et «pie
ledit sieur Duc avoit aussy uni: bon ami auprès 'le Vbstre Majesté
qui estoit Monsieur le Cardinal de Tournon, qui ne fauldroit de faire
bons offices pour luy eu ce qu'il desiroit raisonnable, et il demeura
sur les siennes sans vouloir proposer aulcun party, sinon qu'il des-
pecheroit ung homme devers le Pape, a qui il en falloit donner [hon-
neur, et luy feroit entendre son intention, .le luv dist, pour le premier
i Konifaeio, ville forte de Corse, avec port, sur le détroit du même nom.
(2) Jules III.
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 71
party qui me vint a la bouche qu'il se pourroit bien faire une capi-
tulation , que ces deux estatz de Sienne et de Florence ne se pour-
raient offeneer l'ung l'aultre, et qu'il y auroit bonne voisinance et
libre commerce entre eulx, sans y faire aulcune mention de guerre
ny de suspension. Lors, il me dit qu'il escriproit a Monsieur le Car-
dinal et envoyeroit devers le Pape et qu'on le trouverait prest a
entendre toutes choses raisonnables. De quoy j'advertiz incontinant
mondit seigneur le Cardinal, et croy que ceste forme de cappitulation
ou aultre semblable qui n'obligerait rien que voz forces de Sienne
vous serait plus advantageuse que la suspension proposée par le
Pape, laquelle veult obliger toutes voz forces, d'où qu'elles viennent,
par mer ou par terre, et ne pouvoir offeneer ledit Duc ; et je ne
scay sy Vostre Majesté serait contente de se lier a cela; il me dist
la seconde défaite et ruine du Marquis Albert (1) et confessoit la
retirata de l'armée de l'Empereur, quil attribuoit a prudence pour
s'estre trouve de beaucoup inférieure a la vostre; qu'il avoitadvis
de son ambassadeur quil se traittoit quelque trefve entre vos deux
Majestéz, laquelle il désirait fort de son coustez, puit me dist la
prinse de Boniface ou Drogut avoit faict de grandes cruautez et
que cestoit ung port fort de nature et d'une très grande importance;
que les Genevoiz (2) estoient resoluz de faire tout leur effort possi-
ble pour recouvrer ceste isle la, mais quils sont coustumiers de ne
pourvoir a leurs affaires que après le faict ; je luy dict que nous
avions bien présenty qu'ilz cherchoientayde avec luy mesmes pour
leur s deffences, et se parloit en beaucoups de lieux quilz faisoient
ligue pour se deffendre et secorir l'un l'aultre, il m'asseura quil
n'en avoit oneques oy parler et que je cognoissois mal les Genevois,
qui estoient si superbes quilz se tiendraient a honte de demander
aide a personne, qu'on verraient maintenant ce quilz savoienl faire,
et que c'estoit a eulx a courir, monstrant qu'il n 'avoit pas grand
regret a leur travail, et sy me dist davantaige que si Vostre Majesté
les pouvoit assurer de les fornir de bled qui leur est nécessaire par
la Provence, que vous pourriez aisément les attirer a vostre dévo-
tion, mais que la nécessité quilz ont des bledz de Cicille (3), et quilz
ont toutes leurs richesses ez mains de l'Empereur ou dans ses pays
les gardera d'abandonner l'Empereur ; il me fist ung peu plus de
caresses qu'il n'avoit faite a l'aller et me fist voir ses enfans dont
il y en a l'aisné (4) déjà grandet, de treize ou quatorze ans, et luy dict
(1) Albert, marquis de Brandebourg, né en mars 1522, mort le 8 janvier 1558.
En 153 i, il fut dépouillé de ses États et se retira en France.
(2) Génois.
(3) Sicile.
(4) François de Médicis, associé au pouvoir par son père en 1564, lui succéda
en 1574 et régna jusqu'en 1587. Il mil son dévouement au service de Philippe N,
72 NÉGOCIATIONS DE ^OCTOBRE 1553"1
qu'il seroit tantost temps de parler de le marier pour veoir sil avoit
envie de parler de quelque chose, mais il n*en fist semblant et dist
quil estoit encores trop jeune ; tout le reste de nostre discours fust
de propos commungs et familiers. Tous noz corriers et argent pas-
sent maintenant par Florence sur sa parolle et on n'y fait plus
fascherie a personne, de sorte que j'estois d'opinion que Monsieur
le Cardinal cassast les six cens hommes qui sont superflux a Sienne
oultre les trois mil commandez par Vostre Majesté, mais a ce quil
m'aescript parce gentilhomme quil a despeché vers vostre Majesté,
il est résolu de les entretenir encores pour ce mois qui vient, atten-
dant ce que fera ledit Duc de Florence.
Sire, je n'ay poinct encores responce a ce que je vous ay escript
des partiz qu'on m'avoit ici présentez ; si vostre Majesté se resoull
a modérer icy la despence comme il me semble qu'on doibt l'aire,
il ne sera plus besoing de si grosses provisions, mais si vous de-
mourez toujours en guerre et quil ne se conclue quelque trefve,
vostre Majesté doibt prendre argent de tous coustez et en Italie et
en France, quand il s'en trouve, et faire soulier vostre ennemy de la
guerre sil ne veult recongnoistre. 11 nous fault pour ce mois d'Octo-
bre, environ 35 mil escuz pour tous les lieux donl nous n'avons
que environ trente mil livres, et faull (pie le surplus vienne dem-
pruntz nouveaulx, par quoy il plaira a Vostre Majesté y faire pour-
voir; je ne scay si les partiz accordez a Venize, a Monsieur l'Ambas-
sadeur, sont pretz ny argent comptant, d'aultanl quil me semble,
quil y avoit de grandes longueurs avant que de desborcer l'argent ;
il ne peult estre que nous n'ayons bientost de voz bonnes nouvelles
sur cela et du progrez de vostre armée.
De Ferrare ce premier d'Octobre 1553.
Sire, j'ay trouvé icy Monseigneur le Duc de Ferrare qui s'en va
dans deux jours voir ses fortiffications de Bresseil el Fteige l et y
mettre la dernière main pour ceste année ; je l'ay trouve forl aise
des heureuses nouvelles qu'il entend tous les jouis de vostre armée,
car il ne pouvoit croire que l'Empereur se lis! mieulx quil na faict,
trouvant fort estrange quil eul mis armée en campagne, si foible
qu'elle ayt este contrainte se retirer de la sorte qu'elle a faict, il
est tousjours, Sire, d'une très bonne volunte et dévotion en vostre
service: il a reçu hier une despeché en chiffre du Due Auguste (2)
accabla son peuple d'impôts el trouva la richesse dans la confiscation 'les biens
des grandes familles . Toutefois, il se montra protecteur éclairé des arts el fonda
la célèbre galerie de Florence. Il fui le père de Marie de Médicis.
(1) Reggio.
(2) Auguste, électeur de Saxe, dil le Pieux, frère cadel de Maurice voir ci-
après , né 31 juillet 1526, mort février 1586.
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 73
frère du feu Maurice (1), de laquelle il m'a dict qu'il vous laict don-
ner emple ad vis par son ambassadeur, parquoy je n'en feray icy
redicte.
(Bibl. nat.. Fr. 20642, fol. 173) (copie;.
GABRE AU CONNETABLE
51. — [Ferrure], ô octobre 1553. — Monseigneur, j'ai receu par
Niquet la lettre quil vous a pieu mescripre du 17 du passe contenant
la façon tenue a chercher l'ennemy et a lui présenter la bataille ; je
croy que aujourdhuy ceste lettre est en beaucoup de mains en Italie,
car je l'ay fait traduire en Italien, et soudain ay trouvé qu'on l'avoit
fait imprimer, il nous peult estre aussy bien permis que aux Impé-
riaulx de faire imprimer leurs mensonges, vostre retraite est loué et
estimée de chacun et ne puis croire que l'Empereur vueille avoir
encore cest hiver une armée sur les bras pour vous fascher de ce
cousté la, et s'il ne cherche maintenant propoz par trefve ou par
une paix, il fault dire qu'il a encore espérance de vous lasser a la
longue par faulte d'argent, à quoy je m'attens, Monseigneur, que vous
scaurez bien remédier, il me semble que des affaires de deçà vous
en pouvez estre en repoz, et les ranger et reigler a un estât certain,
et quil n'y fault craindre pour cest iver aulcune altercation ne
(2) réserve a Corsegne (3), lequel par ce que j'ay entendu
de Niquet vous avez délibère de bien secourir ; qui est a mon advis
une fort bonne resolution pour l'importance de ce lieu la très
grande, sy jamais l'on a envié de dominer et conquérir en Italie. Vous
verrez, Monseigneur, par une despeche de Monseigneur de Termes,
que Monseigneur le Cardinal de Ferrare ma envoyée, ouverte,
comme toutes choses se portent bien de ce cousté la; sy ces espai-
gnolz et allemandz qui sont a Gennes estoient employés a autres
entreprises que en Corsegne ou en Piedmont, on vous en donnera
incontinent adviz et a nouveaulx accidentz nouveaux conseils, car
ilz se peulvent adresser en lieu du Roy ou l'on naye bon moyen de
leur respondre. ne rien surprendre ou Ton ne puisse bientost pour-
voir en telles nécessitez. Je faiz grand fondement sur laffection que
Monseigneur le Duc de Ferrare a au service du Roy, lequel je veoy
fort content de sa Majesté, et je veult croire quil ne nous laissoit pas
(1) Maurice, électeur de Saxe, né le 21 mars 1521, mourut le 11 juillet 1553 des
suites d'une blessure reçue dans un combat contre Albert, marquis de Magde-
bourg; son frère Auguste lui succéda.
(2) Mot en blanc dans le texte.
\3) La Corse.
74 NÉGOCIATIONS DE OCTOBRE 15o3j
en ung maulvais passage, s'il nous en peut gecter dont il a bien le
moyen. Monseigneur, jay entendu de Niquet que Ton faisoit quelque
changement de ministres du Roy en Levant ; je ne craindray point
de vous dire que Monsieur lAmbassadeur de Venize (1) et moy, de-
vizant ensemble de la charge dambassadeur en ce pays la, trouvions
Mr de Forquevaulx selon nostre oppinion aultant a propos pour ceste
charge que gentilhomme que l'on y scauroit choisir, car il a beaucoup
veude monde et de pays par mer et par terre etsy est homme de guerre
et homme de lettres, et sest trouve en degran des affaires. Quelques
fois vous avez faulte de gens capables, et vous trouvez empeschez a
en faire bonne eslection, par quoy il vous plaira de m'excuser si jay
usé de présomption a vous nommer cesluy la qui n'en scay, je vous
en respondz, chose du monde, mais la charge est si honorable quil
l'accepteroit bien, luy donnant loisir d'aller jusques devers le Roy et
sa maison, dont je veoy quil a fort grande envie, et s'attend d'avoir
son congé pour cest hiver, sy est ce que lieu de Parme ne doibt pas
demourer quil y ait quelquun pour le Roy. .le ne le diz pas pour
empescher son congé, car il est bien raisonnable, et je le veoy fort
plaindre de nestre traite comme il le mérite : vous feriez bien,
Monseigneur, de l'avoir pour recommandé.
De Ferrare ce 5 Octobre 1553.
Monseigneur, je veoy par ce que le Roy mescript que sa Majesté
a bonne volonté de me faire quelque bien, je vous supplie de vou-
loir aider de vostre part, et je my loueray tout avec le reste de mes
ans a faire service a sa Majesté et a vous Monseigneur.
(Bibl. oat.,Fr. -206.-2. loi. 181) (copie
CABRE AU ROI
52. — [Ferrare], ■') octobre 1 553. — Sire, Niquet arriva icy h*
3e jour d'octobre avec la despeche qui) vous a pieu faire par luy,
par laquelle nous avons entendu au vrav le triomphe et l'honneur
que. V. M. a rapporté de son voyage de Flandres, ayant chassé et
rembarré voz ennemis, non seulement hors de vostre royaume, mais
jusqu'au milieu de leur pays, sans les pouvoir attirer au combat, le
leur ayant présente a bon escient. Cela, Sire, l'ait fort connoistre a
chascun la foiblesse de l'Empereur et, au contraire, vostre grande
force et ne voy personne qui ne loue et n'estime fort prudente la
retirata de vostre armée; veu la saison de l'iver ou nous approchons.
Monseigneur le Duc de Ferrare, Sire, a este fort aise de voir par ce
quil vous a pieu luy escripre et que je luy ay dit de vostre part, le
(1) Odelde Selve.
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRÉ 75
contentement que Vostre Majesté a de luy,dont il veoit les effectz et
la démonstration par la libéralité qu'il vous a pieu user envers luy,
tant pour la garde que pour la recompense de Bresseil envers Mon-
seigneur le Cardinal son frère, qui aura occasion maintenant d'estre
content; je suis asseuré, Sire, que vostre Majesté n'aura jamais regret
d'obliger ce prince, car je ne luy veoy désirer que vostre grandeur et
prospérité, et l'occasion et le temps a propoz quil la puisse aider et
y faire sa bonne part. J'ay fait coppier le discours, du progrès de
vostre voyaige et des nouvelles d'AUemague, que j'ay envoyé a
Venize, a Parme et a la Mirandola; quant aux conditions de paix
que l'Empereur a baille au légat Dandin, il semble que ce ne soit
que une comédie pour faire rire le monde et se faire moquer de
luy; je m'attendz bien que Vostre Majesté luy respondra ce quilfault
en tel cas, mais si fauldra il que a la fin il se humilie ou qu'il crevé.
Sire, Vostre Majesté aura veu par une despeche de Monseigneur le
Cardinal de Ferrare et mesme ce que jai trouvé au mesnaige et des-
pense de Sienne, et vous ayant représenté lestât de toutes choses
par un mémoire que j'en a y envoyé a Monseigneur le Connestable,
Vostre Majesté pourra resgler la despence et toutes choses a l'ad-
venir, selon la prudence et prévoyance accoustumée, car Dieu mercy,
l'honneur, et ladvantaige, et la victoire vous est demeurée en tout ce
que vous avez entreprins en Italie et croy qu'il n'y a guères per-
sonne aujourd'huy qui ait plus envie de vous y rien demander ; il
est vray qu'on a nouvelles d'environ deux mil espaignolz arrives a
Gennes sur des navires d'Espaigue, ou sont aussi arrives sur les galle-
res (1) d'André Doria (2), les Allemandz et Espaignolz qui estoient a
Naples ont dit que les Espaignolz nouveaux iront en Piedmont si la
tresve ne continue et que déjà Domp Ferrand avoit envoyé ses com-
missaires pour les conduire, mais je crois plustost qu'on lèvera les
vieulx et les nouveaulx sur la bourse des Gennois pour essayer le
recouvrement de Corsegne (3) et que toute la tempeste tournera de
(1) Galères, vaisseaux longs el étroits, d'un petit tirant d'eau, adoptés au xvie siè-
cle par les Vénitiens et les Génois. Ils étaient munis de deux mâts avec des voiles
triangulaires, dites latines, et avaient ordinairement 26 rames de chaque côté, avec
4 à 6 rameurs sur chaque rame. Ces vaisseaux, armés pour la guerre, pouvaient
contenir 500 hommes, des munitions et des provisions pour deux mois; ils pou-
vaient, également, être affectés au transport des marchandises.
(2) André noria, né à Oneille, dans le golfe de Gènes, le 30 novembre i486, tut
un des plus grands hommes de mer du x\T siècle. Issu d'une ancienne famille
de Gènes, il entra, à 19 ans, au service du Pape Innocent VIII, qu'il abandonna
pour servir, tour à tour, plusieurs princes italiens. Dans la guerre entre Fran-
çois Ier et Charles-Quint, il accepta le commandement des galères françaises,
puis il passa du côté de l'Empereur, au service duquel il s'attacha définitivement
en 1528. Il mourut à Gênes le 15 novembre 1560.
(3) La Corse.
76 NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 1353]
ce coste la ou Ton voit que voz affaires continue la prospérité que
Dieu vous a donné aux aultres endroits, comme il vous plaira veoir
par une lettre que Monseigueur de Termes en escript a Monseigneur
le Cardinal de Ferrare, laquelle Sire il m'a semblé devoir vous en-
voyer par corrier exprès jusqua Lyon, ne scachant si du coste de
Marseille Vostre Majesté en aura eu si emple information ; je pense
que de ceste heure cela doit estre en vostre obéissance comme est
tout le reste de ceste isle la, car le gentilhomme que Monseigneur
de Termes a icy envoyé, estoit arrive audit Calvy (1), et que Mrde
Termes tenoit cette place la pour Vostre Majesté; dans vingt quatre
heures après, il l'envoyoit icy pour avoir argent dont Monseigneur
le Cardinal de Ferrare me faisoit aussy fort grande instance et qu'on
le pouvoit bien bazarder sur deux ou trois fregattes armées quil
avoit mené, mais deux choses m'ont gardé de luy en envoyer, l'une
pour n'en avoir pour le présent icy ne ailleurs, n'ayant encores eu
vostre responce sur les partiz dont je vous escripviz du cinquième
de septembre pour en recouvrer, l'autre que par vostre lettre Vostre
Majesté m'escript qu'ilz seront secouruz de ce que leur fait besoing
par le coste de Marseille, et Niquet m'a asseuré que les provisions
estoient desja acheminées et d'argent et de vivres et d'armes, au
moyen de quoy j'ai renvoyé ledit gentilhomme sans argent pour
contenter mondit Seigneur de Termes de ceste espérance et des
bonnes nouvelles de son secours, et aussy de l'heureux succez de
vostre armée de Picardie dont il me prioit fort ladvertir, et puis
que Vostre Majesté prent a cœur et se resoult de vouloir secorir
et garder ceste conqueste, je la tiens pour toute asseurée et Mes-
sieurs les Genevois (2) bien empeschez s'ilz se doivent resouldre ou
a la force ou a l'accord. Quant a ce quil vous plaist me mander,
Sire, que je cherche toujours des empruntz, comme de moy mesme,
je feray ce que je pourray et verray après que j'aurois eu vostre
responce sur les partiz qui m'avoient este proposez, de continuer
ceulx la ou d'en chercher de nouveaulx, mais pour ce que ce sont
choses incertaines et longues, j'eseript a Mr le General d'Elbenne
que si V. M. n'a accepte lesditz partiz, ne luy vola faire sa promesse
qu'il advize de continuer le secours qu'il a accostuuo' par le passé
en vos affaires, car nous sommes sans argent, el n'y a que 18 mil
escus pour ce mois, comme j'ay escript a V. M. de reste du party
de 330 mil livres, et sy, par une voye ou par une aultiv, ledil Del-
benne ne vous en envoyé, ilz demeureront sans argent en l'ung
l'autre lieux de voz garnizons.
Sire, je ne veulx faillir a mercier très humblement V. M. de l'es-
(i) Calvi (Corso), chef-lien d'arrondissement
(2) Génois.
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 77
pérance qu'elle m*a donné par sa lettre, de recognoistre par quelque
bienfait le peu de service que je luy faiz icy ; j'ay tant de foy en
vostre bonté et en vostre parolle, que je m'en tiens asseuré, je le
désire pour avoir de quoy dépendre et avoir meilleur moyen de vous
faire service, mais encore plus pour la réputation, que chacun
puisse cognoistre que mon service vous est agréable,
De Ferrare ce 5e d'Octobre 1553.
Bibl. nat., Fr 20642, toi. 178) (copie).
GABRE AU CARDINAL DE LORRAINE
53. — [Ferrare], 5 octobre 1 553. — Monseigneur, Vous avez fort
contenté Monseigneur le Duc de Ferrare par la lettre qu'il a pieu au
Roy vous escripre et par celle de vostre main, et mesmement de
l'avoir gratifié de recompences de Bresseil en temporel ; il veoit par
la que le Roy veult faire quelque chose pour luy et l'a en considé-
ration de serviteur affectionné comme il luy est ; je vous asseure
Monseigneur que ces obligations peuvent servir de beaucoup au
Roy en ses affaires de deçà. Je faiz corrir exprez cette despecbe a
sa Majesté pour les bonnes nouvelles quil y a de Corseque (1), ne
scacbant si le Roy, par aultre voye, en auroit eu advertissement;
j'escrips aussi a Sa Majesté en quel estât nous sommes de deniers
par deçà, il vous plaira y pourvoir et au surplus me tenir, s'il vous
plaist, en vostre bonne grâce, a laquelle je me recommande très
humblement.
De Ferrare ce ve d'Octobre 1553.
Monseigneur, je suis prié de Monseigneur le Duc de Ferrare de
vous recommander l'Eveque Rosset pour lequel vous avez fait re-
queste au Roy de quelque abbaye, et Sa Majesté en a, comme j'en-
tends, donne bonne espérance ; il est toujours prompt et prest a
faire service a Sa Majesté quand il peult, et est un des principaux du
Conseil dudit Duc qui prendra sur ses épaules l'obligation de ce
fait la.
(Bibl. nat., Fr. 20453, fol. 179) (originale).
GABRE AU CONNÉTABLE
54. — 5 octobre 1553. — Monseigneur, j'ay entendu de Niquet
que l'on faisoit quelque changement de ministres du Roy en Levant,
je ne craindray point de vous dire que Mr l'Ambassadeur de Venise
et moy, devisans emsemble de la charge d'Ambassadeur en ce pays
la, trouvions M1' de Forquevaulx selon nostre opinion aultant a propos
(1) Corse.
78 NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 1553]
pour cette charge queguieres gentilhomme que l'on y scauroit choi-
sir. Car il a beaucoup veu du monde et de pays par meret par terre et
est homme de guerre et homme de lettres, et s'est trouvé en de grandes
affères. Il vous plaira m'excuser si j'ai usé de présomption a vous
nommer cesluy la qui n'en scait, je vous en repondz, chose du
monde, mais la charge est si honnorable qu'il l'accepteroitbien, luy
donnant loisir d'aller jusques devers le Roy et a sa maison, dont je
veoy qu'il a grande envye, et s'attend d'avoir son congé cest hiver.
Si est ce que ce lieu la de Parme ne doibt pas demourer, qu'il y ait
quelqu'un pour le Roy. je ne le diz pas pour empescher son congé,
car, il est bien raisonnable et je le veoy fort plaindre de n'estre
traite comme il le mérite ; vous ferez bien. Monseigneur, de l'avoir
pour recommandé.
(Bibl. nat.. Fr. 20453, fol. 181. Extrait) (copie).
GABRE AI CARDINAL DE LORRAINE ET AU DUC DE GUISE
55. — [Fer rare], 9 octobre 1553. — Le Cardinal Dandin. qui a sé-
journé icy quatre ou cinq jours, m'a dict que le plus grand plaisir que
peult avoir l'Empereur, est d'ouyr dire que le Roy porte grande des-
pence a Sienne et Parme afin que le Roy se consume tant plustost, et
puisse tant moins satisfaire a la guerre de Picardie, et que l'Empe-
reur luy a dit souvent vouloir oublier l'Italie el l'Allemagne pour
faire tous ses grands efforts du couste de France, chose toutes fois
qu'il ne fault croire comme l'Évangile, car l'Empereur De se vante
guère de ses intentions, mais plustost de ce qu'il ne veult pas faire.
Monseigneur le Duc a longuement entretenu le dit Seigneur Cardinal
et n'a tire de luy chose qui me semble d'importance; le peu qu'il
en a entendu, il le m'a dit et escripl a son ambassadeur pour le l'aire
entendre au Roy qui me gardera de vous en faire redite, ,1'ay envie,
Monseigneur, de vous dire une petite responce de ma manière el
qui me sembleroit digne, aux brève- demandes et conditions
daccord, que l'Empereur bailla par escriptaudil Cardinal Dandin. les-
quelles les Impériaux publient en Italie pour grandeur de leur
maitre, et cesl, ce me semble, sa honte, car il confesse d'avoir
beaucoup perdu en ceste guerre, puis quil en demande restitution,
et pour monstrer davantaige quil n'a rien gaigné, la response seroil
honneste que pour monstrer a la chrestienté que le U>\ est plus
raisonnable que (Empereur et désire le repos et la paix universelle
plus que luy. Afin d'y parvenir plus facilement, Sa Majesté esl con-
tente que l'Empereur garde tout ce quil lient aujourd'huy des con-
questes de cette dernière guerre, promettant de ne luy en jamais
rien demander, et pour faire la loy esgalle, que le Roy est content
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 79
retenir aussi ce quil a pris et promet de jamais n'en rien rendre.
Cependant, pour traiter des differens principaulx que Sa Majesté
saccommodera a suspension d'armes et a tresve tant que chacun
pourra connoistre sa bonne volonté , il meriteroit fort bien ceste
responce publique pour luy faire cognoistre quil ne doibt pas faire
grand fondement sur sa grandeur et que cela est désja passé pour
luy. Je vous dis, Messeigneurs, cecy plus pour en rire que pour me
vouloir mesler de parler de telles choses qui ne m'appartiennent et
ou je n'entens rien.
(Bibl. nat., Fr. 20453, fol. 183. Extrait) (copie).
CABRE AU DUC DE FERRARE
56. — [fierrare], 23 octobre l.îoS. — Monseigneur, Je receuz hier la
lettre quil vous a pieu mescripre duxxi de ce mois et veula recom-
mandation quil vous plaist fere du Seigneur Rodolfo Gonzaga (1)
pour les dix celades (2) que monsieur de Forquevaulx luy veult cas-
ser ; vous scavez Monseigneur que mon mestier est de prescher la
reformation et retranchement de la despence et ne me doibz oppo-
ser, quant autres veulent fere quelque bon mesnaige, mais plus
tost les y conforter ; toutes fois, ce qui vient de Vostre Excellence
sera tout jour de telle considération en lendroict des ministres du
Roy quon fera tout le possible pour vous satisfere et escripz a
mons' de Forquevaulx, non impérieusement, mais de telle façon que
sil faict selon mon oppinion il vous viendra fere la révérence et
monstrera de gratifier le Seigneur Rodolfo pour lhoneur de vous
laisser courre ce mois, car je suis bienasseure que, a lautre prochain,
il aura reiglement certain de ce quil en aura a fere, ou de la payer
du tout, ou de la casser du tout, et seray bien aise sil saccomodera a
mon oppinion pour vostre contentement. Je vous envoyé la lettre
dans ung paquet a luy adressant. Il vous plaira, Monseigneur, le luy
envoyer. Il ma escript de ces prisoniers que le Seigneur Jehan
Francesco a retenuz (3) les quelz le dit Seigneur de Forquevaulx
cognoit fort bien, et mescript que tous trois ensemble ne sçauroient
avoir forny ung escu, de sorte quil naura pas faict le butin quil
pensoit mais on cognoit par la sa bonne volunte. Cestoienf troys sim-
ples soldatz qui sen alloient chercher la guerre en Piedmont,
(1) Le comte Rodolphe de Gonzague, seigneur de Luzzaro, capitaine italien au
service de la France.
(2) Celades, cavaliers coiffés de la salade, sorte de casque en usage du xv° au
xvir siècle.
(3) Jehan Francesco de Saint-Séverin, comte de Colorno, mort en 1568.
80 NÉGOCIATIONS DE ToCTOBRE 1553]
prenans ce chemin la sur la seureté de la tresve de Parme et sans
aucune malice. Il recognoit, en cela, fort mal le beneffice quil a receu
des François, car sans nous, il seroit encores en prison et,paradven-
ture, son corps sans teste, et por toute recompence il nous a payez
dung procès. Si vous nous prestiez pour dix jours dix canons on
luy osleroit aisesment Colornie (1), au nom de monsr Dandelot (2)
ou de voz sugetz qui sont condamnez pour luy, et ceste place seroit
bonne pour annexer avec Bresseil. Jentens que Hieronimo de Pisa
passa hier en Boloigne et croy bien quil vous sera allée trouver. Je
croy aussi que Vostre Excellence aura entendu larrivee du cardinal
Dandin et que vous chercherez le moyen de luy parler. Je nay
aucunes nouvelles de nostre argent de Florence, mais ung homme
du Duc. passant par icy, allant vers l'Empereur, a asseure quil nen a
jamais oy parler quon eust retenu nostre argent. Au demourant.
Monseigneur, je nay depuis vostre parlement receu lettre ny
nouvelle quelconques de lieu que soit, parquoy je ne vous feray
plus longue lettre que de vous mercyer très humblement de ladvis
de Florence quil vous a pieu menvoyer. Le Seigneur Paulo Ur-
sino (3) est icy qui ne sen veult aller a Rome sans vous fere la
révérence et a délibéré dattendre vostre retour. Cependant, vous ne
trouverez pas, si vous plaist, maulvais que nous nous aydions de
vostre cave.
De Ferrare ce xxma d'octobre 1553.
Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
GABKE AU DOC DE FERRARE
57. — [Ferrare), 25 octobre 1553. — Monseigneur. Javoys receu
quelques advysde mons*lambassadeurdeVenize(4 .lesquelz je vous
envoyé ayant oblige les mectre dans mon aultre pacquet. Jentendz
que le légat Dandin passera bien tost et croy que Vostre Excellence
le verra.
De Ferrare ce xxve octobre 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale elc).
(1) Colorno, Dourg à 13 kilomètres de Parme.
(2) François de Coligny, seigneur d'Andelot. Voir noir i, p. 28 .
(3) Jean-Paul Orsini de Cerri, capitaine italien au service de la Fiance, nommé
par François [•*, vers 1535, colonel général des bandes italiennes.
(4) Odet de Selve.
[OCTOBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 81
GABRE AU DUC DE FERRARE
58. — [Ferrare], 2ô octobre 1553. — Monseigneur, Je baise très
humblement la main de Vostre Excellence pourla bonne nouvelle
quil luy a pieu me donner, el prie nostre Seigneur quelle soit si
vraye que nous en ayons bien tost la vraye et entière consolation.
Je vous asseure que personne noura parler de cest advis la, ny par
parole ne par escript. Il est vray que Messieurs les Legatz navoient
guieres dbonneur ny leur maistre en leur voyaige, si aussi tost quilz
sont partiz, laccord se faisoit. et me rejoys aussi bien fort de ce que
Monseigneur le Cardinal sest si bien appaisé et rengé a la raison. Le
temps est celluy qui acoutre toutes choses. Jeuz, hier, lettres de
Lyon du xvme, et Albize ma renvoyé les quictances et trouve bon
nostre expédient, et pour ceste cause, jay depesche ung homme
exprez a Sienne, devers le trésorier La Fontaine, mais de lavenir il
se remet a la responce quon en fera de la court, dont il dit navoir
jamais oy nouvelles. Je croy que par la rivière nous aurons res-
ponce et toutes nouvelles dans la fin de ce moys, et, jusques a cela,
je ne me puys resouldre de la façon quil fauldra tenir du dernier
argent prins du gentilhomme; toute la lettre dAlbize ne contient
que la longueur de largent en France, qu'il ne nous fault fere
compte davoir a Lyon que testons qui costent a convertir en escuz
deux pour cent, et me prie et conjure que je vueille procurer chose
que je ne trouve pas bonne, car il veult temps de la moytié par tout
décembre et de lautre par tout février, et puys fere payer par deçà
a quarante sept soulz escu dltalie,qui torne de perte quatre et demy
pour cent et me mande que je luy depesche corrier exprez en cas
que Vostre Excellence ne sen contente, afin quil face la provision de
la première paye quil tiendra preste a Lyon en testons. Je remetray
la resolution de delà a vostre venue, car il nous en fault parler en-
semble, mais si cependant je luy escripz je luy diray franchement
que son ofre nest acceptée et quil tienne la première paye preste
dans le xx de novembre. Cependant, viendra la responce de la court
qui nous donnera plus grand clarté et resolution a toutes choses.
Le maistre de la poste de Lyon (1) mescript que nostre armée
estoit partie de Marseille le xm de ce moys et tout jour que Calvy
estoit prins, mais ilz ne disent pas tout jour vray. Albize vous
escript des nouvelles quil ma mande veoir, mais il mescript vous
advertir que depuis il a oy parler du partement de larmee de la
quelle toutesfois il nest asseuré.
De Ferrare ce xxve d'octobre 1553.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
(1) Messer Matlieolo. (Voir note 1, p. 26).
82 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1553]
GABRE AU CONNETABLE
59. — [Ferrare], 10 novembre /ô.)3. — Monseigneur, faisant une
despeche au Roy, je nay vollu faillir vous faire ce mot de lettre
pour vous dire seullement que toutes choses vont bien par deçà et
n'atendons sinon argent dont nous avons faulte. S'il ne nous en
vient du costé du Roy ou de Lyon, vous pouvez faire estât, Monsei-
gneur, que les garnisons du Roy n'en auront poinct de ce moys qui
sera la première paye qu'on aura faillie, et si vous estes auprez du
Roy, il vous plaira. Monseigneur, y faire pourvoir pour l'avenir, et
pour ne vous ennuyer, ne vous ferai plus longue lettre.
De Ferrare ce xe de novembre I553.
(Bibl. nat.,Fr. 20453. fol. 185) (originale .
GABRE AU DUC DE FERRARE
60. — [Ferrare], 18 novembre 1553. — Monseigneur. Il ne vient
rien de lieu du monde. Jay seullement eu la recharge de Monsei-
gneur le Cardinal en matière de deniers, et mescript que lamy ny
debvroit fere dificulte, puis quil scait quil ny peult rien perdre, et
met le mot de levangille non qui bene inceperit sed qui perseveraverit
usque ad finem, et quon doibt avoir regard a la peine la ou il osl.
Je vous envoyé une lettre de monsieur de Lanssac qui parle plus
clairement que laulre, toutes fois, je y ay mis une gloze selon mon
sens, mais je veulx bien dire que quant Boucher ne vous eust celée
ceste partie, ne a moy avec, pour le moins nous ne leussions point,
gastee, et par adventure laurions nous facilitée a la court et aydee
mieulx quelle ne sera. Je croy bien que cela esl cause de la lon-
gueur de la court. Jay grand regret, Monseigneur, que vous aavez
ung peu plus beau temps en vostre chasse, el vous souhaicte icy de
retour suyvi de douze charretes chargées de vostre chasse.
De Ferrare ce xvme de novembre Ki.">;i.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
61_ — [ferrare . 20 novembre 1553. - Monseigneur. Depuis mon
paquet serre, jay receu la lettre quil vous a pieu mescripre du \i\.
et ny a eu ordre de fere passer monsr Boucher par Valcolin I
î Valcolin colle val d'Eisa), ville d'Italie, chef-lieu de canton de la province
de Sienne.
[NOVEMBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 83
pour ce quon luy dit quil y avoit grand estorze (1). Je ne sceux tirer
de luy chose quelconques, sinon que les Florentins a Rome avoient
offert une grosse somme pour 1ère la guerre, et que, a la court ses-
toient plustost moquez du cardinal du Bellay et de nions1- de Lanssac
que autrement. Je croy que par les paquetz de monsr vostre ambas-
sadeur, vous scaurez quelquez particularitez, mais quant a lalee de
mons' le Grand Prieur (2), il sen va trouver larmée la ou il est lieu-
tenant gênerai du Roy. Je vous supplie, Monseigneur, vous en
vouloir venir bien tost pour resouldre la depesche que je veulx fere
a la court.
De Ferrare ce xx de novembre 1553.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
62. — [Ferrare], 20 novembre 1553. — Monseigneur. Hier, arriva
icy monsr Bouclier qui ny sejorna guieres que deux heures, et sur la
nuit print la barque jusques a Ravenne; il me laissa deux paquetz
de monsieur vostre ambassadeur et une lettre de madame de
Guise (3), qui seront avec la présente, et ung paquet du Roy, et
pource que je suis maulvais barangueur pour exposer ma créance,
vous la prendrez sil vous plait en la mesme lettre originale que sa
Majesté mescript, la quelle je vous envoyé avec une de monseigneur
le Conestable et une du Recepveur de Sens. Messer Albize del
Benne a escript a Venize quon nous payast pour ce mois de novem-
bre quatre vingtz mille francz. Je vous envoyé aussi, Monseigneur,
sa lettre, et pour ce quil est très nécessaire que je y depesche ung
corrier pour respondre tant a la court que a luy. Je désire fort
vostre retour pour communiquer et arrester de toutes choses. Bou-
cher a trouve entre autres choses fort maulvaise responce sur len-
treprinse quil alloit proposer, et veult on que nous vivons en paix.
Je ne vous feray, Monseigneur, plus longue lettre, sinon que je vous
en envoyé une ou vous verrez destranges nouvelles du lurcq. Jay
(1) Eslorse, en français de l'époque, signifie combat. (Lucurne de Sainte-Palaye,
Dictionnaire de l'ancienne langue française).
(2) François de Lorraine, chevalier de Malle, grand-prieur de France, gouverneur
des galères, né le 1G avril 1534, mort en 1563 ; frère du duc de Guise et du
cardinal de Lorraine
(3) Anne d'Esté, fille aînée d'Hercule II et de Renée de France, née le 1G no-
vembre 1531, mariée à Saint-Germain en 15 48 avec François, duc d'Aumale, tils
de Claude de Lorraine, duc de Guise; morte en 1607.
84 NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1553]
une longue lettre des grandz bruslemens que noz gens font au pays
de lEmpereur, laquelle je nay loisir de fere coppier, mais vostre ex-
cellence la verra a son retour.
De Ferrare ce xxe de novembre 1553.
(Aich. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.),
GABRE AU DCC DE FERRARE
63. — [Ferrare], 4 décembre Jù53. — Monseigneur, ce soir,
dassez bonne beure, est arryve ce gentilhomme, Monsieur des Lan-
des, depesche a Ronime de messeigneurs les card inaulx vers le Roy.
Et après que Monseigneur le Cardinal de Ferrare. monsr le prince (1)
et moy, avons veu sa depescbe, et trouve quelle nest que generalle
de la bonne disposition et voullunte, ou ilz ont trouve nostre Saint
Père et quilz debvoient, dans deux ou trois jour après, depescber,
monsr de Lansac avec les articles delà capitulation rabillee sellon
lintencyon du Roy, par le quel on entendra toutes autres particula-
ritez. Nous avons une foiz cuyde laisser passer oultre ce porteur
sans aller trouver vostre Excellance, mais pour ne faillyr a lobeis-
sance que nous debvons maintenant a nostre chef, il a este advise
par les dits seigneurs, que ce dit porteur vous allast trouver pour
vous randre compte a bouche de toutes choses, outre ce que vous
en verrez par le double de son instruction. 11 me semble, mon-
seigneur, que vous navez gueres de cboses a escripre par luy, el le
debvez laisser aller avec ting mol de lettre vostre, vous reservant
a escripre plus amplement et avec meilleur fondement par monsr
de Lansac après avoir entandu de luy toutes les j)articularitez. el
veu comme tout sera passe et accorde a Rome. Si pour ceste cause
il serait bon quil vous pleust, monseigneur, vous en revenyr icj
au plus tost quil vous sera possible, pour ne fallyr a larryvee du
du dit Lansac, Mes dits seigneurs 1rs card inaulx me pressent el
esconjurent fort de vous presser de secours pour le depost quil
fault faire a Homme, et de la façon que le rembursement sen doibl
faire, cela se pourra plus tosl appeller anticippatioo de deniers pour
quelque moys, que prest, car desja il/, onl faicl parti/ avec mar-
chans a Homme pour recouvrer nc l"1 escus. comme il nous plaira
veoir par la lettre que mes dits seigneurs les card inaulx men ont
escripte, laquelle je vous envoyé, et sil vous plaisoil me mander
la dessus ung bon mot de vostre voullunte, jeu advertiraj par
courrier exprès les dits seigneurs cardinaulx comme ilz désirent.
Je vous supplye, monseigneur puys que vous vouliez mectre el
(1) Alphonse d'Esté. (Voirnote i, p. 61).
[dÉCEMBRK 1553] DOMINIQUE DU GABRE 85
la vye et le statpour le Roy), que vous y mectiezencores se secource
d'argent pour si peu de raoys. Et vous mectrez le Roy en une très
grande obligation et ferez congnoistre a tant quilz sont qui nont
encores jamais ouy parler de telz serviteurs que vous, car, sans
vostre ayde ilz veoient bien quilz ne sauroient establir ne asseurer
ceste ligue, et, non seullement vous obligerez le Roy, mais tous ses
ministres qui auront fort grand tort silz ne recongnoissent de tout
leur pouvoir ce grand benetice que vous aurez faict aux affaires de
sa Majesté.
De Ferrare ce ime de décembre 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
64. — [Ferrare], 5 décrmbrr 1553. — Monseigneur. Tassin
vient d'arriver de Sienne tout a ceste heure, depesche par Monsei-
gneur le Cardinal, avec commission de n'arrester pas une heure
icy et de fere extrême diligence, combien, toutesfois que parla
lettre myenne que je vous envoyé ny aye rien de si presse. Toutes-
fois, je luy ay dit quil nauroit point de chevaulx sil ne prenoit
vostre depesche. 11 dit que sil alloit devers vous, il luy fauldroit
revenir icy. A ceste cause, il ma prie que je ne le fisse point passer
par la, mais que je vous envoyasse la lettre de Monseigneur le
Cardinal et quil actendra jusques a ce soir. Je 'sous supplie, Mon-
seigneur, si vous pouvez envoyer dez envict, ce que vous voulez
escripre, le vouloir fere, car pour le plus tard demain a louvrir des
portes, tout le monde ne le liendroit pas. Etjenvoye ceste depes-
che au seigneur Alessandre Guerin pour la fere corir incontinent.
Je ne veulx oblier, Monseigneur, de vous dire que ce petit Cor-
nelio, qui escript des nouvelles de Venize , mescripvoit que la
maladie du Pape estoit cogneue, vraye hidropisie, incurable et juge
de ne la fere guieres plus longue. Et verrez que cestoit ladvis que
portoit ce eorrier qui ne voulait entrer a Ferrare de peur que nous
le luy demandissions. Je me veoys mectre a escripre a Albize la
dernière resolucion que nous prinsmes avant hier.
De Ferrare ce ve de décembre 1553.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
86 NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1553]
GABRE AUX CARDINAUX DE LORRAINE ET DE TOURNON
65. — [Ferraré], 21 décembre 1 553. — Monseigneur, Monsieur de
Lanssac vous escript par la lettre quil m'a communiqué, ce quil a
faict et négotié passant icy, et ma lettre en sera tant plus courte
n'ayant rien a vous dire davantaige, sinon quil me semble que
vostre negotiation de Rome n'eust sceu passer plus heureusement
pour le Roy, et que Sa Majesté aura grande occasion de s'en con-
tenter; quant au secours que vous demandez et espérez de ce lieu
icy, vous le pouvez tenir pour certain et assuré, s'il ne survient du
costé du Roy ou du vostre. chose qui contraigne a changer d'oppinion.
Il a respondu a Monsieur de Lanssac ce que vous verrez par sa
lettre; mais j'en ay plus particulière et plus expresse promesse, non
de si grand somme que vous demandez, mais seulement ncm escus,
il est vray que jespère que l'on n'aura pas grand difficulté ii'l"' escus,
compris les xxxm qui luy sont déjà deub. Mais aussi, mettant tou-
jours cette condition, qui n'est que raisonnable, qu'on veult scavoir
quoy et comment les temps du renboursement, et quelle seurete il
y aura, et. si l'on le veult rembourser dans troys moys, je croy quil
ne demandera ne profiltz ne interetz. et ne vouldra quil en couste
rien au Roy; mais si l'on veult après quil preste pour autres troys
moys, il entend d'avoir la promesse de Gadaigne(l) et retourner aux
mesmes conditions quil faisoit les années passées, et a ses autres
prestz. Puysque vous, Monseigneur de Lorraine, devez hientost estre
icy et que l'on a temps, d'icy en lévrier, de pourvoyr a cella, vous
mesme pourrez icy arrester les conditions, el serez d'autant plus
résolu de ce quil y faudra faire après avoir eu nouvelles de la
Court, mesme sur la veneue de Monsieur de Villandry - qui fust,
ace que je vois, despéché incontinent après l'arrivée de Gassot, et,
ayant despéché personne de sa qualité. Je ne suis pas hors île soup-
çon quilz n'ayent a la Court trouvé, en ce qui fust traité icy, quel-
que chose qui leur ay despieu : toute-lois je u'ay pas voulu mettre
ce doubte la aux espritz de ces gens icy, mais plustosl ay donné
espérance que ledit Villandry doibt, a mou advis. apporter la ratifi-
cation.
(l) Gadagne, famille originaire de Florence, d'où elle fui bannie L'un de ses
membres, Thomas de Gadagne, vinl -établir à Lyon el tut maître d'hôtel de
François Ier. Un aube Thomas île Gadagne tut maître d'hôtel île Henri II. Le fils
de ce dernier, Guillaume, seigneur de Botheon, Verdun, etc., lui gouverneur du
Lyonnais et ambassadeur extraordinaire a Venise SOUS Henri 111.
(-2 Claude Le Breton de Villandry, secrétaire de- finances; en mission a Rome
en 1554,
[DÉCEMBRE 1553] DOMINIQUE DU GABRE 87
Quant aux xvnm escus que vous avez emprunté pour satisfaire a
tout le passé des despenses de Tuscane, je ne sçavois quel secours
vous y faire que de vous envoyer toute la provision de deniers que
le Roy envoyé par deçà, et ne vous fault point, s'il vous plait,
faire aucun fondement sur les emprunts qu'on peult faire icy, car
.Nazi ne bailleroit pas ung escu du sien et moings de celluy de
Gadaigne s'il n'en a expresse commission de Messe Albisse ; den de-
mander tousjours en ce lieu cy il n'y a point apparence ; d'ailleurs je
vous asseure quil n'en veult plus ouyr parler; je présuppoze que
vous avez escript a la Court de ce qui vous faict besoing pour payer
vos debtes, car il faut que telle provision vienne de la. Je y en ay
aussi escript du mes me pas de vous envoyer la coppie de l'article
de ma lettre, affin que, par la, vous voiez clairement en quel estât
nous sommes icy de finances et sellon cela puissiez faire une re-
charge a la Court ou y pourvoir, par aultrevoye, le mieulx que vous
pourrez; car, quant à moy, je ne scaurois faire ne plus ne moing
que de vous envoyer ce que l'on m'envoye de la Court. Je m'en
voys demain a Venize pour me trouver ces festes aux cerymonies
publiques, d'aultant quil y a déjà deux mois que l'on n'y a veu per-
sonne pour le Roy, et verray si ces seigneur cy ont rien senty des
choses passées a Rome et icy et si Vous, Monseigneur de Lorraine
vouliez venir audit Venize, je vous viendray trouver icy au repasser,
comme il vous plaira me le commander; je feray partir le lende-
main de Xoel xxmm escus, desquels vous aurez a payer voz debtes
et le moys de Janvier aux Sienoys; s'il n'y en a pas assez ne vous
en prenez a moy, car je ne scaurois que faire, et si vous diz davan-
taige pour ma descharge, quil est deffendu a Nazy de fournyr ung
escu plus quil aura en commission, et a moy de rien emprunter
sans commandement exprès de Messeigneurs ; le commis principal
qui a réside icy près de moy a Venize s'en est ces jours passez allé
a Lyon, je scais quil avoit son estât de recettes et despences de ceste
année tout prest, mais il ne l'a laisse a aucun de ses gens Je pren-
dray cette seureté a Venize de fouiller dans son coffre et si j'y
trouve ledit estât ou autre estât qui vous puisse satisfaire je le vous
envoiray. Cependant, je vous envoyé Testât de larecepte et despence
de Parme et la Mirandola que j'ay faict dresser au commis de Parme
qui s'est trouve icy. Quant au controlleur Arnoul, il est a Venize ou
je n'auray pas si bonne commodité que jeusse eu en cette ville de
faire ce que vous me commanderez ; toutes fois j'y donneray ordre
audit Venize et vous plaira me commander ce que vous vouldrez
que j'en face, car, de le vous envoyer a Rome avecques garde, il est
malaisé et seroit chose de trop grande despence et je croy qu'on le
vous pourroit envoyer avecques le procédé ordinaire ou avesques
les trésoriers qui porteront la prochaine assignation, et quil ne
88 NÉGOCIATIONS DE JANVIER 1554]
s'en ensuyvroit point, car il est contrainct de desmeler ceste
fuzée ou de ne retourner jamais en France. Je ne feray en cela
plus ne moings que ce que vous me commanderez, mais je me
délibère bien de me saisir de ses papiers pour veoyr s'il y a quelque
chose qui découvre sa malversation.
De Ferrare ce xxi jour de Décembre 1553.
(Bibl. nat.. Fr. 20453, fol. 235) (originale).
GABRE AU CONNETABLE
66. — [Ferrare], 1 1 janvier f.)54. — Monseigneur, Monsieur de la
Croix a este icy retenu tout ce jour pour donner loisir a Monseigneur
le Duc et a Madame (ld'escripre. car, quant a moy, je n'avois pasa le
charger de longues lettres, ni rien de nouveau a vous dire du fait de
Sienne, je pense que, avant l'arrivée de ceste despeche, vous y aurez
prins quelque resolution ; au reste, Monseigneur, je m'esbahis fort
qu'on na faict responce sur les partyz de la despense d'Italie, car
ilz ne sont pas de sy petites sommes qu'on puisse tenir longuement
les gens en suspens, et, si ceulx qui m'avoient donné parolles. voyant
cette longueur et irrésolution, se retiroient de ny vouloir plus en-
tendre, il me semble qu'on en délivra donner la coulpe ne a eulx
ne a moy, et le piz que je y voye est que cependant les affaires du
Roy demeurent sans les provisions nécessaires, et nousicy en peine.
Il vous plaira, Monseigneur, commander qu'on nous face responce
et nous faire entendre la volonté du Roy surlesditz partiz. .l'entendz
que Monsieur de la Croix, présent porteur, sest trouvé fort a propoz
a Sienne pour moyenner quelque forme d'accord entre les deux
seigneurs. Vous congnoissez, Monseigneur, dextérité «'i suffisance
en beaucoup de bonnes choses, et, mérite que luy continue/ vostre
faveur et bonne grâce.
De Ferrare ce xie janvier 1554.
Monseigneur, avec ceste lettre sera un paquet, adreçant au Nonce
du Pape, qui ma este fort recommandé de Monsieur de Lanssac
comme pacquet d'importance et venant de sa Sainteté, il voua
plaira commander quil soit baillé seurement.
(Bibl. nat., Fr. 20643, fol. 5 copie ,
(1) Le duc et la duchesse de Ferrare.
[FÉVRIER 1554] DOMINIQUE DU GABRE 89
GABRE AU CONNETABLE
67. — [ferrare], 18 février 1554. — Monseigneur, Le sieur
Enea(l), présent porteur, est envoyé devers le Roy par la Seigneurie
de Sienne, et, a ce que je voy, ne luy ne personne n'estiment gueres
dangereuse l'entreprinse ny la conqueste du Duc de Florence; il
m'a dict quelques propoz dont il semble qu'il a envie, particulière-
ment de dire son advis au Roy sur le gouvernement et conduite de
leur cité et a la fin serez bien contraintz de venir a lopinion quil en
a, et dy trouver quelques bonnestes occasions et moyens par lesquels
la réputation du Roy ny soit intéressée ; au reste, il semble qu'il
semble d'avoir quelque charge en ceste guerre et vouldroit estre
bonoré par lettres patentes de charge plus grande qu'il ne l'espère
avoir en effect, car il s'accommodera, après n'avoir qu'une compagnie
ou plus, comme le temps et l'occasion le portera. Vous savez, Mon-
seigneur, qu'il este le premier qui a mis la main a chasser les Es-
paignolz et croy que les ministres du Roy a Sienne tesmoigneront
toujours qu'il peult beaucoup entre leurs citadins, et quil est fort
affectionné au Roy, et me semble quil sera fort bien faict le ren-
voyer par decaleplustost que vous pourrez et content nayant a vous
dire aultre chose de nouveau depuis la despeche de Monsieur
Thomas Delvechio (2).
De Ferrare ce 18 février 1554.
(Bibl. nat., Fr. 20643, fol. -22) ^copie).
GABRE AU ROI
68.— Ferrare], 18 février 1554. — Sire, vous ayant escript, deux
jours il y a. par Monsieur de Ramboillet(3), je ne vous feray longue
lettre par le sieur Thomas Delvechio, présent porteur, qui vous dira,
Dieu mercy, toutes bonnes nouvelles de Sienne; il m'a communiqué
quelque chose des advis du Seigneur Pierre (4) sur ceste guerre et
(1) Enée ou Enea Piccolomini, gentilhomme siennois, seigneur de Sticciano,
appartenait à une famille originaire de Rome établie à Sienne depuis le vu* siècle.
Enea. banni de Sienne, était à la tète du mouvement qui devait affranchir sa
patrie du joug des Espagnols. Voir Desjardins, Xéyociations de la France avec
la Toscane, t. m. p. 339).
(2) Thomas del Vechio, aumônier ordinaire du Roi, fut envoyé en 1554 auprès
du duc de Ferrare par Catherine de Médicis. (Voir Correspondance de Catherine
de Médicis, par Hector de la Ferrière, t. i, p. 23).
(3) Jacques d'Angennes, seigneur de Rambouillet, capitaine des gardes de
Henri II, mort en 1562.
(4) Strozzi.
90 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1554]
que de trois voyes quil propoze,Vostre Majesté doibt chérir la meil-
leure et celle qui luy sera plus commode selon la qualité et lestai
de voz aultres affaires. Il debvroit avoir honte de dire son oppinion
en telles choses, mais pour le zelle que j ay au bien de voz affaires,
bien souvent je m'y oublie, et par cela. Sire, Vostre Majesté, Sire,
me pardonnera, si j'ay dit audit Delvechio des raisons qui me feroient
trouver, en cas que vous ne soyez délibéré, faire grand effort ailleurs.
La troisième voye la plus raisonnable et celle qui off endroit plus
vostre ennemy, et par advanture seroit occasion de faire soulever
son peuple, bien me semble que ung des points principaulx est de
tenir voz délibérations bien secrettes, et monstrer que Vostre
Majesté est du tout résolue sur la deffensive, car, par adventure, voz
ennemys seront plus negligens a s'armer grossement, pour ce qu'on
croit volontiers ce que l'on désire, et ce qui couste le moins. Cepen-
dant, passèrent les mois de Mars et d'Avril, pendant lequel lesenne-
miz se consumèrent a faire des fortza l'entour de Sienne, comme il
semble quils ont intention, et Vostre Majesté pourra, a loisir, prépa-
rer ses forces et en quelque partie vous servir de la mer. Si le fait de
Corsegne prent quelque bonne issue, auquel temps vous aurez loisir
de pourvoir a largent duquel, par raison, vous en debvrez avoir lait
bon amas pour la commodité qu'avez eu de ne rien débourser pour
le fait dltalie jusques en avril, auquel mois il fault que l'assignation
soit preste a Lyon, pour le remboursement qu'il fault faire au mar-
chand que vous scavez, au commencement de May, et en ce temps
le général d'Elbenne commencera a desbourser, comme il s'est
offert par l'accord de la compagnie, environ 60 mil escuz par mois, et
oultre cela, si l'on tient paroi le aux dits marchants, et qu'il puisse
en efï'ecl recouvrer largent qui est deu au temps promis, je ne sui>
pas hors despérance quil ne m'accorde de vous secourir de quelque
bonne somme extraordinaire si vous en avez besoing; nous aurons
aussy quelque quarante mil escuz des parliz de Venize, comme
me mande ledit General d'Elbenne. J entends que le S1 Robert
Strozzi (I) est aile a Rome conclure quelque partv de cinquante nul
escus, et puis cest le temps (pie toutes ses bonnes bourse- des
marcbans florentins doibvent faire une queste entre eulx pour aider
leur liberté quilz désirent tant, et le leur fault faire bien entendre;
aussy bien le Duc prent tout le revenu quilz ont a Florence, ainsj
comme ainsy vous avez par deçà uni: chef fort digne el a propos, pour
1 Robert Strozzi, quatrième lils de Jean-Baptiste Strozzi, dit Philippe Strozzi,
et de Clarisse de Médicis, nièce de Léon \. dirigeait à Venise la célèbre maison
de banque fondée dans celle ville par la Famille Strozzi. il faisait également le
commerce dan-- le Levant, ci mettait volontiers ses capitaux au service dfl
l'ambassadeur de France.
TfÉVRIER 1554 DOMINIQUE DU GABRE 91
conduire ceste entreprinseavecun couple de bons hommes de guerre
queVostre Majesté luy pourroit envoyer. J'ay,oultre cela,oppinion que
Dieu y st^ra de vostre cousté et que vostre ennemy a commancé une
guerre fort injuste. Vostre Majesté avec sa prudence et bon consei
y scaura bien prendre quelque bonne résolution et aussi sur le faict
de Monseigneur le Cardinal de Ferrare qui ne se tient guères content
du procède du sieur Pierre, et cela tient, à mon advis. en grand peine
a l'ung et a l'aultre, ilz sont fort différentz de sa complexion et de
profession et seront presque toujours en opinion contraire.
De Ferrare ce 18e de février 1554.
Sire, le sieur Thomas Delvechio a veu icy par le langaige de Mon-
seigneur le Duc en son affection a vostre service et principallement
a cette guerre de Toscana, Vostre Majesté pourra mettre le tout en
considération, et au reste, puisque le Sr Delvechio aveu ici toutes
les opinions de voz serviteurs, il sera plus capable de porter vostre
volunte et reponce sur le toutqu'ung aultre nouveau, et sy servira de
beaucoup par deçà, car il est personne dextre et capable du pays et
fort affectionné a vostre service.
(Bibl. nat., Fr. 20643, fol. 20) (copie).
GABRE AU ROI
69. — [Ferrare'], 28 février i 554. — Sire, Vostre Majesté aura tou-
tes bonnes nouvelles de Sienne par la despeche de Tassin, présent
porteur, et a ce que je voy, Monseigneur le Cardinal sest accommodé a
laisser faire audit sieur Pierre les choses de la guerre, et de demeurer
la pour le seul respect de ne faire chose contraire a vostre volonté,
lequel il a préféré a toutes ses commoditez et délibération déjà faites.
Au contraire, voz gens de guerre ont fait plusieurs belles factions, et a
ce que j'entendz vos ennemiz ont toujours du pire; les choses de la
mer sont si incertaines que nous n'avons rien icy de véritable du
faict de Corsegne, ny de vostre armée, et si nous voulons croire aux
nouvelles qui viennent de Florence, S1 Florent (1) se seroit rendu
dès le 13 de ce mois avec tollerable proposition; c'est que les
François qui y estoient soient ramenez a Antibel (2); les Italiens ne
pourront servir sa Majesté de 6 ans ; le sieur Jordan (3) et Capitaine
Valvion confinez pour 6 mois a Gennes et au bout de six mois mis
en liberté, disoient bien aussi lesdites nouvelles que l'armée navoit
(1) Saint-Florenl-en-Corse. arrondissement de Bastia.
(2) Probablement Antibes, eliet-lieu de canton, arrondissement de Grasse,
département des Alpes-Maritimes.
(3) Probablement Jourdain des l'rsaius. (Voir note 3, p. 35).
92 * NÉGOCIATIONS DE FÉVRIER 1554'
peu entrer au port de Boniface (1) par le temps contraire et avoit
rencontrez deux navires chargez d Espaignolz qu'ils avoient prinses.
Tant de particularitez nous a toujours tenu en opinion qu'il fusl
vray, mais de Gennes on ne voit personne qui en escripve rien, et
de Sienne escripvent que une partie de l'armée estoit auprès de
l'Elbe. Dieu la vueille accompagner ou qu'elle soit. On faict grand
bruict de levée de gens de guerre du sr Ascanio, de ceulx de Naples
qui doibvent venir a Sienne, et de quelques aussy de Gennes. mais.
par ce que le sieur Pierre m'escript, il ne s'estonne ny n'estime
guères tout cela. Je vous veult, s'il vous plaist Sire, faire souvenir
que sy Vostre Majesté se resoult de faire guerre ny armée par deçà,
que Tonne scauroit trop de bonne heure commencera levergens de
cheval, car il y aura de la difficulté et de la longueur a en trouver.
Le Duc de Florence baille 40 escus de pretanza (2 a chacun, et s)
n'en peut faire et icy sur le Ferrarois et pays de Vénitiens, on en
pourroit trouver une bonne troupe, mais ce ne sera pas sans bailler
quelques bonnes advanses aux capitaines. Vostre Majesté y pourra
adviser et en commander sa volonté : de gens de pieds, je pense
qu'on en trouvera toujours tant qu'on en vouldra. Sire, en matière
de finance, je vous diray que le gênerai Delbenne a advisé H m'a
escript depuis peu de jours en ca, affin que vos affaiies ne se trou-
vassent en difliculé et nécessité, que je prinse jusques a cinq cens
mil livres de la campagne, que scavez en ces quatre mois de janvier,
février, mars et avril, ce que je feray, encores que ce soit plus qui]
ny en fault pour la despense qui se fail de présent, et si l'on ne l'ait
quelques grandz extraordinaires, j'espère que vous trouverez icy
ung fons réservé de quinze ou vingt mil escuz quand vous vouldres
commencer la guerre, oultre les aultres parties et le fons qu'il touz
aura pieu voir par lestât que j'envoyay par le sr Thomas Delvechio.
Je vous supplie humblement, Sire, pour le bien de vos affaires,
faire bien assigner le rembourcement des cinq cens mil livres au
gênerai d'Elbenne pour avril, en sorte qu'il dous puisse rembourcer
pour le plus tard le 15'' de niay. el que la compagnie qui s'esl
dressée de luy et du marchand que Vostre Majesté scait, se puisse
continuer, car elle porte une grande sûreté el commodité a vos
affaires, vous donnant toujours trois à quatre isde loisir dassem-
bler voz deniers et vous ostant le soucy de l'envoyer en Italie,
puisque vous n'avez qu'a le desbourcer. >t -i l'on leur failloit a ceste
première assignation, ilz seroient contrainetz Faillir de leurs conv. li-
sions et promesses aux autres mois advenir, et ne seroit que contu-
sions et desordres en vos affaires.
(1) Bonifacio.
(2) Solde.
[MARS 1554] DOMINIQUE DU GABRE 93
Sire, a Parme et a la Mirandola, ny a aulcun suspect d'entreprinse
d'ennemis, ny plus nouvelles de ces grandz levées de gens de
guerre, et n'est on entre en aulcune despence que de la milice
de Parme, laquelle a mon advis le sr de Forquevaulx licentiera,
puisquil n'y verra plus de besoing. Je croy aussy que le Duc Oc-
tavio(l) et le Comte de la Mirandola soient de cette heure en chemin
et que bientost nous entendrons leur arrivée. 11 y a deux jours que
le Comte de Petiglian passa par icy et a tousjours trouvé les chemins
bien seurs, je croix que aussi feront les autres qui viendront après
luy.
De Ferrare ce 28e de Février 1554.
(Bil)l. nat., Fr. 20643, fol. 25 (copie).
GABRE AU CONNETABLE
70. — [Ferrare], 11 mars 1554. — Monseigneur, Je ne vous seau-
rois mander autres nouvelles de Sienne que ce quil vous plaira
veoir par la lettre du sieur Pierre, seullement je puis vous asseurer
qu'ilz sont si bien couvertz d'argent qu'ilz ont de cette heure envi-
ron 43 mil escus ou ilz n'ont a toucher encores de 25 jours; je n'ay
sceu jusquicy avoir ung estât de leurs despence pour ce qu'elle est
encore confuze et incertaine mais je veoy bien d'icy en hors que
tout y est bien menaigé, nous attendrons au reste vostre resolution
par Thomas Delvechio. Cependant, nous disons icy que le Roy n'a
pas accoustumé de se mouvoir pour ung tel compagnon que le Duc
de Florence et que sa Majesté ne fait pas grand cas de sa guerre.
Monsieur lAmbassadeur de Venize (2) ma escript que le dit Duc na
peu avoir des Allemandz et que son homme qui estoit aile pour la
levée s'en estoit revenu sans rien faire. Nicquet est party ce soir
pour aller a Sienne, et si la maladie du Pape est dangereuse, dont
vous verrez des nouvelles par la despeche de Monsieur de Lanssac,
Monseigneur le Cardinal (3) se trouvera la demy porté et aura bonne
occasion de sortir de Sienne. Je ne scay, maintenant quil a son
congé, ce quil en resouldra de faire et ay opinion que si ceste muta-
tion advenoit, il importeroit beaucoup pour le Roy de se trouver
arme grossement sy près de Rome, et si vous voulez entrer en
besongne et en despence par deçà, ayez, Monseigneur, moins de
gens el quil y ait ung peu d'Allemandz ou de François, car, sans
cela, il semble en ce pays que une armée est imparfaite. Il n'y a
(1) Octave Farnèse.
(2j Odet de Selve.
(3) Le cardinal de Ferrare.
94 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1554]
point encores nouvelles de Monsieur de Montluc (1) et faites bien,
Monseigneur, d'envoyer telles gens par deçà. Je remettray le sur-
plus sur ce quil vous plaira voir en la lettre du Roy.
De Ferrare ce 17e de Mars 1554.
Bibl. nal., Fr. 20643, fol. 35 (copie .
GABRE AU COMTE DE LA MIRANDOLE
71. — [Ferrare], .20-27 mars 1554. — Monseigneur, Je receuz, hier,
vostre lettre par ce laquay et tout sur lheure je fiz partir vostre
paquet pour Monseigneur le Cardinal (2) par ung corrier que je depes-
chay exprez. Jay depuis entendu ce que ma dit Pierre Pomara sur
le faict de voz munitions et suis dopinion. Monsieur, puis que vous le
desirez ainsi, quon mecte le tout entre voz mains a la charge de les
tenir en bon estât et les représenter et en tenir compte au Roy. Et
aprez ces testes, Pomara vous en ira fere la consignation et moy
mesmes, si je puis avoir ung peu de loisir, iray jusques la. Mes
derniers lettres de la court sont du xi et semble quilz se refroidis-
sent plus tost quilz ne seschaufent des afferes de de<;a. Et vous
suplie. Monsieur, excusez moy si je vous escriptz quelque foiz pour
ceulx qui men prient, car si jeusse este belle tille je croy que je
neusse sceu refuzer personne. Le Bru pour lequel je vous avois
escript mest bien venu dire que a luy mesmes el a dautres que l'eu
Monsieur le Conte votre père, ou vous, aviez faicl semblable grâce
si la chose est faisable. Je vous en suplie si elle ne lest je nenlendz
pas de vous en fere requeste. C'est. Monsieur, tout ce que je vous
scaurois dire pour ceste heure.
De Ferrare ce xxe de mars 1554.
Monsieur, ung de voz laquais sen alla de s;i -race sans prendre
ceste lettre; depuis jay receu le paquet de Monseigneur 1»' Cardinal
quil vous a pieu menvoyer dont je vous mereye bien humblement.
Nous navons icy rien de nouveau de Sienne, sinon que par une
(1) Biaise de Montluc. né a Condom en 1501, mort en 1577, célèbre capitaine,
servit d'abord dans la compagnie commandée par Bavard, fut fait prisonnière la
bataille de Pavie 1525 . prit part à l'expédition de Lautrec contre Naples I
à la défense de Marseille menacée par Charles-Quinl 1536), a la bataille de
Cerisolles 1544 . et défendit héroïquemenl Sienne contre les Impériaux. Devint
colonel général de l'infanterie, lai 1564, nommé lieutenant-général en Guienne,
il y lil une guerre sans merci aux calvinistes. En 1571, Henri III le nomma
maréchal de France. Il se retira, peu après, dans son château de Montluc, où il
rédigea ses mémoires. (Voir noie -j. p. :; .
.Montluc regardait la défense de Sienne . -111111111' la plus belle page de -a vie.
(2) Le cardinal de Ferrare.
[JUILLET 1554] DOMINIQUE DU fiABRE 95
lettre de monseigneur de Lanssac que jay receue aujourdhuy, il me
mande que toutes choses y sont bien, et que les ennemys ne ses-
sayent jamais a faire quelque faction quilz ny soient batuz et quilz
nayent du pire, et quilz avoient faict quelque monstre de vouloir
aller assiéger Luzignan, mais quilz ont laissé lentreprinse ne scai-
chant que faire. Il mescript aussi que le Pape est tout jour malade
et en ung estât.
Cest de Ferrare ce xxvir* mars.
(Arch. de Modène. Gancelleria Ducale, etc.).
GABRE A DOMENICHO D ACRILLE
72. — [Ferrare], 10 juillet 1554. — Magc0 messer Domenicho.
Jo vi ho mandato troggi un plico per il Sor Duca di Mantoa; et dipoi
ne ho ricevuto un'altro del Re per Madama la Duchessa, il quale vi
priego dare a Sua Eccelentia. La presa di Mariahourg (1) mi è fatta
certa per lettere di sua Maesta, et io mando a Vostre Signoria una
copia del discorso del suo esercito, et di quanto s'e fatto dipoi ch'egli
é in campagnia ; gïi dirù di piu che per lettere ch'io ho havuto da
un nostro gentilhuomo ch'é in Lucca: mi vien scritlo che'l S01' Carlo
di Gasolo (2), dette un' assalto générale venerdi matina a Monteca-
tino(3), ma fu valorosamenle ributato per quei di drentro, con per-
dita di cinque cento huomini et de nostri ne sono morti quatro
solamente : mi scrive anche che lanostra armata lia preso sette navi
carghe di fromento, sino a 12000 salme (4), et 40 perzae d'artigliaria
di bronza, le quali erano a Genovesi et Fiurentini ; et se ne seppe la
nuova da un capitan genovese quale era scampato con sette altri
huomini et ritirato si in Livorna, per quello ,si debbe credere che il
tedeschi et guasconi che venivano di Marsiglia sopra le nostre galee
son giunti a Porto Hercule (5); et vinti che saranno col S01" Pietro. Jo
spero di sentir presto qualche buona nuova di quelle bande; corne
anche di quelle Franza, et del tutto vi scrivcro; Ben vi priego di
rallegravidi queste, et délia buona sorte di sua Maesta la qualle dio
gli voglia continuare, et a Vostra Sgnoria dare contento.
Di Ferrara a di x di luglio m. d. liiii.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
(1) Marienbourg, ville fortifiée de Belgique, près de Namur, prise par les
Français en 1554.
(2i Carlo de Gasola, capitaine italien au service de l'Empereur.
(4) Montecatini, village de Toscane à 40 kil. de Florence.
(4) Salmée, ancienne mesure de capacité équivalant à quatre sétiers.
(5) Porto Ercole, province de Grossetto (Toscane), dans la partie Est de la
presqu'île de Montargentaro. sur une baie dans la mer Tyrrhenienne, à 24 lieues
S.-E. de Sienne.
96 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 1554^
GABRE AU CARDINAL DE TOURNON
73. — [Ferrare], 10 septembre 1 Ô54. — Madame la Duchesse a
este si obstinée que jamais ne se vouleust renger a ouyr la messe,
nous ayant donne a tous tant de peyne et denuy ala y persuader
quil nest possible. De plus, Monsieur le Duc se resoleust a la
(in de commencer a quelques exécutions, et chasse les officiers et
quelque damoiselle qui estoient deceste sotte I): pour tout cela elle
ne semeust de rien; a la lin, il se resoleust de mètre les princesses
ses filles a ung monastère ou il y a une sienne seur abbesse(2)
et faict venir madame a son vieulx logiers au chasteau, faict fere
inventaire de ses cofres, et croy quon ne scauroitt trouver liber (3)
en vulgaire des doctrines dallemaigne quelle neust avec infinies
lettres de tous les principaux hommes qui ont escript en Germaine
et a Genève. Monsr Ory les aveuz et ny en atrouve un seul bon,
mais tous ceulx quon peult appeler les pires du monde; voyant cela
elle a demande la messe et en estre contente de louyr les dimenches,
mais nions, le duc dit que ce nest pas assez, et que avant ceste exé-
cution, il se fut contente de cest acte extérieur, et laisser la créance
et la foy a sa discrétion, et que maintenant il ne sen peult contenter
avec son honneur, ne luy rendre ses filles si elle ne se remect du
toust en leglise et si elle ne se confesse, et se comunicque, accu-
sant son erreur, et faisant telle démonstration et changement dévie,
aladvenir quon cognoisse quelle oyt la messe pour lhonneur de dieu
et pour la vérité, et non pour sestre réduite par force, et il nya or-
dre de luy pouvoir jamais fere dire quelle ayt estre en erreur ny
user d'une seulle submission en lendroil de nions, le duc son mari.
Je luy en parle franchementet nie travaille aultantque lest possible
pour luy fere cognoistre ce quelle doibl fere pour acomoder icy el
ne lay flatte rien ; elle dit que je suys toul de nions, le due et uen
veult croyre conseil dhomme qui vive, et en suis >i lâche que je
vouldrois estre hors dicy. Monseigneur le duc veult despecher ex-
prez devers le Roy pour ladvertirdu tout; quant a moy, Monseigneur,
je suis délibère de ne rien escripre, mais vous dire/ de moi ce qu'il
vous plaira et a qui vous plaira, car je vous en escriptz la pure
vérité.
(Arch. de Modène. Arch. île lu famille Fieschi .
i, Secte.
(2) Éléonore d'Esté, fille d'Alphonse d'Esté et ,1c Laura Eustochia, 3 Femme
d'Alphonse, fille d'un ouvrier de Ferrare. Elle n'était que la demi-sœur d'Hercule II.
lequel était ne du second mariage d'Alphonse avec Lucrèce Borgia.
(3) Livre.
[septembre 1554] Dominique du gabre 97
GABRE AU DUC DE FERRARE
74. — [Ferrare], sans date (1). — Monseigneur, Je feuz hier assez
long temps avec Madame, aprez vostre partement, et la trouvay
fort dolente et travaillée en son esprit de ceste grande mutation en
son endroict, disant que encores que nous vueillons croire quelle
vous en aye donne quelque occasion, la qualité de sa personne est
telle quon y debvoit procéder plus modestement. Ses doléances
et ses plainctes seroient trop longues a escripre, et encores plus
mes remonstrances et mes argumens contreres, parquoy, Mon-
seigneur, je nen feray icy mention, pour venir a la conclusion de
nostre dialogue, la quelle me semble bien bonne, et den pouvoir
espérer tout bien, car je veoy que la dite dame cognoist avoir fort
failly, et désire se reconsillier et vivre en paix et en amour avec
vous, mayant donne charge expresse de vous dire ou fere entendre
de sa parte quelle vous suplie lexcuser du passé, et ne lui vouloir
user toute la rigueur et maulvaistractement quil luy semble que vous
luy préparez, et quelle est résolue du cueur et de bouche de vouloir
dores navant vivre au faict de la religion et envers vous de telle façon
quelle vous fera perdre, et a chacun, la maulvaise opinion qu'on a
délie. Quant aux livres reprouvez qu'on a trouve en ses coffres (2)
et aux lettres missives aussi des gens suspectz, elle vous* asseure
bien de deux choses, que ceulx qui luy ont escript ne scauroient
monstrer avoir eu une seulle responce délie, et quant aux livres, que
elle ne les a guieres usez comme il se peult veoir, et ne pense en
avoir leu aucun, et quil soit vray elle est contente de ne les ravoir
jamais, ne dautres semblables, se resolvant de vivre dores navant
sans toutes ces curiositez, mais avec la simplicité qui siet fort bien
a toutes femmes. Veult et entend que la messe se dye tous les jours
en sa sale, publiquement, et résolve de se confesser et communiquer
a la première bonne occasion, et le plus tost quelle le pourra pré-
parer et y disposer sa conscience. Elle s'asseure bien quelle na
point despendu son bien a nourrir et entretenir les héritiques
comme vous, Monseigneur, cuydez, et que vous nen trouverez rien
par ses livres de despence et pour lavenir elle a encores moins den-
vye de leur en donner. Et sil vous semble que le faict de sa despence
et de sa maison soit mal conduyte, elle recevra a très grand plaisir et
honneur quil vous plaist la conseiller et luy ayder, car il y a long
(1) Vraisemblablement du 11 septembre.
(2) Ces ouvrages défendus, manuscrits ou imprimés, au nombre d"une centaine^
furent livrés aux flammes. 'Voir Rodocanaghi, Renée de France, Op. cit., p. 248).
10
98 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1554]
temps quelle désire y veoyr quelque bon ordre. Par tous ces lan-
gaiges la, Monseigneur, je veoy une fort bonne disposition en la
dite dame de se reconsilier avec Dieu et avec vous, et d'obeyr au
désir et a la volonté du Roy. Et je lui ay dit que si elle prent ce bon
chemin la, que jay opinion que vous ne sçauriez avoir pour le présent
ung plus grand contentement en ce monde et quelle doibt espérer
que vous, Monseigneur, luy lairrez dispo>er de son bien et du vostre
a sa volunté; elle se trouve fort incomodement logée, mais celapeult
estre remis a vostre retour. Cependant je vous suplie très humble-
ment me respondre chose qui la puisse consoler et qui luy donne a
cognoistre quelle ne doibt pas estre sans espérance de retorner en
vostre bonne grâce; le mary et la femme doibvent couvrir et excuser
les faultes lung de lautre, et vous, Monseigneur, qui avez plus de
puissance sur elle, y userez sil vous plaist de lamour que dieu vous
a commandé luy porter, et de la bonté et cortesie qui doibt estre en
tous princes.
(ArcM. de Hodène. Arcli. de la famille Fiesclii).
GABRE AU DUC DE FERRARE
75. — [Venise],3 novembre 1554. — Monseigneur, Je receuz avant
hier ce qu'il vous pleust m'escripre par le Capitaine Malacrida, et
par là ay veu la responce que vous aviez eue de MonsrRosset. rt
quand je verray quelque bon effecl de ce cousté-là, je y croiray,
autrement non. Mais, il ne peult venir que grand bien que Vostre
Excellence face toutjour quelque presse de cest accord, car tant plus
tost on fera parler clair le Duc de Florence et l'Empereur et verra
l'on s'ilz ont envie dudit accord, ou s'ilz pensent nous mener par le
nez et fere cependant leurs besoignes. Quant à moy, j'ay opinion
que si le Pape vous donne occasion de luy aller parler, il vouldra
aussi y fere trouver le Due de Florence pour essayer d'accomoder
tout ce qui luy peult toucher, et par adventure mettre en avant
aliances et mariaiges entre voz deux maisons, car il esl bien a croire
que le Duc de Florence ne vouldra pas abandonner l'espérance
qu'il a d'avoir bien tost Sienne, s'il n'aceomode et n'asseure
pour l'avenir du tout ses afferes avec le Roy Vous verrez aussi,
Monseigneur, qu'on tiendra la responce de l'Empereur sur cesl ac-
cord en longueur et incertaine, ou bien qu'elle scia sur la braveure
espaignolle. Par ainsi commence/, s'il vous plaist, de bonne heure
à penser quid agendùm, et à dire clairement vostre résolution à la
Court, car, selon l'espérance qu'ilz verront en vous, il/ feronl leurs
desseingz plus grandz ou moindres; ci s'il vous plaist nie 1ère en-
tendre ce. que leur en aurez mande, et qu'il y aye chose de laquelle
[novembre 1554] Dominique du gabre 99
se puisse ensuyvre quelque bonne conclusion et que vous la desiriez,
j'en escripray de ma part de la façon qu'il fault pour bien ayder le
tout. Si aussi, Monseigneur, vous avez volunté de vous en demesler
sans conclusion, vous ferez fort bien cela, sans que je m'en mcsle.
Quant à ces Seigneurs, je ne puis me garder d'espérer tout bien
d'eulx, et s'ilz vous voyent résolu de corir la mesme fortune du
Roy, ilz n'endureront jamais vostre ruyne de l'ung ny de l'autre, car
il est certain que cela leur importeroit trop, et ce qu'ilz ne vou-
droient maintenant fere par élection, ils le feront lors par nécessité,
car vous auriez, Monseigneur, mille occasions de leur fere cognoistre
chascun jour que vous auriez prins la charge des afferes du Roy en
Italie principallement pour ne laisser prendre occasion à Sa Mate
d'abandonner la protection de l'Italie et pour vous conserver, et
qu'il n'en peult reuscir à ceste Seigneurie, sinon utilité et grandeur
et jamais aucun domaige, et que non seullement eulx, mais toute
l'Italie vous en debvra eslre obligée. Cesditz Seigneurs ont esté fort
desplaisantz de ceste nouvelle de Casoli(l), que vostre Ambassadeur
leur porta, et me la ditz le Prince avec grand regret Sur quoy je ne
failliz à luy fere une particulière et privée remonstrance, pour ce que
nous estions à la messe parlans à part le jour de la teste. Nous
verrons ce que le Pape vous fera entendre, et selon cela, chescun se
gouvernera, car si Fompeultune foizse résouldre quenoz adversaires
ne veullent entendre à l'accord, je viendry à estraindre de si prèz
ces Seigneurs, que je leur feray dire le si ou le non.
Je n'ay rien de la Court, et quant aux nouvelles de Sainct Marc (2),
je lesremetz à vostre Ambassadeur, car aussi je vous asseure que
si l'on ne m'en vient dire, je ne suis guières curieux d'en entendre.
C'est, Monseigneur, tout ce que je vous diray pour ceste heure.
De Venize, ce me de novembre 1554.
(Arcli. de Modènc. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CONNETABLE
76. — [Venise], 23 novembre 1554. — Monseigneur, Je ne vous
feray longue lettre, sinon de vous asseurer que le Baron Cochart (3)
qui arriva icy avant hier partira demain au soir secrètement et
seurement despeché et avec les cedules de l'argent de Monsieur de
S1 Ciergue dont vous voulez secourir Monsieur de Codignac (4),
(1) Casoli, bourg de Toscane à 12 kil. 0. de Sienne.
■1 Venise.
:i Pierre Cochart, résident à Raguse.
14) Michel de Codignac, dauphinois, valet de chambre du Roi; devint ambas-
sadeur en Levant après M d'Aramon, à la suite duquel il était en 1551. Le Roi,
100 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1554
lesquelles cedules jay retirées non sans grand mistere et difficulté;
larrivee dud. Cochard sera fort a propoz, car ces seigneurs ont eu
nouvel advis de la trefve faite entre le Sophy (1, et le grand sei-
gneur (2) et que on commencoit a Constantinople a préparer des
allégresses pour le retour dudit Grand Seigneur. M. de Lanssac
arriva hier icy qui vous escript de ses nouvelles. Au reste, Monsei-
gneur, j'ay este icy assailly d'une fièvre fort fascheuse qui m*atenn
quatorze jours au lict, mais Dieu mercy, depuis deux jours j'en suis
dehors et vous puis asseurer que ces seigneurs mont faict aussi
honnestes démonstrations de bien veuillance qu'ilz firent jamais a
homme, mestans venuz visiter, deux des plus grands dentre eulx, de
la part de la seigneurie avec aultant honneste langaige quil est pos-
sible. J'espère, Monseigneur de dans deux jours les aller veoir et
vous escripre après plus amplement de toutes choses.
De Venize ce xxme de novembre 1554.
(Bibl. nat., Fr. 20456, fol. 135) (originale .
GABRE AU DUC DE FERRARE
77. — [Venise], 28 novembre 155 4. — Monseigneur, Je ne vous
feray point longue lettre pour ceste heure, encores que j'en aye
receu deux qu'il a pieu à Vostre Exellence m'escripre, et sera seul-
ement pour vous asseurer que je suis fort bien gnéry de ma mala-
die et ay déjà commencé à négotier en Seigneurie. Mais, craignant
de me travailler trop tost, je remettray à vous fere le tout entendre
à sabmedi prochain que je ne fauldray de vous escripre amplement;
De Venize, ce xxvme novembre 155ï.
Monseigneur, J'espère que à vostre retour de Modena je seray.
s'il plaist à Dieu, en estât pour aller fere bonne chère avecqucs
ayant des soupçons sur sa conduite, envoya M. de la Vigne pour le remplacer en
1556, et chargea Hureau de Boistaillé de le ramener en France ; mais, en passant
à Venise, il réussit à s'échapper, et se retira au service du roi d'Espagne.
(1) Tliomasp I«, deuxième souverain de la dynastie persane des Supins. suc-
céda en 1524 au Schan Ismaël l"r et régna jusqu'à sa morl en 1576.
(2) Soliman II, le Magnifique, empereur des ottomans, né en 1494, succéda a
son père Selim 1er en 1520, dompta la Syrie, lit capituler l'Ile de Rhodes, envahit
la Hongrie, s'empara de Rude, mit le siège devant Vienne en 1529, marcha contre
la Perse, s'empara de Tamis, puis de Bagdad (1534 : réunit ensuite a son empire
Alger et Tunis. Il entra avec François I" dans une ligue offensive et défensive
contre Charles-Quint. En 1547, il renouvela la guerre contre la Perse et conquit
le Schirwan et la Géorgie. Soliman mourut au siège île Sigeth en 1566, après avoir.
durant son règne, doté son empire de lois excellente-, tait construire des canaux.
des hôpitaux, des collèges , fondé des bibliothèques ci rédigé de ti
règlements pour I administration de ses Fatals.
[DÉCEMBRE lo54j DOMINIQUE DU GABRE 101
vous et ne fauldray de vous remborser des mc escuz que Vostre
Exellence a baillez à l'Ambassadeur de Sienne. Il vous plaira escripre
ung mot à Monsr vostre Ambassadeur à Florence pour le paquet
que je luy envoyé pour quelque affere particulier de Monsr de
Forquevaulx.
Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
78. — \ Venise], 1tT décembre 1554. — Sire, Monsieur de Lanssac
sera porteur de la présente qui a esté ycy quelques jours, autant
bienvenu, caresse, et honnore de ces seigneurs qu'il est possible, et
vous pourra dire le bon et affectionné langaige qu'ils luy ont tenu
de l'obligation qu ils vous portent et du désir quils ont de la pros-
périté de vos affaires ; ils sont fort officieux en telles bonnestetes,
mais ils ne sont gueres eschauffés a mettre la main aux armes
pour leurs amys, ne pour eulx mesmes, et vous supplye très hum-
blement, Sire, croire que sur ce propos la je leur donne de grandes
alarmes et que je pense ny avoir oublye raison, ne persuasion qui
les puisse mouvoir et ne fauldray de donner advis a Vostre
Majesté de tout ce qui en succédera, et de toutes occurences de
deçà. Il y a icy un jeune Duc de Brunsvic (1) qui m'est venu parler
secrettement, et pour ce que le dit sieur de Lanssac a este présent
at tout ce quil a dict je ferois tort a sa suffisance de vous en faire
autre discours; seullementvous diray Sire que pour un allemand il
dict aussi bien son faict quil est possible, et monstre s'estredellivré
du service de l'E (2) honnorablement et avec juste et bonne occa-
sion. Du faict de Syenne et des tinances n'est rien survenu depuis
que j'ay escript dernièrement parle boyteux.
De Venise ce premier Décembre 1554.
(Ms. de Grenoble, fol. 37, v°).
GABRE AU CONNÉTABLE
79. — [Venise], 1" décembre 1 554. — Monseigneur, Je croy que
Monsieur de Lanssac, présent porteur, vous trouvera tous rassem-
blez avec le Roy, et que comme il est fort aise et désire d'estre
auprès de vous pour vous faire service, vous serez aussy bien aise
de le y veoir pour les bonnes qualitez qu'il a de très suffizant et
1 Henri II dit le Jeune, duc de Brunswick Wolfeubutel, né eu décembre 1489.
mort le 12 juin 1568.
(2) L'Empereur, Çharles-Quint.
102 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1555"
digne ministre du Roy, et tant vostre serviteur comme il est, il a eu
ceste fortune de sa prison pour vouloir faire service, mais pour cela
il n'est pas recreu (1) et se mettra en plus grandz dangers quant il
vous plaira l'employer. Ces Seigneurs icy lont veu fort volontiers et
l'ont caresse et honnore, et pour ce que j'escrips au Roy ung petit
mot de lettre et auzsi quil scaura vous rendre compte de toutes
nouvelles par deçà; je feroys tort a sa suffisance de vous faire longue
lettre.
De Venize ce 1er de Décembre 1554.
Bibl. nat.. Fr. 20456, fol. 137) (copie .
GABRE AU DUC DE FF.RRARE
80. — [Venise], 5 janvier I ,">.">. ">. — Monseigneur. Je presupose
que vous aurez entendu la responce que lEmpereur a faicle au Pape
sur le faict de lacord de Sienne, duquel les ministres de Rome disent
que Sa Sainteté veult mettre la main a bon escient. Il semble que
le Roy désire tout jour ledit acord et quil soit manye par vous. .Mon-
seigneur, il vous en aura faict entendre son intention par Monsieur
de la Cbapelle des Ursins (2), mais, a toutes aventures, je vous
envoyé coppie de ce que Sa Majesté men escript; il vous plaira veoir
le tout, et sil se faict traicte je croy que le Roy desireroil que vous
allissiez jusques a Rome, car vostre présence donneroil grand répu-
tation et effect audit acord, et. si bien il ne succedoit poinct. vostre
assistance et vostre tesmoniaige seront tout jour de grand des-
charge pour Sa Majesté, envers Dieu el le monde, et vous plaira,
Monseigneur, me mander la dessu> vostre intention et hou plaisir.
Je suis fort esbahy que mon secretere ne soit encores icy de retour.
De Monsieur le Mareschal de Rrissac (3 , nous nen avons icy une
seulle nouvelle et semble que nostre fureur soit passée. 11 se parle
icy dung assault donne a Sienne ou ilz ont este rudement repoulsez
(1) Novice.
■2 Christophe Jouvenel des Ursins. seigneur de la Chapelle des Ursins, baron
d'Armenonville, capitaine de chevau-légers, chevalier du Saint-Esprit î
lieutenant du Uni dans l'Ile de France, gouverneur de Paris, morl en 1588.
Envoyé par le Roi à Montluc, à Strozzi el au duc de Guise.
:s Charles de Cossé-Brissac, né en 1505, maréchal de France, servit dans le
Roussillon, en Piémont et en Flandre ; défît les Anglais près ne Boulogne 1!
l'ut désigné comme successeur de Coligny dans ic gouvernement de la Picardie
(1552k el comme gouverneur de Normandie 1562). Il mourut à Paris le 31 décembre
1563, à 57 ans. Brantôme (édition Lalanne, Vie des grands capitaines) dit de
Brissac : « Ses actes ont esté telz et si hauts, qu'ils le tirent mareschal de France
et lieutenant du roi en Piedmont; là. il s'acheva de se parfaire un très grand
capitaine, et tel qu'on l'a renommé parmy nous et les nations étrangères, etc. ».
[JANVIER 1555] DOMINIQUE DU GABRE 103
et avecques perte de beaucoup dEspaignolz; silz avoient envye de
se partyr du tout de la. Je diroyz quilz sont gens de bien. Monsei-
gneur, je ne suis point encores bien de ma santé et est force que
j'attende le beau temps. Cependaut, je ne laysse pas de servir,
escripre et negotyer afferes, mais que je ne me monstre point a
layr; si je me voyois bien confirmer, je ne fauldrois incontinent
vous aller trouver en me recommandant Monseigneur, très hum-
blement, a Vostre Excellence.
De Venize ce cinquiesme de janvier 1555.
Monseigneur, Comme je voulois fermer ce paquet, est arrive le
secrétaire, et pource quil est fort tard, je remetlray ademain ou
aprez demain sil aura apporte quelque chose qui mérite responce.
(Arcli. de Modène. Arcli. de la famille Fieselii).
GABRE AU DUC DE FERRARE
81. — [Venise], 4 9 janvier 1555. — Monseigneur, .layveu la lettre de
vostre main que le sieur Alexandre (1) ma communiquée, et la pre-
mière chose que je vous veulx respondre sur cela cest. Monseigneur,
quil vous plaise nentrer point en opinion ne def fiance que Ion
vueille retenir voz deniers contre vostre volunte, car, puis que vous
les demandez avec si grande instance, jamais on ne reffuzera de les
vous payer, et sil se peult fere que le Roy nen sçaiche rien, je vous
asseure quil se fera. Dez aujourdhuy, on donnera advis a messer
Albiza de tenir largent prest a Lyon quant vous lenvoyerez quérir
ou il est ohlige de le vous payer, et vous espargneres douze mille
escuz du change que vous cousteroit a le fere remettre par deçà, et
d'ailleurs, la difficulté de le remettre est si grande entre marchans,
quil fault beaucoup de temps a en fere les provisions, et le dit Alhizo,
si ce nest pour vous fere service, sera plus ayse que vous le faciez
remettre par autre que par luy. Mais, Monseigneur, je vous ay sou-
vant dit que je vous estois serviteur très fidelle et affectionné, et le
voulant estre en effect, il fault que je vous dise que je ne vouldrois
pour tout mon bien que le Roy sceust la façon don vous demandez
cest argent, en ce temps ou il en a plus de besoing quil neust
jamais ; il verroit par la au descouvert, peu ou rien damytié de vos-
tre cousté en son endroict, et grande mutation de vostre volunté
accostumee, scaichant bien (comme il est notoire a tout le monde)
que vous navez nul besoing de cest argent que pour le tenir dans
ung coffre inutile, et que par la on peult inférer que vous seriez
marry que le Roy eust argent ne moyen de continuer la prospérité
de ses afferes. Vous, Monseigneur, qui estez prince, pourrez consi-
(1) Alexandre Guerin.
104 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 15oO~
derer que les autres princes, mesmes les pluz grandz, rendent ce
qui nest point a eulx quant il leur plaist et quant ilz nen ont point
de besoing, silz en ont bien a fere ilz le retiennent et sen aydent et
vous nen feriez pas moins si vous trouviez en nécessite, dont Dieu
vous vueille garder. Mais en vostre endroict, je mettray ma teste
que si le Roy voyoit vostre lettre, il commanderoit que Ion vous
portast vostre argent en poste. Je suis, Monseigneur, marry que
vostre personne ne vostre esprit se mecte en poyne de mamona
iniquitatis (1\ qui ne doibt servir que a fere des amys, et vous
vouliez quelle vous acquière ennemys, et encores que vostre altéra-
tion soit fondée sur le procéder de Monsieur Albizo, si est ce que
leffect sen adresse au Roy qui est le seul protecteur de vostre mai-
son, et qui ha faict tant de liberalitez et de bienfaictz a voz frères
et a vos enfans pour vostre respect. Et vous diray. Monseigneur, en-
cores ce mot, sil vous plaist, pour Albizo, que le plussouvant il vous
a remborse du sien, avant que avoir recouvert largent du Roy, qui
est bien loing de fere son profit du vostre. et quant a moy, je croy,
comme je croy en Dieu, quil na jamais gaigné avec vous ung liart,
et si vous a faict gaigner cinquante mille escuz en peu de temps et
avec peu dargent, il est force de dire les choses comme elles sont.
Monseigneur, quelque, foiz les princes font bien de se desmestre
de leurs affections et des choses basses sur leurs serviteurs, je vous
conseillerois, non pour le service du Roy, car je ne vous en veulx
plus parler, mais pour vous conserver sa bonne grâce, et pour ne
mouvoir beaucoup de choses que vous estez content quon ne sçai-
che pas, que vous laissisiez passer ces choses icy doulcement, reti-
rant vostre argent, peu a peu, tant que vous viendrez a avoir tout ce
qui est a vous sans que le Royen scaiche rien. Je me doubte, Mon-
seigneur, que vous ayez prins quelcque desdaing de la responce
qu'on a faicte a vostre ambassadeur, et je vous suplie très humble-
ment d'y user de vostre prudence accoustumee, el passer cela soubz
silence comme vous scavez bien fere. Car sil failloil disputer de-
vant des juges qui a tort, je me doubl que vous ne gaigneriez pas
vostre cause, et excusez moy. Monseigneur, si je parle trop libre-
ment, car la ou je suis serviteurs de vraye amour, il est impossible
de forcer autrement mon naturel, et si le monde voultoil san dessus
de soubz, je ne veulx faillir de vous estre tout ma vie très humble
et affectionne serviteur.
Monseigneur, jay dit beaucoup dautres particularité/, au sieur
Alexandre.
De Venize ce xixe de janvier 1555.
[Arch. de Modène. Aivh. de la famille Fieschi
(l) Mainmou. dieu des richesses.
[JANVIER 15551 DOMINIQUE DU GABRE 105
GABRE AU CONNETARLE
82. — [ Venise], 30 janvier 1555. — Monseigneur, je receuz hier ung
pacquet de Monseig1 le Maresclial Strozzi avec une coppie de lettres
de Monsieur de Montluc, par laquelle jay veu quil asseure de n'avoir
point faulte de vivres de tout le mois de février, et ledit sieur Mares-
chai, ainsy quil m'escript, espère de la faire tirer jusques a la fin
de Mars ; s'il est ainsy, vous pouvez estre asseure que Sienne ne se
perdra jamais, car il est quasy impossible que ceux qui la tiennent
assiégée y puissent plus demeurer, ne trouvant rien a manger par
tout ce pays la, sans les autres occasions qui peuvent survenir
pour leur faire laisser l'entreprinse ; je vous puis bien dire. Monsei-
gneur, une chose quilz n'ont point faulte d'argent pour payer les
bledz qui se trouvent dans Sienne, comme ledit sieur de Montluc le
demande, car ilz ont en reserve quelques payes de la garnizon de
Sienne pour ce que l'argent n'y peult entrer, et encores ay je fait
partir d'icy, aujourdhuy, 30 mil escuz pour y envoyer et davantaige.
Je ne trouve pas quil soit grand pèche mortel ny trop malaisé de
prendre les vivres qui sont dans une place assiégée a crédit, car,
ou bien ilz en recouvrent les deniers en vendant le pain, ou bien le
Roy leur en demeurant débiteur. Je ne scay comme ilz usent de ces
munitions acheptées des deniers de Sa Majesté, car j'ay bien veu la
despence de l'achapt, mais je n'ay jamais veu aulcune recepte
dargent provenant de la vente ; ce sont choses qui se verront puis
après a loisir, mais qu'on soit ung peu hors de ces extrémitez. Je
ne scay, Monseigneur, que vous dire de cest accord, car ny de Rome
ny de Ferrare je n'en ay eu une seule nouvelle depuis ce que je
vous en ay dernièrement escript. Jay bien veu icy advis de la Court
de l'Empereur contenant quil avoit mande aDom Jehan Manrigues (1)
de tanter s'il pourroit forcer Sienne avec une grande batterie et, en
cas que non, qu'il s'en allast trouver le Pape pour donner ordre a
l'accord ; toutesfois je n'en veoy point encores aulcunz commence-
ment de leur coste, je n'ay nulle nouvelles de Monsieur de Soubize
dont je suis fort esbahy.
De Venise ce 30 janvier 1555.
Monseigneur, Vous recevrez, avec la présente, une lettre de Pom-
payo de la Croce qui escrit dans Cazale (2) et, a ce que j'entendz, il
(1) Jean Manriquez de Lara, marquis de Saria, ambassadeur de l'Empereur vers
le Pape, envoyé par le marquis de Marignan pour négocier la capitulation de
Sienne. [Commentaires de Montluc, Op. cit., t. il, p. 93).
(2) Casale, place forte du Piémont, sur la rive droite du Pô.
11
106 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1555]
n'a fait a la reddition de ceste place chose qui soit contre son devoir
ny son honneur, et est, avec Monsieur le Mareschal (1), pour rendre
bon compte de soy; il m'a prié vous en escripre aflin quil vous plaise
luy faire cest honneur de lire sa lettre, il est Milanois et a ce que
j'endendz de bonne maison et bien apparenté.
(Bibl. nat., Fr. 20643, fol. 127) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
83. — [Tenise], 9 f écrier 1555. — Monseigneur, Jeuz hier une
lettre de Monsieur d'Avanson (2) escripte à Ysée (3), dont il partist, à
ce que j'entendz, mercredi. Il me mande avoir commission du Roy
de passer en ceste ville pour entendre de ses afferes, mais qu'il
vouloit plus tost aller fere la révérence et recevoir voz commande-
mens. J'ay dépesché pour veoir si l'on le pourroit encores atteindre
en chemin, et luy remonstrer qu'il va avant et puis tourne «en
arrière, et qu'il debvoit plustost passer icy pour éviter les maulvais
chemin et s'en aller aprèz par eaue vous trouver. Je ne scay si mon
homme le trouvera assez à temps pour luy fere torner bride. Bien
vous asseure je, Monseigneur, que j'ay grand regret à mon indis-
position qui me garde de ne pouvoir voyaiger, car j'eusse voluntiers
prins ma bonne part de la bonne chière que je scay que vous luy
ferez. Vous aurez, Monseigneur, entendu l'bereuse faction de noz
lansquenetz de Sienne et je faiz encores ung coup ce pronostique
qu'elle ne se perdra point. Icy ne se dit rien de nouveau, et, par
lettres qu'on escript de Trente, il n'y a point encores nouvelles de
gens prestz pour passer.
De Venize, ce ix de février 1555.
\ en. de Modène. Caneelleria Ducale, etc.).
GABRE AL DUC DE FERRARE
84. — [Venise], 1J février 1555. — Monseigneur, S'en allant
Monsr de Serres à Parme avec l'assignation de ce mois de février,
je n'ay rien de nouveau à vous dire, sinon que j'en/, hier lettres de
(1) Strozzi.
(2) Jean de Saint-Marcel, sieur d'Avanson, conseiller au Parlement de Grenoble,
maître des requêtes, président au Grand Conseil, surintendant des finances, am-
bassadeur à Rome. Voir, sur 1rs négociations auxquelles ci' diplomate l'ut mêlé
durant l'été de 1555: G. Duruy, Le Cardinal Carafa, |>. 55 sq.)
(3) Isée, bourg de Lombardie, à ig kil.de Brescia, sur la rive droite du lac du
même nom.
[FÉVRIER 1555] DOMINIQUE DU GABRE 107
l'ambassadeur du Roy en Levant, qui me mande luy avoir esté
accordé la traicte desbledz pour si grande quantité qu'on en vouldra,
et que si les amys et serviteurs du Roy en ont besoing, et nommé-
ment me parle de vous, il les en fera servir, mais qu'on face dili-
gence de l'aller lever et d'y envoyer argent. Il m'a semblé de vous
en debvoir dire ung mot d'advis, pour ce qu'il semble que cest yver
promet avec ces grandz pluyes la racolte procbaine fort maulvaise
en Italie. 11 m'escript aussi d'ung propoz que m'en avoit tenu ung
qui alla dernièrement en Levant, qui estoit de fere ouster le bayle(l)
des Florentins comme ennemys du Roy, et d'y fere mettre ung
bayle du Duc de Ferrare, et m'asseure qu'il disposera tellement le
Grand Seigneur, qu'il ne tiendra que à vous que cela ne se face. Ce
bayle-làauroit grand auctorité sur toutes les marchandises qui vien-
nent deçà, et n'y auroit point de mal que vous, Monseigneur, en de-
visissiez ung peu avec le S'' Marcantonio Palevecin (2), pour vous
resouldre d'y envoyer quelcun. Il est vray qu'il m'escript aussi que
le Grand Seigneur est contrainct s'en retorner à la guerre contre les
Géorgiens, qui luy ont préparé de grandz afferes. Je croy que Mon-
sieur d'Àvanson doibt estre maintenant avec vous, et que aprèz il
ne fauldra de venir icy comme il m'a escript. Je vous asseure, Mon-
seigneur, que si je pouvois aller par pays, je ne luy donnerois pas
ceste peyne, car j'ay bonne envye de vous aller veoir ; mais il faict
ung temps du diable, qui ne sçauroit sinon empirer mon mal. Le
Madruche (3), nepveu du Cardinal de Trente (4), est entre les mains
de nostre Ambassadeur à Constantinople.
De Venize, ce xne de février 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleiïa Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
85. — [Venise], 12 février 1555. — Sire, Suyvant ce quil vous a
pieu me commander, j'ay entendre a Milord Cortenay (5) qui est en
(1) « Bayle » ou « Baille », nom donné généralement au magistral vénitien chargé
de défendre les intérêts de ses compatriotes auprès de la Porte. Il résulte de
cette correspodance que le duc de Ferrare pouvait conférer le titre de bayle à
des agents investis des pouvoir analogues à ceux des agents de la Seigneurie.
(2) De l'ancienne et noble famille italienne des Pallavicini qui a produit diverses
branches à Borne, à Gênes et en Lombardie.
(3) Nicolas, baron de Madruce, capitaine général au Tyrol, mort pendant la
guerre de Sienne.
(4) Cristophe Madruce, évêque de Trente (1539), cardinal (1542) ; fut employé
dans plusieurs négociations en Italie. 11 mourut en 1578.
(5) Edouard de Courtenay, comte de Devon, pelit-tils de Guillaume de Courtenay
et de Catherine, fille d'Edouard IV roi d'Angleterre. Longtemps prisonnier, il fut
108 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1555]
ceste ville, que j'avois a luy dire quelque chose de vostre part, et
quil advisast en quelle façon il vouldroit que nous partissions em-
semble. Une s'en est volu fyerahomme dumonde des siens, et s*en
vint tout seul a trois heures de nuict chez Messer Pietro Pomara ou
je me trouvay aussy, et, la, luy feiz entendre ce quil vous avoit pieu
me commander; et afin qu'il y adjouxtat plus de foy, je luy monstray
le propre original de vostre. lettre, signée de vostre main, combien
que ce qui faisoit mention de luyfust en chiffre ; il fust merveilleu-
sement ayse, Sire, de l'honneur et de la faveur qu'il vous a pieu de
luy l'aire, ayant mémoire de luy, et me prya, fort expressément, de
vous en remercier très humblement de sa part, et vous asseurerque
se paravantil a eu bonne volonté et désir de vous faire service; que
maintenant il en a encore plus grande obligation, et que, en toutes
choses ou il vous en pourra faire sans préjudice de son honneur, il
n'y espargnera jusques a sa propre vie, congnoissant que Vostre
Majesté continue en sa bonne coustume de fa vorizer et embrasser
l'action de tous les oppressez. Il m'a fort prié de tenir nostre parle-
ment secret et de ne faire aucun semhlant de le congnoistre pour
tous les respectz que chacun peult bien penser, et comme je luy ay
dit, il me desplait que nous ne puissions converser emsemble pour
luy faire quelque foiz compagnie, et service comme Vostre Majesté
me le commande, et aussy que je lay trouvé, a mon gre, fort honneste
et saige prince, et monstre en son parler et en ses actions estre de
sang royal. Nous sommes entrez bien avant en discours du fait
d'Angleterre, et tient pour très facile chose, a vit le temps et vostre
bonne ayde, de remuer les choses en lestât qu'elles doivent être, et
a qui elles appertiennent de droit, ayant bonne espérance que, Dieu
et le monde, luy seront en cela favorables, m'ayant dit que pour
eschapper de la, et saulver sa vie, il a estre contrainct de se feindre
homme de peu de cueur et d'entendement, et de ne cognoistre ne
estimer l'honneur et le bien que de droit lui aperlient, ayant imite
en cela Junio Bruto (1), mais que quand Dieu lui amènera les occa-
sions de mettre a etfect son intention, il fera cognoistre a Notre
Majesté et au monde qu'il n'est pour manquer a ses amys ne a soy
mesmes, et qu'il fera son deboir. Le Roy Philippe luy avoit baillé
ses lettres de laveur a tous ses Ministres de Milan, de Naples et de
Sicille, aux Ducs de Ferrare et de Mantua - . comme s'il ne venoit
mis en liberté par la reine Marie el remis en sa dignité île COmte île DevOD le
3 octobre 1553; mourut vraisemblablement empoisonné. Histoire généalogique
<i<> la Maison de France, par le Père Anselme, i. vu, p. 841).
i Lucius Junius Brutus échappa au massacre de sa famille, que Tarquin le
Superbe avait tait assassiner pour s'emparer des biens de Marcus Junius. son
père, en contrefaisant l'idiot (en latin brutus . D*où lui vient le -m nom de Brutus.
(2) Mantoue.
[MARS 1555] DOMINIQUE DU GABRE 109
en ce pays que pour veoir le monde, mais, puis qu'il se trouve icy
en port de seureté et de liberté, il m'a dict que j'assurasse Vostre
Majesté que, suivant son bon conseil, il ne se mettra plus en lieu ou
ses ennemys ayent puissance: je l'ay fort conforte d'aller a Ferrare
pour ce qu'il aura la compagnie de ses semblables, commodité de
chevaux et moyen de s'exerciter et passer le temps, et y sera encore
plus sûrement qu'icy, et le voy résolu de ne se promener plus avant
que de cest estât et du Ferra roi s. Il a pris ung beau palaiz en ceste
ville. Si Vostre Majesté me commande autre chose en son endroit,
j'auray toujours bonne commodité de luy parler.
De Venize, ce 12 de février 1555.
(Bibl. liât., Fr. 2045G, fol. 155) (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
86. — [Venise], 16 février 1555. — Monseigneur, J'ay receu la
lettre quil vous a pieu m'escripre par Marseille, et j'espère que en
peu de jours ma santé sera telle que je vous pourray aller fere la
révérence pour parler des choses que vous remetez à me dire de
bouche, et si me doubte bien que c'est. Cependant j'ourray parler et
attendray à festier icy Monsr d'Avanson qui est arrivé assez à l'im-
proviste fort satisfaict, et des propoz et des faveurs de Vostre Excel-
lence, et le trouve comme vous. Monseigneur, capable et parlant
bien des afferes du monde ; mais qu'il suit parti, vous aurez inconti-
nent de mes nouvelles. Icy, il n'y a rien de nouveau digne
d'escripre.
De Venize, ce xvie de février 1555.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
87. — [Venise], 7 mars 1555. — Monseigneur, Ceste lettre sera
pour satisfere à Monsieur d'Avanson, qui à son partement d'icy. me
pria vouloir escripre à Vostre Excellence en recommandation de la
mesme chose pour laquelle il vous ;i escript. C'est de Madonna Giu-
lia Gigliola et de Mr Marco Trevigian (1), qui disent que en contem-
plation des services que les précédesseurs de ladite Madona Giulia
ont faict depuis cent ans à la maison d'Est, ilz ont toutjour eu leur
habitation en vostre maison de Venize pour dix ducatz l'année, si
ce n'est depuis quelques ans que vos ambassadeurs leur ont creu
(1) Marc Antonio Trevisani, doge de Venise en 1553.
110 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1555]
le louaige, et maintenant veult on qu'ilz en payent trente escuz.
Monsr d'Avanson, pendant qu'il a esté icy, a receu tout plein de
faveurs de ladite Madonna Giulia qui est fort gentille, et son mary
est venu souvant à moy pour recouvrer ceste lettre. Ainsi, Monsei-
gneur, il vous plaira avoir pour recommandé leur affere, et si en
cela ilz recevront quelque bienfaict de vous, j'auray ma part à
l'obligation.
De Venize, ce vne de mars 1555.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.».
GABRE AU DUC DE FERRA RE
88. — Ven ise], 5 avril 1555. — Monseigneur, J'entendiz de vos
nouvelles par Monsieur de Selve qui passa par icy et n'y a guières
arresté ; depuis, est arrivé Monsieur de Vilandry, présent porteur,
qui s'en va vous trouver et vous dire les causes de son voyaige, et
vous comptera quelque commencement et quelque espérance qu'on
avoit d'accord avec l'Empereur.. Si ces grand/. Ministres, d'une part
et d'autre, parlent ensemble, j'ay opinion qu'ilz feront quelque chose
de bon, car tous ensemble ont grand désir de se reposer, et je croy
que aussi bien ont leurs maistres. Dieu leur en doinct la grâce. Je
m'attendz que dans quatre ou cinq jours nous aurons nouvelles si
aucuns de nos Cardinaulx français viendront à ceste elleclion du
Pape. Je veiz ce que l'aultre jour il vous pleust me fere escripre par
le Sr Alexandre, mais je n'ay nulle souspeçon ne oppinion de ceste
pratique, et le lengaige que ces Seigneurs me tiennent tous les jours
y est fort contrere. Nous sommes si prochains à ceste sepmaine
saincte, que je n'iray poinct empeschervoz dévotions, et remeltray
aprèz Pasques à vous aller fere la révérence, auquel temps je croy
que passeront noz Cardinaulx, si aucuns en doibvent venir.
De Venize, ce ve d'avril 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FEHRARE
89. — [Venise], 17 avril 15.').'). — Monseigneur, Ce matin sonl
arrivées les lettres qu'il vous a pieu m'escripre, el incontinent j'ay
faict partir mon secrétere, présent pourtour, pour vous pouvoir
trouver avant vostre parlement et recepvoir voz commandemens.
J'ay esté en grand volunlé d'estre moy mesmes le messaiger, mais
j'ay crainct de non y arriver à temps si je ne me aydois de la auict,
et je ne suis pas encores assez gentil compaignon pour m'y azarder.
[MAI 1555] DOMINIQUE DU GABRE 111
J'ay dict à cedit pourteur et baillé par mémoire tout ce qui se pré-
sente icy à ma cognoissance, et seray bien ayse, Monseigneur, d'en-
tendre de voz bonnes nouvelles, pour suyvre et accompaigner toutes
voz intentions et désirs de tout le service qu'il me sera possible.
De Venize ce xvne d'avril 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
90. — [Venise], 4 mai 1555. — Monseigneur, Hier matin, nous
eusmes icy la nouvelle de la mort du Pape Marcel (1). C'est grand
pitié de ce monde et j'ay opinion que c'est grand perle pour l'Eglise
et pour la Créstienté. Toutesfoiz, nostre Seigneur, s'il luy plaist,
fera le tout pour le mieulx. J'estime vostre présence à Rome fort
heureuse et de très grande importance pour le service du Roy et
pour la grandeur de Monseigneur le Cardinal vostre frère, car c'est
à ce coup qu'il doibt parvenir à ceste dignité ou jamais non, et je
me doubte bien que les Farneses ne luy seront guières favorables,
mais j'ai espérance que vous pourrez bien acoustrer cela par le
moyen du Duc d'Urbin. La commune opinion de chacun est que
mondit Sr le Cardinal y doibt parvenir à ceste foiz, et je prie nostre
Seigneur qu'il luy en doinct la grâce, et à vous aussi, Monseigneur.
Partenay a volu aller veoir quel il faict à Rome durant le Siège
vaguant, et je vous envoyé par luy une lettre du Grand Seigneur,
que m'a apportée n'a guières le secrétere Cochart, qui porte au Roy
asseurance comme il avoit veu septante cinq gallères tirées hors
de Tarssenal du Grand Seigneur pour partir à ceste Sainct George
et s'en venir droict à la Preveza (2) attendre nouvelles de noz gal-
lères pour les conduire aprèz là où ilz vouldront pour le service du
Roy. Ledit Cochart m'a dit et asseuré que s'il vous plaist envoyer
ambassadeur vers le Grand Seigneur, que le Consul de la nation
florentine sera chassé et que le vostre y aura fort grande auctorité
sur toute la nation italiane.
De Venize ce ime de may 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
(1) Dans la nuit du 30 avril au 1" mai, après un règne de 21 jours. (Au sujet des
intringues auxquelles la succession de ce pontife donna lieu, voir l'Introduction
qui précède, p. xvi).
'2) Preveza, ville de Turquie d'Europe (Albanie), avec petit port à l'entrée du
golfe d'Arta. Les Turcs l'nvaienl prise en 1338 contre les Vénitiens.
112 NÉGOCIATIONS DE MAI 1555]
GABRE AU DUC DE FERRARE
91. — [Pacloue], 11 mai 1555. — Monseigneur, Le Sr Alexandre
Guerin m'envoya dernièrement la lettre qu'il vous pleust d'escripre
du premier de ce moys, avec l'aultre que Nicquet avoyt oblyée, et
vous mercye, Monseigneur, tant et si très humblement que je puys
de la souvenance qu'il vous plaist avoir d'ung vostre très humble
serviteur. Je ne faiz douhte que vous n'ayez grand travail, et d'es-
prit et de personne, en ce vostre voiaige de Rome, et pour les acci-
dentz qui y sont survenuz, et bien souvent je me suis désiré d'estre
auprèz de Vostre Excellence pour vous y faire service et vous sou-
laiger de quelque chose. On nous avoyt donné quelques adviz à
Venize et quelque espérance que vous aviez déjà convertys les
Farnezes, mais par les dernières lettres que j'ay eues, il semble
que cela soit tout renversé. 11 y a des gens qui se disent fort servi-
teurs du Roy pour en avoir du bien et, aprèz quand il fault faire
service, ilz le font comme il leur plaist. Je vouldrois que ung jour
le Roy s'en ressentist et se monstrast sévère envers quelcung pour
donner exemple aux mesmes. J'ay perdu déjà quasi toute espérance
que Monseigneur le Cardinal de Ferrare puisse parvenir à ce ponti-
ficat et vouldrois de bon cueur que Vostre Excellence feust de
retour à Ferrare et bien son ayse à la montaigne, sans attendre ces
grandz chaleurs de Rome et du Papat en laysser 1ère à ces prestres
qui ne valeurent jamais rien. Je n'ay peu encores scavoir si vous
attendrez à Home la nouvelle création, mais si vous n'y voiez grand
espérance pour Monseigneur le Cardinal vostre frère, j'eusse fort
loué vostre paretment. à la charge de remectre vostre obédience
ung an aprèz la feste. Vous aurez, Monseigneur, entendu l'abbocque-
ment (t) qui se doibt fere pour la paix au xxc de moys, et cependant
j'ay quelques adviz que l'Empereur faict gros préparât» fz en Alle-
maigne pour la guerre. Cela ne s'accorde pas bien ensemble et
crains que, de nostre part, nous en trovons trompez. Je suis venu,
Monseigneur, icy prendre l'eaue des bains (2) et commencera)
demain, ne voiant aultre remède pour me desfere de mesdoleurs el
catarres. et à vostre retour, j'espère estre en bonne disposition
pour vous aller fere la révérence, qui ne sera jamais >i tost qne j<'
le désire.
De Padoa ce xvne de May 1555.
(Arch. de Modène. Caticelleria Ducale, etc.).
(1) De l'italien abbocamento: abouchement, entrevue.
■2 Sources thermales sulfureuses renommées. Géographie générale, par I..
Grégoire.
[JUIN 1555 DOMINIQUE DU GABRE M3
GABRE AU DUC DE GUISE
92. — [Venise], 13 juin 1555. — Monseigneur, j'ay veu ce qu'il
vous a pieu m'escripre par le secrétaire Cochart avec la despeche du
Roy, suyvant laquelle il s'est faict icy toute dilligence pourle faire
partir bientost, et seurement comme il vous plaira veoir par la des-
peche que je faiz au Roy, en laquelle vous trouverez nouvelle du
partement de l'armée de Levant et toutes aultres choses qui se pré-
sentent pour ceste heure par deçà, dont je ne vous feray redicte ne
plus longue lettre, sinon doffrir à Yostre Excellence tout le service
quil vous plaira me commander. Je m'en veoys visiter Monsieur le
Duc de Ferrare a son retour de Rome et espère, Monseigneur, que
vous nous ferez donner advis de la conclusion prinse a cest aboc-
quement des maistres pour le faict de la paix, laquelle je supplye
nostre Seigneur nous donner.
De Venize ce xme de Juing 1555.
(Bibl. nat., Fr. 20545, fol. 135) (originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
. 93. — [Venise], 15 juin 1555. — Monseigneur, Je cuydois partir
hier et aujourd'huy pour vous aller fere la révérence, mais il m'est
survenu un gentilhomme dépesché du Roy vers l'armée de Levant
et ung autre dépesché de ladite armée vers Sa Mate, que j'ay estré
contrainct différer mon partement pour dépescher l'ung et l'autre
et négotier quelque chose avec ceste Seigneurie; mais j'espère partir
demain ou lundi, et vous aller rendre compte de toutes choses avec
un grand désir de veoir Yostre Excellence. La dépesché de la Court
est du ine, et dans deux ou trois jours après l'on attendoit une réso-
lution ou d'une tresve ou de la guerre. L'armée turquesque deslogea
du tout le xvme et xixe may, le mieulx fournye de gens de guerre et
de munitions que jamais ayt esté armée, et en grande délibération
de fere quelque chose de bon, et le Roy de son cousté a faict partir
son armée de Marseille pour aller au devant avec force provision
d'argent, de sorte qu'il s'en peult espérer tout bien, pourveu que
cependant Pothercules ne soit point perdu, lequel il semble que ces
Impériaulx tiennent tout asseuré. Le demourant sera remis à quant
nous nous pourmènerons à la montaigne.
De Venize, ce xve de Jung 1555.
Areh. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
114 NÉGOCIATIONS DE [JUILLET-SEPTEMBRE 1555]
GABRE AU DUC DE FERRARE
94. — [Venise], 22 juillet 1555. — Monseigneur, J'envoye ce
porteur à Ferrare pour veoir Monsieur de Lanssac en passant, qui m'a
donné advis du jour qu'il arrivera là, pensant que je feusse en estât
de l'aller trouver pour me communiquer sa dépesche. Mais j'en suis
fort mal prest, puis qu'il plaist à Dieu. Ce dit porteur vous mons-
trera ce que le Roy m'a escript et ne vous cèlera rien de ce qu'il
entendra dudit Sr de Lanssac, et me remetant du surplus sur luy.
De Venize, ce xxne de Juillet 1555.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
95. — [Carpinel], 11 septembre 1555. — Monseigneur, J'ay eu
ce matin ung pacquet de France, que Monsieur Boucher a layssé
a Luna (1), et y ay trouvé ung gros pacquet de Monsieur vostre Am-
bassadeur, dont j'ay esté bien marry, car il y a trois jours que vous
l'eussiez receu, s'il eust esté baillé audit Boucher pour le vous
apporter. Je le vous envoyé par l'ordiniere qui a acoustume de
partir ce soir, affin de vous escripre tout d'un train ce que j'auray
de Borne. Quant à ce que j'ay eu de France, ilz ne me respondent
à ung seul poinct de lettre que j'aye escript il y a trois moys. el
vous plaira veoir la coppye de la lettre du Boy et de Monseigneur
le Conestable, lesquelles je vous suplye très humblement rompre
aprèz les avoir veues, aflin que aultre que vous ne puisse entendre
les intentions de Sa Mate. Je veoy par là qu'ilz n'avoient encores
receu noz lettres ny nouvelles des choses du Pape, et ne peult estre
qu'il ne vienne bien tost quelque aultre dépesche pour ce faict-là,
car cela leur aura faict changer résolution sur les afferes de Tos-
cana, desquels, à ce que je veoy, ilz ne se veullent guières travailler
ne y faire aulcun desseing s'ilz ne sont asseuréz de l'armée de mer
pour cest yver. Hz mandent que Monsr de Soubize casse les gens
superfluz ; il eust esté bon de le fere il y a trois moys, et maintenant
seroit temps de le renforcer; tout nostre cas va toutjour en confu-
zion, mais viderint ipsi. Je vous mercye très humblement, Monsei-
gneur, de la dépesche qu'il vous pleust fere par mon secrétere ;
j'ay grand espérance que vous serez fort content de l'avoir f aie te,
et que le Boy vous en scaura ung très grand gré. .l'attend/. <mi grand
dévotion les advis de Borne pour scavoir comme les choses conti-
(l) Lonato, ville forte d'Italie, à 20 kil. de Brescia, près du lac de Garde.
[septembre 1555] Dominique du gabre 115
nuent et la venue de Perrot pour la résolution de l'armée, et de
tout ce que j'entendray digne de Vostre Excellence, je ne fauldray
vous donner advis.
De Carpinel (1) ce xie septembre 1555.
Monseigneur, J'avois faicte ceste lettre estant aux champz et avant
que recevoir les lettres de Rome, lesquelles m'ont incontinent faict
desloger et partir pour ne fer attendre Monsieur de Lanssac qui m'a
mandé voulloir passer icy. J'entendray voluntiers sur quoy sont
fondées les altérations de ce Pape, qui monstre d'en voulloir aultant
aux François que aux Impériaulx, et ay trouvé fort estrange ce qu'il
a faict en l'endroit de Monseigneur le Cardinal de Ferrare, ne pou-
vant croire, ne penser que ledit Seigneur luy en ayt donné occasion.
Je présuppose, Monseigneur, que vous aurez sceu toutes choses
dudit Seigneur de Lanssac et en aurez mandé vostre advis au Roy,
et, mais que je l'aye ouy parler, je vous escripray aussi ce que m'en
semblera, et si je ne change d'oppinion, je suis pour dépescher ung
courrier en diligence à Rome et révoctjuer ce qu'on y a porté n'a
guières.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GaBRE AU DUC DE FERRARE
96. — [Venise], 14 septembre 1555. — Monseigneur, Hier arriva
icy Monsr de Lanssac qui est party ce matin et me bailla la lettre
qu'il vous avoit pieu m'escripre. Je prenois en fort maulvaise part,
comme je veoy que vous faictez, ce que le Pape a faict en l'endroict
de Monseigneur le Cardinnl vostre frère (2), mais depuis est arrivé
Marseille présent porteur, qui ne partist que mardi de Rome, et dit
beaucoup de choses sur le faict de mondit Sr le Cardinal, qui me
faict croire que tout passera bien, et nous a semblé, Monseigneur,
renvoyer ledit Marseille devers vous, pour vous dire ce qui est sur-
venu depuis le partement de Monsieur de Lanssac, où vous verrez
les choses que nous désirons bien acheminées, et veu la nature de
ce Pape, qui faict toutes choses soubz prétexte de bonté et de reli-
gion, Vostre Excellence ne se doibt point monstrer altérée de la
rigueur tenue à mondit Sr le Cardinal, mais laisser couler quelques
jours pour veoir ce qui succédera du cousté de Rome et les actions
des Impériaulx. Monsr d'Avanson demandoit quarante mille escuz
(1) Carpi. village d'Italie sur l'Adige i Vénerie).
(2) Paul IV (Ca'rafa). élu pape le 23 août 1555, avait intimé l'ordre au cardinal
d'Esté, frère d'Hercule II et son concurrent au conclave, do se retirer à Ferrare.
(Voir l'Introduction qui précède, p. xvn).
116 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 1555]
et vous en escript, mais je luyfayz responce que cela n'est pas paya-
ble tout à ung jour et qu'ilz ont largement de quoy fournir pour le
commencement, que, s'il sera nécessere je luy envoieray le surplus
jusques à la somme qu'il demande. Cependant nous aurons quel-
ques nouvelles du Roy; tout le malheur que je veoy en nos afferes,
Monseigneur, est que ceste mauldicte armée de mer s'en soit re-
tournée, et que nous n'avons encores aulcunes nouvelles de la réso-
lution du Grand Seigneur. Ces Seigneurs eurent hier lettres du xvmc
de Constantinople, contennant l'exécution que le Grand Seigneur
avoit faict fere de ce nouveau Mostafa, mais je n'ay veu aulcunes
lettres de Perrot, qui me faict croire que le Grand Seigneur aura
refuzé ce que nous demandons, et s'il est ainsi, il vault mieulx que
ladite armée s'en soit allée d'elle mesmes.
De Venize ce xime de septembre 1555.
(Àrch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
97. — [Venise], 16 septembre 1555. — Monseigneur, .le feuz hier
longuement avec Monsr vostre Ambassadeur, qui me descouvrist le
travail où il estoit pour le bruict qui avoit coreu du faict de sa
femme, et qui estoit venu jusques à vous, et veoy bien qu'il n'en
avoit rien sceu que quant il a esté à Ferrare, où il a entendu qu'il
s'en faisoient des comptes. Il ;i volu icy chercher si le scandalle
avoit esté mis publiquement et aux portes de vostre palays, mais il
ne s'en treuve rien et a esté seullemenl a quelque sienne paincture
par personnes malignes, et pour leur avoir esté ledit ambassadeur
ung peu trop sévère en chose qui estoit de vostre service, .le vous
diz, Monseigneur, que je veoy ce pouvre homme si fasché, que je
luy ay compassion, et Vostre Excellence, comme bon prince et son
bon maistre, le doibt plus favoriser et consoler en telle tribulation,
que non pas de mettre affliction sur affliction, luy monstrant par
effeetz, que vous estez contenl de luy el que n'avez point si maul-
vaise opinion de sa femme, el qu'il attende à fere son debvoir, car.
à la vérité, il me semble qu'il sert fort bien icy : et. au reste, je luy
ay conseillé que de telz propoz on en parle le moins qu'on pourra
et qu'il vive joyeusement et honnestement avec sa femme comme
il avoit acoustumé. Je ne me suis peu tenir, Monseigneur, de vous
en escripre ce mot en sa recommandation.
De Venize, ce xvie de septembre 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
[SEPTEMBRE 15551 DOMINIQUE DU GABRE 117
GABRE AU DUC DE FERRARE
98. — [Venise], 17 septembre 1555. — Monseigneur, J'ay esté
tant importuné de ceste Briande Pourtugoise, que j"ay esté contrainct
envoyer mon secrétere avec son principal facteur pour luy ayder à
négotier son sauf-conduict pour demeurer à Ferrare, et je l'ay faict
tant plus voluntiers que j'espère que Vostre Excellence en pourra
tirer quelque commodité et nous pourra aussi ayder à en tirer pour
le Roy. Vous voyez, Monseigneur, les afferes qui se présentent, et
pourveu qu'on luy asseure bien ses deniers et qu'on n'aye point in-
tention de luy en fere tort, on faict beaucoup pour elle de les luy
asseurer entre les mains des princes qui en ont maintenant besoing.
Vostre Excellence, donques, s'il luy plaist, ne se rendra point difiicile
de retirer telles gens en sa vile, regardant de négotier le tout pour soy
et pour ses amys, comme vous voyez. Monseigneur, que le temps le
requiert, luy faisant cognoistre que la faveur que le Roy luy porte,
comme vous aurez entendu par moy, vous sera toutjour en considé-
ration. J'attendz les lettres de Rome demain matin, et incontinent je
ne fauldray vous fere part de ce qu'on m'escripra. Ces Seigneurs
ont eu ung corrier éxprèz de France et semble qu'il y aye quelques
nouvelles que le Roy doibt venir en Piedmunt, dont je n'ay encores
aucun advis, comme je n'ay aussi du cousté de Levant, qui me faict
croire que la résolution du Grand Seigneur n'a pas esté telle que
nous désirions, et vient fort mal à propoz d'avoir perdu ceste armée
au besoing. Qui est, Monseigneur, tout ce que je vous diray pour
ceste heure.
De Venize, ce xvne de septembre 1555.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
99. — [Venise], 18 septembre 1555. — Monseigneur, Depuis mon
autre lettre escripte, est arrivé ma dépesche de Rome, et j'ay faict
prendre à ce porteur ce que Monsr d'Avanson m'escript, pour le
monstrer à Vostre Excellence. Je croy que le Pape sera pour vous
rechercher d'entrer en ligue avec Sa S'e, laquelle se tient comme
asseurée du Roy, et pour cest effect ledit Sr d'Avanson me prioit
d'aller devers vous, comme il vous plaira veoir par sa lettre ; mais
il m'a semblé n'y devoir aller si souvant, sans premièrement en
avoir vostre commandement, et aussi que nous ne pouvons bien
enfoncer ce propoz sans avoir nouvelles de l'intention du Roy, Si
IIS NÉGOCIATIONS DE SEPTEMBRE 1555
cependant il vous semble que j'aille trouver Voslre Excellence soubz
prétexte d'aller fere la révérence à Monseigneur le Cardinal, ou au-
trement, je suyvray vostre commandement, car je vous pourrois
servir d'escripre et proposer à nostre Court et à noz Ministres de
Rome des partiz et des conditions que par adventure, vous, par
modtstie, ne vouldriez proposer et qui sont meilleures venant de la
main d'ung turc, et me semble, Monseigneur, que ceste partie ne se
doibt jamais conclurre sans vous, et si les Vénitiens vous voyent
avec le Roy et le Pape, asseurez vous qu'ilz en vouldront estre et ne
chercheront jamais le party de l'Empereur qu'ils verront le plus
(bible.
De Venize. ce xvme de septembre 1555.
(Arch. de .Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRI- AU DUC DE FERRARE
400. — [Venise], 21 septembre 1555. — Monseigneur, .l'ay receu
une lettre qu'il a pieu m'escripre du xvme de ce mois et entendu la
créance du gentilhome que le Cardinal Carraffe (1) avoit dépesché
vers Voslre Excellence, et quant au faict de Monseigneur le Cardinal
vostre frère, je veulx croire et espérer que Sa Sle fera encores mieulx
qu'on ne vous a dict. Quant à l'aultre point, il l'aull. Monseigneur,
comme vous dictez, star ancor n veder, et pour le moins fault-il
veoir comme le Roy entend ce faict de Rome, dont j'attendz nou-
velles d'heure à aultre. J'ay lettres de Lyon du xin1' et veoy que
Monseigneur le Cardinal de Tournon tient son voiaige de Rome pour
rompu par deux raisons : l'une que la mer n'est guières seure pour
nous maintenant que l'armée turquesque s'en est allée, et l'aultre
pour ne voulloir endurer le tort qui est faicl à Monseigneur le Car-
dinal de Borbon (2) et a luy du doyene des Cardinaulx. Je suis lus
marry que son voiaige soit rompu pour le seul service du Roy. Hz
m'escripvent aussi de Lyon que Monsieur d'( >male (3) avoit desfaicl
1) Le cardinal Carlo Carafa, neveu du pape Paul IV, né en 1517, mort exécuté
à Rome le o mars 1561. Voir, sur le rôle politique et les intrigues de ce curieux
personnage, G. Duruy, Le cardinal Carlo Carafa.
(2) Charles, cardinal de Bourbon, frère d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre
et oncle de Henri IV. ne le ■<■! décembre 1523, fut nommé archevêque de Rouen.
Les ligueurs ne voulant pas accepter pour roi Henri de Navarre qui était hugue-
not, donnèrenl au cardinal de Bourbon le titre de roi. après la mort du dur
d'Alencon. dernier héritier de Henri III. Bélenu au château de Fonlenay, il fut
proclamé sous le nom de Charles \ après le meurtre du roi. 11 mourut en
captivité en 1590.
(3) François de Lorraine, due de (luise.
[novembre 1555] Dominique du gabre 119
tous ces Espaignolz qui voulloient entrer dans Volpian (1), et que
la batterie estoit si avancée que les nostres avoient grand espérance
d'avoir la place par force en bien peu de jours De Levant, je n'en ay
aulcunes nouvelles.
De Venize ce xxie de septembre 1555.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CARDINAL DE LORRAINE
101. — [Ferrare], 29 novembre 1555. — Monseigneur, pour ce que
nous sommes tousjours attendant de voz nouvelles, desquelles les
nostres de ce lieu deppendent, je ne vous feray longue lettre ny ne
vous parleray d'affaires particulières, sachant que vous estes assez
occupe a en desmeler déplus importantes; seullement je vousdiray
que je voy tous les jours le Seigneur que savez, fort content de ce qui
est passe, et faisons de beaux discours de ce qui est a faire pour l'ad-
venire. Jay bien voulu depescher Chemaus(2), présent porteur, avec
ce peu d'argent qui nous restoit a Venize pour la fin de cette année,
affin, Monseigneur, que vous puisssiez envoyer a Monsieur de Soubize
quelque chose pour temporizer et contenter ses soldatz le mieulx
quil pourra. Je ne sais quel reste peut avoir Monsieur d'Avanson
des trente mil escuz qui furent envoyez d'icy, et si vous ne trouvez
la quelque secours, je ne scay ou prendre ce quil fault pour satisfaire
a tou ce quil seroit besoing pour ce moys de Décembre, car, je ne
vous puis envoyer que quinze mil escuz et si vous asseure quil ne
nous en reste gueres plus de quatre mil pour Parme et Lamyran-
dola, ou il nous en fault xmm. Sans plusieurs parties extraordinaires
que le Roy m'a commandées, je n'en oze emprunter du lieu accous-
tumé, le reservant pour vous secourir au deppost que vous savez et
l'on le y peult conduyre, et ny a point d'apparence aussi de fonder
toutes noz despences sur luy. Le Roy mescript de bailler xvm escuz
a Morengy qui sera bientôt a Venize pour mesner une lictière et dix
mulletz au Grand Seigneur, il me commande aussi de paier par
deçà a Monsieur le Mareschal Strozzy ses estatz de Mareschal et sa
pension qui montent ximm livres tournois et que j'achayte pour
faire deux canons au conte de Lamyrandola, et touttesfoiz ilz envoient
les provisions d'argent si petites qu'il n'y en a pas assez pour les
despences de la guerre qui sont forces et nécessaires. J'ay escript a
Monseigneur le Connestable que nous ne scavions donner ordre a
(1) Volpiano, ville d'Italie, à 20 kil. de Turin, l'ut prise sur les Impériaux, en
1555, par le duc d'Aurnale el le maréchal de Brissac.
(2) François-Brigitte-René Errault, Sr de Chemans, marié en 1561 à Louise de
Scépeaux.
120 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
cella s'ilz ne nous envoyé dequoy. Vous avez sceu, Monseigneur, de
Mr de S1 Ferme (1), comme Monsieur de Villemontez (2) avoit été
dépesché en Levant, il ma envoyé coppie de la lettre que le Roy es-
cripvoit au Grand Seigneur, laquelle luy servoyt d'instruction; je
vous envoyé ladite copie pour ce que par adventure vous pourriez
avoir besoing de parler de ceste négociation au lieu ou vous estes.
Au reste, je ne bougeray d'icy jusques a ce que vous me le comman-
diez, n'ayant aucun affaire d'importance a Venize et en ayant icy
beaucoup, cependant je confirme ma santé et suys desja assez sain
et fort pour aller et venyr partout ou il vous plaira me commander.
De Ferrare ce xxixe de Novembre 1555.
Monseigneur, je ne scay quelle justice vous espérez avoir du
pappe pour le faict du Comte de Bagny (3), mais du temps du pappe
Julie j'aurays disposé Monsieur le Duc de Ferrare a achapter les pla-
ces dudil comte; et a nous en bailler xxxmescus qui eust esté vimescus
pour nos dommaiges et interestz, mais il voulloit que la confisca-
tion fust premièrement adjugée a la Cbambre apostolicque (4) et que
ladite Cbambre fust après la vente et se obligeât a la garentyr, je luy
en ay encores parlé ces jours passez, et si du coste de Rome vous
pouviez faire juger ladite confiscation, je pense (pie ledit sieur Duc
y pourroit entendre, qui nous seroit tousjours advantage et commo-
dité de avoir argent; je vous en ay bien voullu toucher ce mot pour
vous donner plus d'occasion d'en faire par delà poursuicte.
(Bibl. nat, Fr. 15881. f 217) ^originale).
GABRE AU ROI
102.— [Fenwe], 4 janvier 1556. — Sire, je depescbay dès le
vingtneufviesme du passé un de mes gens exprès vers Vostre Ma-
jesté, vous rendant compte de la négociation de Monsieur le Car-
dinal Caraffe avec ces seigneurs et vous envoiay le duplicata d'un
pacquet qu'on m'avoit destroussé dans lestât de ces seigneurs Mon-
(1) Etienne Boucher, d'abord abbé de Saint-Ferme au diocèse de Bazas, secré
taire de Catherine de Médicis, puis en L560 évêque de Quimper, en récompense
des soins qu'il avait donnés durant de longues années aux affaires de Catherine
de Médicis en Italie; mourut le 20 juillet 1573. Voir II. dk la Ferrière, Corres-
pondance de Catherine de Médicis, t. i. p. loi).
(2) Agent a Constantinople.
(3) Sans doute Antoine Carafa, neveu de Paul 1\. marquis de Baguo.
(4) La Chambre apostolique, foui- ecclésiastique siégeante Borne, composée du
camerlingue, d'un vice-camerlingue, d'un auditeur général, d'un trésorier général
et du doyen des clercs de la Chambre. Ainsi constituée, cette assemblée Formail
le Conseil des finances du Pape.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 121
dict homme s'en alla en compagnie du sieur Adrien Bâillon (1). Dieu
veuille, comme je l'espère, qu'ils ayent passes seurement dont je
ne suis pas sans quelque crainte, car l'on tient icy pour certain que
le Cardinal de Trente a révolté au service du Roy d'Espaigne une
des principalles villes des Grisons, lesquels descendent tous les
jours a grands trouppes pour aller a Milan secourir le Roy d'Espai-
gne a cette guerre. Monsieur d'Asnois >2), a qui j'ay escript de me
mander si nos arriers (3) et n<>s pacquets esloient seurs par leurs
pais, ne mi a encores respondu. qui est cause que j'envoie un cour-
rier exprès devers luy pour porter ce pacquet et scavoir de luy la
seureté ou le danger en quoy sont nos pacquets et nos arriers et
puis qu'il face courir cetlui cy par les postes ordinaires. Cette depes-
che, Sire, est pour aceompaigner un pncquet de Monsieur de Selve,
lequel sera avec la présente, et pour vous dire aussi que Monsieur
le Cardinal Carafïe eut hier responce de ces Seigneurs et pour ce
qu'il leur sembloit quil avoit parle un peu en termes généraulx de
la chose de Ravenne. Ces Seigneurs luy repondirent de mesme avec
force belles parolles, mais sans conclusion ni responce de sy ni de
non, qui fut cause que le dict sieur Cardinal leurreplicqua a limpro-
viste en termes plus exprès de loffre de Ravenne, c'est a scavoir
qu'on leur hailleroit Ravenne et Seruya(4) en engaigement pour la
somme de trois cent mille escus a la charge que si on venoit a con-
quérir la Puglia '5), on la leur consigneroit pour propre et ils ren-
droient a l'Eglise le dict Ravenne. et si la Puglia ne se pouvoit con-
quérir, que le dict Ravenne leur demeurcroit jusques a ce que
l'Eglise les eust remboursés de leur prest, leur- remonstrant que
sils ne vouloient entendre a cette praticque et se resouldre de leur
déclaration, le Pape estoit contrainct de mettre en Italye si grand
nombre de François que par adventure il seroit malaisé de les en
faire après sortir, et que ne pouvoit avoir forces de mer pareilles a
celles de l'ennemy, Sa Sainclete etoit forcé de se servir des Turcs
qui estoit une meslange fort dangereuse et qui luy deplaisoit, mais
quil ne pouvoit faire de moins, voyant la façon dont on luy voulloit
commander et tyranniser, et que ces Seigneurs, avec leur armée
de mer, pouvoient remédier a cest inconvénient, et, après cela, il
(1) Adriano Baglione, commandant des troupes italiennes au service de la
France.
(2 Louis II de Salazar, seigneur d'Asnois. gentilhomme ordinaire de la chambre
du Roi, ambassadeur en Suis-c auprès du canton des Grisons de 1555 à 1557;
mourut en 1561 .
(3) Erriers, voyageurs, courriers. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue
française).
(4) Cervia.
(5) La Pouille.
12
122 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
leur a faict entendre soubz mains, par un de leurs gentilshommes
mesmes, que sils laissoient échapper Ravenne de leurs mains, il
estoit résolu de la bailler au Duc de Ferrare qui en ofFroit tant
d'argent que Ion vouldroit, de sorte que ces Seigneurs ont remis
la chose en nouveaux pregays (1) et le dict Cardinal sera icy enco-
res trois ou quatre jours pour veoir sil s'en pouvoit tirer quelque
bonne resolution de laquelle je ne fauldray vous donner bon advis
par courrier exprès. Par les dernières lettres de Rome que le dict
sieur Cardinal m'a communiqué, il semble que le Duc dAlve veuille
changer la guerre de Rome du cosle do la Marque et dAnconne (2)
et avoit on envoyé de ce cote la le Marquis de Monlebel (3) avec une
bonne partie des forces du Pape, et sil ne nous vient bientost quel-
que bonne nouvelle de Monsieur de Guise par laquelle Monsieur
le Cardinal puisse espérer de sabbocquer avec luy. il est pour s'en
aller de ce coste la de la Marque pour veoir comme celte guerre se
doibt conduire. J'y voy, Sire, quelque confusion et mouvais ordre
si Monsieur de Guise ne sapproche bientost. et qu'on ne face une
bonne délibération de ce que les uns el 1rs autres doibvent faire en
cette guerre. Si on use de dilligence a faire marcher, j'av espérance,
Sire, que commanderés aux amys et ennemys. Jay eu, Sire, quelque
advertissemenl de bon lieu que le Roy dEspaingne avoit escript a
tous les Cardinaulx Espaignolz et autres, ses confidents el partiaux.
qui se trouvoient hors <h' Rome, de regarder quelque lieu ou ils se
puissent assembler pour taire une congrégation ou forme de concile
pour y Iraicter de la privation du Tape comme non esleu canoni-
quement. et pour son mauvais goi ver, leur nommant quant a luy la
ville de Pisa ou pareille assemblée avoil este autrefois faicte contre
le Pape Julie second '< et que scachanl le dit Roy dEspa igné que
le Pape vouloil user de privations, il le voulloit prévenir et les luy
î Le Pregay ou Conseil des Pregadi (c'est-à-dire de citoyens priés d'assister
le Doge constituait le Sénal de Venise el dirigeai! la politique de la République.
Il avait été organisé sous le gouvernemenl de Flabanico en 1032, comptai! soixante
membres el des membres de dro:t pris parmi les dignitaires el les hauts fonc-
tionnaires. Chaque membre élail élu pour un an, mais restai) toujours rééligible.
Ce Conseil connaissait de toutes les grandes affaires de l'État, telles que décla-
rations de guerre, conclusions de traités «le paix nominations d'ambassadeurs
(Voir Baschri : Archives de Venise. Paris, Pion, 1870, in 8n, p.
2 t. ancienne Marche d'Ancône forme aujourd'hui la province el l'arrondisse-
ment d'Ancône, capitale Ancône, à 190 kilomètres N -N.-E de Rome.
:; Antoine Carafa, marquis de Montebello, neveu de Paul IV.
I Allusion au Concile convoqué par Louis \ll à Piseen 1511, pour combattre
Jules n julien de la Rovère, ne en 1 441, moi! en 1513). Ce Concile échoua hon-
teusement, el le Pape y répondit en ouvrant, I année suivante, le premier Concile
de Latran, pour l'extinction du schisme, la réforme <le l'Église el la guei re contre
les Turcs.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 12.3
rendre invalides J'ay dict a Monsieur le Cardinal CarafTe cest adver-
tissement, et lay escripta Monsieur le Cardinal du Bellay qui est, a
ce que l'on dict, des grands favoris du Pape, avec les remèdes quil
ine semble bien l'acilles a sa Saincteté, et je veux croire qu'elle y
pourvoira. Cela me faict prendre opinion que si de vostre cosle,
Sire, il ne se trame quelque praticque pour accommoder tous ces
troubles, on ne peut espérer, sinon guerres et schismes en 1 Eglise,
On scait bien que vous, Sire, y estes entré forcés et mal volontiers,
mais puisqu'on y est, je croy que ce sera une bonne résolution de la
faire a bon escient, car d'une bonne guerre sortira une bonne paix.
Monsieur de la Vigne (lj partit le trentiesme de ce mois passe avec
une gallere de la Seigneurie bien armée...
De Venise ce quatriesme de Janvier 15oG.
Ms. de Grenoble, fol. 39. — Ribier donne aussi cette
dépêche presque in extenso, ainsi qu'un extrait de celle
du 5 janvier. De ces deux lettres il n'en fait qu'une
seule, datée du 5 janvier 1536;.
GABRE AU CONNETABLE
103. — [Venise], 4 janvier 1 556. — Monseigneur, je ne vous feroy
reditte de ce que jescript au Roy, seullement je vous diray que
Monseigneur le Duc de Ferrare est fort mal content de veoir venir
ici Monseigneur le Cardinal de Lorraine, sans passer plus tost par
luy, et luy semble quon luy faict grand tort puis quil se veult déci-
der de tanter nouvelles praticques sans luy en communiquer quel-
que cbose, car. il faisoit son compte de venir icy en personne et
avoir cest honneur de faire entendre le premier, a ces Seigneurs,
sa déclaration et les autres choses [tassées, cbose qui luy sembloit
bien importes pour le service du Roy et pour son particulier inte-
rest, et adresse toutes ses plaintes a moy qui metz toutte la peine
que je puiz pour le rappaizer et lui persuader davoir patience jus-
ques a ce que nous ayons de voz nouvelles et jusques a larrivee de
Mondit Sieur le Cardinal de Lorraine, qui luy est parent si prudent
et grand ministre du Roy, quil se peult assurer quil le contentera,
il est fort nécessaire, Monseigneur, de prendre bien tost, et sans
perdre heure ne temps, quelque bonne resolution aux affaires de
ili Jean Garcenacdit La Vigne, abbé de Hautviller, du diocèse d'Amiens, en 1551,
ambassadeur à Constantinople; mourut au retour de son ambassade, à Raguse,
le -22 octobre 1339.
Brantôme Édit. Lalanne. t. v, p. 68 dit que M. de La Vigne s'était considéra-
blement enrichi pendant sa mission auprès de la Porte et qu'il laissa plus de
trente mille écus, ainsi que des ineuules très rares. Il frustra ses parents de
^on héritage et donna tous ses biens à .Madame de Savoye, sa bienfaitrice.
124 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
deçà et de donner ordre aux provisions nécessaires: autrement vous
verrez que pendant que nous consulterons, les ennemis feront leurs
grandz effortz, voyant que, commençant de ceste heure, ilz ont six
mois fort commodes avant que l'armée turquesque vienne, ne que
voz forces par terres puissent leur venir donner grand empesche-
ment.
Monseigneur, voyant la grand presse dargent quon me faict du
cousté de Rome, je faiz partir aujourd'huy dix mil pscuz, oultre les
24 mil que je y envoyay 4 jours il y a, lesquelz dix mil escuz le Sr
de Nazy ma advansez sur la paye de février qui est anticipation
d'ung mois entier, et l'a volontiers comme il a faict par cy devant
beaucoup de telles advances dont il ne demande oncques ung escu
de proffit, et si vous respondz, Monseigneur, quil m'a semble quil
me le donne, pour le grand presse que m'en faisoient Messieurs les
Cardinaulx, je ne vous veulz pas celer telz services, aflin que quand
occasion se présentera, il vous plaise le faire entendre au Roy et
tenir la main a les faire recognoistre.
De Venise ce 4e de Janvier 1556.
Monseigneur, il est venu sy a propoz que voulant clorre ceste des-
peche j'ay receu la vostre du 20e du passe, et pour ce que je ne scay
encores en quoy l'on a failly au trailté de Ferrare. je ne scay q 1e
vous y respondre et atlendray la venue de mondit Sieur le Cardinal
de Lorraine, qui doibt estre icy d;ms trois eu 4 jours, pour après
m'employer en ce qu'il me recommandera en cela et en autres cho-
ses, car le Hoy m'a commande qu'on luy obéit comme a sa personne.
Quant a mes mémoires pour la reformation des despenses de deçà,
il vous plaira n'en prendre que la bonne volonté. Plaise a Dieu que
je vous puisse veoir ung jour bien déchargez de tous ces troubles
et confusions de deçà, car il ne fust jamais argent plus mal employé
a mon advis et crains que a la longue il ne soit force monstrer
nostre foiblesse au monde qui gastera toutes les belles choses pas-
sées, mais il semble que Dieu permect tous les jours naistre quel-
que occasion qui empescbe de vous en retirer et vous contrainct de
continuer la guerre sans en avoir guères de volonté. Cela me lait
aussy espérer que Dieu vous excusera des maux qui en adviendrait
et vous sera tant plus favorable.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fot. 10) (copie).
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 125
GABRE AU ROI
104. — [Venise], 4 janvier 1556. — Sire, je suis venu icy faire les
festes de Noël comme je vous escripviz de Ferrare, et ay tenu bonne
compagnie a ces seigneurs en toutes leurs cerymonies et festins. Je
n'ay point cognuen leurs raisonnements publicques, ne privez, quils
ayent presenty aucune chose de ce qui est passe a Ferrare et a Rome,
et s'ilz en scavent quelque chose ou qu'ilz en doubtent ils mons-
trent n'en rien scavoir; il est vrai que la longueur des resolutions de
Rome, soit qu'elle aye procéddé du Pape ou d'ailleurs, pourroiteous-
ter cher a sa Saincteté et a vosire réputation aussi, car les impé-
riaulx qui doibvent, a mon advis, avoir descouvert les choses qu'on
mettoit en termes, ne veullent pas donner loisir de leur malfaire et
se sont resoluz de commencer les premiers a offendre ; et a ce que
je veoy par les adviz de Rome et d'ailleurs, le Duc de Florence a mis
toutes ses forces emsemble pour essayer de reprendre la montaigne
du Sennoys (1) et occuper tous les passages par ou les nostres ont
accoustumé d'avoir nouvelles et argent. Cependant, les Espagnolz et
Allemens qui esloient à Gayette (2) sont embarquez pour venir se
joindre avec lesdites forces de Toscane; lesnouveaulx Espagnols qui
sont nagaires eschappez du rencontre de vos galères s'y acheminent
aussy, et si tout cela est ung coup ensemble, ce sera une grosse
trouppe pour faire une belle peur au Pape qui se trouve fort mal
pourveu et voz forces trop loing. Monseigneur le Duc de Ferrare est
assez voisin et auroit moyen et de quoy empescher toutes leurs en-
treprises, mais je le veoy fort malcontent, car de vostre part il n'est
encores venu une seule response de son faict, et il ne scait s il est a
vous ou s'il ny est pas, ne s'il doit disposer ses affaires a la guerre
ou a la paix; il se plaint aussy que Messieurs voz ministres de Rome
tiennent fort peu de compte de luy, nayaut donne aucun ordre que
le Pape aye envoyé un seul homme desvers luy pour le rechercher
de servir a la ligue. De sorte quil m'a icy despéché corriers exprès
l'ung sar l'aultre, avec fort mauvais lengage et parle dernier m'a
escript une lettre que j'ay bien voulu pour ma desch.irge envoyer à
Vosire Majesté, afin qu'elle voye son malc<>ntentement, et que, au
lieu d'avoir de luy le secours de largent pour le deppostz, il me
faict très grande instance de luy faire payer incontinent les 30 mil
escuz qui luy sont deubtz. D'ung aultre cousté Messeigneurs les
Cardinaulx me mandent que je leur envoyé force argent pour payer
(1) Siennois.
(2> Gaete. anciennement Cajeta, ville ^d'Italie, très fortifiée, avec port sur le
golfe du même nom dans la Méditerranée, à 7u kil. N.-O. de Naples.
126 NÉGOCIATIONS DE JANVIER 1556]
tous arrérages et croistre voz forces en Toscane. Tellement qu'il
semble quej'aye icy uns trésor pour fournir a toutes les nécessitez
du monde. etjepuisasseureraVostre Majesté qu'il ny a pas uns: seul
escu qui ne soit tout despendu. Car Nazy a paye sur celte assigna-
tion de janvier seullement33 mil escuz. j'en ave envoyé a Parme et
a la Mirandola 11 mil qui estoient encores deubz pour Décembre et
24 mil que jenvoya il y a quatre jours a Rome : et si le Duc de Fer-
rare se retire de nous presler, je ne scay de quel lieu en prendre
par deçà. Les affaires, Sire, sont reduiclz a telz termes quil ne lault
pas user de dilations et faull faire grosses provisions dargent et
faire marcber grosses armées, autrement on verra le Pape reduict
en grande nécessite et vous. Sire, en aurez grand desplaisir. Je
confesse que c'est grande fascberie que a lbeure que l'on pensoit
guerre deubt finir, il la faille recommencer plus que jamais, et Dieu
m'en est témoing. Sire si je n'ay eut toujours opinion que ce grand
désir que le Papeavoit de faire guerre vous estoit plus préjudiciable
que prouffitable en ce temps icy, et toutesfois il m'est impossible
de reffuser honnestement telles occasions Monseigneur le Cardinal
de Lorraine me mande que je l'attende icy et qu'il pense y venir
droit de Rome avant que passer a Ferrare. .le presuppoze par la
qu'il y vient avec intencyon de parler a ces seigneurs, et ne scay
s'ilz se pourroient mouvoir a quelque chose pour veoyr le Pape en
nécessité. Mais vous debvez, Sire, tenir pour certain qu ilz ne bou-
geront pour ung ne pour aullre et qu'ilz vous lairronl Ions faire
jusques a ce qu'ilz voyenl passées en Italie les armées des deux
parts, et qu'ilz puissent faire quelque jugement, lequel des deux
pourra avoir du meilleur. Le Duc d'Urbin a prins congié du service
du Pape et ces seigneurs monslrenl ne vouloir se charger de luy ne
d'aultre, de sorte que son ambassadeur qui esl en ceste ville m'est
venu parler forl expressément du désir que son maitre a toujourseu
de s'accorder a vostre service, me priant de mettre la chose en ter-
mes; je l'ay remis à en parler a la venue de Monseigneur le Cardinal
de Lorraine: mais quant toul est dit, Sire, si vous voulez prendre la
protection de tous ces potentatz d'Italie tout vostre Royaulme n'y
basteroit (1), et je n'ay jamais veu ung -cul deux qui s'y suit pré-
senté pour désir de vous faire service, mais pour tirer de \uus le plus
d'argent qu'ilz peuvent et faire leurs affaires les premiers, el puys
des vostres qu'il en advienne ce qu'il plaira a Dieu.
Sire, par tous les advis qu'on a de Flandres, l'Empereur doibl
(1) «N'y suffirait pas». — Les Italiens disent « bastare ■ pour suffire. Nous
avons emprunté d'eux le verbe «baster» pris eu ce sens, Noir Lagurni di
Sainik-I1. \i.avi:. Glossaire de l'ancienne langue française, i. u. p. cji
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 127
faire carneval a Auguste (I) et se trouver a une diette a Ratis-
bonne (2) ou il se doibl traiter des preparatifz contre les Turcqs pour
la guerre de Transilvanie; j'en advertiray M. de Codignac affîn qu'il
le face entendre a ce Grand Seigneur et que cela luy donne tant plus
d'occasion aussi de se préparer de son costé et se resouldre a ceste
guerre s il en esloit refroidy ; escript-on aussy que ledit Empereur
passera certainement en I lai ve pour aller s'embarquer a Gennes et
s'en aller en Espagne s'il ne change d'opinion entre cy et la. Par
lettres de Milan on escript l'arrivée du Cardinal de Trente pour gou-
verner cet estât la et le parlement du Duc d'Alve pour aller a Naples;
quant a la promotion dernière de Cardinaulx, je ne vous en diray
aultre chose sinon que si le Pape ne se resoult de faire mieux pour
sa maison meMiies et pour Vostre Majesté veu l'âge ou il est. j'exti-
merois bien peu toute sa ligue ne ce qu'il scauroit faire, et une des
plus grandes guerres qu il puisse aujourd'huy faire a l'Empereur est
de faire tant de Cardinaulx affectionnez a vostre part que vous soyez
asseuré de faire ung Pape après luy, tel que vous vouldrez , et s'il ne
le faicl. ung malin il se mourra, et son amylié ne vous aura servy
que de confusion et de despence.
De Venize ce 4e de Janvier 1556.
Sire, despuis ma lettre escripte, comme je revenois ce matin de
parler a la Seigneurie, j'ay receu la despeche qu'il vous a pieu me
faire envoyer du 20e du passé, je n'ay encores jamais rien veu ny
entendu de la despeche de Monsieur de Vilandry, lequel lenvoya
droit a Rome par ung de ses gens, et s'il en est de retorne malade
de my chemin comme Vostre Majesté aura sceu, mais par ce qu'il
vous plaist m'escripre, je veoy bien que nous avons faict quelque
erreur, chose qu'on voit advenir aux plusadvisez, et le plus souvent
a lheure qu'ilz cuydent avoir le mieulx faict; les jugemens du monde
sont ainsy divers, et l'intention bonne rend telles faultes excusa-
bles et ceulx qui les ont faictes aussy ; joinct que Dieu mercy il n'y
a rien de gasté, car quelque presse qu'on m'en ayt faicte qui a esté
fort grande, je me suys bien gardé de rien innover ny entrer en au-
cunes exécutions des choses passées et promises, mais comme Vos-
tre Majesté désiroit, ay toujours cherché doulcement de gaigner temps
attendant de vos nouvelles avec remonstrances et bonnes raisons
que j'avois de mon cousté, car a la vérité il ny avoit aucune appa-
rence que de laultre part on deubt tant presser les choses, mais en
cela il fault quelquefois excuser le naturel du pays et des personnes
vl) àugsbourg, ville de Bavière, chef-lieu du Cercle de Souabe, à 63 kil. N.-O.
de Munich.
(2) Ratisbonne, ville de Bavière (Cercle du haut Palatinat), à 105 kil. N.-O. de
Munich.
128 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
a qui on a affaire, et depuis que je suis icy, par deux courriers qu'il
m'a despechéz, je Tay toujours payé de raisons et de dilations et
non d'aultre chose, et aussy tout le monde ne m'eut pas faict passer
outlre sans commandement. Je suis bien ayse que l'arrivée de mon-
dit seigneur le Cardinal de Lorraine sera bientôt, car je presuppoze
qu'il scail l'intention secrète de Vostre Majesté et ce sera a luy
d'asseurer et de rompre ceste praticque et s'il luy plaist m'en com-
muniquer je luy endiray franchement mon advis beaucoup mieulx
quejenel'oze escripre, et vous supplie très humblement, Sire,
croire une chose que la ou il sera question de vostre service, je ne
cognoiz ne Duc ne Duchesse ne homme qui vive qui me sceut faire
changer la volunté que doibt avoir ung bon serviteur et ung homme
de bien. Je vous ay bien volu dire ce mot. Sire, pour ce qu'on veoit
que ledit seigneur Duc me porte quelque affection et qu'il escript en
ma faveur et recommende mon particulier et me fort que par la on
entrast en quelque oinbraige de mon faict, car j'estime plus mon
honneur que je ne faiz un cardinal, ne le Papat; avec je seray tou-
jours assez riche et assez honnoré. mais que vous congnoissiez ma
bonne volunte et que je soys en vostre bonne grâce, je donneray or-
dre que Monseigneur le cardinal de Lorraine, s'il est en chemin,
recepvra demain vostre pacquet qui estoil avec le mien; la seigneu-
rie a déjà despeché 10 gentilzhommes pour le recevoir a Chioggia(l)
etle Duc et toute la seigneurie liront aprez recevoir avec le Bucen-
tore(2 au monastère de S' Espril 3 etm'onl dit luy vouloir faire tout
l'honneur qu ilz pourront et le vouloir loger el de frayer pour estre
ministre favorisé d'un si grand Roy el pour estre prince verlueulx
et prince de la maison d'où il est; loutesfois il vouldra éviter toutes
ces obligations et cerymonies, je liens a toutes adventures le palays
dUrbin ou je suis logé, bien préparé avecques barques el ce qui luy
fait besoing pour le bien recevoir.
De Venise, ce î de janvier 1556.
(Bibl, nat.. Fr. 20456, fol. 14) (copie).
(1) Chioggia, ville de Vénétie, à l'embouchure de la Brenta.
(2) Le Bucentaure, navire officiel de la République de Venise. C'est à bord <le
ce vaisseau que, chaque année, au jour de l'Ascension, le Doge, entouré du légal
du Pape el de l'ambassadeur de France, célébrail son mariage avec l'Adriatique
en jetant un anneau d'or dans la mer
(3) Le couvent du Saint-Esprit, situé dans l'Ile «le Dorsudoro, était occupé par
les religieux Augustins (Voir Venezia el le Sua Lagune. Venise, 1845, t u, p '<
et 6). — «Celles des iles qui sonl aux environs de Venise sonl occupées
par un seul couvent dont l'eau environne les murailles de toutes parts, comme
est celui du Saint-Esprit»... (Voir /.'/ Ville et la République de Venise, parle
chevalier de Saint-Didier,. La Haye, 1G85. p. M .
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 129
GABRE AU CARDINAL DE TOURNON
105. — [Venise], 4 janvier* 1556. — Monseigneur, je n"escript
plus a Monseigneur le Cardinal de Lorraine, presuposant quil soit
party de Rome et que nous l'aurons icy dans deux ou trois jours,
non toutesfois que je le scaiche sinon par les advis que la Seigneu-
rie en a euz de leur Ambassadeur. Il est vray que par voslre lettre
commune de samedy dernier, ledit sieur me mandoit l'attendre icy
sans me dire le temps quil y pourroit arriver et en quelle façon il
y vouloit venir, et la raison eust bien voullu que j'eusse plustost
donne advis a la Seigneurie de ces particularitez que d'estre con-
traint de les aller apprendre d'eulx qui luy font préparer logiz et
tout ce qu'ilz peuvent pour le recevoir honnorablement. Toutes foiz
ilz ne laissent pas davoir bien préparé le palais dUrbin, la ou je
suis loge, et qui est capable pour luy et pour toute sa court, s'il me
vouldra faire cest honneur dy loger, et seroit en plus grande liberté
qu'il ne sera ailleurs Monsieur le Duc de Ferrare trouve fort mau-
vaise la venue dudit sieur Cardinal icy, avant que de passer a Fer-
rare, car il faisoit son compte davoir luy mesme cest honneur et
gaigner le gré de ces Seigneurs pour les venir le premier advertir
de sa déclaration, et dit que cela luy importoit grandement, et pour
le Roy et pour son particulier: de sorte quil m'a despeche ung cour
rier exprès avec une lettre toute pleine de colère et de fort maul-
vais langaige, laquelle j'ay bien voulu envoyer au Roy pour ma
descharge, me faisant grand instance que j'eusse a luy payer incon-
linant les 30 mil escuz quil presla il y a six mois, et si mondit sieur
le Cardinal de Lorraine ne vient avec quelques bons effectz pour
son particulier qui le puissent contenter, ne faictes estât qu'il vous
preste jamais ung liard et tenez hardiment les choses passées pour
toutes rompues, qui seroit un fort grand dommaige aux affaires du
Roy et mesmement puisque lEmpereur vient en Italie, comme con-
tiennent les derniers avis de Flandres: et si ledit Sieur Duc demeure
mal content du Roy. je vous asseure quil regardera d'accommoder
ses affaires avec lEmpereur, a quoy il sera toujours reçu en la sorte
que luy mesme vouldra. Il ma escript quelques motifs d'armes que
le Duc de Florence a faict commencer en la Romaignes, aux terres
du Comte de Bagny, ou il a faict venir quelques compagnies de
chevaulx légers et de gens de pied ; cela pourroit bien rendre le
grand chemin de Rome 'ort dangereux pour l'argent et pour les
corners que nous vous debvons envoyer et est fort nécessaire que
sa Sainteté pourvoye en toutte dilligence, car nous n'avons chemin
seur d'icy a Rome que cestuy la, et si les nouveaulx Espaignolz
130 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
arrivez a Germes vont en Toscane, comme l'on asseure pour certain,
avec ceulx qui sont parti de Gayeste, comme vous aurez entendu,
le Duc de Ferrare se trouvera partoul comme vous estes a Rome,
car sa Sainteté ne peult faire que dltaliens. et a licentié le Duc
dUrbin duquel il pouvoil avoir les meilleurs soldatz de ceste nation.
Le Duc de Ferrare est bien assez voisin et auroit quelque moyen de
divertir tous ces dangers, mais s'il veoit que le Pape et voz autres.
Messieurs les Ministre- du Roy, tenez si peu de compte de luy
comme il dit que vous avez fait jusques icy, je vous asseure quil
en tiendra encores moins de vous autres. Les cboses Monseigneur,
sont réduites a telz termes quil ne faut plus user de dilations ny de
parolles, et s'il n'est usé de dilligence et a faire marcher une grosse
armée du Roy, je crains fort que nous vous verrons tous en grand
peine; j'en ay de ma part escript et sollicité nostre Court le mieux
que jay peu. Mondil sieur If Cardinal de Lorraine me mande par
un post scriptz de vostre dernière lettre que, a tout le moins, je lare
tout effort de trouver dix mil escuz de Nazi ou d'ailleurs: je les av
recouvertz dudit Nazi et prunus de luy en bailler quittance sur
l'assignation de Février Mars : je vous assure que cela a este avec
toute la difficulté du monde, et si vous n'eussiez este a Rome et le
désir quil a devons faire service, je croyquil ne les eut point baillez,
car il les advance ung mois avant le terme, et si n'a encores aul-
cune commission de les debourcer, il faict souvenl de telz services
et sy n'en demande jamaiz ung escu d'intérêt. .le vous les envoyé
par M'' Langlade, présent porteur, qui ne tait «pie arriver de France
et s'en va faire la charge de controolleur ordinaire en Toscane; je
l'ay conneu a Parme faisanl tort loyaumenl sa charge et quand vous
vouldrez entendre quelque particularité du mesnaige quon fera la,
vous pourrez adjouster foy a ce quil vous en dira, car il entend tort
bien toutes ces pratique- et façons de vivre, el sy ne vouldroil point,
a mon advis, tenir la main a une mauvaise chose. Monseigneur, icy
nous n'avons rien de nouveau pour ceste heure, sinon larrivee de
M. le Cardinal de Trente, a Milan, et le parlement du Duc dAlve pour
s'aller embarquer a Gennes et de la a Naples.
De Venise ce 4e de Janvier LS56.
l'.il.l. nat.. Fr. 20644, toi. S copie .
', \IUU-. .\r ROI
106. — [Venise], .') janvier 1556. — Sire, j'av esté ce matin en
Seigneurie en audience secret te, après avoir communicque a Monsieur
le Cardinal (1) ce que je voulois dire pour ayder sa négociation, et
(1) Le cardinal de Lorraine.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 131
mon propos a esté, que. encores que Monsieur le Cardinal ne leur
ave propose chose quelconque qui ne soit avec bonne participation
et consentement vostre, et sans in*en faire bonne communication
comme de chose qui n'est qu'une et comme entre Sa Sainteté et
Vostre Majesté; neantmoins, il me semhloyt ne point faire entière-
ment mon debvoir envers vous. Sire, et ne vous en donner assés
suffisant advertissement, si je n'enlendois d'eux mesmes leur reso-
lution, laquelle vous esclairciroit de beaucoup de chose a ladvenir
et vous feroit par adventure resouldre de procéder en cette guerre
et en la paix dune autre façon que vous n'aviés délibère, car, vous.
Sire, y mettes la réputation, vos forces et tout l'argent, et estoit
raisonnable que vous sceussiés ce que vous debves espérer d'eulx
qui y ont plus dinterest que vous, Sire, n'avés ; et ladessus leur ay
replicqué, en termes clairs et intelligibles, les partis proposez par
mondict sieur le Cardinal, les conditions et la façon de leur bailler
Ravenne et layde qu'on vouldroit avoir deux, leur faisant toucher au
doigt quil ne falloit avoir aucune espérance de la paix sur laquelle
ils fondent leurs desfaites et deslays, si ce nestoit après une bonne
guerre, et que si les choses avoïent été entendues de la Seigneurie,
de la sorte que ledit Cardinal les me disoit. et quils eussent la
dessus consulté et resollu, ledict Cardinal estoit prest de partir pour
s'en aller à Ferrare, et moy en sa compaignie, pour,paradventure
faire les affaires d'autruy a leur grand regret, et s'il leur sembloit
que les choses n'eussent ete entendues de cette sorte par toutte
leur compaignie, et quils les voulussent de nouveau disputer, ledict
Cardinal altendroit encore quelques jour, amployant a propos de là
plusieurs persuasions pertinentes et qui seroient longues a escrire.
Leur responce a esté quils avoient advisé pour le mieulx de différer
leur entière resolution jusques a ce qu'on vit ce que dureroit l'allée
du Fantuccio près le Roy d'Espaigne, d'autant quil sembloit qu'il fut
allé pour entendre aux pourparlers de l'accord, et que, par les lettres
de leur Ambassadeur, ledit Roy d'Espaigne avoitassés bonne volonté
et les ayant, par ma replicqué et avec bonnes et palpables raisons,
dissuadés de cette opinion de la paix et rechercher d'attaquer vive-
ment la praticque avec ledict sieur Cardinal, puisqu'il estoit icy
présent, pour la conclure ou la rompre, quand ils seroient esclaircis
de la vérité et négociation du Fantuccio Le Duc, sur cela, ma faict
responce que ces Seigneurs s'assembleroient encores de nouveau et
repondraient audit sieur Cardinal et a moy, ainsy que Dieu leur ins-
pireroit.de sorte que la chose n'est encores du tout désespérée et sera
force que ledit sieur Cardinal soit encores icy deux ou trois jours(l),
(1) Ribier donne cette dépêche jusques y compris les mots «dédit sieur Cardinal
soit encore icy deux ou trois jours ».
132 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
combien qu'il a grand regret de ne pouvoir plustost partir. Voila,
Sire, ce que je puis vous en dire pour cette heure et envoyé
courrier exprès jusquesa Coyre (1) pour, de la, faire courir le pacquet
par les postes ordinaires pour éviter despence.
Sire, j'envoye un pacquet de Monsieur le Cardinal Caraffe, adres-
sant au Nonce, dans lequel il y a une lettre inscripte du Duc de Flo-
rence et des chiffres par LEveque de Pela qui est en ceste ville. Le
Cardinal me l'a communicqué et me semble que vous verres par la
que ledit Duc est en grand peine et n'est guères content des impé-
riaux, et y verres aussi son discours et oppinion sur le faict de ceste
guerre. Il vous plaira, Sire, faire incontinent chercher ledit Xonce,
car vous serés bien ayse de veoir ledit deschiffremenl.
De Venise, 5 janvier 1556.
Ms. de Grenoble, fol. 40 v).
GABRE AU ROI
107. — [Venise [, 9 janvier 1556 — Sire, .l'ay veu une ordonnance
quil vous a pieu menvoyer sur le fait des plus values des escuz et
des autres espèces d'or el d'argent, laquelle ne pourra avoir gueres
lieu en ce pays ou il ne fault faire estât que de grand perte pour les
moins values. J'ay escripl du p:issi' si souvent, que je pensois estre
mieulx entendu ; mais, puisqu'il vous plaist me le commander, je le
rediray encores icyaffin que Messieurs de vostre conseil n'en soient
plus en doubte: l'escu d'Italie s'est depuis trois ou \ ans mis pour iS s.
et l'escu sol pour 49a Parme, a la Mirandola et en Toscana. tellement
que pour payer la simple paye «le deux soldat/, on leur bailloit seule-
ment cinq escuz qui font douze livres; les trésoriers vous ont toujours
tenu bon compte de ces plus valeurs, ayant fait recepte el avalation
des escuz en leurs quittances a la raison que dessus de 18 et '•'.» el
ne leur en peut en rien demande'*. Si vous. Sire, avez faict bailler
les escuz a Lyon a45et '<<> il y a toujours 3 souz par escu de plus value,
lesquels. Sire, ne sont venuz a vostre proffict. mais de ceulx qui vous
prestoient l'argent, comme du Due de IVrrare, du général Delbene
et autres; aussy je croy qu'il/ ne prenoient point d'autres interestz
pour l'attente de leurs deniers. Ainsy, Sire, si vous faisiez point le
gaing avec argent d'aultruy aussy se peull dire que vous ne perdiez
rien de vostre propre, car vous mettiez au lieu de voz despences les
escuz pour le mesme prix et valeurs que vos ministres les recevoient,
mais maintenant il en vaaultrement. car ha il la ni les escuz a vos comp-
tables et aux presteurs pour les prix convenu/ en vostre ordonnance,
(1) Coire, chef-lieu du canton des Grisons, où résidait l'ambassadeur français.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 133
le marchant qui preste n'y peult rien gaigner et vous demourez
perdant grassement et mesmement du couste de Rome ou je voiz
que vos comptables ne niellent l'escu que pour onze Jules (1) qui
font 44 s., et aultant l'escu au soleil que l'escu d'Italie, de sorte que
sur chacun escu vous perdez, Sire, 4 soulz, qui est sur cent mil
escuz justement vingt mil francs de perte. Monseigr le Cardinal
de Lorraine se peult souvenir que je luy en parlay quant il ala a
Rome pour faire que le Pape fit quelque altération de monnoye
comme tous princes doihvent sur des commencemens de guerre,
mais il le y trouva ung peu difficile. Maintenant j'en ay parle
bien longuement au cardinal Caraffe, et faict cognoistre l'insterest
sien et vosti e et le moyen d'y remédier, qui est de faire leur monnoye
a l'esgal de celle de Bologne ou l'escu se met pour 12 Jules ; il en a
volu ung mpmoire que je luy ay baille et a promis d'y donner ordre,
disant bien qu'il le falloit faire dextrement pour ne pas faire crier le
peuple, car ceste mutations avec tant d'aultres qu'on leur donne
quant aux realz et testons l'on n'en peult icy envoyer sans grosse
perte ; quant à la recepte et dépense de l'année passée, j'en ay fait
icy ung estât que j'envoye avec ceste despeche, accompagnée du vray
original qui est le commis principal de l'extraordinaire, lequel a
receu icy toutes les assignations, puis a le soing de les envoyer la ou
je luy ordonne, et luy ay veu toujours faire fort bon debvoir et dili-
gemment sacquitter de sa charge ; il rendra fort bonnes raisons
à M'5 de votre Conseil de son fait et de ce qu'on vouldra savoir de
luy. estant capable, Sire, de plus grand charge quand il vous plaira
le y employer.
De Venise ce 9 janvier 1556.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 14) (copie).
GABRE AU ROI
108. — [Venise], 10 janvier 1556. — Sire, je vous escripvit
du 5ule de ce mois et envoyé mon pacquet par courrier exprès
jusqu'à Coyre, et hier, Monseigneur le Cardinal Caraffe eust sa
seconde responce de la Seigneurie qui a esté, a ce qu'il m'a dict,
assez bonne ; c'est que ceste Seigneurie a toujours désiré et este
en ferme opinion de maintenir le Pape et le Siège apostolicque
en sa grandeur, et qu'ilz avoient espéré jusques icy pouvoir des-
mesler Sa Sainteté du travail ou elle estoit par la voye de la paix,
de laquelle ilz ne vouloient du tout désespérer, veu le langaige
(1) Jules, monnaie ayant cours en Italie et principalement à Rome, valant environ
trente centimes actuels.
134 NÉGOCIATIONS DE JANVIER 1556
que le Roy d'Espagne en tenoit a leurs ambassadeurs, choses que
ce esclairciroit bientost, et mesme pour quelques offices fort gail-
lards qu'ilz y avoient naguères faict, mais qu'ilz vouloient bien
asseurer ledit Cardinal que leur deffaillanl la paix toutes les foiz et
quant qu'ilz le pourroient faire sans mestre leur estât en dangier,
a quoy tous princes doibvent avoir esgard ; ilz ne fauldroient de-
der(l) la protection et delfence de Sa Sainteté et de Testât de
l'esglise, comme du leur propre, et comme je entendu de lieu bien
certain, ilz sont resoluz d'armer avant qu'entendre ny respondre aux
partis qui leur sont présentez, qui est le meilleur effect que j'y
voye, car, maiz qu'is soient en despence qualche cose sara, et quant
pour leurs parolles généralles de la protection du Pape, en cas qu'il
ne puisse succéder accord, cela les obligera aulcunement, mais non
pas tant qu'il y faille faire grand fondement. Je ne me veult venter
de rien et en donneray l'honneur a qui le voudra, mais je scay bien
que cest ung expédient que je leur proposay en ma dernière au-
dience, leur conseillant de ne laisser partir ce Cardinal mal content,
et pour tout doucement les embarquer, car de l'ung on vient plus
aisément a l'aultre, et cependant Votre Majesté aura entendu les
marches que l'on met en avant, et sellon que je verray qu'elle les
trouvera bon ou maulvais, je pourniy les aider à la conclusion ou
les rompre ou gaster; ce malin, j'ay este avec ledit sieur Cardinal
qui est tout contant et luy a semble bien avoir fait bon voyage, il
veult encore estre icy demain et dimanche pour aller au Conseil -
de ces Seigneurs comme gentilhomme vénitien. Lundi matin qui sera
11e de ce mois, il ira prendre congé d'eulx <•! après montera eu bar-
que pour aller coucher a Chioggia et de la a Ferrare, et moy en sa
compaignie. et si me fusl for! volontiers passe d'y aller, niais il
m'en prie et Monsieur le Duc m'en escripl ave,' tirs grande instance.
Je scay bien que le sieur Duc me veult demander argent pour payer
sa garnizon et pour faire gens avec lesquelz il puisse mettre eu
campaigne, se trouvant déjà en peine pour quelques forsqueles
(l) Mot vraisemblablement mal transcrit par le copiste.
2) «. . . Fut reçu «'il cérémonie au Collegio, le déjà célèbre cardinal de Lorraine
qui, revenant «le son importante mission a Rome, avait à s'entendre avec la
Seigneurie avanl «le rentrer en France», t Voir A. Baschet, Les Archives de Ven
p. î->9 .
Le collège est le tribunal où réside toute la majesté du prince ; le- ambassa-
deursyvonl à l'audience, on \ Ml les lettres des affaires étrangères on y présente
toutes les requêtes. Le collège esl la porte paroùil faut que toutes les affaires du
dehors entrent cl c'esl Im qui prépare le- matières qui doivent être agitées par
le Sénat Le collège esl composé du Doge, de 6 conseillers du Dogi
grands, 5 sages de terre ferme, etc. /.</ Ville et lu République de Venise,
partie II, p. 115. Paris, 1080;.
[JANVIER 1556J DOMINIQUE DU GABRE 135
Imperiaulx font faire a Cazal (1) pour luy faire une frontière a Bres-
seil. et escript qu'il ne peult penser que le Pape ni vous sur luy
veuilles manquer de protection ; je luy ay fait responce qu'en ces
petites choses il fault que luy même séde le premier et qu'il monstre
sa puissance et ses moyens qu'il a de vous faire service, allant ou
mandant tailler a Preslanza quelque peu d'Italiens a la faveur des-
quels on fait lesdits fors et luy se impatroniser en lieu et le fasce
fortifier sur la faveur de Monsieur de Guise, et avec quelque quatre
mil hommes et sa cavallerie qu'il peut mettre de son cousté en
campaigne, il pourra bien estre quil me dira que l'on luy baille pour
ce faire et je luy montreray pour tout payement une lettre qu'il vous
a pieu m'escripre du 20e du passé, par laquelle Vostre Majesté dit
qu'elle pourvoira bientost a l'argent qu'il fault pour sa despence,
et lui pourroit dire que s'il attend a chaque allarme vous luy tenez
la une armée preste, qu'il se pourroit par adventure bien tromper;
mais que s'il faict quelque avance et despence nécessaire et bien
employée, qu'il peult estre asseuré que vous. Sire, luy en serez
bon rendeur comme vous avez été d'autres fois et de grosses
sommes a quoy il n'avoit rien perdu. Je verray alors comment il a
délibéré de faire. Ledit Cardinal est bien résolu de l'escorter a Rome
a bon escient et de mettre la main a ces millions qu'il a ; je verray
quelle resolution ilz en prendront emsemble et y seroit spectateur
et non conseiller jusques a ce que je sache vostre volunté, affin qu'il
ne puisse point dire qu'il aye l'ait quelque despence a ma réquisi-
tion, mais je vous veulx bien dire, Sire qu'il est fort nécessaire que
les ungs et les autres scachent ce qu'ilz ont afaire en ceste guerre,
c'est a dire mondit sieur de Guise, le Duc de Ferrare et ceulx de
Rome et de Toscana, car desja, a ce qu'on escript de Florence,
Monsieur de Montluc a rompu la guerre (2) pour avoir revanche de
quelque maltraitement qu'on avoit faict a ung François dans Sienne,
et ne scay s'il sest trop hasté ny s'il en avoit commandement. Le
Duc d'Alve vient recommencer la guerre du coste d'Abruccio et de
la Marque, comme vous avez veu, Sire, par la dernière despeche de
Rome, et s'est renforcé avec la commodité de la mer de quinze cens
Allemand/,, cinq cens Fspaignolz et environ mil Italiens, qui sont
ceulx qui estoient embarquez longtemps y a : vous et le Pape paye/
en lestai de l'esglise vingl un mil hommes, donl on feroil une bonne
armée en campaigne s ilz estoient accompagnez ung peu mieulx de
cavalerie. Monsieur le Cardinal est lort sollicité de Rome pour son
retour H seroit bien nécessaire qu'il fusl desja la. et comme je luy
ây dit souvent se resouldre, que vous deux n'avez qm- une mesme
(1) Casale.
(2) Erreur de copiste ; il iaut lire « trêve ».
136 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
intention ou de guerre ou de paix, car s'il y a division de voluntez
ne deffidence les ungs des autres et que l'ung veuille la paix et
l'autre la guerre, on n'y verra que confusion, perte et mocquerir
d'accepter uni- paix pour abandonner ce Pape et le laisser en proie
a ses ennemis. Je me tiens asseure. Sire, que vous ne le feriez
jamais pour tout le monde, pour la grande offence qui se f'eroit a
vostre gloire et réputation de la guerre ; c'est grand desplaisir de
l'avoir, mais on est quelquefois contrainct de la faire pour avoir une
bonne et honnorable paix: il est vray, Sire, que vous pouvez avoir
faulte d'argent, et vostre ennemy a ce qu'on voil enaencores moins,
que vous estes riches, Sire, de grandz chefz et ministres de guerre,
et on voit l'ennemy n'en avoir pas ung qui soit de réputation ; vous
avez les principaulx potentatz d'Italie pour amis, vostre ennemy
n'en a aulcung; vostre armée est prompte et preste a exécuter, et
l'ennemy mal pourveu et ne le scauroit estre bien de deux bons
mois: je veulx dire par cela, Sire, qu'il me semble que vous avez
grand advantage el debvez espérer tout lion succès de ceste guerre.
L'Ambassadeur du Roy d'Espagne 1 1) fusl avant hier en Seigneurie
et demanda passaige pour vingt mil Allementzel trois mil chevanlx,
que le Roy. son maistre, faisoit passer en Italie pour deffendre la
liberté dicelle. laquelle le Pape cl vous voulez usurper et la vous
despartir emsemble, a quoy ces seigneurs debvoient bien penser
[tour la conservation de leur estai . car, quant vous ailliez occupez ce
que le Roy d'Espagne y tient^ vous vous adresseriez après a eulx.
C'est uni1 l'oit honneste harangue ci qui leur pari de bon cœur, pour
le moins c'esi bien renversé noz chansons, mais je n'auray pas
grand peine a ousler celle impression a ces Seigneurs el leur en
parleray plustost en m'en riant el en mocqueries que autrement.
De Venize ce 10e de Janvier 1556.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 16) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
109. — [Venise], 9/10 janvier 1556. — Monseigneur, il vous
plaira veoir par ce que j'escript au Roy la tin de la négociation de
(1) François de Var.ua-. jurisconsulte espagnol, membre «lu Conseil souverain
de Castide, envoyé a Bologne en 1548 peur protester contre la translation du
Concile de Trente «lans cette ville; délégué au Concile de Trente en 1550.
Après la dissolution «lu Concile, il lui envoyé comme ambassadeurà Venise, ou
il restaprèsde 8 années; il alla ensuite à Rome pour} remplacer l'ambassadeur.
Après sa mission en Italie, il fui nommé conseiller d'État, puis il se relira ilans
le monastère de Ceslos, près de Tolède.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 137
Mr le Cardinal Caraffa icy. Il m'a dicl avoir quelques adviz d'amis se-
crelz en ce colleige que ces seigneurs sont resoluz d'armer avant toute
œuvre et puis respondre aux parties qu'on leur propoze, lesquelz
ledit sieur Cardinal leur veult laisser par escript le jour qu'il prendra
congé de la Seigneurie. Je verray les effectz d*une part et d'autre et
puis vous en donneray advis, car en matière de parolles de gens de
ce pays je me veulx resouldre de n'en croire pins sinon ce que je ver-
ray. Ledit sr Cardinal aura demoure icy vingt deux jours, et quelque
sollicitation qu'on luy ay faict de Rome pour son retour, ni quelque
alarme qu'on escripve que le Duc dAlve va recommencer la guerre
du cousté de lAbruccio (I), ne pour le renfort qui luy est venu par
mer d'Allemantz et d Espaignolz, je ne l'enay veu eschaufferni parler
de hâter son retour, non plus que s'il n'y avoit rien afaire, de sorte
que je suis entré en opinion qu'il feisl son séjour ainsy long a
escient, pour quelque sien desseing ou pour attendre nouvelles du
Fantuccio ou du progrez de Monsieur de Guise, mais je luy pro-
testay, dez le premier jour, que je ne mettray point d'espyes pour
savoir ses intentions ne sa négociation et que je m'en rapporterois
toujours a ce qu'il m'en diroit. Je ne veulx point soupçonner le mal
ny aussy asseurer le bien sans en avoir quelque fondement, et n'ay
sceu pénétrer plus avant en son faict que ce qu'il vous plaira veoir
en la lettre du Roy ; on luy envoya l'aultre soir ung courrier de
Rome en grand dilligence, il me dict après que e'estoil pour lui
envoyer une lettre du Duc d'Alve, laquelle le Duc de Paliano (2)
n'avoit voulu ouvrir, et ne me communiqua point ceste lettre la
pour ce qu'il me dit l'avoir renvoyée audit Duc son frère, mais il me
monstra bien la responce qu'il luy faisoit, en laquelle il se cour-
roussoit presques a luy de ce qu'il n'avoit ouvert ladite lettre, et
qu'il ne l'avoit communiquée aux ministres du Roy, et quil la luy
renvoyoit pour respondre audit Duc d'Alve ce que luy et lesdils mi-
nistres adviseroient, car, quant a luy, il ne luy vouloil respondre ne
bien ne mal. Je verray ce qu'on dira et fera a Ferrare et vous en
donneray advis: quant a lestât, Monseigneur, que vous demandez des
despenses de l'année passée el sur le faicl des plus valeurs, j'en
faict une lettre particulière au Roy, et ce porteur Champdoiseau
s'en va exprès avec lestai que jay veu oultre, lequel il rendra bonne
raison de toutes choses, ayant este luy le principal et premier qui
reçoit tous les deniers. Je l'ay trouvé, Monseigneur, fort honeste
(1) Les Abruzzes
(2) Jean-Jacques Carafa le premier des Carafa), héritier du titre de comte de
Montorio à la mort de sou père, Fui créé duc de Paliano quand il se Fui emparé
du château de ce nom, principal fief de la famille Colonna, énergiquemenl dé
fendu contre ses entreprises par sou possesseur, Mare-Antonio Colonna. Voir G.
Duruy, Le cardinal Carlo Carafa. p. 15,».
13
138 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
comptable, et quant il eut bien eu maulvaise volonté, il n'a pas eu
moyen de mettre la main a la paste comme ont eu les autres clercz
qui la distribuent après, et sy l'on luy commettoit quelque bonne
charge, je vous asseure, Monseigneur, quil s'en acquittera fort
loyaument et bien. Vous avez la le receveur Martin, de Troyes, son
cousin, empesché pour desmesler le fait de ses comptes, je vuus
asseure qu'il estoit bien séant a Lyon pour les affaires du Roy et
nous autres de deçà nous apercevons bien de son absence ; il vous
plaira, Monseigneur, le favoriser et aider comme vous avez accous-
tumé aux autres bons serviteurs du Roy.
De Venize ce 9e de janvier 1556.
Monseigneur, ce matin, après ceste lettre escripte, le Cardinal
Caraffa me prie de luy aller parler et m'a dict qu'il estoit arrive ung
courrier du Roy d'Espaigne, a luy adressant, comme pour après le
faire passer au Duc d Alve ou il n'avoil trouvé que une lettre a luy
adressante de Dom Francesco Pacheco (1), laquelle il m'a monstre
en original et la ma baillée pour envoyer au Roy ; quant a ce qui
sadressoit au Duc d'Alve, il lavoit ouvert gentiment et puis refermé
avec lesmesmes cachetz et laisse passer le courrier, ayant première-
ment retenu copie d'une lettre du Roy d'Espaigne et dudit Pacheco,
lesquelles il m'a montrées et baillées pour en prendre une coppie,
et seront avec la présente, me disant que par la je pourrois veoir
qu'il estoit en sa liberté de prolonger tant qu'il vouldroit la trefve,
mais quil ny vouloit entendre si moy ou autres ministres du Rov ne
le luy commandoient. Usant de ce pro| re ternie la, je luy ay loué
ceste façon de procedder qui m'a semblé ung peu plus naifve que
je ne l'avois encores cogneue en luy, et luy ay touché la boute du
Roy, sa grandeur et puissance, quil avoil congneue telle que Sa Ma-
jesté pouvoit aujourdhuy contracter contre tout le reste du inonde,
et qu'ayant cest appuy, ledit Cardinal pouvoit asseurer et establir
grandeur pour luy et pour sa maison, et que le sang de ceste co-
ronne de France estoit si doulx, qu'il ne se nourrissoit que de pureté
et de sincérité avec laquelle on en pouvoit espérer tout ce qu'on
vouloit et quil y vouloit l'aire quelque fondement quil ne sesloignat
pas de ce chemin la, car. de/ que nous nous apercevrions du
contraire et qu'on voulut surprendre noslre Roy par finesse, par
braveure, nous devenions, jusques aux chatz en fiance, ennemis
de telles gens tant nous estions affectionnez a nostre Roj : que pour
fl) François Pacheco de Cerallo, né à Caste) Rodrigo, fut employé par Charles-
Quint et Philippe il a diverses négociations, donl la plus importante, ainsi qu'on
le verra au cours de la présente correspondance, consista à conclure la paix
entre le pape Paul IV et Philippe II. PieV le lit cardinal en 1561; il lui nommé
archevêque de Burgos en 1567, et mourut le 1 * » juillet 1579.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 139
ceste cause, je le priois de me dire franchement s'il avoit en termes
quelques praticques d'accord, affin que ces trefves et ces allées et
venues ne missent le Roy en peine et en deiïîdence, et que, par la,
eulx et nous, feissions mal noz affaires; que je scavois bien que rien
ne mettoit le Roy en ceste guerre que l'honneur et vouloir secourir
ses amis ; que en cecy il alloit de 1 interest du Pape plus que du
vostre, et pour ceste cause je ne luy voulois donner aucun advis de
paix, de guerre, ny de trefve, mais que je le priois de me dire le
sien et que nous parlissions clairement et sincèrement sans penser
de surprendre l'ung l'aultre. Je vous prometz, ma foy, Monsei-
gneur, qu'il m'a tant remercie de ce langaige et tant asseure de son
intention, que, a l'ouyr parler, sy Dieu parloit visiblement aux hom-
mes et luy commandoit une chose plus que une autre en cette pra-
ticque, il ne fera jamais ne paix ne accord, n'y n'en escoutera parolle
sy le Roy ne le lui commande et que je le tienne pour le plus grand
tristo (1) qui fut jamais au monde s'il fait chose en vostre endroit
qui soit contre son debvoir et contre son honneur. Je luy ay dit, pour
mon advis, que je ne scavois que dire de ceste tresfve, n'ayant nou-
velles de M. de Guise, mais que, sans la conclure, je ne trouverois
pas mauvais qu'on consumast douze ou quinze jours a la prati-
quer et la remettre a larrivee dudit sieur Cardinal a Rome, affin que,
de ce coste la, on ne feist plus grand perte comme il me semble que
l'on en est en possession, et, cependant, il est malaisé qu'il ne
vienne quelques nouvelles de mondit Sr de Guise et de vous. Si le
Roy d'Espaigne avoit mis quelque praticque daccord en avant
comme il semble qu'il le désire, et il nest pas possible qu'il fasce
rien de bon avec ceulx de deçà si le Roy n'est le premier content,
ainsyjevoy que ledit sieur Cardinal se resoult d'escripre au Duc
de Paliano de tenir ce chemin la de longueur, et de dilayer en la
conclusion de ladite trefve et, enfin den user comme Sa Sainteté
et luy en adviseront avec les ministres du Roy. J'aurois l'œil, jusques
à ce qu'il parte de Ferrare, a tout ce qui se présentera et vous en
donneray advis.
C'est de Venize ce 10e de janvier 1550.
Monseigneur, quand il a fallu monter a cheval avec ce parquet,
Champdoiseau s'est trouvé malade d'un- catherre et n'y a ordre qu'il
puisse partir encores <le quelques jours; pourquoy j'ay despeche
ung corrier exprès qui fera encores meilleure dilligence jusques a
Lyon et de la a la court, si le gênerai d'Elbenne ne vous en veult
despecher ung aultre plus fraiz comme je luy escript. Je vous
envoyé, Monseigneur, cependant, Testai delà recepteel despence de
(1) Coquin.
140 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER tootf]
l'année passée et bientost led Cliampdoiseau partira pour vous aller
rendre raison de chacun article.
Monseigneur, je ne puis vous envoyer pour cesre heure ledit estât,
parce que je l'ay trouve ung peu mal correct et je 1p veult mieux
revoir pour le vous envoyer par la première occasion.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 19) (copie).
GABRE AU DUC DE GUISE
110. — [Venise . 10 janvier 1556. — Monseigneur, je vous ay
escript il ny a que trois ou quatre jours, et n'ay autre moien de
vous faire tenir mes lettres que par la voye de Lye I), ou j'ènvoye
la présente par un courrier exprès que je depesche au Roy pour
l'advertir du partemenl de Monsieur le Cardinal Carrafa pour aller a
Ferrare, et aussi de la dernière résolution de ces Seigneurs qui esl
telle que. en cas que les choses ne se puissent accommoder entre le
Pape et le Roy d'Espaigne, par une voye de paix <>u de quelque
autre accord dont ils seroienl éclaircis dans bien peu de jours, ils
estoient résoleus d'ayder la protection et défence de sa Sainteté et
du Siège Apostolique comme de leur estai propre. Cependant, à ce
que nous pouvons entendit", ils ont délibéré d'armer par mer et par
terre, si d'aventure ils ne voyent estroittement attaquer quelque
praticque de paix dont ledit Roy d'Espaigne monstre avoir grand
volonté: et la dessus, Monseigneur, je ue veulx faillir de vous dire
que ledit sieur Cardinal Caraffa a eu ce matin un courrier dudit Roj
d'Espaigne pensant quil le deust trouver a Home avec une depesche
pour le Duc d'Alve, par laquelle. Ledit Roy lui escrit et commande
de ne recommancer ta guerre s'il est possible, de façon du monde,
contre sa Seigneurie, mais bien quil face tout ce qu'il pourra pour
prolonger la trefve encore quelques jours. Ledicl sieur Cardinal m'a
fort ouvertement communicque tout cela el asseure sur son honneur
qu'il n'entendra jamais a aucune trefve ne autre forme d'accord
quant tout debvroit bien périr, s'il n'en avoil commandement exprès
du Roy. Il est vray que d'autant que nous n'avons point icy de vos
nouvelles, il luy a semblé quil ne seroil que lion d'entretenir ledit
Duc d'Alve en longueur et en déliais, sans touttefois rien conclure.
et ainsi a-t-il escrist au Duc de Palliano, son frère, de le faire. De
sorte, Monseigneur, que pour chose que vous soj es dire au contraire,
il me semble que vous ne debvés laisser de taire passer vostre
armée el de suivre vostre entreprise, si le Roj ne vous mandoit de
le faire autrement.
De Venise ce dixiesme de janvier 1556.
(1) Luino, ville d'Italie, à 20 kit. de Côme.
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 141
Monseigneur, le Comte Caraffa (1) partira lundy unsiesme de ce
mois pour aller coucher a Chioggia; il arrivera a Ferrare le mercredi
et y séjournera le lendemain; le vendredy il pense aller a Bolloigne
et s'y arresîer peu. S'il n'a nouvelles de vous. Monseigneur, et si en
nostre Court on désire la paix, il n'y a meilleure recepte que vostre
dilligence; si aussy ils ne la peuvent avoir et qu'ils soient contraints
de continuer la guerre, c'est la volonté de Dieu, et j'espère que ce
sera la grandeur du Roy; si vous M. uses de la dilligence et quoiquil
vous plaise l'aire, de marcher ou retarder, il vous plaira qu'on scaiche
de vos nouvelles par une voye ou par aultre, car jamais les choses
n'iront hien que vous n'ayés communiqué vostre intention a Mon-
seigneur le Duc de Ferrare, et a ceux de Rome, et résoleu ce que
les uns et les autres doibvent l'aire.
(Ms. de Grenoble, fol. 78 r).
GABRE AU CONNETABLE
111. — [Venise], 13 janvier 1556. — Monseigneur, ce porteur
vient de Levant, depesché de Monsieur de Cotignac, duquel vous
aurez toutes nouvelles ; il m'escript en particulier que toutes
choses se portent fort bien de ce couste la et que le grand sei-
gneur demouroit satisfaict de ses ministres et des nostres nonobs-
tant le peu de services de son armée ; a quoy le Bassa (2) qui
estoit sur ladite armée avoit faict fort bon office ; cela me fait
espérer que Mr de Villemontez aura bonne responce de ce qu'il
est aile demander, mais Dieu nous face tant de grâce que vous
n'en ayez aulcun besoing, a quoy j'ay quelque espérance par ung
adviz de la Cour de l'Empereur contenant qu'on manioit fort secret-
tement une trefve de deux ans ; laquelle lEmperevr avoit accordée
et n'attendoit on que la responce du Roy et si l'intention est aussi
bonne du couste de lEmpereur, comme je suis asseure qu'elle est
du vostre, il vous sera fort aise d'y comprendre le Pape et le mestre
hors de ceste tempeste, ou il veult mettre luy et aultres, auquel cas
il tiendroit toute forme d'accord pour la plus heureuse et sainte
chose que nous sceussions demander à Dieu en ce temps, et pour-
riez vous desmeler de toutes ces despenses d'Italie qui sont aussy
mal employées ainsy qu'elles sont aujourd'huy que sy l'on gettoit
largent dans la mer, mais il est fort a craindre que les ennemis, a
leur manière accoustumée, ayent mauvaise intention et veuillent
(1) Antonio Carafa, duc de Montebello de second de la famille), frère du cardinal
et cadet du duc de Paliano.
(2) Le Pacha, ou Vizir de l'Empereur des Ottomans.
142 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
tenir en longueur cetta pratique pour vous faire perdre voz envies
et retarder nos provisions, cependant qu'ils préparent les leurs pour
faire ung maulvais tour au Pape avant que nous ayons le moyen de
le secourir, et ce qui m'en donne quelque soupecon est la dilligence
qu'ilz font dassembler en Toscana leurs principales forces : et dail-
leurs. Monseigneur, j'ay recouvert ioy, au moyen de quelque servi-
teur secret qui me baille la copie des lettres que l'ambassadeur de
l'Empereur reçoit de Flandres et d'ailleurs, et dernièrement il m'a
baillé ung extrait de nouvelles avec la copie d'ung jurement qu'ilz
dizent que le Roy a fait au grand seigneur qui toucbe tant lbon-
neur du Roy, et est sy meschant et infâme qu'il m'a semblé que je
pourrois faire erreur si je le vous envoya vs. car s'il est vray que
cela vienne de lEmpereur ne de son conseil, c'est la plus mauvaise
intention quil est possible devoir, encores qu'elle soit bien sote et
congnoit-on aisément que cela est lait a quelque taverne de Flan-
dres et a plaisir pour calumpnier le Roy, mais ils y ont mis trop de
folies pour le rendre creable au monde, et s'il sont sy meschantz
d'inventer telles choses, jugez par la leur mauvaise volonté et ne
faites doute qu'ilz ne lavent lait pour publier cest bonorable jure-
ment en leurs diètes de Germanie, ei cenciter les princes et les
peuples de ce pays la contre le Roy, et seroil bien lait de lentendre
pour y respondre par invectives ou aullres remèdes convenables.
Si je voye que cela se publie icy en celle seigneurie, il me semble
que je n'auray pas grand peine a leur faire cognoistre que cest une
faulceté et que la chose même de soi! le monstre.
Au reste, Monseigneur, Monseigneur le Cardinal de Lorraine
debvoit partir jeudi dernier de Rome, mais la despeche du boiteux
l'aura encores trouvé la. laquelle y arriva Le mercredy et me double
bien (pie la dite despeche aura plustost retardé que hasté son par-
lement. A Ferrare ne scavent point encore qu'on ayl trouvé maul-
vais leur traictez, et je remetz toujours touches choses a la venue
de mon dit sieur le Cardinal, mais si Dieu vouloit «pie le Roy s'en
peust passer, je louerois fort de voir tout cela rompu et Rentrer
point en ceste despense. J'entends que le Duc de Florence s'est
résolu de ne prendre aulcunement la protection du Comte de Bagny
contre le Pape, et que naguières ses ambassadeurs sont arrive/ a
Rome pour prester l'obediance, je ne vous escripray plus. Monsei*
gneur, de la nécessité d'argent, qui est par deçà, qui esl grande si
les affaires se disposent a la guerre.
De Venize ce 13e de janvier 1556.
(Bibl. nat., Fr. 30644, fol. 28; (copie).
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 143
GABRE AU DUC DE GUISE
112. — [Venise], 15 janvier 1556. — Monseigneur, je viens de
recevoir tout maintenant une despeche deMessieurs les ministres du
Hoy qui sont a Rome et vous envoyé un extraict de la lettre qu'ilz
m'ont escrite, par ou vous verrez les motifs et préparatifs du Duc
d'Albe pour recommencer la guerre et se mettre en campagne,
expirée que sera la Irefve. Monsieur le Cardinal Caralfe est encore
icy attendant la résolution de ces Seigneurs sur sa négotiation, de
laquelle je ne puis, pour ceste heure, rien dire de certain, n'ayant
jusques icy pu entendre la volonté de ces Seigneurs ; mais, sy nous
ne les pouvons avoir de nostre costé, pour le moins nous pouvons
nous asseurer que nous ne les aurons pas contraires et on a icy
opinion que sy une fois il/, entendent que vous soyez passé avec
vostre armée, ilz seront incontinent tous nostres. Tout ce monde
est icy en grande expectation de vostre progrez et d'entendre de
voz bonnes nouvelles, desquelles il seroit bien nécessaire que vous
nous fissiez quelquefois part pour le service du Roy.
De Venize ce 15 janvier 1556.
(Bibl. liât., Fr. 23236, fol. 425). — Lettre publiée
aussi dans les Mémoires du duc de Guise, t. vi,
p. 264.
GABRE AU CONNETABLE
113 — [Venise , 11 janvier 1 556. — Monseigneur. Hier arriva icy
Monseigneur le Cardinal de Lorraine qui fut reçu si honorablement
et en si grand apparat de ceste seigneurie que je feiz souvent le
souhait semblable a celuy que Monsieur du Prast (1) faist a l'Empe-
reur quand il luy dit quil le peut un jour voir Vice Roy de Naples;
aussy je soubaitois que le Roy eust esté, pour ce jour d'hier, Car-
dinal de Lorraine ou Ambassadeur de France pour voir l'honneur
qu'on faict icy a ses ministres, les grandesses de ceste cité, et le
grand canal orné de tapisseries vives et mortes, aussy superbe et
belle chose que je veiz de ma vie. Ce matin mondit sieur le Cardinal
m'a fait eesl honneur «le me communiquer les derniers adieux et
résolutions de Rome et le langage qu'il veult tenir a ces seigneurs
demain, qu'il les ira voir, il me semble que tout est si bien pour le
Roy que vous en aurez grand contentement et trouvez qu'il n'y a
(1) Antoine Duprat, archevêque de Sens, chancelier de France sous François I",
mort le 8 juillet 1535 au château de Nantouillet (Seine-et-Marne).
144 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
rien de gasté, mais que vous schaichiés comme tout s'est passe, et
si Dieu vous donne ou paix ou trefve, le Roy est tant sur l'advan-
taige que tout bon serviteur sien et tout homme de bien le luy doit
conseiller et trouver bonne, et je prie Dieu qu'il nous face tons
dignes d'un si grand bien, mais sy lEmpereur cuyde faire enfin et
vous amuser, il ne lus! jamais sy trompé et diray ce mot. que je
croy par deçà les choses disposées de telles façon que vous aurez
non seullement bon moyen de résister a sa maulvaise volonté, mais
que jamais vous n'eustes une plus belle commodité et occasion de
lechastier; que maintenant mondit Sr le Cardinal s'attend d'avoir
ung corrier et de voz nouvelles avant que partir de ce lieu pour aller
après a Ferrare prendre sa dernière résolution selon l'etal et la mu-
tation des affaires et selon l'intention du Roy. Cependant, il me
semble. Monseigneur, que vous pouvez avoir vostre esprit en grand
repoz et vous asseurer que de deçà toutes cboses sont très bien.
De Venize ce 17e janvier 1556.
(Bibl. nat.. Fr. 20644, fol. 54) (copie .
GABRE AU ROI
114. — [Ferrare . 17 janvier 1556. — Sire, je depescbay courrier
exprès jusque Lyon des le dixiesme du mois pour vous faire enten-
dre le parlement de Monsieur le Cardinal Caraffe de Venise et la tin
de sa négociation; a quoyje ne puis rien adjouster, sinon que ledit
Cardinal, en se licentianl de la seugneurie, leur répliqua Le plus
expressément quil peull les partis et offres de Ravenne el enffln que
de sa pari il n'avoil aucune espérance de la paix, leur offranl de
leur en bailler la possession maintenant en se retournanl s'ils vou-
laient se déclarer ennemis du Roy d'Espaigne el ayder a mettre
l'Italye en liberté; ils sonl demeurés en leur froideur accoustumée
et pour le moins son! ils obligés par leur responce de demeurer en
leur nulralile el par adventure, Sire, que loul esl pour le mieulx,
car je commence a me douter «pie l'aide que vous lirez de toutes ces
ligues d'Italie n'es! pas si grande que la despence qu'elles vous
apporlenl et, au lieu du secours qu'on espère d'eulx, il faudroil
laisser vos propres entreprises pour ayder les leurs, el entrer en
grosses despencesj)our les garnisons qu'il fault a garder leurs estats,
et suis si mal édifie d'eux, je dis de ers grands potentats, que la
chose qu'ils desirenl le moins esl vostre grandeur en Italye el de
vous avoir pour voisin, el pour la conclure en peu de parolles, je
pense que, s'il esl nécessaire quelquefois de s'en servir, c'esl aussi
fort bien de s'en passer. Sue. Monsieur le Cardinal Caraffe arriva
icy jeudy quatorziesme bien lard el le lendemain on s'assembla en
[JANVIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 145
sa chambre pour parler dos affaires ou estoient Monseigneur le Duc
cl le Cardinal de Ferrare, Monsieur de Fourquevaulx el moy et fut
délibéré de ce que l'on auroil a faire pour l'avenir, de Monsieur de
Guise el îles provisions qu'il avoil mande par Monsieur de Fourque-
vaulx qu'on feisl desquelles je me remettray, Sire, sur ce que mon-
dil sieur le Duc et Monsieur <le Fourquevaulx vous en escripront;
mais je y voy, Sire, deux choses principalles, l'une de l'aire levée de
quatre mille hommes italiens, laquelle se l'ail en toutte dilligence
et se fera la masse a Castel franco l sur les confins de Boullongne (2)
et Modena, et fait on compte que la plus part sera emsemble
dans le vingtiesme de ce mois, pour après marcher sur les confins
du Parmesan el favorizer le passage de mondit sieur de (luise ainsi
que l'on verra les occasions si1 présenter ou bien pour aller expli-
quer la Rocque de S' Martin qui est dans l'état de Monsieur le Duc
et ou le sieur de ce lieu a mis quelques gens de guerre au nom du
Roy d'Espaigne. Mondict sieur le Duc m'a demandé argent pour le
paiement de son particulier et de celte masse qui se l'aict mainte-
nant pour vostre service; je luy ay dit que je n'avois pas un liard,
mais que j'attendois dheure a autre nouvelle du second depost qui
se debvoit faire a Venise sur lequel j'avois déjà emprunte trente
mil escus pour envoyer a Rome ou Ton commençoit fort a cryer
par faulte d'argent; cela ne luy a guère s pieu; toutesfois il s'est offert,
pour ce coup seulement, de prester el faire ladvance de ce quil
faudroit pour payer ceste masse, a la charge d'en estre remboursé
incontinent que l'argent dudit depost sera venu, désirant fort que
Vostre Majesté pourvoie au deppost de sa protection et a le faire
payer de ce qui luy est et sera doresnavanl deub, affin qu'il ne soil
tous les jours a dispu er avec vos ministres et quil n'aye a penser
qua vous bien servir. Je luy ay monstre. Sire, la dernière lettre
quil vous a pieu m'escripre sur ce propos la et il a bonne espérance
que Vostre Majesté ne luy manquera de rien comme aussi il ne
veult manquer de chose du monde a vous faire service ; l'aultre,
provision que mondit sieur de Guise ast de l'artillerye et de
grande quantité de boulletz el pouldres pour faire une batterye dont
je croy, Sire, que vous estes adverty; sil y veoit les occasions dis-
posées, ledit sieur Duc na pas faulte d'artillerye el en a déjà envoyé
sur les confins de son étal une lionne provision pour l'efi'ect des
susdict, et quant aux boulletz et poudres, il a offerl liberallement de
liailler tout ce quil en a, mais il n'en a pas si grande provision que
l'on eust bien pensé: il a bien force salpestre pour faire la pouldre
et dict qu'il y faict travailler toutte dilligence, mais il fault du temps
(1) Castelfranco, bourg d'Italie (Vénétie), à 2o kil. de Trévise, sur le Musone.
(2) Bologne.
146 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1556]
et du soleil dont on n'a gueres ceste saison. Monseigneur le Duc a
grande faulte de quelques ministres auprès dp luy qui le soulaigent
de beaucoup d'affaires et qui scaichent exécuter ce qu'il comman-
dera, et a fort pryé Monsieur de Fourquevaulx qui disoit n'avoir
aucune charge ne commission de Vostre Majesté dp demeurer par
deçà et sen vouloit retourner pn France, quil voulus! s'arrester icy
jusques a la venue dp Monsieur de Guise el cependant allpr mettre
ordre a ceste masse d'Italiens, a quoy ledit sieur dp Fourquevaulx
s'accordoit fort mal volontiers si Monsieur le Cardinal de Ferrare
et moy ne l'en eussent fort prie et remonstre le besoin quil en
estoit pour vostre service. Monsieur le Cardinal Caraffe sera icy
encore deux jours et puis s'en ira a Boullongne ou il se tiendra jus-
ques a ce quil aye nouvelles que Monsieur de Guise soil sur le Plai-
santin I ei puis il advisera de l'aller rencontrer pour delliberer ce
qu'on auroit a faire. Je m'en retournerai a Venise aussitost que ledit
sieur Cardinal sera party et que mondit sieur Dur me vouldra don-
ner congé, tant pour aller solliciter le faicl des deniers, que pour
voir comment ces seigneurs la l'entendront maintenant quils ver-
ronl une année vostre au milieu de l'Italye, el celle de Monsieur le
Mareschal de Brissac en Piedmont. Sire. Vostre Majesté aura veu la
lettre en espaignol que je luy ay envoyé par ma dernière depesche
de Venise; depuis ce Francesco Paçheco, qui devoit estre depesche
du Roy d'Espaigne, esl passe par Mantoue et Boulongne ayant
publye partout et la escript a Monsieur le Cardinal Caraffe qui ma
montré sa lettre comme il portoit la paix au Pape telle que sa Sain-
teté la voudra et scauroit désirer, et sollicitoit forl ledit sieur Car-
dinal de s'en retourner a Home pour la traiter, et conclure, de quoy
ledit sieur Cardinal se mocquoit a pleine bouche, el a dit devant
toutte cette compagnie ce quil avoit en -mi cœur, qui est. Sire-
ténue résolution de ne vouloir ni paix ni Lrefve, ni aucune sorte
d'accord jusques a ce que vous. Sire, le commandiez, et ne désire
qu'une bonne guerre puisque les choses en sont sy avant. 11 est ua\
que mon advis il n'est pas niarrv que nous voyons qu'il peull avoij
du Roy d'Espaigne toutes les condition- quil voudra pour le Pape
et pour -a maison particulière et par la nostre chance, car au lieu
que nous disons que vous, Sire, ne vous estes mi- en ceste guerre
iiv en peyne .pu- pour eulx, aussy il veult maintenant que dous
COgnoissons qu'il ne demeure eu guerre -mon pour VOUS rendre la
pareille et pour préférer vostre service an repos du Pape et au
sien particulier, et de sa maison, et m'en ayant touche quelques
mots, je croy que je n'ay rien oublié a luy dire ce qui en «'.-t. et
quil doibt bien estre certain «pie Imite- le- belles paroi les des
(1) Le territoire de Plaisance.
[FÉVRIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 147
imperiaulx ne sont que pour trahir le Pape et luy et les mettre en
désunion et deffiance avec Vostre Majesté pour en après les ehas-
tier a leur plaisir.
De Ferrare le xvnc jour de Janvier 1556.
Sire, depuis ceste lettre escrite est arrivé de Rome le boyteux,
présent porteur, et jay veu par la copie de ce que Messieurs vos
ministres escrivenl a Monsieur le Cardinal de Ferrare comme les
choses passent. Le Cardinal Carafa m'a aussi monstre ce que le
Pape et le Duc de Paliano luy escripvoient et quelques advis en
chiffres que un sien secrétaire Alanante, qui est en vostre lettre, luy
escrivoit lequel faict a ce que je voy fort bon office et voyt par la
ceux de Rome et le Cardinal fort contents de Vostre Majesté et
tous résolus a la guerre et n'avoir aucune volonté d'accord, si vous,
Sire, ne parles le premier et se voit aussi par celte nouvelle que
le Duc d'Alve estoit mallade a Naples et que le Roy d'Espagne ne
commande autre chose que l'accord et ses ministres eussent eu
besoin de quelques provisions pour continuer la guerre. Cela me
faict espérer que Monsieur le Mareschal Strossy qui est maintenant
en campaigne les trouvera asses mal pourvus et qu'il recouvrira
facilement ce qu'on avoit perdu, et Monsieur de Guise peut,
une fois passé en ce quartier, et Monsieur le Mareschal de Brissac
de son cote en campaigne, il me semble possible que vos
ennemis se trouveront bien empeschés. Aujourd'huy, Monsieur le
Cardinal Caraffe a baillé avecq les cérimonies accoustumées a Mon-
sieur le Duc de Ferrare et demain se partira ledict sieur Cardinal
pour Boullogne pour y attendre encore huict ou dix jours la venue
de Monsieur de Guise.
C'est de Venise ce dix septiesme de Janvier 1556.
(Ms. de Grenoble, f" 45 r<).
GABRE AU ROI
115. — [Venise], 4 février 1556. — Nous ne pouvons icy avoir
nouvelles de Monsieur de Guise, sinon par la voye de Milan, d'où
l'on a entendu comme il a pris d'assaut la ville de Valence (1), et
depuis la ville et Chasleau de Tortonne (2;, et quelques autres lieux
d'importance, quand ils seront fortifiés. A quoy Monsieur le Mares-
(1) Valenza, place du Milanais, dans le voisinage d'Alexandrie, prise en 1551 par
le maréchal de Brissac, puis reconquise par les Impériaux, puis enlevée à ces
derniers par le duc de Guise.
(2) Tortone, ville d'Italie, sur la Scrivia, à 26 kil. d'Alexandrie.
148 NÉGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1556]
chai de Brissac donne ordre, pour serrer entièrement le passage a
tous les vivres et marchandis ïs quon ponrroit porter de Lombardie
a Genncs el que mondit sieur de Guise continuoit songrand chemin.
Tous les advis que l'on a icy d'Allemagne sont, que l'on alloit fort
lentement a ces régiments, que le Etoy d'Espaigne faisoit lever, qui
sont, a ce qu'on dit, de quatre a cinq mil chacun. Le Doge(l) me dit
encores hier, que, par les advis quils ont de Trente, il n'y a encore
rien de prest. Le Cardinal Caraffe, qui est encores a Boulogne.
m'écrivit hier quil avoit lettres du Cardinal Farnèse -1 . comme
le Duc Octavio s'en alloit vers Plaisance donner ordre, que mondit
sieur de Cuise fut accommodé de vivres el de toutes autres com-
moditez sur le Plaisantin, pour sou passage. Je croy qu'ils feront
cette office la plus par force que par amour, e1 de crainte quil leur
en prist mal. s'ils faisoienl autrement; mais passe que sera le
danger, je croys qu'ils demeureront aussi hons Imperiaulx qu'ils
furent jamais : et si jen estois creu, Monseigneur de Guise logeroit
dans Parme par amour ou par foret', et ne seroi! pas mal aisé a
faire. Ces Seigneurs icy ont lait quelque crue dhommes darmes, e1
levé mil cinq cens hommes de pied, et sont tous les jours occupes
a tenir leurs Conseils: je les vais Noir quelques lois pour voir s'ils
ont quelque chose a dire : l'autre joui, quand ils eurent la nouvelle
de Valence, afin qu'ils n'entrassenl en crainte ne jalousie de rien,
je leur dis qu'ils se dévoient resjouir île la venue de cette armée la
en Italie et lui désirer tout lion euccez; que vous, Sire, ne la faisiez
passer sinon pour le bénéfice île vos amis et confederez, et que si
personne les vouloil fascher, il- se pourroient prévaloir et servir de
vostre armée, comme si elle estoit stipendiée d'eux mesmes. Mais
pour en dire ce que j'en croy, j'ay opinion qu'ils se passeraient
bien de moindre faveur et aimeroienl mieux voir plus loin, que si
près, tel voisinage.
Sire, je croy que du coste «le Rome, Vostre Majesté aura entendu
la prise du fort que les ennemis avoienl tait sur la Marine a la
bouche d'Ostie :'> : el voit on que Monseig* le Cardinal Strossy I
et Monsieur de Montmorency, qui sont maintenant en campagne,
ne trouvent aucune resi lance, sinon en quelque forteresse ou le
Duc d'Albe avoil laisse garnisons; et j'espère quils les recouvreront
1,1) François Venieri, élu le il juin 1551, mort le 2 juin 1556.
(2) Alexandre Farnèse, fils de Pierre-Louis Farnèse, né a Rome en 1520 Le
Pape Paul III. son grand-père, le créa cardinal a 14 ans II tut. ensuite, pourvu
simultanément tic sepl évêchés ci chargé par le Pape de diverses négociations
en France, en Allemagne et dans les Pays-Bas; mourut le -j mars 1589.
(3) Ostic, ville d'Italie, sur la rive gauche cl a ;; kil. cl demi de l'embouchure
du Tibre, dans la Méditerranée.
(4) Ribier a mis ici "le cardinal» pour » le maréchal* Stroz/.i.
[FÉVRIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 149
bien aisément l'un après l'autre, de sorte qu'a le bien prendre, Rome
ni le Pape n'ont plus grande haste de vostre secours, qui ne se peut
dire que trop grand, puis qu'a Home même nous dépensons quatre-
vingt mil escus par mois; et si au lieu de cheminer vers Rome et
Naples mondit Seigneur de Guise se tournoit vers Testât de Milan,
il est certain quil y l'eroit grand exploit, avant que l'ennemy soit
bien pourvu, et voit on bien quil ne le scauroit estre avant deux
bons mois. Mais je croy bien aussi que Sa Sainteté ni le Cardinal
Caraffe, comme gens qui suivent leurs passions, ainsi que les
autres, ne seront jamais content qu'ils ne voyent vostre armée dans
le Royaume de Naples, m 'ayant dit ledit Cardinal quand il estoit icy,
et sur nos distes disputes de la contribution, que par le traité de la
ligue, la guerre se doit commencer la, et me montra l'article qui en
fait mention; voulant par la inférer que quand l'armée de Monsei-
gneur de Guise feroit bien la guerre en la Duché de Milan, et hors
lePiedmont; que pour cela, le Pape ne sera tenu dy contribuer,
d autant que ladite guerre se doit commencer premièrement au
Royaume, et larticle qui fait après mention de la faire en Lombar-
die dit que s'il advient mutation de temps pour lequel il faille
changer la guerre en Lombardie ou en Toscane, alors Sa Sainteté y
contribuera; tellement qu'il prétend que cette mutation de temps
doit estre du consentement des deux parties, et non à l'élection de
celle de Vostre Majesté. J'ay bien opinion, Sire, que je leur diray,
que si l'on renforce Monsieur de Montluc de deux ou trois mil
hommes plus quil n'a, et quelque peu aussi de cavalerie, on en
épargnera trois fois autant aux autres endroits et armées, car il
tiendra les forces du Duc de Florence si engagées, qu'elles en pour-
ront abandonner son païs, pour courir sur l'Estat de l'Eglise ou de
Ferrare, comme il est fort a craindre qu'il fasse, mesmement ayant
un régiment d'Allemans qu'il fait venir, et cela seroit assez suffisant
pour divertir toutes vos autres entreprises, car, pour peu que le Duc
de Ferrare soit travaillé en son Estât, il aura bien a crier s'il n'est
incontinent secouru.
De Venise le 4 février 1556.
(RlBlER, t. il, p. 675).
GABRE AU CONNETABLE
116. — [Venise], 12 février 1556. — Monseigneur. 11 y a icy grand
bruit el grandz nouvelles de la trefve, el la tient on quasy pour cer-
taine; mesme on dit qu'il n'y avoit autre difficulté, sinon que vous
(50 NÉGOCIATIONS DE ^FÉVRIER 1556|
voliez la restitution de Hesdin(l) en rendant Mariambourgi2) et de
quelque pension de trente mil escuz pour le Duc de Savoye (3), en
attendant qu'on eust autrement accommodé les choses avec luy,
nous attendons sur cela de voz nouvelles en grand dévotion. J'es-
criptz au Roy tout ce qui se présente pour ceste heure par ceça et
vous envoyé. Monseigneur, des lettres de Levant : et. par ce que
m'escript Mr de Codignac, il semble qu'on peut tenir quasy pour
certaine d'Hongrie. Mr de Morangy est encore icy, mais il part ce
soir, et d'autant que son voyage estoit fort publié par deçà, jay
parlé a ces Seigneurs pour, s'il leur sembloit que le voyage ne i'ust
sans qu'ilz y voulussent pourvoir, pour le desplaisir que ee seroil
au Roy et au grand Seigneur sy tel présent alloit a mal, dont eulx
mesmes seroient les premiers marriz ; ilz ont esté d'oppinion, pour
remédier a tous inconvéniens, qu'il seroit fort bon de le faire accom-
pagner jusques a Ragusa d'une de leurs gallerres armée et sera force
que je face quelque présent au cappitaine de la dite gallerre, car ledit
Morangy m'a dit qu'il ne leur baillera rien des quinze cens escus que
je luy ay fait délivrer et qu il craint avoir faulte d'argent pour achep-
ter des chevaulx (pie le Roy luy a commandez. Je voudrois qu'il
m'eust cousle bonne chose et que ce présent fust desja arrive au
grand seigneur, car j'ay oppinion qu'il l'estimera fort. Je lay ici veu,
il me semble qu'il n'esl possible d'estre plus beau, il y a six muletz
aussy grandz et aussy beaux que j'en viz jamais.
De Venize, ce 12 février, 1556.
Monseigneur, aujourd'huy on a eu icy nouvelles d'une grosse e1
heureuse exécution que les nostres ont fuit a Vignal(4), en Piedmont,
sy la nouvelle que ces seigneurs en ont eue esl vray, c'est une
maulvaise Irefve pour les impériaulx.
T.iM. nal., Fr. 20644, fol. 78) copie).
(l) La ville de Hesdin avait été construite et fortifiée par le duc de Savoie.
Philibert-Emmanuel, en 1554, près de l'emplacement du vieux Hesdin que Châftes-
Quint avait fait raser.
12 Marienbourg, ville forte de Belgique iprès de Namur), prise par les Français
en 155 i, rendue aux Espagnols en 1559.
(3) Philibert-Emmanuel, fils de Charles III. né à Chambéry 1528 .duc de Savoie
(1533), servit Charles-Quinl lorsqu'il fui dépouillé de ses États par François l"
(1544), s'illustra au siège de Metz 1852), futinvesti du commandement des troupes
impériales aux Pays-Bas, gagna contre les troupes françaises, commandées par
Montmorency, la bataillede Saint Quentin 10 aoûl 1557 il recouvra son duché à
la suite du traité de Cateau-Cambrésis 1559 el épousa Marguerite de Fiance,
sœur de Henri II. Il mourut en 1580
(4) Vlgnâle, ville forte d'Italie, à 13 kil. de Casale.
FÉVRIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 151
GABRE AU DUC DE FERRARE
117. — [Venise], 13 février 1556. —Monseigneur. Je suis tout
confuz de ceste nouvelle de la tresve 1), laquelle les impériaulx,
par les advis qui viennent de Flandres, tiennent pour toute certaine
et asseuree. Je scay bien que mous, vostre ambassadeur dicy est
assez diligent pous avoir envoyé les dit advis; cela me gardera de
vous en fere redicte; seullement, vous diray je que de la court ja
nen veoy venir une seulle nouvelle et croy bien que vous serez le
premier aqui Ion en mandera la vérité, et si medoubte que nous nen
aurons aucun advis que aprez larrivée de monseigneur le Cardinal
de Lorraine, lequel, au compte que je faiz, sera arrivé a la court le xe
de ce mois, et sera en trois ou quatre jours pour prendre resolution
de toutes choses, tellement que nous naurons sa responce jusques
sur la fin du mois. Cependant les ennemys ont receu une maulvaise
tresve en Piedmont a la prinse de Vignal : quant a la depesche de
nions1' de Manne (2), qui est allé en France, monseigneur le Cardi-
nal de Tournon ma envoyé coppie de sa depesche, et ay veu, par la,
quilz sont en quelque crainte destre assaillizaRome, et si les enne-
mys l'entreprennent, je me doubte fort qu'ilz feront et peur et do-
maige a sa Sainteté tout a ung coup, car je ne veoy point que nos
remèdes soient si promptz comme ilz debvoient estre. Je vous en-
voyé, Monseigneur, la promesse signée de mon dit sieur le Cardinal
de Tournon et de mons. Davanson et scellée de leurs sceaulx; vostre
excellence les pourra garder toutes deux jusqu ace que jaille devers
vous pour retirer lautre. Quant a vostre monstre (3), jenvoyeray
commissaire et controlleur quand vous me manderez estre du tout
presl, et puis que nous sommes si avant, se pourra fere la monstre
pour février et pour mars tout ensemble. Cependant, viendront nou-
velles de la Court et sçaurons tous ce que nous aurons a fere. Je y
ay faict une depesche ny a que trois jours, mais je ny escripray plu
rien que je nay de leurs nouvelles. Je parlay l'autre jour a
lhomme que vous sçavez, dont le roy mavoit escript en chiffre, le-
quel a délibère de vous aller voir. Et je lenay fort exortépour ce que
(1) La trêve de Vaucelles, conclue pour cinq années, et signée le 3 février 1556,
.entre Henri II et Charles-Quint. De l'ait, elle tut rompue trois mois après, grâce
surtout aux intrigues du cardinal Carala.
(2) François de Bouliers, sieur de Manne, fut plusieurs fois envoyé en mission
vers le Pape par Henri II. (.Voir H. de Laferrière, t. i, p. 71;. — Abbé de Lerms
en 1575, évoque de Fréjus (1579;, abbé commendalaire de Honport au diocèse
d'Evreux, mort en 1587.
(3) Montre, revue passée pour le payement de la solde des troupes.
152 NÉGOCIATIONS DE "FÉVRIER 1556]
le roy Philipe vous escript une lettre en sa recommandation, et
mest roussi pour fort honneste el gentil seigneur: et vouldrois quil
eust déjà lhonneur el le lieu qui luv appertient, car je spererois quil
seroit ung jour vostre gendre. Je mesbahis fort que don Anthonio
no vous est encores venu veoir. Vous serez. Monseigneur, s'il vous
plaist. content daller ung peu retenu a faire vostre cavalleriejusques
ace que vous ayez commission expresse dû roy de la mettre ensem-
ble, et quilz vous ayent envoyé le pouvoir de lieutenant gênerai; car
silz lentendent dune façon et vous dune autre, ce ne seront que dif-
ferentz et au piz aller nous aurons dans la fin de ce mois,ouplustost,
advis de ce quon aura a fere. Je croy, Monseigneur, que vous aurez
bien entendu quelque faction qui est bien succédée a monsr deSou-
bize, ou il a este desfaict ung bon nombre de chevaulx légers des
enneinys, et y esl demeuré prisonier le capitaine Jehan Battista Mar-
tin. Les advis que ces seigneurs ont eu de Vignal contiennent que la
prinse de cette place a este fort sanguinolente et cruelle d'une par-
tie et d'autre.
Monseigneur, estant sur ce poinct de lettre, jay receu ung paquet
de Lyon du 11e de février, ou il nya une seulle mention de trefve el
n'est d'ung de noz tresorierz que jattends icy dans deux ou trois
jours.
De Venize ce xme de février 1556.
Arch. de Modène. Arch. de la famille Fieschi
M. I) AI.ES. SECRETAIRE DE I. ÉVEQUE DE LODEVE, Al' CONNÉTABLE
118. — Venise], I / février 1556. — Monseigneur, depuis que
Monsieur l'ambassadeur esl party de ce lieu pour aller trouver Mon-
seigneur de Guise, il n'est rien survenu de nouveau digne de vous
escripre, sy ce n'est, depuis deux jours, que ces seigneurs oui eu
lettres d'Andrinople ou le Grand Seigneur se trouve du 6e de janvier,
par lesquelles il/ on1 a<l\is que le dit Grand Seigneur armoil gran-
dement par terre el par mer, resolul d'aller en personne, ou d'en-
voyer ung de ses premiers principaulx chefz taire la guerre eu
Hongrie, a ceste prime vere el qu'il sortiroil une armée de mer de
quatrevingt a cent gallaires, a la préparation desquelles on travail-
loit en toutte dilligence, ayanl déjà este envoyé le commandemenl
et les commissaires dudil Grand Seigneur pour faire les provisions
des biscuitz el des hommes de resme I . El pour ce, Monseigneur,
qu'il n'esl riens venu de Monsieur de Codignac avec ladite despeche
(1) Les hommes de rames.
[FÉVRIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 153
ne par autre voye, jay este ce matin a la Seigneurie pour entendre
lesdits adviz a la vérité qui m'onl este leuz, el monstrez, de la
sorte, que la dessus, hormis qu'ilz ne disent rien de l'allée en
personne dudil Grand Seigneur, encore que par autres lettres
que j'ay veues escriptes a particulier, on escripve cela pour tout
certain: de quoy, Monseigneur, je n'ay voullu faillir vous es-
cripre suivant ce que Monseigneur l'Ambassadeur me commanda a
-ou parlement, présupposant aussy que vous serez bien aise den-
tendre cesle nouvelle comme chose qui pourra aider et faciliter
de beaucoup la négociation de Mr de la Vigne a son arrivée a ceste
porte la. L'on faisoit compte que ledit sr de la Vigne n'y deusl ar-
river plustost que le 8e ou le 10e de ce mois, mais a ce que j'ay icy
entendu, d'aulcuns qui le rencontrèrent a six joui nées de la Despa-
latto(l) il y faisoit si grande dilligence qu'il y sera arrive'1 le 2e pour
le plus long. Il y aura, Monseigneur, avec la présente, ung extrait des
plus fraisches nouvelles qu'on a icy de Trente sur la levée et pas-
saige des Lansquenetz que le Roy d'Angleterre fait descendre en
Italie. J'en envoyé aultant par ceste despeche a Monseigneur le Ma-
reschal de Brissac comme j'ay fait aussi a mondit sr l'Ambassadeur.
De Venize ce 14e de février 1556.
[Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 80) (copie).
CABRE AU DUC DE FERRA RE
119. — [Venise], 19 février 1556. — Monseigneur, Hier matin,
j'euz une dépesche du Roy et de Monseigneur le Conestable, dont
je vous envoyé la copie, et par là verrez confirmation de la nouvelle
que vous aviez entendue de la trefve, dont on entendra les particu-
laritéz par la publication de ladite trefve qui sera bientosl envoyée
par deçà. Ils ont dépesche corrier à Rome aveemesme advis el croy
bien que par ledit corrier Vostre Excellence aura eu aussi lettres ou
du Roy ou de vostre ambassadeur. Monseigneur le Cardinal de Lor-
raine n'estoit encores arrivé du temps de la conclusion ne de ceste
dépesche, et pourroit bien estre qu'ilz onl remisa von- fere entendre
leur intention sur toute- choses,jusques aprèz qu'il- auront ouy parler
ledit Sr Cardinal, lequel pour certain y sera arrivé le \' de ce mois.
Dans le x\\" jour, le plu- tard, nous aurons une dépesche concluante
et résolutive des altères d'Italie, et de la façondonl ilz entendent les
gouverner durant cesl trefve, el n'y sera, à mon advis, oblié ce
qu'ilz veullent fere de vostre particulier, dont il me semble. Mon-
1) Probablement Spalato, ville et port de la Dalmalie sur un golfe de l'Adria-
tique, à 115 kil. E.-S.-O. de Zara.
14
154 NÉGOCIATIONS DE FÉVRIER 15561
seigneur, que je vous veoy en quelque peyne par les dernières
lettres qu'il vous a pieu m'escripre, que je receuz lundi matin.
Je vous en escripviz. comme vous aurez veu, mon advis franche-
ment et librement, comme vous sçavez que je suis en possession
de vous parler, et me sembleroit ne vous estrebonet vray serviteur,
comme je vous veulx estre, si je changeois de façon de fere et vous
dire une chose pour en penser une autre. Mais, comme 'lit saincl
Pol quant il conseille les mariaiges, consilium <1<> et non preceptum,
car je ne vous parle point de telles choses comme ministre du Roy.
n'en ayant aucune charge, mais comme vostre serviteur particulier.
Je vous diz,encoresungcoup, que vous debvez plus penser à la partie
honnorable que à la profitable, el que vous estez aujourd'hui seul
entre les princes de la chrestienté, qui, a moins d'occasion de penser
a gaing d'argent, car on sçait, Dieu mercy, que vous n'en avez
point faulte, et je eroy que si en nostre court pensoienl qu'il vous
failleust continuer tout l'entretènemenl promis par vostre cappitu-
lation, sans entrer en guerre, ne fere aucun service, qu'ilz se feussenl
resoleuz de vouloir plustosl continuer la guerre. Mais n'axant ac-
cepté ceste trefve el cesl accord que pour se mettre hors de des-
pence, a grand peyne vouldront-ilz entrer en celle de vostre traicté,
puis que de leur part ilz peuvenl dire De vous avoir jamais pi
de vous déclairer, De vous avoir donné charge d'une seulle chose de
leur service; Je jurerois bien que s 'ilz veoyenl au conseil de Sa M
que par la rigueur il" la loy il/, soienl obligez à vous observer ledit
tracté, qu'ilz n'y feront jamais faulte ne difficulté, car vous sçavez
combien le Roy esl prince juste el de sa parole, mais s'ilz onl prins
opinion que par 1rs raisons de droicl el de justice ilz ne soienl obli-
gez à l'observation du dil tracté, je croy qu'ilz s'en voultront démes-
ler. Parquoy pour D'entrer en différentz el mal contentemenl d'une
part ny d'autre, je louerois forl que Vostre Excellence n'en puni de
soy opinion de si ny de dod, laissant ce jugement à gens de conseil
et de loix : si d'aventure on y prenoit résolution contrere à vostre
intention, et quelque foiz il es1 bon de donner libérallemenl ce
qu'on ne peiilt vendre. Ce que je vous en diz, Monseigneur, est par
manière d'advis, estant tout asseuré qu'ilz De vous feront jamais
tort, et qu'ilz mettrout tonte peyne de vous tenir content, el par la
première dépesche qui viendra de la court, dous verronstoul ce qui
en ile]i\ ia estre, el de ma pari je seraj forl aysé que toul passe avec
vostre contentemenl el y feray toutjour tous les meilleurs offices
que je pourray.
De Venize, ce xi\c de février 1556.
vcii. ,|.' Modène. \ i «ii . de la famille Fieschi .
FÉVRIER 1556 DOMINIQUE DU GABRE 1 .".">
GABRE AU ROI
120. — [Venise], .2 4 février 1556. — Sire, j'ay esté ces jours pas-
ses trouver Monseigneur de Guise, ainsi quil arriva sur lestât de
Monsieur le Duc de Ferrare ayant eu commandement de luy de
l'aller trouver, et ne vous escriray rien de ce qui fut la resoleu, el
conclud pour ce que Monsieur de Lanssac se trouva présent a tout
et tut depesché de mondi sieur de Guise pour vous aller faire rapport
de touttes choses. Depuis, fnondit sieur de Guise a passe par Ferrare
et après avoir reveu son armée a Boullogne(l), j'entends quil a pris
la poste pour s'en aller a Rome, conférer avec le Pape, des entrepri-
ses" ou son armée doibt estre emploiee, cl cependant ladite armée
s'achemine tout bellement par la Romaigne, côtoyant la Toscane de
façon qu'elle tient tousjours en crainte el suspens le Duc de Flo-
rence et donne réputation a la négociation pour laquelle Monsieur
de Vienne (2) a este despeché. Monsieur Viallart (3) est venu icy
visiter cette Seigneurie de la part de Monsieur de Guise, et a esté
bienvenu et caressé comme vostre ministre; nous avons icy dresse
quelque mémoire du règlement des despenses de deçà et comence
•l'on ce mois de mars a paier les garnisons de Monsieur le Duc de
Ferrare, car autrement il faisoitde grandes crieryes cl protestations,
mais on a remis ce qu'il prétend luy estre deub depuis le mois de
.Novembre a la despence de celle levée de gens de pied quil a faicl,
a luy en estre baillée assignation par Vostre Majesté; quand il eu
baillera ses parties. Vostre Majesté pourra taire voir a son Conseil
ce qui sera raisonnable et loyaulment deub, mais si le Pape fournisl
de sa part à ce quil doibt contribuer, je veoy quilypourra avoir assés
dargent pour Avril et pour May. Si aussi sa Sainteté ne peult fournir
sa part, comme je crains fort qu'il ne puisse, on se trouvera fort
court esdicts mois d'Avril et de May. Quant a ces Seigneurs, Sire, je
ne les veoy encores remuer ne esehauffer de rien; on leur lient tou-
(1) Bologne.
(2) Charles de Marillac, néon Auvergne vers l.ïio, avocat au Parlement île
Paris, ambassadeur à Constantinople ; à son retour en France, conseiller au
Parlement de Paris, ambassadeur en Angleterre en r.:>s. maître des requêtes
en 1541, évêque de Vannes (30 octobre 1550 . archevêque de Vienne \ï\ février
1556), ambassadeur à Rome, ensuite à la dicte d'Augsbourg en 1559; mort le
2 décembre 1S60.
(3) Michel Viallart, seigneur de la Foresl etdeSivry, lieutenant civil au Châtelet
de Paris (20 janvrier 1546,, maître des requêtes -i\ août 1553;, président au
Parlement de Rouen (septembre 1567 : mort assassiné le 9 avril 1576. Il lui
ordonné pour la justice el conseil du duc de Guise en Italie (1551). (liibl. nat..
Fr. 10395, toi. 169 et suivants).
156 NÉGOCIATIONS DE rFÉVRIER 1556",
jours de vostre part tous lengaiges honnestes et honorables, et ils
nous rendent aussi de fort belles parolles; ils mont communicqué
leurs advis de Levant du xie janvier, par lesquels on asseure que le
Grand Seigneur avoit commande gens de rame pour armer cenl
gallères, qui faict espère que Monsieur de la Vigne ne trouvera
grande difficulté a obtenir l'issue de l'armée pour favoriser vos
entreprises : quant a la guerre d'Hongrie, ils escrivent nomement
quil s'en parloit diversement et que cella n'estoit pas bien resoleu.
Quant à la descente d'Allemans pour le R.03 d'Espaigne; il n'en est
encores passes que trois mil cinq cens ; on diet bien qu'il en vieni
beaucoup d'autres, mais il ne s'en voit encores grande apparence;
de la guerre de Rome je croy que Vostre Majesté en esl asses adver-
tye, par quoyje n'en feray icy autre redite.
De Venise ce vingtquatriesme de febvrier 1556.
Hs. do Grenoble, fol. 66 r°).
GABRE AU ROI
121. — [Venise], 27 février 1556.- Sire, Scipion de Castro,
venant de parler au personnage principal de la praticque que scavez,
m'est venu retrouver ie\ a mon retour de Mons< igneur de Guise et
m'a dit mu' nouvelle resolution dudil p rsonnaige, tant prompte a
exécuter sans y îiiellre rien du vostre, sinon après le faict, que je
n'ay peu a la grand presse qui m'ena esté faite, refuser de l'escouter
et m'a semble ne devoir rien nui. dure ny exclure sans le consente-
ment de Monseigneur le Mareschal de Brissac et son bon conseil <pu
est cause que je depesche exprez Monsieur de Chemans qui estoil
icy avec moy pour aller conférer toul le négoce avec le dit sieur
Mareschal, el delà aler passer vers Vostre Majesté si ledit sieur
Mareschal le trouve bon. pour vous faire par le menu entendre tout
ce qu'on m'a proposé el l'advis dudit sieur Mareschal, pour après
que chacun aura entendu vostre bon plaisir, surtoul se disposer de
l'ensuivre, et si ce Scipi lit vérité et que le personnage aye la
mesme intention qu'il m'a rapportée, je croy, Sire, qui' bientost il
s'en entendra ou le bien ou le mal; et n'estant ceste lettre que pour
autre etlel que pi.lir VOUS supplier Ile- Il 11 lllbleineii I de donner |o\
ei créance audit Chemans qui esl ûdelle, dextre,et hommede I nés
qualité/.
De Venise ce '21 lévrier 1556.
hil.l. 11.1l.. Fr. 20644, fol. 96 copie .
[FÉVRIER 1556] DOMINIQUE DU GABRE 157
GABRE AU CONNÉTABLE
122. — [Venise], 28 février 1 556. — Monseigneur. Il vous plaira
veoir par ce que j'escript au Roy, la réception de vostre advis de la
trefve et le contentement 1res grand que ceste seigneurie en a mon-
tre; depuis, j'ay dèspeche en Levant, suivant ce que me commandez
avec le pacquet du Roy, qu'il m'a semble y devoir envoyer en dilli-
gence, pour ce que j'ay eu Ici Ires que Villemontée estoit desja arrivé
la, et si le Grand Seigneur se resolvoit à sortir son armée ilz com-
menceront de ceste heure a la préparer, et entreront en grande
depence pour ces(e cause. J'ay fait partir le sr de Chemans qui estoit
icy avecques moy aussitôt que les ventz ont permis de sortir de ce
port, et m'asseure qu'il fera bonne dilligence car, il esl homme de
service et nest que bon de faire apprendre atelles gens ce chemin
la pour s'en pouvoir mieulx servir quant le Royenaurabesoing.il est
vrai. Monseigneur, que nous sommes icy tous en peine et suspens
de ceste trefve, voyanl que la seconde nouvelle publication demeure
tant a venir, et aussyque l'ambassadeur de l'Empereur dit n'en avoir
receu aulcunes nouvelle de son maistre; d'ung autre coste, je pense
que s'il y estoit survenu nouvelle difliculte, et que vous vissiez les
ennemis procedder avec finesse et malice, que vous en donneriez
incontinent advis aux ministres de deçà pour essayer de ne laisser
perdre les serviteurs et amis du Roy, mais de les maintenir en bonne
volonté, et pour contremander en Levant. Par ainsi je yeulx toujours
croire que Dieu aura tant favorisé le Royet sonroyaulme de luy don-
ner ce repoz.et nous ne pouvons rien délibérer ne résoudre par deçà
que nous n'ayons de voz nouvelles. Je voy que Mr le Duc de Ferrare
continue a faire ses hommes d'armes, et me somme tous les jours
d'envoyer faire la montre de toute la garnison, mais ce sont choses
ou je ne toucheray en façon du monde sans attendre de vos nou-
velles, et ne vous en diray aultrement mon advis, sinon que je pense
«pic vous mettrez en considération l'importance de son traité el de
son service du passe, du présent et de ladvenir; et vous ferezenten-
dre comme vous entendez de vivre avec luy, eu ras de paix, de guerre,
ou de trefve. Vous avez, Monseigneur, avec la présente un pacquel de
Levant el autres de Rome.
De Venise ce 28 Février 1556.
Monseigneur, il esl icy venu quelques advis de Flandres qui con-
firment la trefve, dont je vous envoyé copie emsemble de quelques
autres advis que cette seigneurie a eue dernièrement de tiennes et
de Milan; par ou vous verrez, s'il vous plaist, la perte, que les impe-
riaulx ont faite de dix de leurs gallères.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 97) (eopie).
158 NÉGOCIATIONS DE FÉVRIER 1556
GABRE AL' DL'C DE FEKKARE
123. -- [Venise], 29 février 1556. —Monseigneur, Je vous ren-
voyé la lettre dernière qu'il vous a pieu m'escripre, suyvant ce que
vous m'en avez mandé, et me desplaist de vous veoir en peyne pour
chose que par adventure n'en sera nul besoing. Car. si la trefve n'a
point de lieu ou qu'il y feusl survenu quelque difficulté, comme il
est à craindre, veu que la seconde nouvelle demoure tant à venir,
les choses traictées de deçà passeront sans nulle difficulté, et s'il y
aura paix ou trefve, il fauldra veoir comme chascun entend son
faict, et possible qu'ilz prendront toutes choses de leur cousté selon
vostre désir, et qu'il n'y aura aucune contradiction. Je leur ay veu
fere beaucoup d'autres choses semblables à ceste-là,que je ne veulx
pas nommer par leur nom. mais si d'adventure ilz veullent fere
comme vous, Monseigneur, soit ditavec suportation, de penser seul-
ement à leurs afferes el ne se soulever de ceulx d'aultruy que bien
à point, je vous asseure qu'on n'auroit pas faulte de bonnes res-
ponces à tous voz argumens. Je vous veulz bien asseurer que bien
leur servira s'ilz trouvent el les argumens et les responces, car je
ne toucheray pas ceste corde-là ny prèz ny loing, et ne prenez pas
opinion, Monseigneur, que je soye pour en escripre un. seul advis,
ne d'y fere le bon varlet pour gaigner leurs bonnes grâces, car d'en
escripre à vostre préjudice je ne le t'erois jamais : d'en escripre
aussi en vostre faveur, il fault pour infini/, respeetz que je m'en
garde comme du f«_u (1), qui a esté cause que j«' n'y volu rien es-
cripre à la Court depuis la nouvelle de la trefve, afin de les veoir
parler de vosire faicl les premiers. Mais, je feuz contrainct, avant
hier, d'y fere une dépesche, et y en touchay quelque mot le plus so-
brement que je pouvois et vous en envoyé nne copie, afin que vous
voyez par là que je n'y puis rien avoir gasté, mai-, plustosl accom-
modé les choses à vostre intention, sans m'y monstrer passionné
ne intéressé. De vous avoir mis en avanl les difficultéz el doubtes
que je y ay faict, je cuyde certainement avoir faict en cela l'office
que doibt tout bon serviteur peur son maistre, h si cuyde avoir
faict plus pour vous que pour luy, et je sçay que vous louerez mon
intention qui est très bonne en vostre endroict, niais que vous
m'ayez ouy. Il est impossible que nous ne sçaichons bien tost
comme tout doibt passer, el si les choses seronl comme vous les
{i) Depuis les observations qu'il avail reçues en mars 1553 au sujel de négo-
ciations entamées, en vue d'une ligue, avec Hercule II, Dominique «lu Gabre vivait
dans la crainte d'être soupçonné de complaisance envers ce prince.
[MARS 1556] DOMINIQUE DU GABRE 159
désirez, je vous prometz ma foy, Monseigneur, que j'en seray fort
aysé, et s'il passent autrement j'en seray fort marry. Incontinent
que nous aurons nouvelles certaines de leur intention, je vous iray
trouver, et Vostre Excellence ne me trouvera jamais en faulte aux
choses qui luy toucheront, et la suplie de me tenir pour personne
sincère et >i franche que je ne sçaurois dire une chose au contrere
de ma pensée. Je ne veulx dire pour cela que je ne puisse avoir des
opinions fallaces comme tout homme peult avoir, car la perfection
est en Dieu seul.
De Venize, ce xxixe de février 1550.
(Arcli. de Modène. Arcb. de la famille Fieschi).
GABRE AU CONNÉTABLE
124. — [ Venise], 4 mars 1 556. — Monseigneur, je vous escripviz
hier, par Monsieur de Fourquevaulx, et depuis j'ay receu ung pac-
quet de Monseigneur le Cardinal de Tournon qui m'en recommande
fort la dilligence, et, s'en retournant en France, ung secrétaire du Roy
de Navarre (1) qui m'a dit voulloir aller en dilligence, je luy ay
baille ceste despeche, Monseigneur, par laquelle je n'ay aulcunes
nouvelles a vous dire, sinon qu'il semble que Monsieur le Mareschal
Strozzi et Monsieur de Montmorency ne sont plus en campaigne et
ne sont point allez a l'entreprise de Neptune par faute de munitions
pour leur artillerie, et, au demourant, la pralicque de Florence est
tant publiée a Rome qu'il ne sy parle d'autre chose, et ung de ceulx
qui en scavent quelque chose, m'escript qu'il a bien peu d'espérance.
Je croy que Monseigneur de Guise soit avec le Pape de ceste heure
et qu'on prendra quelque resolution d'employer la ou la, ceste pau-
vre armée, laquelle me mande de rien, demeurant si longuemenl
sans faire aultre chose (pie cheminer. Ces Seigneurs icy n'entendent
a autre chose que a jouir de leur repoz accoustumé, et de Levant
il n'y a rien de nouveau.
De Venize ce i de Mars 1556.
l'.ilil. nal.. Fr. 20644, fol. 101 copie .
GABRE AU CARDINAL DE TOURNON
125. — [Venise], 6mars 1556. — Monseigneur. J'ay receu les deux
lettres qu'il vous a pieu m'escrire du pénultième du passe, et ayl été
fort ayse de la visite et consolation que vous avez eu de Monseigneur
(I) Antoine de Bourbon, époux de Jeanne d'Albret et père de Henri IV. Il avait
recueilli en 1555 la couronne de .Navarre à la mort de son beau-père Henri d'Albret.
160 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1556"
le Cardinal Caraffe et Duc de Guise. On parle icy de la praticque du
Duc de Florence comme si elle estoit du tout escluse. M ayant Ion
asseuré que le perre alla hier en Seigneurie avec lettres et commis-
sion pour dire que son maistre n'en avoit jamais ouy parler et s'es-
bahissoit fort d'où estoit venu ce bruicl ; de Rome, on m'escrit aussi
quil nen fault experer rien qui vaille. De sorte que je voudrais de
bon cueur qu'il n'en eut jamais été mention, ou que Ton eust laissé
mener cella au Pape sans y mettre rien du Roy, ni de sa réputation;
encores n'auray-je pas grand regret a la honte pourveu que ledil
Duc eust le dommage et le châtiment qu'il mérite. Je crois que. des
cette heure, Monseigneur de Guise doit avoir pris quelque honne
résolution avec nostre Saint Père pour employer cette armée en
quelque lieues sans la faire plus consommer en despense inutille et
a voyager. J'envoyai hier vos pacquets pour la Court et pour Lion
par un secrétaire du Roy de Navarre qui s'en esl allé <mi diligence,
estant venu par deçà pour un inconvénient advenu entre Monsieur
de Nemours (1) et Mademoiselle de Rohan (2), et luy ait fort recom-
mandé vostre pacquet. De la Court, jen'ay aucune nouvelle de Levant,
mais d'heure a autre, j'attends lettre de Monsieur de la Vigne. Je
crois, Monseigneur, que vous soyés des cette heure a Pozero et ne
(1) Jacques de Savoie, duc de Nemours, né le 12 octobre 1531 à l'abbaye de
Vauluisanl (Champagne . (ils de Philippe, duc de Savoie, el de Charlotte d'Orléans-
Longueville. Il se distingua au siège de Lens 1552 . à Metz 1553 . servit en Italie
et en Flandre, fui nommé colonel général de la cavalerie légère, combattit les
protestants pendant les guerres de religion, mourutle 15 juin 158.:;. — Brantôme
(Vie des grands capitaines, édil Lalanne, t. iv,p. )fii-8"î dit de Jacques de
Savoie qu'il fut en son temps un des plus parfaicts el accompliz princes, sei-
gneurs et gentilhommes qui furent jamais. Il était, en outre, un prince élégant,
arbitre de la mode à son époque, el c'est lui que Madame de La Fayette a pris
pour type de son héros dans la Princesse de Clèves.
(2) Françoise de Rohan, fille de René de Rohan, I" du nom. el d'Isabelle d'Àlbrel
(fille de Jean d'AIbret, roi de Navarre). Elle étail cousine germaine d'Antoine de
Bourbon et de Jeanne d'Albret. L'« Inconvénient» auquel du Cabre l'ait ici une
indulgente allusion, et qui lit grand scandale à son époque est le suivant : Françoise
de Rohan, confiante dans la loyauté du duc de Nemours, el sur la foi du serment
qu'il lui avait fait de l'épouser, avait cédé à ses sollicitations, étail devenue
enceinte de ses œuvres ei avait accouché d'un fils. Nemours, qui accompagnait le
duc de (luise en Italie, fut averti de ce! événemenl etmisen demeure d'épouser
M11» de Rohan; mais le séducteur occupé, au dire de Brantôme, à courir les
grandes liâmes el les courtisanes d'Italie, se déroba à son devoir el délaissa la
jeune mère. Françoise, outrée, demanda la légitimation de son lils à la justice
devant laquelle elle n'hésita pas à l'aire la preuve de son déshonneur. Ce pro
commencé le 21 janvier 1558, dura jusqu'en 1565, date à laquelle les conclusions
de Françoise furent repoussées. (Voir sur ce curieux épisode l'étude remarquable
de M. H. dk La Ferrière: •Une Cause célèbre au w r siècle: Françoise de Ko/m h ».
parue dans la Revue des Deux Mondes, livraison du !" octobre 1882).
[MARS 1556] DOMINIQUE DU GABRE 161
voy point par vos lettres que vous faciès mention d'en partir: je
croy que ce n'est que bienfaict de ne voyager point durant ces froids
et temps inconstant, et aussy vous verres cependant quel parti pren-
dra mondict Seigneur de Guise pour employer son armée; et c'est,
Monseigneur, tout ce que je vous diray pour cette heure, après vous
avoir présenté mes très humbles recommandations.
De Venise ce vie de Mars 1556.
Ms. de Grenoble, fol. 101 r).
GABRE AU DL'C DE GUISE
126. — [Venise}, 6 mars 1556. — Monseigneur, j'ai receu une
lettre qu'il vous a pieu m'escripre pour regarder de trouver icy deux
barques ou frégates armées, pour accompaigner par mer vostre artil-
lerie. J'en ay déjà parlé, attendant que vous me donniez plus libre
commission comme il vous a pieu me mander, et ay trouve homme
suffisant qui mènera deux barques a huit rames chacune, y. aura
buit bons vogueurs et ung bombardier (1) et veult pour leur sallaire
et despens soixante dix escus pour barque le moys, et dix escus pour
un chef desdites deux barques, qui sera pour chacune barque lxxv
écus et s'il vous plaist qu'il y aye quelques mosquetz (2) ou petites
pièces d'artillerie, on en prendra a ceste vile a louaige, lequel il veut
qu'on lui paye emsemble la pouldre qu'il y faudra. Je croy bien que
a Anconna on trouveroit assez de ceste petite artillerie sans la louer
icy: il se parloit en ceste ville si publiquement de la pratique de
Florence, quant je feuz ici de retour, que on la tenoit pour toute con-
clute et accordée, mais maintenant on change de langaige et dit on
quelle est du tout rompue et excluse et que le secrétaire de Florence
qui est icy. fut hier matin en seigneurie avec lettres de son maitre ;
dire que jamais son dit maitre n'avoitouy parler de cette pratique et
s'esbahissoit fort dou estoit sourty ce bruit. Si est ce Monseigneur
que je pense que vous aurez prins en toute chose quelque bonne
et saige résolution avec Sa Sainteté, pour ne laisser plus perdre de
temps a vostre armée, qui me faict pitié, la voyement si longue-
ment demeurer sans estre employée. Icy, Monseigneur ne s'entend
de rien de M. le Mareschal de Bressac. ny de Levant ou jay escript
et continuera}- encores par toutes les occasions qui se présenteront
(1) Bombardiers : nom donné aux hommes préposés au service des canons ou
bombardes et des mortiers.
(2) Mousquet: arme à feu introduite en France en 1527: ne fut, tout d'abord,
employée qu'à l'attaque, sous le nom d'arquebuse à mèche. Plus tard, le mous-
quet fut perfectionné, et, en 1567, il remplaça définitivement l'arquebuse.
162 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1556]
ce que vous desirez, mais il ne peut tarder que je n"ay bientost une
despeche de M. de la Vigne, dont je ne fauldray incontinent vous
donner advis. Je despeche ce porteur avec tout le reste de vostre
assignation pour le moys de Mars, ayant retenu ce qu'il faut pour
les garnisons de Ferrare et de la Mirandola, et dez ce aujourd'huy je
faiz partir les clercz pour aller audit Ferrare. Oultreque Ion dit que
nous aurons icy demain Monseigneur le Duc, lequel, comme je croy,
n'a pas intention de me faire grande communication de ce qu'il y
vient faire, car jamais ne m*a rien mande de sa venue. Je le lairray
faire et donneray bon advis au Roy de ce que je verray et entendray.
Au reste, Monseigneur, vous pouvez faire estât que, pour Avril et
pour May, le tiers du dépôt qui etoit icy ne vous manquera point,
qui sera pour chacun mois xvim vic lxvi écus et ne reserveray pour
Ferrare aux autres mois, sinon ce que vous me commanderez, car
de la court il ne m'a jamais ete commande luy payer ung seul escu,
et afin que vous puissiez. Monseigneur, veoir comment et en quelle
sorte toute votre assignation vous est envoyée, j'en ay mis dans
ceste lettre un petit estât, qu'il vous plaira bailler a Monsieur Vialart,
pour le vérifier avec les comptables qui sent auprès de vous, et
n'ayant. Monseigneur, nature de quoy vous faire plus longue lettre,
je la finiray de mes très humbles recommandations a vostre bonne
grâce.
De Venize ce vie de Mars 1556.
l'.iM. nul.. Latin L7026, toi. 184) (originale).
ilABRE AT CONNETABLE
127. — [Venise . 13 mars 1556. Monseigneur, je vous envoyé
uur lettre de Paquier l . commissaire ordinaire, que Monsieur de
Guiseavoil laisse auprès de Monseigneur le Duc de Ferrare, lequel
vienl de me dire aujourd'huy que ledil sieur Duc luy a tenu un
langaige aujourdhuy forl farouche el ^\^ protestations si l'on ne
mettoit entre ses main- le payement de ses garnisons pour ce mois
de mars, et ma dicl aussy que Monsieur le Prince luy avoil dicl
a Ferrare qu'on faisoil tant de difficultés, que bientosl on feroil tant'
une bonne folie a Monsieur le Duc son père; ledict Pasquier luy a
repondu que des le premierjour de Mai- javois tait mettre es mains
du Trésorier douze mille escus pour paier sesdites garnisons, des-
quelles il avoit faict la monstre et estoil prest "l'en faire le paye-
ment a la banque suivanl lordonnance du Roy, laquelle ses ministres
\ndir Allemand, sieur de Pasquier, commissaire ordinaire des guerres à
l'année du duc de Guise en Italie. Bibl. nui.. Fr. IU395, toi. 8
[MARS 1556] DOMINIQUE DU GABRE 163
ae pouvoient rompre sans commandement exprès de sa Majesté;
mais il n'y a ordre que ledit sieur Duc se veuille contenter s'il n'a
l'argent entre ses mains. Sa façon de procedder el sod parler m'a
l'aict craindre qu'il aye quelque mauvaise fantaisie de se retirer du
service du Roy; il ne me parle aucunement de son particulier et j'en
laisse faire audit Pasqûier : touttefois nous le observerons de façon
et avec si grande sumission qu'il n'aura juste occasion de se plain-
dre que de luy mesme.
De Venise ce xme Mars 1556.
.M s. de Grenoble, fol. 58 r°).
GABRE AU CONNETABLE
128. — [Venise], 13 mars 1556. — Monseigneur, je reçus hier les
lettres qu'il vous a pieu m'escrire du premier de ce mois avec le
discours imprimé de la rupture de la trefve, lequel j'ay leu et
trouvé a mon gré aussy bien l'aict qu'il est possible; je le traduiray
enltalyenp our mieux le publier par deçà; il a pieu aussy au Roy et a
vous m'escrire une seconde fois des quinze cens escus de Monsieur
de S1 Ciergue, et je ne vous supplye très humblement, Monseigneur.
m'excuser si je vous ay respondu a la première et croire que ce n'a
point esté pour n'avoir este dilligent et soigneux a faire tout ce
qui m'en a este commande, car la Seigneurie fera tousjours bon
tesmoignage du debvoir que j'y ay faict et je vous puis asseurer,
Monseigneur, que ce négoce seul me donne plus de peine que tous
les affaires du Roy emsemble; et si n'en puis venir à bout. J'en
parlay a la Seigneurie aussy tost que j'eus la première lettre du
Roy, mais pour ce qu'ils ne peuvent ny doibvent faire cette delli-
vrance sans ouyr la partie qui a faict séquestrer cet argent, il a fallu
plaider par advocats devant la Seigneurie, encores que la partie aye
fait tous ses efforts de tirer la cause devant leurs juges, ce qui fust
toujours empesché soubs la faveur du nom du Roy. La venue icy du
Cardinal Caraffe et mon allée par deux ou trois fois a Ferrare au
camp, ont faict defferer ce jugement et la responce de la Seigneurie.
tant pour les occupations que eulx mesmes avoient. que pour les
mesmes, et ayant icy faict consultation avec les advocats, ils furent
aussy d'advis de lever une sentence que Monsieur de S1 Ciergue
avoit obtenu a Rome contre celte partie icy, laquelle Monsieur le
Cardinal d'Armagnac m'a envoyée moyennanl vingl cinq escus. que
j'en ay payé et fallu attendre quelques mois pour la recouvrer final-
lement. Il y a cinq jours que je lis encores appeler la partie et fismes
une longue playdasserye devant la Seigneurie, et devant que les
advocatz entrassent, et après, je leur voulus faire une bonne remons-
164 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1556]
trance de l'interest du Roy et de la justice de nostre cause, leur
remonstrant doucement, par forme de protestation, que d une cause
privée ei particulière ils on pourroient bien faire cause publicque
d'estat et que le Conseil du Roy. qui entendoit la raison et les lois,
pourroit interpréter cette rétention d'argenl violente et pour déné-
gation de justice, et chercher la raison par représailles ou autres
voyes qui pourroient engendrer quelque altération entre le Roy H
eulx; que je les supplyois d'y voulloir penser et que j'estois resoleu
de ne leur en parler plus. Apres ceste protestation, ils monstrent
estre autant fâchés que moy mesme de cette lascheuse besoingne H
me proposèrent party que je me voulusse contenter de remettre ce
jugement aquelque homme de loix. tel que je voudrois, qui vuidasl
ce faict icy sommairement, atlin d'esvitèr toutes despenses et le
soupçon que je pouvois avoir d'aucuns de la Seigneurie qui préten-
doient quelque chose sur cet argent. Je leur ili- que du différent
d'entre le marchant et M' de S' Ciergue, qui sont actions privées ei
particulières entre eux. je ne m'en voulois aucunement empescher,
d'autant qui1 le Roy n'y avoil point d'intérest. et que en cela ils ren-
voyassenl le- parties devanl tels juges quils voudrôient, mais que
cependant, et an préalable, je voulois estre réintégré de ces quinze
cens escus qui estoienl desja acquis an Roy par la vente de -on
propre patrymoine au sieur de S' Ciergue, et que la justice d • ma
cause estoil si claire et si certaine en cela que je ne la voullois
aucunement mettre en dispute, ei enarbitre de juges. 11/ ne -curent
comment s'en desmesler ny que m'en respondre sinon que de me
prier que je leur donnasse loisir d'en parler emsemble pour m'en
faire responce, laquelle je leur demanderay, mai- que Monseigneur
le Duc de Ferrare soit party d'icy, car. tant quil y sera, ces
Seigneurs seront fort occupés et moy aussy. .le vous escris M. la
vraye histoire de ce faicl pour. s'il vous plaist, la taire communiquer
a Monsieur de S' Ciergue, voullanl bien vous asseurer que la vérité-
et la raison est du coste du Roy p iut la dellivrance il'1 cel argent,
mais la justice est icy toit favorable a leurs cytadins et Pieu peu aux
estrangers, ei vous veux dire davantage, Monseig', que ce marchant
qui prétend sur cei argenl a sod action si mal fondée, que devanl
un juge non suspecl il ne luy scauroil jamais estre adjuge deux cens
escus a mon advis, et si .Monsieur de S Ciergue voulloil envoier par
quelque lettre de credicl d'un banquier île Pari- ou de Lyon, qu'on
feisl icy cautions ou seureté pour luj de paier ce qui sera adjuge
par sentence ou par arbitres a ce marchant, les quinze cens escus
me seront dellivres du soir au matin, cl - il m'envoyoil procuration
pour alléguer sa declinatoire et deffendre, et respondre a celluy qui
luy demande, on donneroil bien ordre qu'il ne luy seroil poincl faicl
de tort et la partie seroil forcée de se contenter de ce peu qu'on luy
[MARS 1556] DOMINIQUE DU GABRE 16o
voudroit bailler, mais de ne vouloir plaider ni paier, cela nest pas
fort raisonnable. Je vous asseure bien, Monseigneur, que s'il y alloit
de ma propre vye, je ne scaurois faire davantage ny mieux que je
y ay faict, et le suis d'autant plus volontiers que je congnois bien
que vous désirés faire bien et plaisir audit Sr de S1 Ciergue. J'escris
en la lettre du Roy ce que nous avons de nouveau icy.
De Venise ce xme de Mars 1556.
M s. de Grenoble, fol. 56 v°).
GABRE AU DUC DE GUISE
129. — [Venise], 16 mars 1556. — Monseigneur, ce jourd'huy est
party d'icy Monseigneur le Duc de Ferrare, et crois que c'a esté sans
avoir faict chose d'importance, avec ses seigneurs pour le moins; il
ne m'en a dict chose quelconque, et pour ce qu'il couroit icy un
bruit commung, quil estoit mal content du Roy et quil se vouloet
retirer de son service, et persuader ces seigneurs a une ligue entre
eulx, le Duc de Florence et luy, il m'assura que cela n'entra jamais
en sa pensée, et quil n'a parlé du Roy, ni du Pape a ces seigneurs,
synon bien fort honorablement, et avec la soubmission et obser-
vance que doibt un leur serviteur fidèle et homme de bien comme
il est ; quil voit bien quil y en a qui ont envie quil se retire de ce
service quoiqu'il y veuille demeurer; mais si on ne luy veult garder
ce quon luy a promis, il scayt bien ce qu'il a affaire, et ne fauldra
en ce cas la de se retirer dudit service, demandant ladessus argent
pour son mois de Mars, dont jamais il ne s'estoit pu accorder avec
Monsieur Paquier pour deux raisons, lesquelles aucun ministre du
Roy ne luy peult accorder si sa Majesté ou vous, Monseigneur, qui
avez toute puissance, ne le commandez : l'une est qu'il veult ses
gens de pied et de cbeval estre payez a plus grande solde que les
Papalins(l) et autres Italiens qui servent a la Ligue; l'autre qu'il
ne veult les soldatz estre payez en la banque, mais qu'on luy baille
largent en main, et faisoit en cela de fâcheuses protestations,
a quoy ledit sieur Pasquier et moy avons trouvé un expédient affin
qu'il ne s'excusast sur nous s'il luy prenoit quelque mal fantaisie,
et luy avons baillé neuf mil cinq cens escus, a quoy peuvent
monter ses garnisons et son estât de Lieutenant pour un mois, a
charge que sy le Roy et vous le trouvez mauvais, ladite somme sera
en diminution et payement des trente mil escus qu'il presta comp-
tant a sa Majesté il y a environ dixbuit mois. Cependant on scaura
(1) Soldai du Pape.
106 NÉGOCIATIONS DK [MAI 1556"
lintention du Roy, sur la forme et règlement de son payement, de
quoy il s'est contenté et est party pour aller donner ordre a ses
affaires, ayant eu advis que les Impériaux passoient le Pau (1) a
Cazal Major (2), et qu'il s'etoit decouverrt une trahizon en l'une de
ses places ou Monsieur le Prince son fils etoit allé donner ordre. On
dit que lesdits Imperiaulx passent le Pau pour aller en Toscane,
qui seroit moindre mal que s'ilz s'arrestoient sur le Ferrarois. car il
fauldrait entrer eh une nouvelle despense pour ceste protection, et
je crois bon aussy. par ce qu'on eseript de Home, que vous n'aurez
que faire en Toscane, nayant peu détourner le Pape de l'entreprinse
de Naples.Cest grand desplaisair, Monseigneur, que Ton vous tienne
sy longuement à Rome sans résolution. Ces seigneurs ont nouvelle
de leur Bayle que le Sr de Lavigne est arrivé à Andrinopoli (3) le
un febvrier. etquon faisoit grande diligence d'armer grand nombre
de galères, ils disent toujours que c'est pour garder leur pays. Mais
je crois que ledit S1 de la Vigne l'aura aisée en leur remonstrant
qu'il n'y a meilleure seurelé pour leur pays que de venir assaillir
l'ennemy dans le sien. Aujourdhuy. qui est le xvne, est venu la nou-
velle a M. le Légat, qui est icy, de la promotion desCardinaulx faicte
lundy, dont il est du nombre, vous asseurant que le Roy n'a un
meilleur serviteur que luy, ni qui soit plus homme de bien : sy jay
quelque chose du costé de Levant digne de Vostre Excellence, je ne
fauldray vous en donner advis.
De Venize ce 16 mars 1556.
Itilil. nul.. Fr. 236 p. 130, el Mém. du duc il.' Guise, etc., p. 271).
GABBE AC CONNÉTABLE
130. — [Ferraré], a mai 1556. — Monseigneur, je ne vous feray
longue lettre par ce porteur, le cavalier de Frotté, gentilhomme
Ferrarois, lequel s'en va trouver Monsieur le Prince, ,1e vous dirai
que le courrier Tassin arriva a Venize le \.\ir du mois passe et feist
fort bonne diligence. C'estoit sur l'arrivée de laReynede Polonya \ .
ou je assistay avec les aultres ambassadeurs, et pour accompaigner
la Seigneurie et le Bucentore, et aussi pour recepvoir Monseigneur le
Cardinal de Ferrare, qui venoil louger eu mon logerz, et incontinanl
(1 Le Pô.
(2) Casai Maggiore, place de Lombardie, sur la rive gauche du iv>, a 35 kil. do
Crémone.
:; Indrinople, ville de Turquie d'Europe, à 200 kil. de Constanlinople C'esl
la seconde capitale de l'Empire Ottoman.
(4) Bona siui'/.a. deuxième femme de si^is ni Auguste, roi de Pologne.
[MAI 1556] DOMINIQUE DU GABRE 167
suivant votre commendement, je m'en vins icy, ou je fiz entendre a
Monseigneur le Duc le contenu au mémoire signé du Roy et, après
que nous eusmes longuement devisé et disputé noz raisons et oppi-
nions tousjours fort contrères, la responce de mondit s'" le Duc fust
qu'il ne pouvoit, pour lors, me dire librement sa résolution, et qu'il
ne voulloit attendre nouvelles et lettres de Monsieur le Prince son
lils et la venue de son ambassadeur, puis, qu'il estoit sur son parle-
ment et davantaige qu'il ne voulloit contraster contre la volunté du
Roy, lequel il voulloit bonorer et révérer comme son seigneur et
son maistre, mais qu'il luy sembloit bien qu'on luy faisoit grand
tort. Depuis est arrivé Monsieur le Chevalier Sève (1) avec la nou-
velle de cette cheute de Monsieur le Prince (2) et de sa guerison,
lequel nous a confirmé que sondit ambassadeur debvoit partir un
jour ou deux après luy; de sorte que, encores aujourdhuy, avant que
me mettre a escripre la présente, j'ay reparle a mondit sr le Duc,
qui de son particulier ma dicl que s'il ne fust intervenu, cest incon-
vénient a son fllz et que Sa Majesté aye resoleu de ne vouloir mieulx
faire que mon mémoire ne contient, il estoit bien asseuré que son-
dit fllz seroit déjà de retour, le luy ayant ainsi promis, et qu'il ne
peult croire que son ambassadeur ne vienne. bientost, après lequel
il ne fauldra de faire responce telle qu'il plaira a Dieu, voulant tou-
tesfois toujours demeurer bon serviteur du Roy, et j'ay bonne espé-
rance que les choses s'accommoderont et ne se passeront que bien.
J'attendray encores icy troys ou quatre jours la veneue dudit am-
bassadeur et puis m'en retourneray a Yenize, et le Chevalier Sève
pourra par aventure demourer icy trois ou quatre jours après moy
et vous porter la resolution dudit sieur Duc, lequel se fut trouvé
fort désolé de la disgrâce advenue a Monsieur son lilz, si vous ne
luy eussiez fait entendre tout en un coup comme il estoit hors de
danger. Nous n'avons pas encores nouvelles que Monseigr le Car-
dinal de Ferrare soit party de Rome, et remettant a vous escripre
amplement par aultre voye.
De Ferrare ce vie Mai 1556.
(Bibl. nat.,Fr. 3117, fol. 122) (originale).
(1) Le nom de ce personnage a été mal transcrit par le copiste de la présente
dépêche ; il s'agit ici, ainsi qu'on le verra à la dépêche suivante, du chevalier
Michel de Seur-re, néàLumigny en Brie, conseiller du roi. gentilhomme ordinaire
de la chambre, capitaine de 50 lances, chargé de missions en Portugal (1558,, en
Corse (1559j, ambassadeur à Londres (1569). — Voir Brantôme, édit. Lalanne,
t. ut, p. 96 note 2.
(2) Le prince Alphonse fut désarçonné dans un tournoi par un cheval rétif
appartenant à son beau-frère de Guise ; il resta sans connaissance pendant plu-
sieurs heures, à tel point qu'on le crut mort. Son rétablissement exigea, d'ailleurs,
plusieurs semaines de soins. (Voir Bodocanachi, Renée de France, p. 276).
168 NÉGOCIATIONS DE MAI iooG
GABRE AL" CONNETABLE
131. — [Venise , 16 mai 1Ô56. — Monseigneur, je vous escripvis
de mon arrivée a Ferrare par un gentilhomme Ferrarois qui alloit
vers Monsieur le Prince et de mon parlement de la, par le Chevalier
de Seure, et jusques a aujourd'hui il n'y a encores nouvelles de l'am-
bassadeur Alvarot, a la venue duquel Monsieur le Duc remettoit a
dire sa résolution, et pour ce que, par les lettres que jeus hier de
Rome, je veoy que le parlement de Monsieur le Cardinal C a rafle
estoit résolu a mardy 12e de ce moys et que, a son arrivée, vous
aurez a parler de beaucoup de chose des affaires d'Italie. Je n'ay
plus volu différer de vous escripre au long ce peu que j'ay negotié
avec ledit sieur Duc. afiin que cela ne voue tienne en suspens et
que s'il veult demeurer sur la longueur, vous puissiez vous resoul-
dpe de vous mesmes. J'ay mis pour ceste cause nostre dialogue el
dispute par ung mémoire qu'il vous plaira voir et après me com-
mander ce que je auray a y faire, il esl vray que je loueray toujours
tous parliz et moyens qui puissent rendre content ledit sieur Duc,
mais aussy je desirerois que Son Excellence se volust payer avec la
raison et non avec tant d'argent qu'il demande ; il s'en peult fort
bien passer, et Sa Majesté n'a pas grande occasion ny obligation
d'entier en telles despences nouvelles: il dit qu'on luy fait grand
tort, et je lui ay souvent dit, au contraire, que je n'en croy rien dont
il n'est guère content de moy. Je suis toujours attendant l'arriver
de M. de Villemonlez, pour savoir au vray l'intention du (irand
Seigneur, qui ne peull estre que lionne, cai ces Seigneurs onl eu
quelques advis de ceste porte, comme sa hautesse avant entendu la
vérité de la trefve par ladvis que le Roy luy eu avoit donne, avoil
montré d'en estre fort contente, puisqu'elle estoil tant honorable et
avantageuse pour Sa Majesté. J'ay parle a Monsieur île Corlenay
suivant ce qu'il vous avoil pieu me mander el luy ay baille la lettre
de Berlheville I . Il m'a prié bien fort que je vous voulusse mercier
très humblemenl du bon el prudent record que vous luy donné,
lequel il est délibère d'ensuivre, el se tiendra toute sa vie vostre
obligé, estant bien marry de l'indiscrétte el mauvaise conduite de
ceulx qui onl fait ceste dernière allarme en Angleterre, el que
jamais n'en adviendra aultrement, jusques a ce qu'ilzayenl ung chef
(1) Bertheville, ancien capitaine français, passé jadis au service du roi d'An-
gleterre : joua un rôle très équivoque sous François l,r el Henri il, el ue chercha
jamais qu'à faire chèrement payer ses services. Sur ce personnage, voir Germain
Lkfebvrb-Pontalis, Correspondance d'Odel de Selve, p. 29, ;•-'. 318, etc.).
[AOUT 1556] DOMINIQUE DU GABRE 160
en leurs entreprinse favorisé et aidé des forces d'un prince estran-
ger, et que, quant le Roy verra qu'il en soit temps, ledit sr Cortenay
ne manquera respondre a Bertheville, et ne veult aulcunement
entrer en pratique avec luy pour beaucoup de bons respectz qu'il
m'a dict ; mais il a ung homme a la court auquel il a entière fiance
et m'a dict que le Roy et vous, Monseigneur, le congnoissiez; il m'a
baillé ung pacquet pour le luy faire tenir; s'il vous plaist le faire
chercher et luy bailler ledit pacquet, il en sera fort aise. Nous par-
lons emsemble en une maison ou il vient seul de nuit, et si je le
rencontre après aux assemblées, ou que l'Ambassadeur d'Espagne
ou d'Angleterre m'en parlent, comme il est advenu souvent, je fais
semblant de ne le connoistre point. Si vous voulez, Monseigneur,
que je luy face entendre quelque autre chose, j'auray toujours
moyen de le faire bien secrètement. Monseigneur, il vous plaira me
renvoyer mon secrétaire, si le Roy entend que je demeure encores
par deçà.
De Yenize, ce 16e de Mai 1556.
(Bibl. nat., Fr. 206 44, fol. 146) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
132. — [Terme], 16 mai 1556. — Monseigneur, je vous escriptz
de l'affaire de Ferrare par une autre lettre, accompaignée d'un mé-
moire, auquel je n'ay pas dit tout ce que j'en pense, pour les res-
pectz que je veoy, Monseigneur, que vous avez très bien considérez
a la despeche que vous porta mon secrétaire, dont je vous mercye
très humblement, mais il est forcé que je vous en dye franchement
mon oppinion par ceste cy que j'adresse a Monsieur de Beauregard
pour la lire a vous seul et puis la retirer, affln que autre que vous,
Monseigneur, ne la puisse veoir, si d'avenlure vous ne pensiez qu'il
fut bon de la montrer au Roy. A ce que j'ay peu entendre, Monseigr
Monsieur le Duc (1) est pour se contenter de ce que le Roy luy a
offert, s'il n'en peuct, faisant le mal contant, en tirer davantaige;
mais il veult tacher, a ce qu'on m'a dit, que vous luy faciez bailler
le payement de cent hommes d'armes par sa quictance, sans faire
monstre comme l'on faisoit sa garnison de Bressel, et convertir
ceste despense en pension avec les cinquante mille livres ; mais il
se garde bien de m'en parler, car je luy diz fort ses veritez et ne
suis plus de ses favoritz. Je crois certainement que, avec celte pen-
sion, il ne mectroit pas un homme davantage a garder son estât,
mais cella seroit pour d'autant augmenter son trésor, et je vous
(1) Le Duc de Ferrare.
15
170 NÉGOCIATIONS DE [MAI 1556J
laisse a penser si cette liberallité est ny bien deue ni bien employée
et si le Roy a besoing d'entrer en une telle despence, de laquelle sa
Majesté ne se déchargera pas après aisément si elle est une fois
introduicte et commencée. Je pense que Sa Majesté ne se lairra pas
aller jusques la, et vous supplie, Monseigneur, excusez moy si je
vous diz deux mots de mon advis sur tous ces broillemens d'Italie,
car ayant veu durant ces guerres, le procédé de ses potentatz et de
ceste nation envers le Roy, quand ilz l'ont veu en grand travail pour
leurs affaires propres, j'ay désir»' souvent une chose que. Dieu
mercy et vous, je veoy aujourd'huy : c'est de les veoir en nécessite
et avoir besoing du Roy et que Sa Majesté se peult passerd'eulx pour
leur rendre la pareille. Vous avez en cella fait le plus fort et m'ac-
tendz que vous conduirez bien le reste. La ligue du Pape et la
cappitulacion de Ferrare ont esté faictes au temps de nostre néces-
sité, et est impossible qu'il n'y ait quelque chose trop desadvan-
tageux pour le Roy, car nous estions contrainctz de s'accommoder
a toutes leurs complexions et voluntez et maintenant. Dieu mercy,
c'est a eulx a s'accommoder aulx voslres. Le Pape ne se peult plain-
dre de la tresve faicte sans son sceu et au préjudice de la ligue, car.
oultre ce que le y avez fort bien comprins, vous la luy feistes
entendre avant que de la conclure, et Sa Sainteté faict responce
qu'il en estoit très content, conseilloit et persuadoit Sa Majesté
d'accommoder ses affaires s'il povoit avoir paix ou trêves. 11 me
souvient bien que Monseigneur le Cardinal de Tournon me l'escrivit
et si bien Sa Saincteté avoit autre intention en son cueur. et ses
nepveuz avec, ilz eussent eu honte de dire autrement. J'enlendz
que le Turcq, qui est infîdelle, n'a peu faire de moins que de la
louer, puisqu'elle eloit a l'advantaige du Roy. Maintenant le Car-
dinal Caraffe s'en va trouver Sa Majesté el ne sauroit on oster de
l'opinion du inonde qu'il n'aille la pour essayer par tous moyens de
vousremectre en la guerre, et vous attirer a leur imprese de Naples
et Monsieur le Duc de Ferrare se veult en son particulier forl ayder
delà faveur du Pape el dud Cardinal en vostre endroit, non qu'il
désire la guerre, car il n'en vouldroil jamais 03 1 parler, el scait bien
aussi que vous vous y remettrez mal volontiers, mais ils se voul-
droit ayder de piedz et de mains pour avoir un grand traitement du
Roy sans riens faire. Nous devez, Monseigneur, bien honorer et
caresser le Cardinal Caraffe et monstrer de trouver bon tout ce qu'il
proposera, mais surtout avoir vostre inteneion principalle de rompre
el nieclre a néant les traielez de la ligue et de Ferrare, pour les
faire d'une aultre façon, mainctenanl que c'esl a eulx a vous recher-
cher, el qu'ilzont besoing de vous el vous nul besoing d'eux, el voua
ferez fort aisemenl cella si vous les embarquez l'ung el l'autre en
nouveaulx partyz. Je veoy que le Pape a procédé a la privation <le
[MAT 1556i DOMINIQUE DU CABRE 171
Testât d'Ascanio Colonna (1), quy est de trente mil escuz de rente,
et en a investy le comte de Montorio ; il en veult faire aultant de
Julien Cesarin et de beaucoup d'autres choses qui ne peuvent durer,
après la mort de ce Pape, si ces nepveuz ne sont deffenduz du Roy.
Sa Saincteté fait fort mauvais traitement a l'Ambassadeur de l'Em-
pereur (2) et au Duc de Florence, et semble qu'il cerche toutes
occasions de guerre et est malaysé que l'Empereur ny son filz sup-
portent tout cella, s'ilz ne sent gardent pour le respect du Roy. Les
nepveuz de Sa Sainteté voyent bien aussi qu'ilz ne peuvent fonder
ne assurer grandeur en leur maison sans l'appuy du Roy. Il ne fault
aussi jamais craindre que le Duc de Ferrare se mette du costé de
l'Empereur, prenant exemple, comme je luy ay dit souvent, sur les
Ducz de Savoye et de Mantoue, qui se voyent ruinez pour avoir
suivy ce party la. Et la ou le Roy se contente de donner gros entre-
tenement audit sr Duc, l'Empereur vouldroit avoir tribut de luy et
de son argent pour le recevoir en sa protection ou en son service;
je veulx dire par la que le pape et ses nepveuz, et ledit Duc aussi,
sont réduietz a telz termes qu'ilz ne se peuvent passer de la protec-
tion et faveur du Roy, et que c'est a eulx maintenant de paieret
rechercher, et avons de demourer sur la repputation, et ferez beau-
coup pour eulx, quant vous leur offrirez une ligue deffensive pour
les estats de l'église et de Ferrare, et pour ceulx que Sa Majesté
tiendra en Italye ou en son obéissance et protection hors le Pied-
mont sans y faire aucune mencionde guerre offensive. Ce seroit ung
traitté sans despence, qui pourroit estre publyé et seroit honorable
et prouffitable, car, vous scachant tous troiz bien uniz, il est malaisé
que personne vous veuille assaillir, et entrant le Cardinal Carrafe
en ce nouveau marché, veez la sa première ligue oublyée et mise a
néant, comme non faicte, qui n'est pas peu de chose, car vous,
Monseigneur, qui avez manyé longtemps telles marchandises, pour-
riez faire le nouvel traicté plus raisonnable et plus advantaigeux que
n'estoient les premiers, et si d'avanture, pour contenter et mieulx
embarquer ledit Cardinal Carraffe, il estoit besoing de luy donner
quelque espérance de l'imprèse de Napples, vous en pourriez faire
',1) Le cardinal Carafa. qui s'était acharné contre les Colonna. avait sollicité du
Pape que les biens considérables de cette famille fussent confisqués, puis donnés
au comte de Montorio, son frère, au lieu d'être, selon la coutume, adjugés devant
la Chambre apostolique. Après quelque temps d'hésitation, Paul IV, cédant aux
instances de Carafa, fulmina le 4 mai 1556, dans la forme ordinaire, une huile
d'excommunication contre Ascanio et Marc-Antonio Colonna el les dépouilla de
tous leurs biens Quelques jours plus tard, Giovanni Carafa lui investi du duché
de Paliano qui était le fief de la famille Colonna. Voir G. Duruy, l.c cardinal
Carlo Carafa, p. 94 et 131).
12 François de Vargas.
172 NÉGOCIATIONS DE [mai 1 556 i
articles secrelz, lesquelz le Pape signeroit après de sa main, et par
cella vous gaigneriez tousjours temps et tiendriez Sa Sainteté et ses
nepveuz en bonne volunté pour vous en servir selon les occasions,
entremeslant en voz marchez voz places de Tuscane, au moings en
apparence et en espérance, si vous ne le vouliez faire en eff'ect ; car
si d'avanture l'Empereur vous vouloit faire tort au faict des prison-
niers, et que le Roy fust contrainct de se ressentir de la mauvaise
foy et des indignitez et malices dont c'est Empereur use sur l'exé-
cution de la tresve, vous pourriez tirer plus de services du Cardinal
Caraffe que si le Pape estoit entre les mains d'un Francoys, mais
que vous luy donniez quelque espérance de sa grandeur, et pour
ceste cause, je crois qu'il n'y auroit nul mal de luy donner quelque
espérance de la voix de tous les Cardinaulx serviteurs du Roy pour
le faire luy mesme Pape. Et si le Roy se vouloit servir pour quelque
temps du port et citadelle de Civitaveche pour y tenir partie de ses
gallaires, il vous sera fort aisé de l'avoir et de toutes les autres
places fortes de l'église ce que vous en vouldrez.
Quant au Duc de Ferrare, si bien. Monseigneur, il vous faisoit
entendre estre contant de ce qu'il plait au Roy luy donner, il n'est
pas raisonnable qu'il aye cela sans qu'il soblige a quelque chose au
service du Roy, et pour ce faire, il faut faire nouvel traité avec luy
et qu'il entre en la ligue deffensive qui est la vraye seuretté et con-
servation de son estai, luy disant, pour toute résolucion, que sa pre-
mière cappitulation est tenue pour non faicte e! entièrement abolye,
n'ayant le Rov pour ceste heure aucune volunté d'entrer en guerre
offensive, s'il n'en est bien fort provoqué ; par cella vous viendrez
a vous descharger des promesses de Crémone et des autres con-
questes, ou il vouloit avoir sa bonne part sans y riens mectre du
sien, et s'il entre une fois en ses nouveaulx parti/, il y fauldra
beaucoup d'allées et devenues avant qu'il vienne a aucune conclu-
sion, et vous ferez durer ce marché la si longuement que vous voul-
drez qui est pour tousjours gaigner temps et le conclure ou le
rompre selon les occasions ou le besoin qui se présenteront. Veez la.
Monseigneur, mon advis, encores qu'il ne m'appartient d'en parler
si avant, mais vous en pourrez prendre ce que vous j verrez de bon
et laisser le reste.
De Venize ce xvie Mai 155G.
lîibl. nal., Fr. 3126, fol. 99) (copie .
[MAI 1556] DOMINIQUE DU GABRE 173
GABRE AU CONNETABLE
133. — [Ferrare], 1 8 mai 1556. — Monseigneur, il vous plaira
veoir ce que j'escriptz au Roy de l'affaire de Monseigneur le Duc de
Ferrara, lequel renvoyé pardela son ambassadeur pour vous dire sa
resolucion qui ne pourroit estre, ce me semble, plus doulce ne plus
bonneste qu'elle est, m 'ayant pryé de faire particulièrement office
envers vous, vous pryer de sa part que vous ne luy vueillez refuzer
vostre ayde et protection en ce négoce. Car, s'il acceptoit le party
qui luy est offert, lequel le Roy donne a beaucoup de princes et de
gentilzhommes qui n'ont que la cape et la vye, il luy semble qu'il
fait grand tort a sa réputation, a la seureté de son estât, et à son
repoz, et que cela mesmes seroit indigne de la grandeur du Roy. Il
vous plaira veoir entre autres cboses ce que j'escriptz a Sa Majesté
de l'ouverture qui m'a este faicte par le s'' Dom Francisco (1), de con-
vertyr le paiement des gens de pied et de cheval qu'il luy fault pour
la garde de son estât en argent comptant; il me semble que ce moyen
ne seroit pas mal a propoz, car par la le Roy auroit tousjours meilleur
marché qu'il n'auroit de payer lesdites garnisons, et mondit Sr le
Duc se pourroit contenter de quelque chose moings en argent que
en luy payant la garnizon promise et les hommes d'armes, lesquelz
ledit Sr Duc est résolu d'entretenir pour sa reputacion et pour le
service du Roy, et l'occasion se présente qu'il s'en faille servyr. Il
vous estyme son amy et parle tousjours de vous, Monseigneur, avec
grand respect et convenance, et qu'il ne veut entrer en ce service
sinon par vostre main, par quoy il se tiendra grandement obligé a
vous, Monseigneur, s'il vous plaist en cela de l'ayder et favorizer, ce
qu'il désire bien lVnl. Affin que le monde ne se puisse mocquer de
luy, sondit ambassadeur sera porteur de la présente, lequel persé-
vère toujours a faire les meilleurs offices qu'il peult pour le service
de Sa Majesté, et est bien informé de l'intencion de son maistre ;
vous pourrez prendre sur le tout quelque bonne resolucion pardela,
et je m'en retourne présentement a Venize attendre ce que vous m'y
manderez.
De Ferrare ce xvni8 Mai I006.
(Bibl. nat., Fr. 3117, fol. 124) (originale).
(1 ) Don François d'Esté, frère du duc de Ferrare.
174 NÉGOCIATIONS DE JUIN 1556]
GABRE AU CONNÉTABLE
134. — [Venise], 2 juin lôôG. — Monseigneur, ce porteur, homme de
Mr de Cambray (1 , vient de Levant ayant laissé son maître en chemin,
arresté comme il m'a escript par ordonnance des Bassas, et a ce que
j'enlendz, luy et Monsieur de Codignac sont entrez en quelques que
relies et difïërentz, chose qui ne peult porter aucun adventaiges aux
affaires du Roy et de leurs charges et moings a eulx mesmes : vous
y scaurez bien pourveoir. Le Duze (2) de ceste Seigneurie moreut
hier et croy que dans trois ou quatre jours il y en aura ung aultre,
et, dit on, que le sort tombera sur Lung des deux qui s'yattendoit ou
de Stephani Tiepoly ou de Lorenzo Prioly (3). Depuis quelques jours
en ca, la peste s'est reveillée icy et tous les jours le nombre des
morts va croissant, desquels on met une liste tous les matins en la
place de Realte (4). Si elle continue encore quelques jours, j'espère
n'estre pas des derniers qui deslogeront, mais aussi je n'en bougeray
point si je n'en suis bien pressé. Monseigneur, je vous escripviz des
affaires de Ferrare par l'Ambassadeur de Monseig* le Duc, et je
croy que vous aurez aussi veu quelques lettres que je vous avois
escript par avant, et que par la vous excuserez ce que vous pourrez
trouver de maulvais en ma dernière lettre. Je nay peu refuser de
vous proposer les choses selon qu'ilz le desiroient, et je ne m'en suis
pas fait aussi fort prier pour entrer en nouveaulx partiz et parla faire
despartir de leur première cappitulation, scaichant bien aussi que
vous y prendrez la resolution selon Lestât ou voz afferes se trouve-
ront, et puisque c'est a eulx maintenant a courir, il est raisonnable,
comme je leur ay dit, qu'ilz facenl traicter leurs afferes par leurs
ministres avecques vous a la cour et non icy, et vous aurez par la
moyen de faire tout avec plus grand advantaige du Roy.
De Venize ce 2e de juing 1556.
(Bibl. nat.. Fr. '20456, fol. 165) ^copie .
(1) Jean-Jacques de Cambray, sieur de Soulangy, chancelier de l'Université de
Bourges, puis doyen de l'église-cathédrale de Bourges, vice-ambassadeur à Cons"
tantinople 1552 , conseiller et maître des requêtes «le l'hôtel «lu Roi, mort le :> dé-
cembre 1586.
« Cet agent (voir CiiAïutiiiiK. Négociations de lu France avec le Levant, t. u,
p. 52, note , dont la résidence dans le Levant remontait an delà des premières
années du règne île François l . avait, peut-être, été évincé de ses prétentions
au titre d'ambassadeur par M. de Codignac, jeune protégé du baron de La Garde
qui l'avait amené à sa suite en 1556. Cette rivalité axait éclaté par des actes
publics dans lesquels les ministres turc- avaient été forcés d'intervenir.
(2) Le doge François Venieri.
(3) Lorenzo Prioli succéda le li juin au doge Venieri; mourul le n août 1559.
(4) Le Rialto, pont et quartier de Venise.
[juin-juillet 1556] Dominique du gabre 173
GABRE AU ROI
135. — [Venise], 1 8 juin 1556. — Sire, j'oublioys de vous dire
la création d'un nouveau doge en ceste ville, qui a esté, après assez
longues disputes, Messer Lorenzo de Prioly, homme d'assez bon
âge pour durer quelques ans et d'assez bonne condition et réputation.
C'est une dignité de grand honneur icy, entre eulx, mais son autorité
est si limitée qu'il ne. peult quasi rien qui vaille.
(Bibl. nat., Fr 20456, fol. 163) (copie). (Extrait).
GABRE AU DLC DE FERRARE
136. — Venise . 21 juin 1556. — Monseigneur, Je croy que Vostre
Excellence aura entendu la guerre dont les Impériaulx menassent
le Pape, et par tous les adviz qu'on a icy, il semble que c'estoit à bon
escient et plus je croy qu'il ne feroit de besoing. J'en ay adverty le
Roy par courrier expiez, et, en attendant sa responce, je yrois volon-
tiers manger ung couble de perderaulx a Ferrare pour en diviser
avec Vostre Excellence, si voz citadins ne craignoient ce bruit de
peste dont il se parloit ung peu ces jours passez en ceste ville, mais
je vous asseure bien, Monseigneur, qu'il y a plus de six jours qu'il
n'y a nouvelles de rnortz ny de mallades et croy qu'il n'en y est
jamais mort ung seul de peste. S'il vous plaisoit ordonner a voz
passaiges de me laysser passer, je m'en yray vous 1ère la révérence
quant il vous plaira le me commander.
De Venize, ce xxie de Juing 1550.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CO.NNEÏABLli
137. — [Venisr . !'''' juillet 1556. — Monseigneur, le porteur de la
présente lettre sera le sr de Marlines 1 , qui vient de Levant, d'où
il vous scaura dire toutes nouvelles, comme personne qui entend
bien la négociation de ce pays la, et qui me semble bien capable et
suffizant; il m'a (entre autres choses) compté du voiage qu'il a t'aict
en Transilvanye et du désir que ce jeune Roy (2) et la Reyne sa
(1) Pierre-Louis de Marlines, agent à Constantinople (1555), ambassadeur en
Transylvanie (1558 : il avait un frère procureur du Roi au Cliàtelet de Paris.
(2j Jean-Sigismond Zapoly, reconnu roi de Hongrie sous la tutelle de sa mère,
après la mort de son père, le 21 juillet 1540 ; il n'était âgé alors que de quinze jours.
176 NÉGOCIATIONS DE ["JUILLET 1556]
mère (1) ont d'entrer en alliance et parente avec Sa Majesté, chose
qui meritoit bien qu*ilz renvoyassent demander avec plus grand
solempnité. Toutesfois, c'est quelque commencement d'entrer en
telles praticques qui ne peuvent porter que commodité et advantaige,
encores qu'on n'aye quelquefoiz intentions des effetz ny de la con-
clusion. Ce sont matières, Monseigneur, dont il ne m'appartient
de parler plus avant, et m'en tairay pour vous dire que depuis la
despèche que je vous l'eiz du 18me du passé par le sr de Canibes (2),
il semble que l'allarme de Rome se soit ung peu reffroydie, ce que
l'on attribue a la complexion du Duc d'Alve (3), qui n'a pas réputa-
tion d'estre fort résolu, ne grand guerroier, et dict-on que sa com-
mission de rompre estoit limitée, en cas qu'on eut les forces et le
moyen de donner promptement une bonne estrette (4) au Pape, qui
sont condition lesquelles donnent bien a penser a ung ministre
avant que se pouvoir resouldre, et mesmement en ung pays oulz ne
sont gueres aymez (5), et ne se peuvent fyer de la noblesse ny du
peuple, et que, pour vouloir recouvrer Paliano (6), ilz pourroient
bien mettre le Royaume en quelque dangier. Aulcuns disent que
l'Empereur donna cette commission de rompre, sans voulloir qu'elle
eut efïect. Ne pouvant honnestement reffuzer quelque ayde a Marc
Antbonio Colonna, pour après rejetter la faulte et s'en descharger
sur ses ministres, le Pape ne s'en est pas ung brin estonné et donne
(ace que j'entendz) assez bon ordre de s'armer ;il est vray qu'il eust
voulu qu'on eust mis la main a l'argent du Roy el vous aurez sceu.
Monseigneur, la colère ou il est entré contre Monseigneur le Car-
dinal de Tournon (7), qui ne pouvoit mieulx respondre que ce qu'il
(l) Isabelle, fille de Sigismond Auguste, roi de Pologne.
(2} Courrier au service de la France.
(3) Le duc d'Albe, lieutenant-général de Philippe II en Italie, se hâtait, au
contraire, de fortifier les places d'Italie el de rassembler des troupes et de
l'argent; il avait l'ordre d'envahir l'État ecclésiastique avant l'achèvement des
fortifications de Paliano.
i En Italien, stretta : mésaventure; donner une estrette : mettre en grande
détresse. (Dictionnaire italien-français u Nuovo Alberti ». p. 1265).
(5) Les Carafa.
(6) Il avait semble nécessaire au cardinal Carafa, qui redoutait les ressentiments
des Colonna, de mettre le duché de Paliano à l'abri d'un coup de main : aussi
Antonio el Giovanni Carafa confièrent-ils au maréchal Strozzi le soin de rendre
celle place imprenable. Marc-Antonio Colonna tint campagne autour de Paliano
avec les troupes que le due d'Albe lui avait données. Voir DURUT, Le Cardinal
Carafa, p. 131-132, 170).
(7) L'ambassadeur de France el le cardinal de Tournon ayant été reçus en
audience par le Pape, Sa Sainteté leur demanda trois Choses, savoir: conseil,
argent et soldats. Voyant que le Cardinal ne lui répondait même pas. le Pontite
se mit en colère contre lui et le menaça d'écrire au Roi de lui expédier un autre
négociateur à sa place. (Voir Duruy, Op. cit.. p. 162 .
[.JUILLET 1556J DOMINIQUE DU GABRE 177
a faict et quant le Roy mesme le trouveroit maulvais, ce que je ne
puis croire, s'est ce qu'il ne pouvoit entrer en ceste contribution,
n'ayant aucuns fons ne argent du Roy, et ne le debvoit aussy faire
sans en avoir exprès commandement du Roy Je veoy que led sr
Cardinal désire de s'ouster de la, se tenant offense de quelques
rudes parolles que sa S. luy atenués. J'en suysbien marry et devray
Sa Saincteté ne le connoit pas bien et se faict grand tort ne faisant
point de différence d'ung grand Cardinal nourry avec Princes, et
ministre d'ung si grand Roy avec ung aultre Cardinal, petit compa-
gnon, ne dung qui est homme de bien, a d'autres qui ne vallent
gueres, lesquelz je vous respondz bien luy ont dresse ceste partye,
et jamaiz le Roy, Monseigneur, n'aura du couste de Rome, sinon
travail pour le discord des ministres, comme j'ay veu depuis beau-
coup d'années jusques a ce que Sa Majesté aye mis toute l'autorité
en ung seul qui ne congnoisse aultre que le ltoy. Vous avez accous-
tumé. Monseigneur, de prendre la protection de la vérité et des
gens de bien, et me semble que le Roy ne doibt point laisser accous-
tumer le Pape a vouloir les ministres des princes a sa fantaisye, et
pour ceste cause ne laisser partir de la mondit sieur le Cardinal de
Tournon, sur ceste occasion, pour ne donner cest ayse a ses enne-
mys ; vous scavez qu'il ne peult porter que repputation et importance
aux affaires du Roy partout ou il se trouvera, et si je n'estois mi-
nistre de Sa M, je dirois tout autrement, car je désire le repos dudit
Seigneur Cardinal, et sa santé, laquelle je scay bien ne s'amende
en rien de ces travaulx d'esperit. Vous y aurez, s'il vous plaist, M
pour recommande l'intérêt et les affaires du Roy et la réputation de
mondit Seigneur le Cardinal qui vous est serviteur et bon amy.
Monseigneur, j'attendz de voz nouvelles en grand dévotion après
le parlement (1) de Monsieur le Cardinal Caraffa, qui vous sera très
obligé si Sa Majesté prend la protection de leur maison, car vous
veoyez bien que dentrée de table ilz vous mettront en une guerre
qui vous est fort loingtaine, incommode et de grande despence,
sans que le Roy y aye particulier interest ; vous avez affriandé toute
l'Italie avec l'exemple du Duc Otavio(2), et si vous les voulez croire,
vous vous trouverez en bien peu de jours une despence ordinaire
sur les bras d'un mylion decuz ou pour le Duc Octavio, ou pour le
Conte de la Mirandola ou pour le Duc de Ferrare, ou pour Sienne ou
pour les Carafes. Si vous voulez toute l'Italie, je crois qu'ace prix la
vous l'aurez, et le mal est que, quant telles despences sont une fois
promises et commancées, on ne peult s'en retirer et semble une
contribution héréditaire. En temps de guerre, on passe cela legie-
(1) II était parti de Rome le 11 mai.
(2) Octavio Farnèse.
178 NÉGOCIATIONS DE [JUILLET 1556]
rement et semble qne ce ne soit rien, mais maintenant je congnois
bien que c'est une cbarge fort préjudiciable aux finances du Roy et
a son Royaulme, et vous ferez bien, Monseigneur, dy aller, fort
réservé qui est tout ce que je vous scauroys dire pour ceste heure.
De Venise ce premier jour de Juillet 1556.
Monseigneur, je viens d'avoir lettres de Rome du 27e juing ou je
les veoy tous asseurez de ceste grande allarme, et puisque les Im-
periaulx ont mis temps et longueur a leur entreprinse, il ne la faut
plus gueres craindre. Je veoy aussy que Monsieur le Cardinal de
Tournon a ceste caresse du Pape depuis son courroux et toutes les
choses y vont bien après la lettre que vous avez escripte de larrivée
du cardinal Carafa, de l'honneur qu'on luy avoit fait, et de la bonne
intention et volunte du Roy envers sa Saincteté et ceulx de sa maison.
Ce sera grand plaisir si la faveur du Roy et la réputation que vous
avez achaptée bien chèrement pouvoient conserver le Pape en cest
estât nouveau qu'ilz vont dresser sans y mettre de nostre argent ne
entrer en guerre.
(Bibl. nat.. Fr. 20456. fol. 169) (copie
GABRE AU ROI
138. — Venise], 3 juillet 1556. — Sire, Dom Antonio Caratle. a
présent Marquis de Montebelle, est venu vers ces Seigneurs (1), pour
les prier de la part de sa Sainteté, de ne point donner passage aux
Allemans et Luthériens, qui se vantenl de passer en Italie, pour
ruiner l'Eglise et le Siège Apostolique. Que, 1«' permettant, il y a
danger que cette barbare nation mette en Italie une confusion de
nouvelles religions, comme ils ont fait en Allemagne, et que n'étant
pour ce jourd'huy en Italie demeure aucun Estât qui ne soit en ser-
vitude, et sous la tyrannie de l'Empereur, sinon le Siège Apostolique
et r Kstat de ces Seigneurs; il est bien raisonnable que l'un aide a
conserver l'autre, d'autant que si l'un de ces den\ esl opprimé et
réduit en servitude, l'autre ne sera gueres sûrement, et que. l'Em-
pereur menaçant de commencer guerre, en veut fonder l'occasion,
sur une querelle particulière qu'il dit avoir avec la maison de Caraffe ;
mais que l'on peut bien considérer son intention qui n'est autre, que
de vouloir ruiner la dignité papale, et s'impatroniser de l' Estât
(1) Antonio Carafa, comme naguère le duc de Lorraine, fut ('0011(11111 par la
Seigneurie; on lui til radeau d'un beau cheval, d'un bouclier ; eu lui conféra
même, ainsi qu'à ses Frères, le I ire de gentilhomme vénitien : cl ce lut tout ; la
République ne sortit point de sa traditionnelle neutralité !
[JUILLET 1556] DOMINIQUE DU GABHK 179
Ecclésiastique, s'il y pouvoit réussir. Mais que, sa Sainteté aussi, leur
vouloit bien faire entendre qu'il employèrent toutes ses forces tem-
porelles et spirituelles pour y résister, et qu'avec 1 aide de Vostre
Majesté, comme premier fils de l'Eglise el Prince magnanime, qui a
fait connoistrea tout le monde, et mesmement a l'Italie, une grande
puissance, une grande bonté et religion, il avoit espérance de venir
a bout de la ruine d'un schismatique et mauvais Prince comme est
l'Empereur. La réponse du Prince (1) a este que jusques icy on
avoit accouslumé de traiter également en ces guerres les affaires de
l'Empereur et celles de Vostre Majesté, concédant passage pourgens
de guerre, et a l'un et a l'autre, quand ils en ont demandé ; toutes-
fois que cette Seigneurie sassembleroit et disputeroit toutes eboses
avec la raison et puis on luy feroit responce. C'est un semblable
propos, Sire, a celuy que je leur fis une fois en Collège, au dernier
régiment dAllemans qui est passé en Italie pour l'Empereur quant
les eboses de Sienne estoient en grande extrémité ! leur disant que
toute l'Italie avoit occasion de se plaindre d'eulx, de ce qu'ils estoient
si faciles a donner passage a ceux qui venoient pour l'opprimer et
destruire, et que, quand nous en avons demandé pour Vostre Majesté,
nostre demande etoit favorable; d'autant que vous, Sire, ne faisez
passer gens en Italie que pour la deffendre, et conserver sa liberté
et la défendre de la tyrannie des autres, le tout a vos despens. Il a
este advisé entre ledit Marquis, le Légat qui est icy, etmoy, que j'irois
en Seigneurie pour entrer en ce propos, et y dire les mesmes ou
autres nouvelles persuasions, et les esclaircir, et asseurer de la pro-
tection que Vostre Majesté prend du Pape et de la Maison Caraffe,
afin que cela tienne les affaires de sa Sainteté en plus grande répu-
tation: ce que j'ay fait, et a este bien prise et louée vostre intention
pour très sainte et digne d'un si grand Prince. Je m'attends bien,
Sire, qu'il n'y aura de ces Seigneurs que réponse courtoise, mais
elle sera tellement générale, que cela ne les obligera a rien qui
soit (2), et après ils se rangeront selon le temps et les occasions. Ce-
pendant ledit Marquis el tous ses frères ont este faits Gentilshommes
Vénitiens, et est entre ledit Marquis au Conseil et a balote comme
les autres. Si ces Seigneurs voyent la guerre se recommencer a bon
escient, et passer en Italie nouvelles forces d'Allemans, ils ont
délibère d'armer grossement par mer et par terre, sans se déclarer
pour l'un, ny pour l'autre, pour faire appréhender a vos deux
Majestés el au Pape, que du costé qu'ils vouldront tourner ils se-
(1) De la Seigneurie.
(2) La Seigneurie trouva, en effet, mille bonnes raisons pour démontrer au
légat qu'elle ne pouvait s'opposer au passage des troupes impériales. ^VoirDuRUY,
Carlo Carafa, p. 136).
180 NÉGOCIATIONS DE [AOUT 1556"
roient pour donner la victoire ; et que, qui les voudra après avoir de
son costé, les acheptera bien chèrement. Mais ils pensent en faisant
cela s'acquitter d'une partie de leur devoir, envers le Pape et envers
Vostre Majesté et favoriser aucunement vos entreprises ; parce
que lEmpereur ira plus réservé en grande crainte et précaution,
présupposant bien qu'ils ne seront pas entrez en ceste levée de gens.
et en ceste despense, sans avoir quelque intelligence avec ceux de
la ligue; et qu'il n'est vraisemblable qu'ils ayent voulu faire cela
pour ayder a la ruine du Pape. C'est un corps, Sire, que ceste
Seigneurie, qui est composé de plusieurs testes, et il y en a de
bien grossières, et d'aucunes bien habiles et grands personnages.
Mais tout assemblé, ils font un sage et grand prince: ils ne veulent
point de guerre, s'il est possible, et n'ont pas tort ; et avant que se
mouvoir a rien faire, ils verront les occasions bien grandes et se
gouverneront toujours selon le temps.
De Venise ce 3 juillet 1556.
(Ribier. t. m, p. 645).
GABRE AU DUC DE FERRARE
439. — [Vicence], 6 août 1556. — Monseigneur, ,1'ay receu ce matin
une dépesche du Roy d'assez vielle dacte, car elle est du xviume de
juillet, par laquelle Sa Ma,e me commande de vous aller incontinant
trouver, pour vous faire entendre sa dernière résolution sur voz
affaires particuliers: et, pour ce qu'il n'y a que trois jours que je
suys venu de Venize et que je scay les grandes difficultéz que (avec
bonne raison) vous faictes de recevoir en vostre ville gens venait»
de ce cousté-là, pour le suspect et grand bruict qu'il y a de la peste,
tant plus craindrois-je de. vous offenser ayant à négotier et in ap-
procher de la personne de Vostre Excellence, qui sera cause que je
ne me mecteray poinct en chemyn sans premièrement entendre
vostre intencyon et bon plaisir en cella. Cependant, pour a'estre du
tout en contumace, ayant trouvé la commodité de ce porteur le
cappitaine Jehan André, qui est serviteur du Roy, el désire fort estre
le vostre, lequel part de ce lieu icy non suspect, je vous ay bien
volu envoyer la lettre que Sa Mate vous escript, réservant pour Ions
bons respeetz à vous envoyer par autre la eoppiede mon instruction,
si Vostre Excellence ne se contante (pie moy mesmes en s<»ye le
porteur, et d'aultant plus (pie l'on me mande que Monsr vostre am-
bassadeur estoit party de la Court, duquel je pense bien que vous,
Monseigneur, aurez entendu la mesme résolution que j'aj a vous
dire. D'une chose vous veulx-je bien asseurer, que en mon boire frais,
et à manger des fruitz, vous jugerez bien que je ne suys mallade.
[AOLT 1556] DOMINIQUE DU GABRE 181
ny n'ay envye de l'estre, et si je voys devers vous, je faiz mon
compte de ne mener que deux hommes, l'ung pour me apprester à
manger et l'autre à boyre par les chemins. J'eusse envoyé ung de
mes gens pour revenir avec vostre responce, mais ilz ne peuvent
passer sans grans difficultéz, et j'attendray la responce par ung des
vostres qui peuvent aller et passer par tout, et feray entièrement ce
qu'il vous plaira me commander.
De Vicenze, ce vie jour d'aoust 1556.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CONNETABLE
140. — [Vicence', 10 août 1 556. — Monseigneur, le porteur de la
présente sera Monsieur de Cambray, lequel a demouré icy quelque
vingt cinq ou trente jours, a son très grand regret, ayant bonne
envie de vous aller rendre raison de sa charge et de son fait parti-
culier, mais il fut adverty qu'on l'attendoit sur le chemin pour l'as-
sassiner (1), ce que je ay trouvé estre plus véritable que je ne voul-
drois et y a este pourveu, de façon que celluy qui voulloit taire ce
bel office a esté fait prisonnier et mis entre les mains de la justice a
Venise, ou il a confesse, a ce que j'entend, fort facilement sa maul-
vaise volonté, et sera châtié selon ses démérites. Le procez qui en
sera fait vous fera un jour certain de toutes choses (2) ; il m'a suffist
pour ceste heure d'avoir mis ledit sr de Cambray en seureté de sa
vie comme bon ministre du Roy, qui me semble très suffisant et
quiaprins beaucoup de peines en voyages si loingtains, qu'il mérite,
Monseigneur, qu'il vous plaise le favoriser envers Sa M. Il vous dira
de la peste de Venise et du travail que cela donne a toute ceste Italie,
et par une autre mienne lettre qui ira par les postes, je vous escrip-
ray des autres choses qui se présentent.
Vicenza ce 10e d'Août 1556.
(Bibl. nat, Fr. 20644, fol. 188) (copie).
1,1) M. de Cambray avait été rappelé à la suite de ses démêlés avec son collègue
Codignac, et. en passant à Venise, il faillit être assassiné. Cette tentative fut im-
putée aux suggestions de Codignac (Voir Charrière, etc., t. n, p. 409, note 1).
(2) La situation de ce prisonnier ne fut pas réglée aussi vite que semblait le
croire du Gabre, car, le 29 avril 1558, le Roi écrivit à la République de Venise
et à M. de Noailles, ambassadeur auprès de la Seigneurie, de faire justice d'un
prisonnier arrêté pour assassinat commis sur la personne de Georges de Cambray
plus d'un an auparavant. (Bibl. nat., Fr. 20977).
182 NÉGOCIATIONS DE AOUT 1556]
GABRE AU CONNETABLE
141. — [Vicence], 15 août 1556. — Monseigneur, je vous escripviz
il n'y a que trois jours, par Monsieur de Cambray et depuis n*est
survenu chose de nouveau, sinon sur le fait de Monseigneur le Duc
de Ferrare, lequel, pour ce que j*avois este naguerres a Venize, n'a
pas trouvé bon que je luy allasse parler, et a falleu negotier ce que
le Roy me mandoit avecques luy par lettres et par messaiges, et luy
ayant envoyé mon secrétaire, il l'a, a la fin, laissé entrer dans Fer-
rare et après le m'a renvoyé avec une lettre qu'il m'a escripte, et
pour entendre bien comme tout est passé, il vous plaira, Monsei-
gneur, faire lire la copie de deux miennes lettres et ses deux res-
ponces que je vous envoyé en original, par la ou, vous verrez qu'il
n'a fallu rendre responce résolue, jusques a ce que vous luy ayez
encores interprété quelques motz qu'il trouve obscurs au commen-
cement de l'instruction, pour laquelle interprétation il veult encores
renvoyer son ambassadeur ou aultres de ses gens devers vous, pour
après me resouldre de sa volonté, et encores qui] aye veu par ce qui
luy a este communiqué de l'instruction, que, en cas qu'il n'acceptast
dès a présent ce qui luy estoit offert, le Roy entendoit se départir
des premières et dernières orï'res, sy est ce que quelques remons-
tremens que luy en ayt faite Monsieur le Cardinal de Ferrare et mon
secrétaire, auquel j'en avois baillé particulières instructions, soit, ou
pour estre en son naturel irrésolu, ou pour aultre occasion, il n'a
voulu dire ne sy ne non. C'est au Roy maintenant d'en user comme
il l'entend, sur quoy je ne diray mon advis, ne bien ny mal, en
ayant assez dit le temps passé.
Monseigneur, je ne scay que penser ne dire sy nous aurons guerre
ou paix (1), car d'ung coste on voit que les imperiaulx n'ont encores
commencé aulcun acte dhostilité contre le Pape ; on escrit aus-\ de
la Court de l'Empereur et de la vostre que le dit Empereur s'en va
en Espaigne et que Rigoumes 2) devoit aller devers le Roy, que tous
voz prisonniers seront délivrez en payant leur rançon ; ce sont
toutes choses qui donnent apparence de paix et de voulloir observer
la trefve. D'ung aultre couste, je voys a Rome le langage que le Duc
d'Albe a envoyé dire au Pape, qui sont en substance remonstrances
(l) L'anxiété était, de fait, extrêmement vive : Philippe II était résolu à continuer
la guerre, le duc d'Albe n'avait que quelques lieues à faire pour envahir l'Kia
Ecclésiastique, et, par contre, le Saint-Siège, loin d'être prêt à soutenir l'attaque,
manquait totalement de ressources et «le moyens de résistance.
2 Nom francisé par <lu Gabre de Don Ruj Gomès de Silva, comte de Melito,
prince d'Eboli, favori de Philippe 11.
[AOUT 1556] DOMINIQUE DU GABRE 183
des actions de Sa Sainteté, dont ilz ont occasion de se plaindre, et
protestations d'avoir juste et bonne cause de s'en ressentir, qui est
ung défilement et vraye denontiation de guerre ; je veoy la dessus
l'ambassadeur de l'Empereur party de Rome sans y avoir este laisse
aucun successeur (1); je veoy aussy, par quelques advis que j'ay eu
depuis deux jours, qu'en la conté de Tyrol, et plus avant en Alle-
magne, se fait grant levée de gens de guerre et, m'a-t-on asseuré,
que d'Italie on avoit apporte cinquante mil escuz a Trente pour les
premières avances de ladite levée, et ung gentilbomme Espagnol,
nommé Martin Alonce, a passé par Venize et est allé a Barry (2) re-
cevoir deux cens mil escuz que cesle vieille Royne de Polonya (3)
preste a l'Empereur. Quelqu'un m'a dit aussy que, ces jours passez,
l'Ambassadeur de l'Empereur estoit en pratique secrète avec la
Seigneurie de Venize, de leur bailler en engagement quelque estât
d'importance qui leur est agréable et commode pour recouvrer ung
gros prest d'argent d'eulx, qui seroit bien le seul moyen pour leur
faire rompre le coup, et, si cela estoit vray, ce seroit designer très
évident de vouloir faire la guerre en feignant de ne la vouloir point
faire, pour mieulx surprendre le Pape, parquoy, affin d'en scavoir
mieulx la vérité. Quant aux choses qui se présentent de deçà, j'ai
résolu de faire deux choses: l'une, d'envoyer unghomme d'entende-
ment jusques Auspurg (4) et plus avant en Allemaigne pour descou-
vrir et entendre si rien se remue par delà, car il est bien possible
qu'il se feroit quelque levée pour leurs gallères d'Allemaigne, ou
pour le fait d'Hongrie, ou ceulx du Roy Ferdinand i,5) ont eu nagaires
quelques victoires contre les Turcz, et vous ne trouverez pas maul-
vaise une petite despense pour avoir ces advis la au vray et de bonne
heure. J'espère aussi partir dans deux ou trois jours pour m'en aller
a Venize veoir si je pourray descouvrir ceste praticque d'engaige-
ment, affin de mettre peine de l'embrouiller et de l'interrompre,
bien que j'ozerois jurer et asseurer sur ma vie que ces Seigneurs
n'entreront en aulcun party qu'ilz congnoissent estre advantaigeux
pour l'Empereur, s'il ne leur quittoit quelque estât de si grande
importance, et si commode quilz ne le peussent refuzer sans se faire
grand tort, et tout le monde ne me sauroit faire accroire qu'ilz doib-
(1) Le marquis de Saria, qui avait solennellement quitté Rome le 2 août. (Voir
Duruy, Carlo Carafa, p. 111 .
(2) Barri, ville au S.-E. de l'Italie, avec deux ports sur l'Adriatique.
(3; Bona Sforza.
(4) Augsbourg.
> Ferdinand Ier d'Autriche, empereur d'Allemagne, frère cadet de Charles-
Quint, né en 1503 à Alcala de Bénarès Espagne . roi de Bohême el Hongrie, fui
proclamé en 1531 roi des Romains, succéda à son frère comme Empereur (1556),
mourut en 1564.
184 NÉGOCIATIONS DE [àOLT 1556]
vent tout a un coup irriter le Pape, le Roy et le Turcq, car le moin-
dre deux est bastanl pour le destruire : et si je puis entendre chose
qui me puisse donner occasion d'en rien souspeconner, je leur en
parleray en termes generaulx, de façon qu'ilz auront occasion d'y
penser. Je n'ay pas voulu faillir. Monseigneur, de vous dire ce que
j'en entendz encores, que je pense que ce soit la plus part fables
et discours a l'italiene; quant a la peste de Yenize, on n'y veoit point
encores d'amendement, mais plus tost grande continuation et faul-
dra veoir au plain de ceste lune, qui sera, dans peu de jours, ce qu'elle
fera; on escrit encores de Rome que l'on tient pour tout asseuré la
restitution de Plaisance au Duc Octavio (1), et disent davantaige que
le Cardinal Farnèze estoit attendu audit Florence pour traitter le
mariage de son nepveu avec une fille de Florence ; toutes fois, ung
des clercz de l'extraodinaire, qui arriva hier de Parme, m'a asseure
qu'on avoit voulu donner la corde a ung audit Parme, qui en avoit
ouvert la bouche, et que ledit Cardinal et Duc Octavio estoient em-
semble aux champs, sy est ce que je n'y envoyeray point la paye de
ce mois que le plus tard que je pourray, et sans qu'ilz me la deman-
dent deux fois.
De Vicence, ce 15e d'Août 1356.
Monseigneur, le général d'Elbane m'a escript que vous luy aviez
fait donner assignation des 34 mil escuz derniers que le Duc de Fer-
rare presta, et il luy en est deu encores autre 30 mil qu'il presta ;i
ce mois de Septembre aura ung an, qui furent envoyez a Rome pour
secourir le Pape et luy donner occasion de se déclarer. Il vous
plaira, Monseigneur, donner charge a Messieurs des finances de
pourveoir au remboursement de ceste partie la. allin que le Sr Duc
ne se puisse plaindre qu'on lui retienne le sien. Sy vous n'estes bien
asseure de la paix, il ne fauldroit pas oublier. Monseigneur, de
faire quelque bonne despence en Levant, maintenant qu'on trou-
vera le grand Seigneur en colère de ceste ruine qu'il ;i reçeue en
Hungrie (2), laquelle on dit estre grande et luy a est»'' baillée, pensant
luy estre en trefve, dont je croy bien qu'il vouldra faire la vendette
au grand dommaige de la chrestientr.
(Bibl. nat.,Fr. 20644, fol. 160) (copie
(1) Octave Farnèse était duc de Parme et de Plaisance.
(2) Soliman II essuya une défaite a Erlau [Agria), ville de Hongrie, à 181 kil.
de Bude, et tinit par accorder de nouveau la paix.
[AOUT 1556] DOMINIQUE DU GABRE 18
GABRE AU ROI
142. — [Vicence], 2.') août 1556. — Sire, depuys la dernière lettre
que j'ay escripte a Monseigneur le Connétable des afferes et nou-
velles de ce lieu de deçà, la Seigneurie de Venize me fil entendre
en ce lieu ou je m'estois retire pour le suspect de peste, qu'ilz
avoient quelque chose a me dire, et (pie je fusse content daler jus-
ques la, ou j'allay incontinent et trouvay qu'ilz n'avoient rien a me
dire des afferes publiques, mais seulement du faict particulier d'ung
prisonnier duquel Monsieur de Cambray, vostre ambassadeur en Tran-
sylvanye, se plaignit dernièrement qu'il passa icy cl qu'il l'avoit voulu
assassiner, comme j'ai reconnu par autre lettre. La Seigneurie l'avoit
voulu fait mettre entre les mains du Conseil des Dix (1) pour luy faire
sonprocez et le juger. Quant ilz y ont bien eu pensé, ilz se sont reso-
luz de n'y toucher poinct et m'avoient faict appeller pour me dire, que
voulant procéder contre luy, ils avoient veu et descouvert que la
matière dont ce prisonnier la estoit accusé dependoit de quelque
différent ou inimitié qui estoit entre Mr de Codignac et ledit sr de
Cambray, tous deux ministres, et ayans nom dambassadeurs de
Vostre Majesté, parquoy dez qu'ilz entendirent cela ilz n'avoient
passé plusoultre a vouloir scavoir rien de ceste affaire, leur semblant
qu'ilz n'estoient pas raisonnable qu'ilz se meslassent des differentz
de voz serviteurs, et avoient résolu de mettre entre mes mains ledit
prisonnier pour le vous envoyer, affin que Vostre Majesté ordonnast
de ce faict la ce que bon luy sembleroit; ce qu'ilz avoient délibéré
de vous faire entendre par leur ambassadeur et m'en avoient aussi
bien voulu advertir. Je leur feiz response, Sire, que leur respect
ne pouvoitestre en cela que avec bonnes et prudentes considérations
comme ilz les ont en toutes choses, mais je ne voulois pas me
charger dudit prisonnier sans commandement exprez de Vostre
Majesté, a laquelle j'endonneroisadvis. Je croy que ledit de Cambray
sera arrivé en vostre court et qu'il veus en aura dit quelque chose,
et j'ai eu, depuis peu de jours, une lettre dudit s- de Codignac, par
laquelle il monstre avoir et amy et non ennemy dudit de Cambray,
ayant procure sa libération et sauve la vie, et pour ce «pie en la dite
lettre il fait mention du Roi des Romains (2) et du présent de la
(1) Le Conseil des Dix, institué au \IV siècle, était composé «le dix patriciens,
élus dans Ip Grand Conseil à raison d'un seul pour la même famille : te Doge el
ses six conseillers y avaient voix délibérative. (Voir A. Baschkt, \rchives de
Venise, p 513). Le Conseil des Dix était chargé de veiller à la sûreté de l'État,
de déjouer les complots, de juger les crimes de trahison : mais cette magistrature
finit par dégénérer en un tribunal d'exception.
(2) Ferdinand Ier d'Autriche.
16
186 NÉGOCIATIONS DE [AOUT \ 55H]
litière fait au Grand Seigneur. Je vous envoyé, Sire, la copie de la
dite lettre qu'il vous plaira faire veoir, et. quant a ce prisonnier, il ne
mérite pas, ce me semble, la peine ne la despence de renvoyer en
France, car c'est un grand animal qui a este toute sa vie esclave, et
par conséquent de vie et condition si misérable qu'il ne doibl estre
guières adjouster foye a chose qu'il dye en laveur ou desavantaige
de l'un ou de l'aultre. 11 vous plaira. Sire, me commander ce que
vous voulez que j'en face, soit de luy faire donner liberté, ou de luy
faire icy son procez, ou de le vous envoyer. Car je ne vouldroys pas
me mesler des differentz de ces deux ministres, mais aussi ne
vouldrois pas faillir de suyvre vostre intention.
De Vicence ce 25 dAout 1556.
Bibl. nat.. Fr. 20io6, fol. 173 copie .
GABRE AU CONNETABLE
143. — Venise], 2$ août Iô.jG. — J'avoiseu quelque soupçon que
ce qu'on disoit de l'accord dudit Octavio fut vray 1 . mais je ne
pouvois croire qu'il ne vous en eust l'ait entendre secretemenl quel-
que chose, pour vous persuader de lui laisser prendre ce qu'on luy
présente, pour avoir après plus grand moyen de faire service au
Roy, voulant faire le trait»'' double, el -'il eus! eu jugement, il le de-
voit aussi faire pour sauver la chèvre et les choux, comme l'on dit.
Mais voyant la despeche que vous avez l'aile vers luy par Monsieur
de Fourquevaux, el le langage qu'il luy tiui a son arrivée, si fort
contrairea ce qu'il eu avoil dans le cœur, comme l'on levoil par les
effets, cela me luit croire qu'il a voulu taire et la pratique et la con-
clusion si secrètement que vous n'en ayez rien sceu, et d'autant plus
est il inexcusable. Ledit sieur de Fourquevaulx m'a écrit qu'il s'en
alloit a Ferrare avec la nouvelle de ceste mutation, me priant que
je m'y voulusse trouver, avant qu'il en partit, pour y résoudre quel-
que expédient ; mais pour vous en parler franchement, je n'y suis
pas voulu aller, connoissant la nature du Seigneur qui esl la. qui se
mettra maintenant sur ses grands chevaux, ci dira que nous u'avons
(1) Le duc. Octavio Farnèse, jusque-là dévoué aux intérêts Français, venail d'être
secrètement travaillé par le- agents de Philippe IL qui lui avaient promis de lui res-
tituer Plaisance, il n "axait pas hésité, devant cette offre, à abandonner le parti de
Henri II pour passer aux Espagnols. Le roi de Fiance et le cardinal Carafa, craignant
que la défection de Farnèse n'entraînât celle des Vénitiens et du duc de Fen are.
envoyèrent à l'arme M. de Soubise, gentilhomme de la Chambre, et M. de Four-
quevaux. pour persuader au duc Octavio de rentrer dans l'alliance française,
mais les efforts des deux diplomates furent vains et, dès ce jour, le duc resta
ouvertement L'allié de Philippe. (Voir <;. Doruy, Carlo Carafa, p. 178
[AOUT 1556] DOMINIQUE DU GABRE 187
pas épargné pour de petits compagnons, quin'ontny foy ni honneur,
les millions et les millions, et que pour luy, qui est parent et prince
d'honneur, l'on ne Ta rien estimé, et se voudra faire prier et enché-
rir sa marchandise, pensant qu'on aura bien afaire de luy, et il m'a
semblé devoir tuyr toutes occasions de renouveler la vieille pratique
avec luy, jusques a ce qu'on ave de vos nouvelles. Car si vous voyez
les choses disposées a la guerre, et que vous ayez besoin ou volonté
d'avoir le Duc de Ferrare, pour faire tant plus grand desplaisir a la
maison Farneze et leur tenir le pied sur la gorge, ledit Duc de Ferrare
est a vous, en observant sa capitulation, de laquelle il ne se retirera
jamais pour l'espérance d'en jouir en temps de paix sans rien faire ;
et si vous estiez en termes de paix avec le Roy Philippe, ce sera
un grand plaisir de vous voir deschargé de Parme et de Ferrare et
vous contenter de la Mirandolle, avec l'intelligence du Pape, pour
conserver ce que vous avez en Toscane, et que les autres, qui ne
veulent penser qu'a leurs intérests et affaires, les fassent a leurs
despens et non avec l'argent du Roy. Je croy, quant a moy, que
ledit Duc de Ferrare se contenteroit ; pour le moins il le devroit
faire, quand on luy voudroit commencer toutes ses dépenses du
jour que vous le feriez servir et non du jour de sa ralilication, de-
puis laquelle on le pourroit rembourser seulement de la dépense
qu'il aura augmentée pour ses garnisons et non de celles qu'il n'a
pas faites. Et si vous jugez, Monseigneur, les Farnèses dignes de
chastiment, dissimulez pour quelques jours, afin de retirer cepen-
dant a la Mirandole environ quatorze mille septiers du bled qu'il a
en la munition, et vingt pièces d'artillerie entre lesquelles il y a
dix canons, et faites seulement prier le Cardinal Carafi'e qu'il les
veuille traiter comme ils méritent, car vous verrez qu'il leur ostera
bientost Testât de Castre (1), qui est de trente mil escus de rente,
et qui seroit bon pour Dom Antonio, son frère, et appelleront le
Cardinal Farnese a Rome, qui se gardera bien d'y aller, et en bons
termes de justice, ils le priveront de laChancellerie et des bénéfices
et par adventive du Chapeau, et asseurez vous que c'est luy qui a
dressé, toute cette partie.
Monseigneur, si je ne me trompe, le Duc de Ferrare va entrer en
si grand peur et jalousie de son Estât, qu'il ne dormira jamais seu-
rement qu'il ne se voye asseuiv de la protection du Roy, car, main-
(1) Castro, village d'Italie, à 39 kil. N.-O. de Viterbe, autrefois évêché et chef-
lieu de duché. Les Farnèse avaient possédé le château de Castro pendant plus d'un
siècle, à titre de vicaires de l'Église, avant que Paul III ne le donnât à litre de
duché à l'ierre-Louis Farnèse. Il comprenait, outre Castro : Toscanctlo, Montalte,
Marta et I orghetto. La ville de Castro fui rasée en 1648 par ordre du pape
Innocent X, pour punir les habitants d'avoir lue leur évoque. Le duché lui. plus
tard, réuni aux États de l'Église.
188 NÉGOCIATIONS DE [AOUT 1556]
tenant que Parme est révolté, l'Estat dudit Duc est frontière, qui
estoit couvert et asseuré dudit Parme, pendant qu'il estoit a la dé-
votion du Roy ; il ne se peut plus passer de la faveur et aide de Sa
Majesté, et sera contraint de se contenter des conditions que vous
voudrez, et ne seroil pas mal employé qu'on luy lit achepter chère-
ment cette protection, puisqu'il pourroit en avoir besoin, et non
que le Roy acheptat son amitié, de laquelle. Dieu mercy, il se peut
bien passer. Vous devez scavoir, Monseigneur, en quels termes vous
estes avec le Roy Philippe, et, selon cela, vous conduire ; mais si vos
prisonniers ne sont encore délivrez, je me doute qu'il y aye de la
malice. Et cette mutation du Duc Octavio, avec ce que tout a un
temps le Duc de Florence s'arme, me fait croire quil y ait quelque
conjuration secrète contre le Pape et qu'on aye l'ait a croire audit
Duc Octavio quelque grande ruine, que l'Empereur vouloit faire en
Italie, qui l'a fait ainsi oublier de son honneur.
De Venise, ce 28 Août.
(Ribier, t. H, p. 646).
GABRE AU CONNETABLE
144. — [Vicencé], Jt> août 1556. — Monseigneur, Le conte Ottavio
de Thienne qui s'en rêva a Ferrare sera porteur de la présente, et
avec ceste occasion je n'ay volu faillir de vous fere la révérence et
présenter mes très humbles recommandations à vostre bonne grâce,
n'ayant pour ceste heure autre argumenl digne d escripre. J'ay esté
ces jours passez à Venize mal voluntiers, mandé de la Seigneurie,
non pour affere publique, mais bien pour ung particulier digne de
peu de considération à Vostre Excellence, et, pour ce que le suspect
et le danger de peste y va plus lost en augmentant que autrement,
je m'en suis incontinent retorné icy où je trouve plusieurs serviteurs
du Roy et de mes amys qui me usent tanl d'honnesteté et de cour-
toisie, qu'il n'est possible de plus, et mesmes ceulx de ceste maison
de Thienne. Au demeurant. Monseigneur, il vous plaira de me tenir
touljour en la bonne grâce de Vostre Excellence et me commander
voz bons plaisirs, etjemettray peyne de les accomplir et vous fere
toute ma vye très humble service.
De Vicence, ce xxvi" d'aoust 1556.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
[septembre 1556" Dominique nu gabre 189
GABRE A DU BOURG
145. — rVicence], 9 septembre 1 556. — Monsieur le Trésorier de
l'extraordinaire des guerres. Maistre Claude du Bourg (1) ou son
commis, payez a Maistre Jacques Pecquineau (2), trésorier dicelles
guerres en ce pays d'Italie, la somme de mil vc soixante livres pour
icelle, convertir et emplover au fait de sondit office et mesmes pour
payer les cent chevaulx légiers du conte de la Myrande que le Roy
avoit par cy devant cassez durant le temps de la trefve par ung estât
signe de luy et Duthier du xxvme jour de juin 1556, lequel depuis
auroit mande par une sienne missive, en datte du xxvne août audit
an, aui-si signée de luy et dudit Duthi t, que nonobstant ledit estât
par cy devant envoy > il vouloit qu'ilz fussent continuez aestrepayez
et iceulx envoyé a Rome pour le service de nostre S1 Père le Pape.
Prenez quittance dudit Pecquineau qui le rendra comptable, rappor-
tant laquelle avec la présente ; ladite somme de mil vc lx sera passée
et allouée en voz comptes et rabattue de vostre recepte partout ou
il appartiendra.
Fait a Vincenza le ixe jour de septembre mil vc cinquante six.
(Bibl. nat., Fr. 20970, fol. 161) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
146. — [Vicencé], 12 septembre 1556. — Monseigneur, Je ne vous
feroy pas longue lettre pour ne redire ce que j'ay mis en la lettre
que j'escript au Roy, n'ayant autre chose de particulier a vous dire,
sinon que mon homme qui est venu d'Allemaigne m'a rapporte
avoir parle a ung aultre homme qui ne faisoit que de venir a Vienne,
ou l'on préparoit une grosse armée de gens de pied et de cheval
que l'Archiduc d'Austrie, second filz du Roy des Romains (3), debvoit
mener contre les Turcqz sur lesquelz il avoit eu quelque peu de
victoire, et je croy que le service du Roy requerroit de faire solli-
(1) Claude du Bourg, sieur de la Guérinc. trésorier de France à Lyon en 1557,
conseiller du Roi en 1562. secrétaire des tinances, ambassadeur à Constantinople
sous Charles IX.
(2) Jacques Péguineau, trésorier des guerres, probablement petit-fib de Martin
Péguineau, ambassadeur en Ecosse (1512-1513 .
(3) Ferdinand, comte de Tyrol, marquis de Burgan, né en 1529, mort en 1595;
deuxième tils de Ferdinand Ier d'Autriche et d'Anne, tille de Ladislas, roi de
Hongrie.
190 NÉGOCIATIONS DK [OCTOBRE 1556'
citer le grand Seigneur de la revanche et pour ceste cause luy faire
une bonne despeche. J'ay envoyé ung homme a Parme pour vpoir a
l'œil la qualité et la bonle des victailles qui y sont et le prix a quoy
est maintenant le bled par de la. affin qu'on puisse se resouldre de
la vente si le Roy la commandera, le plus qu'il sera possible a son
proffit et advantaige. Je désire bien sur toutes choses, Monseigneur.
de n'aller pas a Parme pour ceste commission la, mais je suis bien
content d*y envoyer, et qu'il ne se puisse rien vendre que je le
scaiche, car je garderay bien ceux qui vouldroient butiner la dessus
d'y faire ce qu'ilz auroient pense, et pour le moins je vous advertiray
fort bien si je veoy que personne y aille avec desseing particulier.
De Vicence ce 12e de Septembre 1556.
Monseigneur, Monsieur de Soubize m'a escript que vous estiez en
oppinion qu'il avoit prins son estât de Parme depuis qu'il alla en
Toscane, voyant que le Roy lui escripvoit ne le plus prendre et ne
scay de qui se plaindre qui vous ay donné cest" impression. Je
luy ay fait responce que je le priay de n'avoir p >int desouspecon sur
moy, et que je m'aimois trop moy mesmes pour vouloir dire en si
bonne compaignie qu ' la vostre une mensonge si évidente, car tous
les mois le controll >ur qui t°noit le registre a Parme envoyé a
Mr le Controlleur général un estai de la despence, ou l'on veoit
bien que ceste partie, n'est aucunement comprinse et je vous en
ay bienvolu, Monseigneur, escrip • ■ ce mot. allin que vous ne fussiez
pas en ceste oppinion, vous asseurant hi mi qu'i n'a pas receu ledi*
estât de Parme depuis qu'il commença a recevoir celuy de Toscane'
et luy seroit faict ung grand tort si l'on le pensoit aultrement.
(Bibl. nat., Fr. 20644, fol. 167] (copie .
GABRE AU ROI
147. — [Venise], .2 octobre 1566. — Sire, il semble qu'on soit bien
loin de faire accord et que le Papn soit excusable, s'il ne se veut
accommoder a choses si impertinentes, que demande l" Duc
d'Albe ; car, quand il tiendroit Sa Sainteté prisonnier, j cro qu'il
ne luy scauroil demander davantage. Les Impériaulx onl enfin
rompu la trefve 1 . qu'ils disoient vouloir tant observer du coté de
(1) Les hostilités avaient repris depuis le 1" septembre entre le Saint->
le duc d'Albe. L'année du Duc, composée de plus de 20000 hommes, comprenait,
entre autres troupes, iooo Espagnols d'une bravoure ;ï toute épreuve, mais d'une
rare cruauté, qui exterminaient les vaincus sans pitié, brûlaient les maisons»
pillaient tout devant eux. La consternation régnait a Rome et s'expliquait «l'autan1
plus que le Pape ne disposait, en somme, que «le troupes peu nombreuses et peu
disciplinées. (Voir G. Duruy, Carlo Carafa, p. 183).
[OCTOBRE 1536] DOMINIQUE DU GABRE 191
Rome, et est a craindre qu'ils la veulent aussi rompre du costé de
Lombardie. Ils vous ont eu bien peu de respect, Sire, et il sem-
ble que le Roy Philippe veuille commencer le chemin du père,
a vouloir avec les armes donner la loy au monde, et a ceux qui né
le reconnoissent en rien, comme s'il estoit dominateur de l'univers.
Je ne scay rien, Sire, de vos affaires, mais si vous nestez en quelque
étroite pratique de paix avec luy et que vos affaires le peussent
porter, il meriteroit bien qu'on l'accoustumast de ne plus croire en
celle grandeur et a vous porter doresnavant plus grand respect.
Car le Pape est comprins en la tref've comme le principal de vos
alliez, et ne se peut dire que Sa Sainteté les aye aucunement pro-
voquez par acte de guerre, car il n'a rien attenté, sinon contre ses
sujets, et par les termes de justice, laquelle ils voudront par les
armes gouverner a leur appétit en la maison d'autruy, qui est une
insolence du tout insupportable, .lentens que dans Rome on com-
mence desja a s'asseurer, et ne sont pas les choses si mal, qu'il ne
puisse bien amuser les ennemis et les faire pourmener hors de Rome
plus longuement qu'ils ne voudroient ; car je veux croire que Sa Sain-
teté ne se hastera pas fort de venir a composition quil n'aie de vos
nouvelles. Le Commandon (1), son secrétaire, qui avoit été icy en-
voyé, a remonstré a ces Seigneurs la justification du Pape, la mau-
vaise foy et intention des Impériaulx, la conséquence et importance
que cela seroit a toute lltalie et mesmement à cest Estât cy, la ruine
du Siège Apostolicque et la dignité Papale, les priant d'y vouloir
penser et de ne laisser Sa Sainteté en proye des ennemis de Dieu et
de l'Eglise, sans toutesfois les recbercher d'aucune particularité ; mais
après, je leur suis aile remonstrer que pour fuyr toute occasion de
vostre part et de celle du Pape de rompre la trêve, qui estoit si né-
cessaire a la Chrestienté. V< sire Majesté n'avoit voulu envoyer
aucunes forces a Sa Sainteté pour pouvoir assaillir personne, et que,
ce peu de François qui sont a Rome, vous les aviez fait passer pour
aller garder vos places de Toscane, lesquels Sa Sainteté avoit après
demandé a vos ministres, qui leur avoi uit accordé, pour garder sa
propre maison. Que j'avais opinion que vous, Sire, trouveriez bien
mauvais cette ouverture de guerre, commencée par les Impériaulx,
et seriez pour vous en ressentir tôt ou tard, estant aussi bien as-
seuré que pour rien Vostre Majesté n'abandonneroit Sa Sainteté. Mais
parce qu'il y avoit qu lquepourparler d'accord, il me sembloit qu'il
feroit chose digne de leur grandeur et agréable a Dieu et au monde
(1) Jean-François Commendon, né à Venise en 1524, fut mêlé à de? négociations
importantes en Angleterre, à Vienne el à Varsovie ; envoyé comme nonce en
l'ologne (1564), il réussit à y taire accepter les décrets du Concile de Trente,
et fut nommé cardinal en récompense de ce succès. Il mourut en 158 i.
192 NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 15561
et de grand bénéfice a toute l'Italie, d'y interposer leur autorité et
d'envoyer en diligence un gentilhomme exprès vers le Duc d'Albe
avec remonstrances et protestations qui le puisse mettre en quelque
doubte ou défiance d'eux; ils m'ont repondu d'y avoir fait office en-
vers le Pape et le Roy Philippe, et qu'ils y feroient encore toutes
choses possibles, et je croy quils seront pour se résoudre a cet ex-
pédient, comme les gens du Pape m'ont dit avoir senty quelque
chose : il en sera ce qu'il plaira a Dieu. Toute ceste Italie est en
grande expectation,Sire, de scavoir ce que vous direz, et ferez, après
avoir entendu que les Impériaulx ont commencé la guerre, et se fait
sur cela de beaux discours.
De Venise ce 2 octobre 1556.
(RiBlER, t. il, p. 648).
GABRE AU CONNETABLE
148. — [ Venise], 2 octobre 1556. — Monseigneur, il vous plaira
veoir, par ce que jescriptz au Roy, en quel estât nous sommes du
deppost pour secorir les affaires a Rome, ou nous avons plustot
abondance que faulte d'argent. Dieu mercy. et la bonne dilligence
du gênerai d'Elbene et des gens de .Nazi, mais n'ayez pas. sil vous
plait, pour cela, opinion qu'il s'en face plus grand desgat, car ayant
bien volu pourvoir au commencement ceulx de Rome, comme il
estoit bien nécessaire, nous irons par cy aprez plus reservez et ne
s'en prendra rien que Messieurs les Cardinaulx de Tournon et Fer-
rare, comme vous entendez ne le bcaichent, et je croys que ceulx
de Rome vous rendront bonne raison de la despence quilz en feront.
Le Roy Philippe a mande venir l'Ambassadeur de l'Empereur (1)
qui estoit icy pour se tenir auprès de luy et est party ayant laisse
icy ung secrétaire; en son lieu, vient ungaultre Espaignol qui estoit
ministre a Gennes, et m'a l'on asseuré quil ne vient, sinon avec des-
peche du Roy Philippe, et que l'Empereur n'y en rien nommé ayant
declaire ne vouloir plus ambassadeurz auprès de luy ne aussy en
vouloir tenir aulcuns auprez des princes, mais que touttes choses
se feissent au nom du Roy son lilz. et, s'il sera ainsy. je croy que
la raison veult que les Ambassadeurs du Roy précédent les Ambas-
sadeurs des autres Roys, parquoi sy on y faisoit difficulté ou que
nous entrissions en disputes ne contraste, je suis résoleu de ne
laisser pas perdre mon lieu (2) pour la conséquence et réputation
(1) M. de Vargas.
(2) Cette querelle de préséance, énergiquemenl soulevée par du Gabre, ne se
termina pas durant la mission de ce prélat à Venise; el elle dul être reprise par
[OCTOBRE 1556] DOMINIQUE DU GABRE 193
du Roy, dont toutesfoiz, Monseigneur, je vous ay bien volu dire ce
mot pour ce que vous scavez, comme tout cela doibt aller et vous
plaira m'en l'aire donner ung mot d'advis affîn que je n'y face poinct
d'erreur. J'escriptz aussi a Sa Majesté d'une recommandation que le
Cardinal Pisani (1) demande, lequel m'a prie de vous en escripre
particulièrement. Je croy bien que la principale espérance qu'il a de
faire son nepveu (2) cardinal, est en desboisant a force escuz dont
il a bonne provision, lesquelz, le Pape ou par aventure ses nepveux,
ne reffuzeront pas pour la nécessité et afferes la ou ils se trouvent,
mais la recommandation du Roy lui pourra beaucoup valoir, et Sa
Majesté vient a obliger de choses qui ne coustent rien ung vieulx
Cardinal et ung nouveau. Je suyes esbaby, Monseigneur, quil n'y
aye poinct encores nouvelles de Monsieur de Morengy qui estoit
party de Constantinople il y a deux mois, mais quil soit arrivé.
J'envoieray encores devers le Cardinal de Trente pour scavoir si le
sauf conduit quil a baillé pour passer les chevaulx du Roy sera
valable, ayant eulx depuis commencé la guerre du couste de Rome.
De Venize ce 11e d'Octobre 1556.
Monseigr, ces Seigneurs ont eu quelques nouvelles, que le filz du
Roy des Romains avoit prins une ville en Hongrye (3), que les Turcz
tenoient nommez Kabosse, dans laquelle il y avoit mil cinq cens
turcz ; il est impossible que le Grand Seigneur n'en entre en grande
colère.
Monseigneur. 11 y a ung marchant en ceste ville qui m'est venu
offrir de prendre tous les bledz de Parme au priz qu'ilz se vendent
maintenant audit Parme, qui est, a ce que j'ay entendu, de sept
Jules le cestier, et payer l'argent comptant, moytie en ceste ville et
moytie a Lyon en lui rendant ce bled la sur le Po qui seroit aisé
a faire, car de Parme a Bresseil n'y a que buict ou dix mille, et a ce
compte la s'en pourroit retirer environ unze mil escuz comptants,
dont vous pourriez faire estât et vous en servir promptement la ou
vous verriez qu'il en seroit besoing, et avant que les chemins soient
plusgastez pour le charoyjusquesauPo.il seroit bon qu'il vouspleust
son successeur, François de ÎS'oailles. La Seigneurie, en effet, fidèle à ses tra-
ditions de prudence.se refusant toujours à trancher ce différend, Noailles réclama
le rang qu'il estimait devoir lui appartenir avec tant d'insistance que le Sénat
consentit enfin à le lui attribuer le 2 juillet 1558; c'est donc à cette date que la
querelle prit réellement fin. (Voir Un évéque de Dax, François de Noailles, par
l'abbé Gabarra ; Dax, linp. Labèque. 1888;.
(1) François Pisani, vénitien, d'abord évéque de Padoue et de Trévise, cardinal
en 1517, archevêque de Narbonne ; mort en 1570.
(2) Louis Pisani, vénitien, également évéque de Padoue, promu cardinal en 1565.
(3) Kabosse, aujourd'hui Kaposvar, ville de Hongrie, au IS'.-O. de Cinq-Eglises,
au sud du lac de Balatou, dans le comitat de Suneg, sur le Kapos.
19 i NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 1556
y prendre resolution et nous donner advis de ce que vous vouldriez
en estre faiet, car de le vendre par le menu a Parme pour avantager
ny le Duc ny les citadins pour leurs bons deportements. ilz ne le
méritent, et tout se mangera en officiers et en rabaiz et diminutions
et y aurez grand longueur de temps: il sera nécessaire de faire une
lettre du Roy au Duc pour consegner lesdits bledz a tel ministre
que vous adviserez. Quant a l'artillerie et munitions, on pourroit
retirer le tout par ung mesme moyen.
(Bibl. nat.. Fr. 20456, fol. 1T7) (originale .
GABRE A H. DE BEAUREGARD
149. — [Venise], 24 octobre 1556. — Monsieur, je vous mercye
bien humblement de la lettre que vous m'avez escripte par M' de
S1 Ferme (1), et quant a mon congé, je vous asseure bien que j'en
escripvois avec grand désir de l'obtenir, et non pour prévenir ceulx
qui désirent ce lieu et le procurent pour moy; carjaurois fort grant
besoin défaire ung voyage en France pour mes petitz atfères. mais
puis que vous me mandez que mon service est agréable, encores
que j'ay bien peu desperance qu'il soit reconnu, si continuera? je
tant que l'on vouldra et tant que vous me le conseillerez; mais si.
daventure, les choses de Rome s'accommodoienl par quelque accord,
et que les affères cessassent par deçà, je vous supplve. Monsieur,
de vous souvenir de me rappeller avec quelque peu de réputation,
en apparence, si je ne la puis avoir en réalité. Le Vicaire de S1 Ger-
main ne vous a poinl parlé de ce que je lui avois escripl pour qu'il
en parla premièrement a Monseigneur le Cardinal de Chastillon
qui fut d'advis quon remist cela a une autre fois, pour quelques
raisons que j'ay trouvées très bonnes el -âmes. . le vous escripray
une aultre fois ce (pie c'estoit.
Au reste, Monsieur, vous verrez que je faiz mention en la lettre
du Roy de quelques articles pour l'accord du Pape, ausquelz j 'avois
lait une petite digression et préambule, et l'eiz cela ung joui eu me
jouant en un vilaige ou je lais. us vendanger, mais Messieurs
d'Avanson et de Lanssac, a qui je l'envoyay après, me mandèrent
quon lavoit fort loue a Rome, encores que l'invention cl le langaige
fust d'ung françois et que voluntiers ils ne trouvent rien bon que
d'eulx. Si vous prenez la peine de le lire, par adventure, (pie ceux
que le Roy commettra pour disputer de ce négoce avec les gens du
Roy Philippe y trouveront quelque chose dont ilz se pourront ayder
(1) Etienne Bouclier, abbé de Sainl-Fenne unie I, p. 120 .
[novembre 1556] Dominique du gabre 195
et s'il estoit trouvé lion au conseil du Roy, ftfunus nostrum ornato
verbis, et faictes valoir, Monsieur, nostre Marchandise le mieulx que
vous pourrez, ,1e despeelie un des Tassins exprès pour ce qu'il me
semble que la despeehe de Levant est de grande importance et peult
beaucoup amender toutes conditions d'accord, si d'avanture l'on
estoit en quelque traicté de paix avec le Roy Pbilippe, et vous plaira,
Monsieur, faire bailler argent audit Tassin pour son voyage, car je
ne luy ay rien baillé par deçà, et au demourant il vous plaira me
tenir tousjours en votre bonne grâce.
De Venize ce 24 dOctobre 1556.
(Bibl. nat.,Fr. 20456. fol. 181; (copie).
GABRE AU CONNETABLE
150. — [Venisp], 5 novembre 1556. — Monseigneur, vous aurez
toutes nouvelles de Rome par ce pacquel que j'envoye au Roy et
veoit on que les ennemys commencent plustost a diminuer que
engrossir leur camp et plustost contenance de se vouloir retirer
que de passer plus oultre ; de sorte que le Pape s'en pourroil trou-
ver desmelé avec lbonneur dont il seroit fort obligé du Roy qui a
soubztenu tout ce faiz, car, sans son argent et sans ses ministres et
gens de guerre, je croy (pie toutes choses feussent fort mal alées
et si le Roy veut monstrer de se tenir offence de ceste ropture de
guerre, je croy que le Duc d'Alve n'aura faict gueres bon service a
son maistre de la commencer. Vous avez et le ïurcq et le Pape fort
irritez contre vostre enemy, et je croy que vous n'aurez de long-
temps plus belle occasion de luy faire recongnoistre son créateur
que maintenant. Vous ne m'avez, Monseigneur, encores riens mande
de ce qu'on doibt faire de ce prisonnier de Monsieur de Cambray ;
il est toujours la en prison et ny sera touché jusques a ce que vous
me mandiez la volunte et intention du Roy. L'on m'a escript que
Monsieur de Montmorency a n'a guières passé par Testât de ces
seigneurs s'en alant a Ferrare et de la a Rome (I). Je n'eusse failly
de l'aller rencontrer pour me présenter a luy faire service, n'eust
este ce suspect de peste qui nous a tellement descriez que partant
de ceste vile on ne nous veult recevoir en aucun lieu, mais je luy
ay escript et ne fauldray pas de luy faire tous les services quil me
sera possible comme je y suis tenu.
De Venize ce ve de .Novembre 1556.
(Bibl. nat., Fr. 20456, fol. 185) (original).
(1; On verra un peu plus loin (p. 203) qu'il s'agit, ici, du tils du Conné-
table.
196 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1556]
GABRE AU ROI
151. — [ . 12 novembre 1556 . — Sire, je receuz, il y a
deux jours, les lettres quil vous a pieu m'escripre du 24e et 26e du
passé, et, de fortune, le courrier que Monsieur de Forquevaulx m'en-
voya avec lesdites lettres me trouva a Padoua ou jestois aile seulle-
ment pour veoir ung logerz nouveau que je y ay pour me retirer
tant plus voysin dicy si la peste nous en chassoit. Je monstray a
Monseigneur le Cardinal Pisani. qui est la, ce quil vous plaist m'es-
cripre de l'office faict pour la promotion au Cardinalat de son ne-
veu, l'Evesque de Padoua, et de la bonne volonté que Vostre Majesté
porte audit Cardinal dont il demeura grandement oblige et satis-
faict avec très grand désir de continuer a vous faire service en tous
les endroitz quil pourra.
Bibl. nat., Fr. 20456, fol. 187. Extrait 'copie).
GABRE AU GÉNÉRAL COEFFIER (1)
152. — Venise], 12 novembre 1556. — Monsieur, ce porteur Jean
Petit (2) vous va trouver passant premièrement par Ferrare pour y
prendre deux mille cinq cens escus qui serviront ponctuellement
pour fournir a ce que vous commanderas ou bien le bailler entre
les mains de qui vous advis'erés pour en tenir le compte, '-t s'il y en
aura encore assés pour satisfaire a tous vos frais et pour paier la
garnison de la Mirandola. Ledil Petil a accoustume den faire le
payement, et s'il ny a assés d'argenl on luy envoiera nouveau fons;
en effect, Monsieur, c'est a vous a luy commander ce qu'il aura a
faire et je croy quil ne fauldra d'obéyr et de vous secourir et servn
fidellement. M >sser Pi stro Pamaro, a qui le Roy a presmeu loffice
de Controlleur général des munitions, vous va aussj trouver pour
faire son estât tt vous assister, soulaiger et ayder au marché et
dellivrance des vivres : je pense quil y fera sou debvoir; et quant a la
vente des bleds, le sieur Carlo Salvati qui vous parla a Padoue
m'esl venu aussy parler icy, <•! veoy quil persiste en la première
offre quil me tist d'envoyer devers vous pour y faire une conclusion,
(l) Gilbert Coeflier, sieur de la Bussière, Chezelle« el d'Effiat, trésorier de
France, général des finances, maître «les comptes en Piémont, Savoie et Dauphinéi
lieutenant-général en Italie après la bataille de Cerisolles. Bibl. nal . Mss . dossiers
bleus, vol. 200, dossier 5079 Coeffier .
(2} Courrier au service de la France,
[novembre 1556] Dominique du gabre 197
et suis davis, Monsieur, que vous la faciès le plutost que vous pour-
rez, et meltiés en considération l'importance de prendre tout bon
et mauvais et de vous payer comptant, de sorte que cela portera
toujours plus davantage au Roy a demy Jules, moins pour cestier,
qui ne feroit un Jules davantage a attendre le temps de la vente et
le vendre par le menu; j'ay veu les responces que vous fistes au
pied du marché que Mr Marco Vidal (1) vous présenta a Padoua et
me semble que tout est fonde avec bonne raison. Ledit Mr Marco
vous vas aussy trouver avec un homme dudit Salvaty; vous regar-
derés, Monsieur, s'il vous plaist a les faire depescher le plustost
que vous pourrés. Au reste, nous sommes, ce me semble, icy, hors
de tous suspects de peste et avons été deux jours sans quil ny ait
aucun mort ny mallade, sinon de quelques fiebvres tierces qui ces-
seront avec ce froid, s'il plaist a Dieu, et si vous passés par icy
allant a Rome, il y a un certain arcovo nouveau miraculoso (2), et
amendrons les faultes passées. J'ay baillé audict Jean Petit uncei-
tain mémoire de munitions qui sont a Reggio deppendans, de l'ar-
tillerye, lesquelles sont de bonne valleur payées par le Roy et ne
tiennent que pour la gabelle de peu d'importance. Je croy que vous
ne scauries faillir, Monsieur, de les faire retirer. Je n'ay rien de la
Court depuis vostre partement, ne de Rome aussy, qui soit digne de
considération.
De Venise ce douziesme de Novembre 1556.
(Ms. de Grenoble, fol. 54 r).
gabre au duc de ferrare
153. — [Chioggia], 17 novembre 1556. — Monseigneur. Ce courrier
m'a trouvé encores en ce lieu pour le vent contrere qui m'empescha
d'arriver hier à Venize. J'ay veu ce qu'il vous a pieu m'escripre par
la longue lettre de vostre main, où je veoy que vous désirez une
chose qui ne se peult fere sans grand perte et préjudice pour le Roy
et sans mettre, vous et nous, en grande confusion. Je vous diray en
premier lieu, Monseigneur, comme les choses passent, et puis vous
qui estez maistre sur tous nous pourrez commander et ordonner ce
qu'il vous plaira. Il vous plaira donques scavoir, Monseigneur, en
premier lieu que j'escripviz au Roy du 11e d'octobre l'offre que ce
marchant vénitien m'avoit faicte de prendre tous les bledz de Parme
et les payer comptant au priz de la place de Parme, et faire tous les
(1) Marco Vidal, maître des courriers à Venise. (Voir La Ferrière, Lettres de
Catherine de Médicis, t. i, p. 183).
(2) Une arche miraculeuse ; sans doute un lieu de pèlerinage.
i98 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1556]
charrois à ses despens, et depuis avant qu'avoir eu responce de Sa
Mate, le gennéral Coeffier vint à Venize, où ledit marchant persista
encores en la mesmes offre et luy faist accordé le marché, à la
charge que je m'obligerois, comme je feiz, à mon propre et prins
nom à maintenir et ohserver le contract qui en seroit passé par
ledit gennéral, et à réfère, à faulte de ce fere, les dommaiges et inté-
restz audit marchant, lequel disoit que ledit gennéral seroit difficillis
conventionis, et qu'il ne s'en voulloit adresser à aultre que à moy
qui suis résident à Venize. Il réserva seullement la condition d'aller
veoir sur le lieu la qualité du bled, et nous aussi de veoir si cepen-
dent nous trouverions qui feist meilleure condition au Roy que luy.
Depuis, est venu la responce du Roy, qui consent et commande parti-
culièrement ce contract, comme il vous plaira veoir par l'extraict
que je vous envoyé de ce que Sa Mate et Monseigneur le Conestahle
m'en ont escript, dont jay envoyé semblable coppie audit gennéral,
lequel ne trouvant, comme il fault croire, personne que luy en pré-
sentast meilleur condition, aura passé devant notere les obligations
du contract déjà accordé audit Venize. Ledit marchant s'estoit déjà
asseuré du donatif (l) que la Seigneurie baille à ceulx qui apportent
bled pour dix-neuf mille cestiés et recepvant ledit donatif, il fault
qu'il se soit obligé à la Seigneurie de le eonduyre dans Venize sur
peyne de rendre à ladite Seigneurie deux foys aultant que monte
ledit donatif et aultres peynes (pie je ne scay pas bien, de sorte que
si l'on luy revocque maintenant son contract. on luy est justement
et léalment tenu de toute ceste perte, qui monteroit plus de trois
mille escuz, et de la despence que ses facteurs auront l'aide aux
voiaiges de Panne, aux charroi/, et aux nollaiges (2) des barques, et
encores demandera-il pour ses dommaiges et intérestz lucrum ces-
sans, dont les Vénitiens mesmes seront juges, et je vous laysse
penser s'ilz seront favorables en cela au marchant qui travailloit
pour leur commodité et s'ilz donneront adoz (3) à qui la leur em-
peschera. En danger, Monseigneur, qu'il/, veuillent prendre cela pour
ung exploit de guerre par vous commencée contre eulx, retenant
pour vous et leur empeschant ce qu'ilz fout venir pour la nécessité
de leur ville non de vostre estât, mais d'ung aultre où vou> n'avez
intérestz que du passaige et de vozdace(4),etsi y a bien davantage.
Monseigneur, que le Roy et ses ministres principaulx scavent bien
si Sa Ma,c veull 1ère passer armée ou non, et si ceste munition est
nécessere pour ledit passaige, auquel cas il ne la fauldroil rendre
vl) Donalil'. du mot latin donativum: gratification.
■j Nolis: louage d'un navire.
(3) Donner a dos: battre, frapper.
t'*) Daccs, de 1 italien daxio-: impôt, péage.
[novembre 1556] Dominique du gabrE 199
ne à vous. Monseigneur, ne à aultre, mais la 1ère vendre audit pas-
saige par les ministres du Roy et prendre pour Sa Ma,e le proffict
que les achapteurs y veullent 1ère. Parainsi. si vous y usez de réten-
tion et d'auctorité, quelque coleur qu'on y scaiche bailler, il y a
danger que cela soit interprété que vostre premier acte de service
aye esté pour vostre commodité el proffict parliculier et non pour
aultre charité : de sorte, Monseigneur, que je y veoy toutes ces dif-
ficultéz et inconvéniens, lesquelz je vous veulx bien proposer pour
ma descharge envers le Roy et envers vous, etaprèz vous en laysser
ordonner et disposer comme il vous plaira, car, quant à moyje n'i
ay aulcune auctorité, mais ledit gennéral ne fauldra de vous bien
obéyr et je luy escripray toutjour qu'il le face. Pour ceste heure, il
vous plaira m'excuser si je ne luy en escriptz poinct, pour n'estre
moy mesmes cause de la confusion où je m'en trouverois, mais je
veoiz cejourd'buy à Venize et parleray très voluntiers au marchant
pour veoir si Ton le pourra persuader en une façon ou aultre de
vous céder libérallement le marché, en tout ou en partie, et en luy
refaisant les intérestz et pertes raisonnables ; et si j'en puis tirer
responce qui vous puisse satisfere, je la vous feray entendre et
audit gennéral, mais je vous suplye très humblement, Monseigneur,
pour les raisons que dessus et aultres respeclz fort nécesseres,
n'empescher poinct le bled qui se trouvera chargé, pour éviter la
grand querelle qui en viendroit à Venize, et ne nous mettre tous en
fâcherie, car il fauldra beaucoup de temps avant que tout soit chargé,
rt cependant on verra s'il sera possible, du consentement du mar-
chant, vous accommoder d'une partie <b' ce qui ne sera encores
chargé.
De Chioggia, ce mardi matin xvne de novembre 1556.
Arch. de Modène. Axch. de la famille Fieschi;.
GABRE AU ROI (1)
154. — [ ], 21 novembre 1556. — Sire, il n'est point
encore icy venu aucun ambassadeur de l'Empereur, ne du Roy Phi-
lippes, et si celui qui viendra n'apporte bonnes patentes de l'Empe-
reur et non dudit Roy Philippe, je le garderay bien de mettre le
pied devant moy, puisque Monseigneur le Connétable me mande que
ainsi je doibt faire.
(Bibl. nat.. Fi\ 20456, fol. 189. Extrait) (copie).
I D'après une noir, le présent extrait ainsi que tous 1rs fragments de la
correspondance de du Gabre a été copié par Gaignières sur les manuscrits de
M. de Lanioi^non. La bibliothèque de Lamoignon fui vendue en Angleterre ; elle
ne formait pas moins de 1550 volumes manuscrits et 800 cartons. La Bibliothèque
nationale ne possède que la série des registres du Parlement.
200 NÉGOCIATIONS DE [NOVEMBRE 1556]
GABRE AU DUC DE FERRARE
155. — [ Venise . 22 novembre 1556. — Monseigneur, J'ay veu ce
qu'il vous a pieu m'escripre par le Sr Alexandre Fiasco, et suis fort
marry du travail que vous avez de cest affere de don Louys (1), que
j'ay trouvé bien estrange et, comme vous ditez, Monseigneur, il
vous fault ung peu mieulx prendre garde aux insides des enemys e1
vous déclairer contre eulx comme ilz font contre vous. Je scay bien
que si vous voulez ce que vous pouvez, que l'on les chastiera bien.
Par adventure que Dieu envoyé ces occasions pour leur ruyne et
pour vostre grandeur. J'ay escript à la court les propoz que nous
eusmes dernièrement ensemble et les solicite vivement de provi-
sion de deniers pour vostre despence, car nous n'avons icy rien que
quelque petite reste des trois cens mil escuz du deppoz, qui sont
obligez à la protection du Pape et non à autres usaiges. mais vous
aurez dans le xve de décembre les x\xiinM escuz d'Albizo del Bene.
et entre cy et la il sera venu nouvelle provision d'argent pour la
despence de vostre protection. Quant au froment de Parme, j'ay
monstre, Monseigneur, audit Sr Alexandre l'accord qui en fut faicl
icydèz le lie de novembre, par lequel le marchant, dès lors, s'obligea
et me feist aussi obliger, réservant seullement de son cousté à veoir
la qualité des froment/, et à passer l'obligé en meilleur forme à
Parme, et nous estoit aussi cependant permis de le bailler à autre,
si nous trouvions meilleur condition pour le Roy. et si le marebant
a trouvé les bledz à son gré h que le général Coiffier luy en aye
passé nouvelle obligation, il est impossible de révoquer cela, qu'il
ne couste dix mil escuz de perte au Roy. J'en ay parlé audit mar-
ebant, mais il m'a respondu d'une belle protestation, el >i voua y
touebez d'auctorité, je scay bien que vous en acquerrez l'inimytié
de ces Seigneurs el pour le Roy el pour vous, el pour ma descharge
j'envoyeray à Sa Maté la copie des promesses qui en furent faictes
icy, de ce que vous m'en avez escript et de ce que je vous y a\ res-
pondu, et croy bien que Sa Mate ne vouldra prfs porter ceste perte.
J'en ay parlé encores plus amplement audit S* Fiasco, sur lequel je
m'en remestray et des autres nouvelles de deçà.
De Venize, ce xxue de novembre 1556.
(1) Don Louisd'Este, deuxième fils d'Hercule, travaillé en sous main par l'am-
bassadeur ilu duc de Florence, avait accepté de se mettre au service de Philippe II.
L'intrigue l'ut par hasard découverte à temps, ri Hercule en témoigna vivement
son déplaisir au duc de Florence. Don Louis lit alors comme son frère Alphonse,
il quitta furtivement Ken-are, et se dirigea sur Paria ou il obtint son enrôlement
dans l'armée française. Les deux frères ne rentrèrent a Ferrare qu'à l'automne
1557. (Voir Rodocanachi, Renée 'le France, p. 214 sq.).
[DÉCEMBRE 1556] DOMINIQUE DU GABRE 201
Monseigneur, Depuis ceste lettre escripte est arrivé icy l'homme
du marchant qui a faict le marché du bled, lequel j'ay monstre au
Sr Alexandre en propre original, où il n'y a aucune réservation de
ma volunté, mais, au contraire, une pure obligation que je le doihve
trouver hon et le ratiflier, et si y a davantaige obligation de les
fere passer franez de tous daces par vostre estât et par celluy de
Mantoua. de sorte que s'il ne vous plaist user du vostre de la cour-
toisie, que les princes usent les ungs envers les autres, et nous favo-
riser envers le Cardinal ou Duc de Mantoua, il sera force que je vous
face payer des deniers du Roy, ce qui vous appert ient pour lesdits
daces. Vous en userez comme il vous plaira, et je ne fauldray de
fere entendre à Sa Maté le traictement hon ou maulvaiz ou tel
qu'il vous plaira le fere, dont j'ay plus amplement devisé avec ledit
Sr Alexandre, luy ayant baillé une coppie du marché faict à Parme
et des premières promesses qui en furent faictes icy.
(Arcli. de Modène. Arcli. de la famille Fieschi).
GABRE AU DUC DE FERRARE
156. — [Venise], 2 décembre 1556. — Monseigneur, Le seigneur
Alexandre vous dira ce qu'il a negotié icy en voz afferes et mesmes
sur le faict de ces fromens, lesquelz je crains fort que le Roy. ne
vous, ne les marchans naurez jamais, car ceste longueur et empes-
chement donne loisir aux Imperiaulx qui les ont encores en leurs
mains de les retenir pour eulx. Et quant il vous eust pieu vous dé-
sister de cest empeschement que vous y voulez mettre, il seroit
plus utile pour le Roy, plus juste et honeste pour vous, que de
forcer ung marchant a vous vendre sa marchandise a votre mot et a
sa grand perte. Toutesfoiz vous en userez comme il vous plaira. Je y
ay faict ce qui mestoit commandé et remetz le reste a heneffice de
nature, sçaichant bien, quant a moy, que j'en auray ma conscience
et mon honneur deschargez envers Dieu et le monde et envers le
Roy. Le surplus de noz nouvelles, je les remettray au dit seigneur
Alexandre.
De Venize ce n' de décembre 1556.
(Arcli. de Modène. Arcli. de la famille Fieschi).
GABRE AU DUC DE FERRARE
157, — [Venise], 16 décembre 1556. — Monseigneur, A mon
arrivée icy, je Irouvay une dépesche du Roy et de Monseigneur de
Guyse, apportée par corrier expiez, par laquelle le Roy me mande
17
202 NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1556]
de vous aller trouver. A quoy je n'eusse failly, si vous ne m'eussiez
déjà faict expérimenter combien il faict maulvais aller par le monde
avec ce rude temps, soit par terre ou par eaue ; mais il vous plaira
pour ce coup m'en excuser, et vous contenter que je y envoyé mon
secrétaire en mon lieu, lequel vous monstrera la lettre que le Roy
m'escript et une patente qu'il me mande vous consigner en retirant
de vous une autre de réciproque obligation, de laquelle j'ay dressé
une mynute que ledit secrétaire vous monstrera, et il vous plaira la
1ère dépescber en parchemin, la signer et fere sceller , et quant à
ce qui touche le remborsement de voz despences faictes pour la
souspeçon où vous estiez depuis la cappitulalion, il vous plaira.
Monseigneur, suyvant ce que vous m'en distes à Copare, m'envoyer
une liste signée de vostre main desdites despences, et je l'envoyeray
au Roy. comme il me mande, pour en ordonner vostre remborse-
ment. Quant au faict des bléez de Parme, Monsr de Serres en
admeyne ung homme du marchant, avec lequel vous en pourrez,
Monseigneur, parler, et aille la chose au piz ou au mieulx qu'elle
pourra, je n'y trouveray rien de maulvais, mais que le Roy n'y face
la perte si grande comme je la préveoy, voulant user de sa justice
accoustumée envers le marchant. Vous aurez aussy, Monseigneur,
avec ceste présente ung pàquel de Monseigeur de Guyse, lequel,
comme je croy, vous fera entendre ce qu'il a délibéré de fere. Mais
par ce qu'il m'escript, il semble qu'il <•>! résoleu de fere toute dili-
gence de marcher, nonobstant toutes les souspeçons qu'on peult
mettre en avant que le Pape vueille la paix, «'t les Suysses peuvent
de ceste heure eslre en Piedmont. Ces Seigneurs me demandèrent
hier en Colliége qu'est ce qu'on t'aisoit à Penare ; je leur diz que
vous aviez déjà en eslre les hommes d'armes ri chevaulx légers
qui debvoienl estre employez a la conservation de vostre estai, et
leur diz les nouvelles que j'avois de Monseigneur de Guyse, mais Hz
ne me dirent pas que le Roy d'Espaigne les eus! faisl juger du dif-
férent qu'il a avec le Pape, comme l'on m'escript de Rome que leur
Ambassadeur l'a dit a Sa Ste, laquelle ne laillisl pas d'y taire bonne
et saige responce. Je crois que vous en pourrez avoir eu mesme
advis, parquoj je m' vous en feray, Monseigneur, plus longue
lettre, que de présenter mes lies humble- recommandations à la
bonne grâce de Vostre Excellence.
De Venize, ce xW de décembre 1556.
(Arch. de Modène. Cancellerià Ducale, etc. .
[DÉCEMBRE 1556] DOMINIQUE DU GABRE 203
GABRE AU CONNETABLE
158. — [Venise], 19 décembre 1556. — Monseigneur, Il vous
plaira venir ce que j'escriptz au Roy de la veneue de M. 1p Cardinal
Carraffa en ceste ville, de laquelle je présuppose que vous estez
bien adverty de Rome ; je mettray peine d'entendre ses intentions
et sa négociation et ne fauldray de vous en donner bon adviz. Je ne
scay si Monsieur de Montmorency (l) viendra avec luy, lequel, en
ce cas, j'espère avoir pour hoste et m'essaieray de luy l'aire tout le
service qui me sera possible, puisques c'est vostre imaige et un au-
tre vous mesmes. Hier, ces seigneurs feirent une despecbe en Le-
vant et je ne faillys escripre a Monsieur de Codignac l'arryvée de
Monsieur de Guyse en Piedmont et de l'armée quil mène, luy asseu-
rant la guerre et luy oustant toute espérance de paix, si Dieu n'y
mect la main, scaicbant bien que c'est chose bien agréable au Grand
Seigneur et que bientost vous debviez depescher quelqu'un pour
aller demander l'armée. Ces seigneurs ne mont encores faict res-
ponse du prisonnier de Monsieur de Cambray, s'ilz veullent accepter
le jugement ou non, ayant volleu prendre temps et loysir pour en
parler entre eulx, mais je ne croy pas qu'ilz y touchent, car ilz ne
veulent pas desplaire a Monsieur de Codignac qui le leur pourroit
par aventure bien rendre par delà et davantaige. Quelqu'un m'a dict
que le prisonnier descharge maintenant ledit Sr de Codignac et dit
avoir eu la commission de ce bel exploict de Rostan Bassa, et je
vous laysse penser si ces Seigneurs vouldroient mettre la main la,
il a eu assez de bon loysir, depuis qu'il est prisonnier, de penser a
ce quil a dire et les autre a les luy apprendre. Si je n'estois per-
sonne ecclésiastique qui empesche que j>' ne puys me mesler des
choses criminelles, ces Seigneurs eussent mieulx ayme, a mon
adviz, que j'eusse fait son procès juge et exécute, et s'ilz ne s'en
veullent point mesler, vous ad viserez. Monseigneur, si vous trouve-
rez bon que je luy face son procez, pour aprez le faire juger par
l'Ambassadeur de Ferrare, qui est docteur en loix, avec deux ou
trois autres gens de loix, pour sourtir de ce meschant négoce dont
il ne sourtira jamais preuve, ne veriffication, qui vaille et en cest
endroict.
De Venize ce xixe de Décembre 1556.
Binl. nat., Fr. 20456, fol. 191) (originale).
(1) Il s'agit ici de même qu'à la page 195 de la présente correspondance) de
François de Montmorency, iils du connétable, capitaine décent lances en 1551,
qui prit part aux guerres d'Italie, et épousa en 1557 la duchesse de Castro, veuve
d'Horace Farnèse. François de Montmorency devint pair de France, maréchal et
grand maître, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, gouverneur de Paris; il mourut
le 6 mai 1579.
-04 NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1556]
GABRE AU ROI
159. — [Venise], 23 décembre 1556. — Sire, je vous escripvis, n'y
a que trois jours, de la veneue icy de Monseigneur le Cardinal Car-
rafFa, de Rome, et pour ce que je veoy qu'il est pour y passer les
testes de Noël, avant que avoir résolucion de ces seigneurs et que,
par aventure, Vostre Majesté trouveroil estrange désire si longuement
sans nouvelles de sa négociation, je vous ay voleu. Sire, faire ceste
despeche, par les postes ordinaires, pour vous dire que ledit Car-
dinal arriva lundi xxie de ce mois (lj el fusl reçeu honorablement
de ces seigneurs; avec le Bucentore et autres leurs cerimonyes ac-
coustumées; j'accompagnay la Seigneurie a l'aller recevoir et aprez
avoir salue le Duze (3), il ne faillit pas de me faire caresses et em-
brassemens, qui tesmoignoient a toute l'assistence la grande dévo-
tion et affection qu'il porte a tout ce qui est advoué de Vostre Ma-
jesté. Arrivez que nous fusmes au logiz, et le Duze et la Seigneurie
retirez, il laissa tout ce monde pour deviser avec moy, et fust ce
premier dialogue de belles paroles, mais non tanl generalles quil
ne voleust bien imprimer en mon esprit que Vostre Majesté n'a, nv
n'aura jamais en ce monde un plus seur et plus vray amy que le
Pape, ne ung plus lidel et affectionné serviteur que ledit Cardinal,
vous priant de ne vouloir estre en son endrois umbrageux et ne
souspeconner mal de ses allions comme d'autres avoient volleu
faire, me disant que si le Pape lui avoil commande de vous estre
autre que serviteur el homme de bien en vostre service, il abandon-
nerait sa Sainteté pour s'aller retirer à Cuminge •'! . el plustosl souf-
friroit la mort que de se laisser reprocher infidélité envers vous,
Sire, de qui il avoit esté affectionné serviteur avant que vous avoir
veu, et que après, vostre bonté, les biens, les caresses et l'honneur
quil avoil receu de Vostre Majesté, l'avoil tellement obligé quil se
reputeroit ingrat et indigne de vivre s'il ne vous etoit tel qu'il
disoit; de sorte que, s'il faull croire aux parolles d'un gentilhomme
Cardinal qui faict profession de cavalerie el d'honneur, le Pape el
luy ne sont pour jamais vous faire faulx bon et, pour ce soir la,
n'entra point en autres particularitez des causes de sa veneue. mais.
me pria que je l'eusse le lendemain malin avec luy pour me dire,
avant qu'il allas! prendre l'audience de ces seigneurs, la cause pour-
quoi il venoit icy pour en avoir mon advis el proposer sa charge
(i) Il fut logé dans un palais aux frais de la République, et la Seigneurie l'admit
le lendemain au Conseil. Voir c. Duruy, Le cardinal Carafa, p. -»|S •
(2) Lire « le Doge ».
(3) Cumiano, village aux environs de Turin.
[DÉCEMBRE 1556] DOMINIQUE DU CABRE 205
communément ou séparément, comme nous adviserions ensemble.
Le lendemain malin, je l'allay trouver, nous l'usines seuls bien prestz
de quatre heures pour ce qu'il entra a me faire un long discours de
toutte sa vie, depuis qu'il commença a vous servir de soldat, les
commencemens des traitiez de vostre ligue avec Pape ; que je savois
comme luy son allée en France, les dillicultez et les disputes et,
enfin, la despeche quil y eust, la guerre qu'il trouva a son retour
commencée a Rome, les progrez d'icelle, les occasions et moyens
de son aboqquement avec le Duc d'Alva et les tresves depuis succé-
dées, les mêmes propoz et argumens que ledit Duc d'Alva et luy, eu-
rent ensemble, et, entin, l'occasion de sa venue qui etoit seullement
pour employer le temps desdites tresves a benetice commung de
Sa Sainteté et de Vostre Majesté, et essayer de faire déclarer ces
Seigneurs et de les rendre ennemys du Roy d'Espaigne, m'asseurant
que le Pape est tellement irrité et resoleu, que si on luy donnoit
librement le Royaulme de Naples pour sa postérité el sa maison,
il ne seroit possible de l'appaiser ni l'induire a la paix, et pour cette
cause il avoit commandement de Sa Sainteté de remonstrer a ces
Seigneurs la justification de toutes ses actions; les remercier des
offices qu'ilz ont faitz pour l'accord en leur remonstrant les injures,
indignitez et dommages qu'il a souffertz de cette guerre, injustement
commencée contre luy, les prier de luy voulloir ayder et en avoir
la réparation quil convient, et de vouloir unir leurs forces avec les
vostres et les siennes pour chasser d'Italie ces tirantz et la remettre
en liberté, et que, pour leur en donner meilleure occasion, il leur
voulloit offrir leur bonne part au gâteau et pour la première offre
qui leur offriroit tant de décimes qu'ils vouldront sur leur clergé
pour satisfaire a la despence de cette guerre silz y vouloient entrer,
leur offrira telle part qu'ilz vouldront dans la conqueste qui se fera,
et promettra faire en sorte que Vostre Majesté l'aura agréable, que
s'il ne tient qu'a leur bailler en engagement cependant quelque ville
de Testât de l'Eglise, que par aventure il se leurra aller jusques la et,
en effet, qu'il esperoit ne partyr point d'icy qu'il ne feist quelque
chose de bon et ma dict que le s1' Julio Ursin vous aura donne advis
de toutes ces choses et que le Fantuccio qui est aile vers le Roy
d'Espagne n'a aucune charge que escouter pour référer sans rien
proposer de sa part, et que nous luy ferions grand tort de doubter
de chose du monde pour ceste allée la, qui est faite a bonne fin, et
que aussitost que Monseigneur de Guise seroit un peu avant en
campaigne, il se feroit a Rome trois choses qui sont différées pour
bon respect, c'est : privations, promotions de Cardinaulx (1) et la
(1) Cette promotion de cardinaux n'eut lieu que le 15 mars 1557.
206 NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1556]
réception de l'ordre de S' Michel (1) au Duc de Paliano. Je ne failliz
pas, Sire, de luy louer tout son discours et les intentions du Pape
et les siènes et surtout sa fermeté et fidélité en vostre service dont
je ne scaurois doubler, pourveu qu'il usoit tousjours de son bon juge-
ment, car toutesfoiz et quantes quil penseroil a l'honneur, au profit
et a la grandeur sienne et de sa maison, il ne trouveroit jamais
raison qui luy deust faire abandonner vostre faveur et protection,
et que, a la vérité, vous, Sire, mettrez vostre Royaulme et voz afferes
en grand labérinthe par ceste guerre en laquelle, comme luy même
avoit peu cognoistre. vous entriez fort mal volontiers et ne se pou-
voit dire que vostre Majesté y entrast pour aucun sien dessein-
particulier, mais seullement pour la deffense du Pape et protec-
tion de ceste maison Caraffa. Parquoy, d'aultant plus estoil grande
l'obligation qu'il vous en debvoit et le confortay a persévérer et se
obstiner en ceste sienne bonne volunté et a proposera ces seigneurs
le langaige dont il m'avoit parlé, et que j'en esperois tout bien qu'il
regardast a quoy je y serois bon, et je ne fauldrois de le seconder
et y ayder en tout ce que je pourrois, luy ayant dit franchemenl
mon ad vis et les raisons pourquoy cela est oit mieulx proposé de la
part du Pape que de la vostre qui seroient longues a escripre. Ce
matin, il a eu sa première audience, ou il n'aura pas enfoncé les
matières fort avant: demain sera la veille de Nouel ; le jour de la
feste »'l le lendemain seront consumez en dévotion el en un banquel
que fait la Seigneurie, tellement que je ne veoy qu'il puisse avoir la
seconde audience plustosl que dimanche xxvii" du mois, et pourra,
a mon advis, estre icy tout ce mois pour, après, comme il ma dict,
sen aller a Ferrare et a Boloigne -1 . El s'il entend la que le duc
(lAlvc soit en ordre pour se remettre en campagne après les quarente
jours de la tresve, il s'en ira droict a Home pour luy résister et faire
a la deffence le mieulx qu'il pourra, sinon il attendra nouvelles de
mondit Sieur de Guyse pom- essayer, s'il estoil possible, de s'ab-
bouquer emsemble el résoudre du chemin de vostre armée el des
entreprinses. Il ne sera jour, Sire, que je ne le veoy pendant qu'il
sera icy et le festieray chez moy el vous donnera y advis a la journée
de tout ce que je pourray entendre de luy.
Sire, le sieur de la Vigne arriva icy le xixe et n'est jamais sourty
de mon logeiz pour tenir son partement plus secret, .le demanday
a ces Seigneurs, en audience secrète, quelque vaisseau pour le eu
duire sûrement jusqu'à Etaguze. Hz ont offert inconlinenl et tort
il) L'ordre royal île Saint-Michel, institué par Louis \l en i ;: 59, comprenait à
l'origine, 36 chevaliers. Plus tard, l'ordre tomba en décadence el le nombre dea
chevaliers s'accrul considérablement; il continua d'exister jusqu'à la Révolution
de 1830.
(2) Bologne.
[DÉCEMBRE 1556] DOMINIQUE DU GABRE 20?
courtoisement une galère ou une barque armée comme nous vou-
drions, et ce soir sans nulle faute il partira; et i'ust party des hier
n'eust esté que la veneue de ce Cardinal a teneu ces seigneurs un
peu empèseriez. J'espère, Sire, qu'il ira seurementetque vostre Ma-
jesté sera servye de luy bien et fidellement, car il a bon entendement
et quelque expérience de ce pays la et 1res bonne volunté ; il m'a
communiqué de ses commissions et je luy ay dict ung peu mon
advis; il a faict assez bonne dilligence devenir de Lyon icy et seroit
très nécessaire qu'il la peust encores faire meilleure au reste de son
voyaige, mais je vous asseure, Sire, qu'il ne fut veu jamais ung si
rude yver d'extrêmes froietz et neiges, qu'il y a pardeça depuis ung
mois, et fault avoir compassion de toutes gens qui sont en voyaige.
De Venize ce xxme de Décembre 1556.
(Bibl. nat., Fr. 3117, foi. 78) (originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
460. — [Venise], 26 décembre 1556. — ...le marchand. Vous aures
aussy, Monseigneur, avec ceste présente, ung pacquet de Monsei-
gneur de Guize, lequel, comme je croy, vous fera entendre ce quil
a délibère de faire, mais parce qu'il m'escript il semble quil est
résolu de faire diligence de marcher nonostant toutes les suspecions
quon peult mettre en avant que le Pape vueille la paix. Les Suisses
peuvent eslre des cest heure en Piedmont. Ces seigneurs me
demandèrent hier en colliege que c'est quon faisoit a Ferrare. Je
leur diz que vous avies desja les hommes darmes et chevaux legiers
qui dehvoient estre employez a la conservation de vostre estât e}
leur dix les nouvelles que j'avoys de Monseigneur de Guize; mais
ilz ne me dirent pas que le Roy dEspaigne les eust faict juges du
différent quil a avecques le Pape (1), corne Ion mescript de Romme
que l'ambassadeur la dict a sa Sainteté, laquelle ne faillist pas dy
1ère fort bonne et saige responce ; je croy que vous en poures avoir
eu mesmes advis, parquoy je ne vous en feray, Monseigneur, plus
longue lettre que de présenter mes très humbles recommandations
a Vostre Excellance.
De Venize ce xvie de décembre 1556.
(Arch. de Modène. Arch. de la famille Fieschi) (fragment).
(1) Cela n'est pas scrupuleusement exact; ce qui est plus réel, c'est que, tandis
que Carafa et M. de Lodève négociaient avec la Seigneurie pour faire entrer la
République dans la ligue, Philippe II faisait secrètement agir son ambassadeur
à Venise et opposait aux offres de la France et du Saint-Siège des propositions
de nature à séduire aussi la République, afin de la soustraire à toute velléité
d'alliance (Voir Duruy, Carlo Carafa, p. 211).
208 NÉGOCIATIONS DE DÉCEMBRE 1556]
GABHE AL CONNETABLE
161. — [Venise], 29 décembre 1556. — Mons . il fault que je
vous dye que je suis bien fort fasché d'ung inconvénient qui est
souvent advenu a d'autres et a Papes et a Roys et Empereurs, mais
jamaiz a moy, que ceste foiz, et ne scay en quoy me consoler, sinon
en mon innocence, scaicbant n'avoir failly en façon du monde,
sinon d'avoir esté trop diligent a faire mon debvoir: c'est la perte
d'ung paquet adressant au Roy que je despechay soubdainque mon-
dit sieur le Cardinal Caraffa fut icy arrivé, par lequel je rendois
compte a sa Majesté, et a vous, de toute l'occasion et veneue dudit
Sieur Cardinal et de son intention. Monsieur de Beauregard sait que
ny vous ny nous, deçà, navons point encore commencé a cbiffrer,
tenant ce cbémin des Vénitiens Grisons, et Suysses seur comme il
a este toujours durant ces guerres passées, et pour ceste cause que
je vous disois librement et sans cbiffre tout ce (pie je savois et pen-
sois comme j'ay faict par le passé; et ainsi que ledict sieur Cardinal
venoit disner cbez moy avec toutte sa trouppe en lieu de luy faire
bonne et joyeuse chère (4 . j'ay receu une lettre de Tassin conte-
nant le destrossement de mon paquet ez mains d'ung sien serviteur
qui le portoil de Lima (2 a Bresse, comme l'on faict de poste en
poste. J'ay été bien travaillé do ceste nouvelle en mon esprit et si
n'ozois dire mon mal a personne et moins a Monseigneur le Cardi-
nal Caraffa, qui en pourroil estre marry plus que personne, pour
avoir descouverl par la sa négociation et ses secrètes intentions,
mais, toutesfoiz, je ne dois être reprins de cria, car je rendois
compte a mon maistre de ce que je debvois, ci cela mesmes etoit
au beneffice commung du Pape et du Roy ; or, Monseigneur, je ne
scaurois que y faire que prier Dieu que .j'en puisse avoir ung jour
ma revenebe. Quelquefois il advient d'ung mal nu grand bien, car,
en premier lieu, les enemy- n'auront rien veu qui leur plaise en
ceste despèche et ne se fieront plus en chose mie le Pape n> ce
Cardinal leur scaiebent dire. Il est vray qu'ilz auront descouverl la
pratique de ce lieu et y pourront remédier, mais j'espère bien met-
tre ces Seigneurs en colère contre ceulx qui ont viole la franchise
et la seureté de leur estât, et pour ce, Monseigneur, que je crains de
faire encore plus grande faulte de celer tel inconvénient an Roy,
je vous despeche ce corner exprès pour vous dire ce qui est advenu
el vous prier très humblement que vous, Monseigneur, qui avei
il Bon accueil, bonne réception.
- Lonato, place forte «le Lombardie, ;'i 29 Kil. de Brescia.
[DÉCEMBRE: I006J DOMINIQUE DU GABRE Ï20D
veu souvent telles choses advenir, me commandiez et conseilliez ce
que j'auray a y faire. Je vous envoyé la coppie de la despeche per-
due avec la coppie de l'advis que Tassin m'a escript, du destrosse-
ment duquel la Seigneurie a eu advis, et m'a envoyé ung secrétaire
m'advertir et je les ay prié de le tenir secret jusques a ce que
j'eusse parle a eulx. Je n'en voulois rien dire au Sr Cardinal jusques
a son parlement d'icy, mais craignant qu'il l'entende d'ailleurs, je
me resouldray de le luy dire le plus dextrement que je pourray,
me semblant que cela ne peut riens gaster, mais plustost servir a
deux considérations, l'une aflin qu'il voye que toutes ses intentions
sont découvertes, et qu'il se résolve de passer la carrière tout au
long et que Ton n'adjouslera plus foy du couslé du Roy d'Espaigne
a chose qu'il dye, l'aullre aflin que si le Cardinal de Trente a tenu
main a cest assassinemenl, qu'il le face citer a Rome et d'aultant
qu'il sert actuellement contre le Pape (1), qu'il le face priver de son
chapeau ou le travailler le plus qu'il pourra. Cependant, je mons-
treray n'en estre point en peyne, et seray demain avec la Seigneu-
rye bien secrètement pour remédier a l'avenir, et leur demander
justice, ou qu'ilz me permettent de prendre ma revenche dans leur
estât comme j'ay bonne espérance de le faire, soit qu'ilz le trou-
vent bon ou maulvais, et si quelcun se vante d'avoir veu ce qui
estoit dans ce pacquet la, il en parlera bien finement si je ne des-
couvre d'où ce destrossement est veneu. Reste, monseigneur, que
je vous supplye de m'excuser envers le Roy, et doresnavant j'es-
cripray en chiffre et fauldra que messieurs voz secrétaires facent
le semblable; j'envoye avec ce porteur un de mes gens a Lima pour
me rapporter ce quil pourra entendre de ce destrossement, ayant
mande a Tassin que s il ne me rend bon compte de ce serviteur que
portoit les paquetz, je priveray lui et tous ses frères des postes
qu'ilz tienent, et m'en prendray a sa personne, et a sa teste. Yeez
la, Monseigneur, l'occasion de la despeche de ce conier exprez, et
pour aussi vous dire que depuis la despeche perdue, et hier xxvne,
Monseigneur le Cardinal Caraffa eu st sa seconde audience secrète et,
au sortir de la, nous trouvans adisner emsemble, il m'en feist tout
le discours qui a este de présenter a ces Seigneurs la bulle de sa
légation et ung bref a part contenant toutes les facultez qui se peu-
vent penser, avec clause expresse de faire tous traitez de paix et
entreprinses de guerre, ligues, aliénations et engagemens du patri-
moine de l'église, et lesquelz pouvoirs il m'a aussy faict veoir et prié
(1) Le cardinal de Trente était depuis longtemps dévoué à la cause impérialiste;
Philippe II l'avait récemmenl chargé 29 octobre 1556 de la cérémonie de la
restiiulion de Plaisance à Octavio Farnèse qui venait de passer définitivemenl à
l'Espagne.
18
210 .NÉGOCIATIONS DE [DÉCEMBRE 1556]
de les lire. Aprez cela, il leur a faicl remonstrance de la nécessité
du Pape, de la tyrannie et sugetion ou toute l'Italie est réduicte,
les maulvaiz tours que ceste seigneurie a receuz de l'Empereur, le
procédé superbe de son filz en ceste guerre, leur interestz a la con-
servation de leurs voisins et de Testât de l'Eglise, la religion et
bonne volonté du Roy pour ayder a la liberté de l'Italie : voz forces
prestes et promptes a exécuter, et, la dessus, les a vifvement re-
cherchez de leurs déclairation et de mettre la main aux armes, et
beaucoup dautres langaiges et persuasions, tendans a ceste lin la.
leur ayant offert, la carte blanche en matière de conquestes a taire,
et, s'ilz ne vouloient estre sur l'incertain, leur a touche uni: mot
assez exprez de Ravenne et de certaines autres petites commoditez,
de sorte qu'ilz ont ung peu haulsse la teste et ont commence aujour-
d'huy a tenir leur pregay et a consulter ce quilz ont a dire et a
pondre. Je ne croy pas quilz soienl pour rien faire avec le Pape,
ny pour cecy ny pour cela. si le Roy ne parle, mais quoi quilz facent
pour le moins, c'est ung os a ronger en leur bouche pour les amu-
sez, s'ilz ne veulent meilleure proye pour se paistre, et si fauldroil
qu'elle fut bien friande et commode avanl qu'ilz laiss ssenl ceste
ev qui leur peut estre présente et non (Mi espérance. On verra ce
qui en succédera et je mettray peine d'entendre, tant de luy (pie
d'autres, comme tout passera pour en donner advis au Roy, nayanl
faicl mectre cette lettre en chiffre pour m1 perdre de temps, a vous
donner advis de toutes choses et l'envoyer par corrier exprez, auquel
je l'ay si bien cachée, que s'il luy advenoil rencontre en chemin, on
ne luy ouste a que d'aultres lettres de peu d'importance, et, dores-
navant, je feray escripre en chiffre. Il y a trois jours que Monsieur
de la Vigne couche en la galère qui le doibl conduire, mais le vent
est contraire et n'y a remède de sortir du port, dont il est tant tache
qu'il nest possible de plus; la faillie ne vient de luy ny de la Sei-
gneurie, mais du temps auquel on ne peult commander.
Monseigneur, je feuz hier avec Monseigneur le Cardinal sur le laid
de la despence de home et de la contribution que vous demandez
pour l'armée que Monsieur le Duc de Guyse meyne; quant a ladite
contribution, il prétend n'y estre tenu par le texte propre de la ligue,
jusques a ce que ladite armée soit hors de Piedmont, sur quoj il
m'a prie «pie nous feussions encore demain emsemble, et de vray,
je croy que nous \ perdrons nostre cause, car. si l'armée s'a restoil
en Piedmont pour y conquérir, il est certain qu'ilz ne doibvenl neu
contribuer, sinon aux despences qui se ton! en l'Italie hors le Pied-
mont. par ainsi, lorsque ladite armée sera en l.oinbardye. lors il
sera temps de leur demander la contribution ordinaire pareulx pro-
mise, et il/, ne peuvent la refuzer, et leur pourra l'on aussi lors de-
mander la despence faicte en novembre et Décembre pour les pic-
[décembre; 1556 Dominique du gabre 211
paratifz de ladite armée, et si bien ilz y faisoienl difficulté, je pense
qu'ilz y pourroient loyaulment estre tenuz, puisque l'intention et les
effectz se rencontreront de l'avoir dressée pour leur secours. Je
verray ses argumens a ce qu'il vouldra dire la dessus, et quant a la
despence de Rome, je luy ay remonslréque par ung estât que m'ont
envoyé Messieurs de Lanssac et Coitlier, le Roy et le Pape payent
en tout Testât de l'esglise vingt mille et tant d'hommes, et que le
Duc d'Alva n'en a pas aujourd'huy quatre mile ez environs dudit
Rome, et avoit renvoyé ses principales forces en Lombardie pour
faire teste a Monsieur de Guyse. Qu'il me sembloit bien raisonnable
de casser ceste grande despense et de lever les garnisons de certains
lieux qui sont hors de tout souspeçon. 11 m'a dit que si l'on veult
faire la guerre, il ne fault rien casser, maisdespendre en trois mois
ce qu'on vouloit despendre en ung an, et que si Monsieur de Guise
peut passer en Lombardie, et faire la quelque chose de bon et y
amuser les énemys, il seroit d'oppinion de mettre toutes ces garni-
sons de Rome a la Campagne, et avec une bonne bande d'artillerie,
qu'il a fort bonne commodité de mener, il vouldroit entrer dans le
Royaulme, ou il a des pratiques et intelligences, et metlroit l'enemy
dans une grande confusion; mais il remet toutes telles resolutions
au bon jugement de mondil Sr de Guyse, devers lequel il envoyé le
S'- Adrian Raillin, affin qu'on se puisse bien entendre emsemble. 11
ma asseuré avoir laisse a Rome ce qu'il fault pour le mois de jan-
vier a la part du Pape (1 ) et que, par tout ledit mois, il aura encores
deux cens mil escuz dans le Château Saint Ange (2) et a bonne espé-
rance que luy manquera point, mais que voz forces, Monseigneur,
soient ung peu en avant en pays ou on leur pourra parler ung peu
plus a cheval en matière de contribution et de ce qu'ilz doibvent
faire.
De Yenize, ce xxixe de Décembre 1556.
Monseigneur, j'ay, depuis ceste lettre escripte, este en Seigneurie
et faict mes plainctes et mes protestes de bonne sorte sur la perte
de ce pacquet, n'ayant point eu sur cela, faulte d'argument pour les
prescher, persuader et tenter de se resouldre a ce que le Cardinal
(1) Cependant, les ressources du Saint-Siège étaient profondément épuisées.
En offrant Ravenne à la République, pour l'attirer dans la ligue, le Pape deman-
dait, d'autre pari, à la Seigneurie, de lui prêter 300000 écus. Sur ce point des
négociations, voir lettre au Roi du :; janvier 1557 .
■l Le château de Saint-Ange, au bout du pont Sanl'Angelo, avait été ainsi
appelé parce que saint Grégoire le Grand, étant sur ce pont, vit. dit-on, un ange
qui remettait son épée dans le fourreau après une peste qui avait désolé la ville.
Les papes firent île ce château une véritable forteresse, cl ils avaient coutume
de s'y réfugier quant il y avait des troubles à Rome; on y enfermait aussi des
prisonniers d'État.
212 NÉGOCIATIONS DE JANVIER 1557]
Carafîa les en a recherchez ; ilz ont monstre estre plus marriz que
moi mesme dudit paquet perdu et m'ont dit qu'ilz ont envoyé s'en-
querir comment cela s'est passé, pour en faire justice ou se res-
sentir contre ceulx qui en auront este auteurs, et au reste mont
faict responce qu'ilz faisoient faire prières a Dieu a ce qu'il luypleust
les illuminer a resouldre ce qui seroit de sa volunté. et que ces sei-
gneurs estoient pretz a en consulter. J'ay aussi l'ait entendre audit
sieur Cardinal le destrossement de ce pacquet, et ce que je vous en
escripvis ; il a monstre en estre plustot bien ayse que rnarry. affin
que les Impériaux ne luy rompent plus la teste de nouvelles prati-
ques, auxquelles il estoit bien résoleu ne prester l'oreille, s'ilz luy
donnoient tout le monde, et n'eust fait ny tresve ne aultre forint'
d'accord, si le Roy ne l'eust a cela exhorté et presse, continuant
toujours que si vous ne le trouvez au commencement, au mylieu. ;i
la fin, homme de hien et fort Qdelle serviteur, que vous ne tenez
jamais compte de luy ny d'homme de ceste nation.
T.ibl. nat., Fr. 3117, fol. 13 originale .
GABRE A M. DE SELVE
162. — Venise], t janvier 1557. — Monsieur. J'ay reçu rostre
dernière lettre du vingtsixiesme du passé, el depuis les derniers
lettres que je vous escrivis par Girauld 1 , ces Seigneurs icy onl
été a consulter sur la proposte de Monsieur le Cardinal, el tien-
nent ceste leur resolution, el tout le parlement qui s'en faict, en
leur pregage, si secret, que chose qui y aye jamais este traictée,
mais, ce matin, ils y doibvent faire responce, et scaurons que c'esl
bien me douté je qu'elle ne sera de sy ny de non, mais de mettre la
chose en quelque longueur el en belles paroles pour voir un peu le
procedder de nostre armée, el gaigner toujours temps; il est vray
qu'ilz sont reduietz a un extrême passaige «le laisser eschapper de
leurs mains Havenne el Seruye (2), desquels leur a esté geste un
motasses expressément, mais non. a ne m advis, si certain el asseuré
qu'ils y penssent faire entrer fondement Je ne sca^ pas commenl
ils peuvent saigemenl rompre du toul ceste praticque la, el s'ils
l'attaquent je la liens du tout pour gaignée. Le Cardinal de Trente
a icy envoyé un homme oultre l'ambassadeur d'Espaigne, Don <■!"-
vian de Lalala (3), qui est nouvellemenl venu, el fonl tout ce qu'ils
(1) Courrier au service de la France.
(2) Cervia, ville d'Italie, à 20 kil. de Ravenne.
(3) Don Giovani d'Ayala, envoyé de Philippe II à Venise. Voir Dbsjardins,
Négociations de la France et de la Toscane, t. m. p. 363 ,
[JANVIER loôTi DOMINIQUE DU CABRE 213
peuvent pour contreminer et empesclier la négociation dudit sieur
Cardinal et m'a l'on dict qu'ils ont propose en seigneurie que le Roy
d'Espaigne se contenteroit a la réquisition de ces Seigneurs, et, pour
leur faire plaisir, leur baillant un voisin tel quils l'ont toujours de-
mandé de renoncer le Duché de Milan au Duc de Savoye et pour
mieux descouvrir la négociation dudit sieur Cardinal. Il faut que je
vous die, avec bien grand regret, et avec un peu de colère qu'ils
m'ont destrossé un pacquet que deux hommes ostèrent sur le grand
chemin a un voulier de Tassin qui le portoit de Lima a Bresse,
comme vous scavés qu'ils ont accouslumé de poste en poste ; il n'y
auront rien trouvé qui leur plaise, ni chose secrette qui puisse
porter préjudice aux entreprises du Roy, car je nVscrivois que l'ar-
rivée du Cardinal icy, et les propos qu'il m'avoit tenus, fort certains
et exprès de la ferme et asseurée affection du Pape et syenne a l'en-
droict du Roy, et qu'il estoit venu ici pour chercher la déclaration
de ces Seigneurs et non pour y parler, pt respondre d'aucun accord ;
cela est chose si publicque qu'ils sont bien lourdauts s'ils ne la sca-
vent, et quelquefois d'un mal advient un grand bien, comme je l'ay
escript au Roy, car, si les Imperiaulx voyent cela, il sera bien ma-
laisé quils croyent plus aux paroles, ny aux amusemens du Pape, ni
dudit Cardinal. J'ay esté contrainct de despecher un courrier exprès
a Sa Majesté, luy ayant envoyé le duplicata de la depesche perdue,
pour ce que la Seigneurie en avoit eu le premier advis, et que je
duulois que Monsipur le Cardinal en pourroit avoir eu advis d'ail-
leurs que de moy; je me résolus de le luy dire et luy communiquer
la minutte de la despeche perdue, pour luy oster tout soupçon et
bizarrerie, comme il me semble qu'il s'acotre parfois ; mais il me
falloit en faire de nécessite vertu, et il montra d'en estre plustost
bien ayse que marry. affin, ce dit-il, que ces Impériaux ne luy rom-
pent plus la teste de nouvelles pralicques. J'allay a la Seigneurie en
audience secrette me plaindre de l'assassinement faict en leur estât,
et par la pris argument et occasion de les mettre un peu en colère
contre ceste génération la, leur disant que s'ils ne se vouloient res-
sentir et en faire démonstration, j'en ferois porter la peine a plus
de quatre, qui par adventure n'y ont point de coulpe, et que, s'il
est permis aux ennemis du Roy de violer ainsi la liberté et la fran-
chise de leur estât, je serois contraint de faire venir icy et cappi-
taines et soldats, et dont Sa Majesté paye. Dieu mercy, bon nombre
en Italye pour faire scorte a ceux qui vont et viennent pour le ser-
vice de Sa Majesté et aspirant autant qu'il me fut possible le pro-
cedder et la superbe de ces Espaignols qui ont voulu commander
dans Rome et eu audace de commander pour cest effect une guerre,
et que, s'il leur en prenoit bien, j'esperois quils commanderoient
214 NÉGOCIATIONS UE ■ [JANVIER 1557
un jour dans V (\). Quil n'y avoit estât dans l'Italye qui fut intact de
leur tirannie, sinon de eestui cy et qu'il ne manquoit, sinon cest
estât que toutte l'Italye ne fut en liberté, car sils vouloient joindre
leurs forces avec, celle du Pape et du Duc de Ferrare. je ne faisois
nul doute que. avant quil fut la fin de cest esté, onn*eut chassé ceste
nation la d'Italye, leurexhortant d'eslever les yeux et le cœur a une
si honorable entreprise, et quils considérassent que Monsieur le
Cardinal leur avoit présente la carte blanche en matière de con-
queste a faire et cependant otîert un bon gaige en main qui leur est
bien séant et commode, comme sont Ravenne et Seruie: que je leur
asseurois bien que le Roy auroil agréable et consentiroit atout ce
qui leur seroit proposé par le sieur Cardinal, ne se mouvant, Sa
Majesté, en ceste guerre pour aucun dessein particulier, mais seu-
lement pour la défense de Sa Sainteté et du Saint Siège : ils mons-
trerent d'estre fort marris et offencés du destrossement du paquet,
ayant mandé a leurs recteurs de Bresse de faire grande dilligence a
trouver nouvelles des assassins, et si on ne les pouvoient découvrir
par aultre voye, ils me dirent quils feroient un bando de donner
prenno (2) a celuy qui le révéleroil et impunité du crime s'il estoit
coupable. Quant au reste, quils faisoienl prier Dieu par toutes leurs
églises a ce quil luy plust les illuminer, a telle résolution quelle fut
agréable a sa divine bonté. Nous scaurons ce soir, el comme dit est
cy dessus quelle elle sera, et je vous ay voulu faire toul ce discours
affîn que si le Pape venoit a vous parler de la négociation dudit
sieur Cardinal, que vous luy en puissiés respondre, dire el asseurer
que les ministres du Roy font ce qu'ils peuvent | ■ seconder et
accomoder les choses a son intention, ce qui esl a bénéfice comme de
la ligue. Giraull vous porta l'autre jour xxxinécus; maintenant je vous
envoyé par la Rivière 3 (4), en ayant emprunté douze mille sur
le nouveau deposf qui se fera, duquel nous n'avons encores aucunes
lettres ny nouvelles; s'il en vient, je le vous envoiraj aussytost
qu'on le pourra recouvrer, et, sil n'en vienl point, faictes avec cecy
le mieux que vous pourrès, car je ne scaurois faire autre chose.
Monsieur de la Vigne parlist mardi au soir dans une gai 1ère de la
Seigneurie, el espère qu'il ira seuremenl jusqu'à Ragouse; de la
court ni de Monsieur de Guise, je n'en ay rien de nouveau.
De Venise ce deuxiesme de Janvier 1557.
(1) Venise.
* (2) Qui s faisaient serment de donner une récompense, etc.
(3) La Rivière, gentilhomme du Périgord ; il avail fait la guerre en Toscane
sous Strozzi; en 1569 on le retrouve enGuienne. Voir Comment Ifontfwc,
t. iv, p. G i .
(») ->lot laissé en blanc dans le texte.
[JANVIER 1557] DOMINIQUE DU CABRE 215
Monsieur, depuis celle lettre escripte, j'ay esté voir Monsieur le
Cardinal qui m'a die! la responce de la Seigneurie, plaine de fort
belles paroles, mais non concluantes, ne repondans a ce qu'il
avuit proposé, de sorte qu'il leur a l'ait nue gaillarde replicque et
exhortation, et leur a baillé de quoy consulter une aultre fois, leur
avant faict entendre soubs main par un de leurs gentilhommes que
s'ils ne veullent entendre cite praticque de Ravenne, il est résolu
de la bailler au Duc de Ferrare, lequel en offre toute telle somme
que l'on voudra (1), et pourroil estre que cetse jalouzie la les
mouvroit plus que toute autre chose pour attendre nouveaux, pregays
et autres resolutions, je croy que ledit sieur Cardinal sera icy
encore trois ou quatre jours, et après, selon les nouvelles qu'il aura
de Rome et de Monsieur de Guise, il se resouldra de prendre soit le
chemin de Boullogne et de la Marque d'Anconne, ayant entendu que
le Duc d'Alve veult recommencer la guerre de ce coste la. Voila ce
• pie j'ay peu entendre dudict sieur Cardinal et demain je chercheray
de l'entendre. D'ailleurs, je croy qu'il est bon de laisser publier de la
part du Pape et du Cardinal du i'aict de ceste négociai ion, et comme
ils la voudront accoustrer, mais je vous dis a la vérité ce que j'en
puis entendre.
(Ms. de Grenoble, fol. 51 r).
LABRE AU ROI
163. — [Venise], 5 janvier 1 557 . — Sire, l'on lient icy pourcerlain
que le Cardinal de Trente ;i révolte au service du Roy dEspagne une
des principales ville des (irisons, lesquels descendent tous les jours
a grandes troupes, pour aller a Milan servir ledit Roy dEspaigne en
cette guerre. Monseig' le Cardinal Caraffe eut hier réponse de ces Sei-
gneurs ; el parce quil leur sembloit qu'il avoit parle un peu en termes
généraux de la chose de Ravenne, ces Seigneurs luy repondirent de
même avec force belle paroles, mais sans conclusion ny response
de sy ny de non : qui fut cause que ledit Caraffe leur répliqua à
l'improviste en termes plus exprès, de l'offre de Ravenne. C'est à
scavoir que l'on leur bailleroil Ravenne et Cervie, en engagement
pour la somme de trois cens mil escus, a la charge que si on venoit
a conquérir la Pouille, on la leur consiimeroit pour propre, et ils
rendroient a l'Eglise ledil Ravenne : et, si la Pouille ne se pouvoit con-
quérir ledit Ravenne leur dem ureroit jusques a ce que l'Eglise les
eust remboursés de leurs prests ; leur remonstrant que s'ils ne vou-
loient entendre a ceste pratique et résoudre de leur déclaration, il
estoit contraint de mettre en Italie si grand nombre de François, que
(1) Il menaça aussi la Seigneurie de recourir à la flotte turque. (Voir, sur ce
point des négociations, lettre de du Gabre au Roi, p. 144).
216 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1557*
par adventure il seroit malaisé de les en faire sortir : et que ne pou-
vant avoir forces de mer pareilles a celles de l'ennemy, Sa Sainteté,
estoil forcé de se servir des Turcs qui estoil un mélange fort dan-
gereux, et luydeplaisoit, mais qu'il ne pouvoit faire de moins, voyant
la façon dont on luy vouloil commander et tyranniser; que ces Sei-
gneurs avec leur armée de mer pouvaient remédier a crst inconvé-
nient. Apres cela, il leur a t'ait entendre sous mains par un de leurs
gentilshommes mesmes, que s'ils laissoienl échapper Havenne de
leurs mains, il etoit résolu de le bailler au Duc de Ferrare qui en
offroit tant d'argent que l'un vouldroit ; de sorte que ces Seigneurs
ont remis la chose a nouveaux Prégays et Conseil : et ledit Sieur
Cardinal sera arresté dicy trois ou. quatres jours, pour voir s'il en
pourroit tirer quelque bonne resolution.de laquelle je ne manqueray
de vous donner advis par courrier exprès. Parles dernières lettres
de Rome que ledit Sieur Cardinal m'a communiquées, il semble que
le Duc dAlbe veuille changer la guerre de Rome du costé de la
Marche d'Ancone, ei que l'on avoit de ce coté la le Marquis de Mon-
tebelle avec une bonne partie de» forces 'lu pape et les vostres; et
s'il ne nous vient bientost quelque bonne nouvelle de Monseigneur
de Guise 1 par lesquelles Monsieur le Cardinal puisse espérer de
s'abboquer avec luy; il est pour s'en aller de ce costé de la Marche.
pour voir comme cette guerre se doit conduire. J'y voy sur ce quel-
que contusion et mauvais ordre, >i Monseigneur de Guise ne s'ap-
proche bien lost et qu'on ne fasse une bonne délibération de ce que
les uns et les autres doivent taire en ceste guerre : et si l'on use
de diligence a faire marcher vostre armée, j'ay espérance, Sire, que
vous commanderez aux armes ennemies. Sire, le Roy d'Espagne a
esciïl a tous les Cardinaux Espagnols el autres ses con fédérez et
partiaux qui se trouvoienl hors de Rome, de regarder quelque lieu.
ou ils se puissent assembler pour faire un congrégation ou forme
de concile pour y traiter de la privation du Pape comme non eleu
canoniquement, et pour son mauvais gouvernement; nommant pour
cesl effel la ville de Pise, ou pareille assemblée avoil été autrefois
faite contre le Pape .lule^ sec.nd ; et que. scachant ledit Roy d'Espa-
gne que le Pape vouloit user de privations, il les vouloit prévenir
et les luy rendre invalides. J'écris a Monseigneur le Cardinal du
Rellay qui est a ce qu'on dit des favoris du Pape, les remèdes qui me
semblent bien faciles a Sa Sainteté et je veux croire qu'elle y pour-
voira. Cela me tait CTOire, Sire, (pie si de VOSte COSté, il ne s,« Manie
(1) Le due de Guise ciait entre en Italie depuis quelques jouis avec 1-2000
fantassins, donnooo Français commandés par le duc de Nemours, ci 5000 Suisses
sous les ordres de René d'Elbœuf, de la maison de Lorraine. La cavalerie, qui
comptait 400 hommes d'armes et 800 chevau-légers, était commandée par Claude
d'Aumale. (Voir G. Ddruy, l.e c<n-<iin<ii Carlo Carafa, p. 216
[JANVIER 1557] DOMINIQUE DU GABRE 217
quelque pratique pour accommoder tous ces troubles on peut es-
pérer sinon guerres et schismes en l'Eglise. On scail bien que vous
Sire, y estes entré force et mal voluntiers ; mais puisqu'on y est, je
crois que ce sera une bonne resolution de la faire a bon escient : c;ir
d'une bonne guerre sortira, s'il plait a Dieu, une bonne paix. Sire,
j'ay esté ce matin en Seigneurie et en audience secrète, ou après avoir
communique a Monsieur le Cardinal ce que jevouloisdire pour aider
sa négociation, mon propos a esté qu'encores que ledit sieur Cardinal
n'aye proposé cbose quelconque qui ne soit avec bonne participation
et consentement voslre, et sans m'en faire bonne communication,
comme d'une chose qui n'est qu'une et commune entre Sa Sainteté
et Vostre Majesté; que neantmoins, il me sembloit ne faire point
mon devoir envers vous. Sire, et ne vous en donner assez suffisant
advertissement, si je n'enltendois d'eux mesmes leur resolution,
laquelle vous (croit par adventure résoudre de procéder en ceste
guerre et en la paix d'une autre façon que vous n'aviez délibéré. Car
vous, Sire, y mettiez la réputation, vos forces et tout l'argent, et
qu'il estoit raisonnable que vous sceussiez ce que vous deviez es-
pérer d'eux, qui y ont plus d'intérest que vous. Sur quoy je leur
ay fait entendre en termes clairs et intelligibles que les partis pro-
posez par Monsieur le Cardinal, les conditions et la façon de leur
bailler Ravenne, et l'aide qu'on voudroit avoir d'eux, leur faisant
toucher au doigt qu'il ne falloit avoir experance a la paix, sur la-
quelle ils fondoient leurs défaites, si ce n'estoit après une bonne
guerre ; et que, si les choses avoient été entendues de la Seigneurie,
de la sorte que ledit Cardinal me les disoit, et qu'ils eussent la
dessus consulté et résolu, le dit Cardinal estoit prest a partir pour
s'en aller a Ferrare. et moy, en sa compagnie, par adventure, faire
les affaires d'autruy a leur plus grand regret, et sil leur sembloit
que les choses n'eussent été entendues de cette sorte par toute leur
compagnie et qu'ils les voulussent de nouveau disputer, ledit Car-
dinal attendroit encore quelques jours. Leur réponse a esté qu'ils
avoient différé pour le mieux de différer leur entière resolution
jusques a ce que l'on vit ce que produiroit l'allée de Fantuccio (l)
vers le Roy d'Espagne, d'autant quil me sembloit quil fut aile la
pour entendre aux pourparlers de l'accord; et que par les lettres
de leurs Ambassadeurs, ledit Roy d'Espagne en avoit assez bonne
volonté; les ayant par ma réplique cl avec lionnes et palpables rai-
(1) Mgr Fantuccio, ami et confident ries Carafa. était chargé par le Cardinal, à
l'insu de M. de Lodève, d'une singulière mission. Il négociait un marché, aux
termes duquel le l'ape accorderait sa neutralité si Philippe II lui cédait, à lui
Carafa, la ville de Sienne En échange de cet abandon, le cardinal ferait restituer
Paliano à la famille Colonna. Fantuccio, pour traiter cette affaire, s'était rendli à
Bruxelles auprès de Philippe II. Voir G. Duruv, Le cardinal Carafa, p. 204,205).
218 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 15 57]
sons, dissuadés do cette opinion de paix et rafraîchis d'attacher
vivement la pratique avec ledil sieur Cardinal, puisquil estoîl icy,
pour après la conclure, ou la rompre, quand ils seroient eclaircis
de la vérité et négociation dudit Fantuccio. Le Duc (lj. sur cela,
m'a fait réponse que ces Seigneurs s'asseinbleroient encores de
nouveau, et résoudraient audit Seigneur Cardinal et a moy aussi ce
que Dieu les inspireroit; de sorte que l'issue n'est pas encores du
tout desespérée et sera forcé que ledit sieur Cardinal soit encores
icy deux ou trois jours (2)'.
A Venize 5 janvier 1557.
Ribier, l. il. \>. 673 .
UABRK AU CARDINAL DE TOURNOIS
164. — [Venise], 23 janvier /.">.">7. — Monseigneur, j'arrivay hier
icy, de retour de Ferrari', et y trouvay vos Lettres du dix septiesme
de ce moys, et. quant a l'assemblée dudit Ferrare, nous y avons
este cinq ou six jours avec beaucoup de discours et bien peu il»'
resolution, car la lin de tous nos conseils a este dattendre Monsei-
gneur de Guise el luy depescher, par diverses voyes, messagers pour
le haster de venir, el Dieu veuille qu'il en use t<>ut autrement alïin
qu'il ne perde poinct temps a voiager, maintenant que Rome n'en ;i
pas grand besoin ri qu'il excaute en Piedmonl et en Lombardye
quoique chose de bon pour le Roy, comme il a desja commencé par
los nouvelles quon a ce matin en cesle ville de la prise de Val-
lence (3i ou il y avoil trois mil hommes de guerre; <»n nen scail pas
autrement bien les particullarités, mais la Seigneurie a eu nouvelles
par la voye de Milan de la prise, et que le camp de mondit Seigneur
de (nii>-o debvoit aujourdhuy, qui esl samedy, loger a Bognieres el
Monsieur le Mareschal de Brissac i inarchoil avec une autre armée
d'un autre endroicl el du coste de Flandres. <»n a icy aussi a\is «le
la rupture de la guerre, de sorte que de jours a aul très nous pou-
vons attendre grandes nouvelles el mutations el espérer tout bien
pour le R,oy pour se trouver le premier a frapper resolleu el armé,
el son ennemy piis a l'improviste el asses mal pourveu, S'il esl
il) Le Doge.
(?.) La mission de Carala échoua complètement; le cardinal quitta Venise le
12 janvier, -ans avoir obtenu de la Seigneurie autre chose qu'un présent de <ii\
mille ducats.
(3) Valenza.
(4 Brissac occupai! le Piémont; il se joignit au duc de Guise à Turin, el les
doux généraux se séparèrent a Valenza après la reddition de cette place. Alors
Brissac revint en Piémont el Cuise se dirigea sur li< • u ^ ' ' • . où l'attendaient le car
ilinal Carala. le duc de Keiiaie el l'évêque de Lodève. C'est au cours de relie
entrevue que Cuise remit a Hercule les insignes du généralal àr la Ligue
[JANVIER 1557] DOMINIQUE DU CABRÉ 219
passé quelque cbose entre le Cardinal Ca rafle et le Duc en matière
de deniers, cela est secret entre eulx, pour le moins ils n'en ont rien
communiqué, et je me suis contenté de ce que l'un el laultre m'en
ont dict, le Duc faisoit lever quatre mil hommes, el je luvav baillé
un trésorier sans argent, de sorte qu'il a desbourcé vingt mil escus,
mais ca este avecq forces protestations el un peu de collere, tellement
que nous nons sommes desparlis asses mal content l'un de l'aullre:
le Cardinal Ca rafla a montré de s'en aller contenl de nous trestous
et ne scay quels desseins il a en son esprit, mais il ne parle aucul-
nement d'avoir haste de retourner a Rome; la ville de Bologne a ce
que j'entends (1) un presenl de cinquante mil escus; au reste, Mon-
seigneur, en matière de vostre remuement de logis, j'en ay advise
avec Abondio, présent porteur, et ne scavoys a quoy m'en resoul-
dre, n'ayant jamais eu trop de loisir de santé et commodité d'aller
visiter ce pais vénitien. Une chose vous diray je bien que sur le
Ferrarois vous pourries avoir une maison de celles de Monsieur le
Duc capable, belle et commode et non loing dudit Ferrare, ou toutes
les postes de Rome et de France passent; mais pour beaucoup de
considérations longues a escrire qui concernent le repos de vostre
personne, je ne serais point dadvis que vous cherchissiés ce travail
la ; quant a Padoue. je vois qu'elle ne vous plaist guères, ne Vicence
aussy, et de vous mettre en maison ; aux champs, on n'en voit guè-
res en ce pais qui soient capables d'une grande famille et ne veoy
lieu qui vous fut plus propre que Trevise (2 qui est une bonne
ville fort commode et abondante de tous vivres; n'y a point noblesse
ne forme de cours, et, en trois heures, on peult aller et venir de
Venise la, et s'il vous prend envie d'aller a Conlian (3), a Udine (4),
a Seneda (5) et autres lieux du Friculv (6), vous serès sur le chemin
et aurés de cette Seigneurie toultes les faveurs que vous pourriez
désirer, mais je cuyde avoir entendu que le Pape veult appeller et
faire venir a Rome tous les Cardinaulx qui sont absens aussitost
quil se verra supérieur et que Monseigneur aura passé de Lombar-
dye, et ne scay si vous pourries légitimement estre excusé de n'y
(i) Le copiste du manuscrit de Grenoble a dû omettre ici quelques mots dont
l'absence rend la phrase inintelligible.
(2) Trévise, ville d'Italie, chef-lieu de la province de ce nom, sur la Silletta et
le Bottenigo. à 30 kil. de Venise.
(3) Conegliano, ville d'Italie, à 2i kil. de Trévise.
(4) Udme, ville d'Italie, chef-lieu de la province de ce nom, sur la Roja, à
155 kil. de Venise.
(5) Ceneda, ville d'Italie, à 32 kil. de Trévise, sur le Machio.
(6 Friuli : Frioul, se divisait anciennement en deux provinces. le Fn oui autri-
chien à l'est, et le Frioul vénitien à l'ouest ; le premier avait Trieste pour chef-
lieu, le second Udine. Le Frioul fut d'abord possédé par les Lombards; les
Vénitiens l'acquirent en 1430; il fut cédé en parlie à l'Autriche au xvi« siècle.
220 NÉGOCIATIONS DE [JANVIER 1557]
aller; on dict que Testât d'Urbin est plus pour leste que pour lhy-
ver, et si le remuement de logis vous déplaist et que vous soyez
irresoleu de nostre court de ce que vous aves a faire, je pense que
si vous y pouvies avoir quelque lieu qui ne vous portast ne sujétion,
ne obligation a personne, vous pourries mieux reposer en cet estât
d'Urbin que ailleurs, pour estre spectateur des travaux du monde
et des actions des uns et des autres et en avoir a toute heure nou-
velles. Ces Seigneurs ont faict leur provéditeur de terre (1) Monsieur
Tomaso Contarine (2) et fusl lever mil six cens soldats, paies sans
toucher a leur milice pour les despartir dans leur place, a la charge
den lever davantage quant il sera besoin. De Levant, il ny en point
de nouvelles, sinon que Monsieur de la Vigne estoit arrive en seu-
reté a Spalato, s.ins passer a Raguse, et faisoit compte d'arriver a
Andrinople environ le cinquiesme de febvner; je luy envoyerai
vostre pacquel et vous ayant mon secrétaire envoyé ce qui estoit
venu de lettres pour vous durant mon absence, je n'ay pour ceste
heure autre chose a vous dire que mes très humbles recomman-
dations a vostre bonne grâce.
Ce xxme de Janvier 1557.
Ois. de Grenoble, f- 93 v° .
GABKE AT M C DE FERRARE
165. — [Venise], 24 janvier 1557. — Monseigneur, Il est arrivé
ce jourd'huy ung corrier dépesché de Monseigneur de Guyse ou du
Sr Adrian Haillon, avec ung paquet pour Vostre Excellence et ung
autre pour Monsr le Cardinal Caraffa, et une lettre que mondit Sr de
Guyse m'escripl avec ung peu de chiffre, laquelle je n'ay peu ren-
contrer avec aucun chiffre que j'aye, ne avec le Roy ne avec autre,
parquoyje vous envoyé le propre original pour veoir si cela se ren-
contre avec vostre chiffre ou celluy de Monsr de Forquevaulx. 11 esl
vray aussi que les lettres sont d'assez vieille date, estant venues par
la longue, et ne faiz double que vous n'en ayez eu de plus fresches
et mesmes de la prinse de Valence .! . dont ces Seigneurs onl eu
les nouvelles, mais non les parti cularitéz. 11 vous plaira envoyer par
ce mesme corrier ou autre à Mons' le Cardinal Carafa les lettres qui
s'adressent a luy. lesquelles, je croy, par adventure, sonl dudil
l) Provéditeur : magistrature dans la République de Venise. Il existait 'le nom-
breuses charges du même nom; les provediteurs de la mer, delà terre, etc.
Leurs fonctions consistaient à payer les dépenses de la flotte, île l'agriculture, du
commerce, etc.
•i De la famille noble ei ancienne des Contarini, qui a donné à Venise plusieurs
do^es et un grand nombre de sénateurs ci d'ambassadeurs.
:; Par les troupes du due de (luise ci du maréchal de Brissac
[février 1557! Dominique du gabre 221
S'' Adrian Haillon. Je n'escripz rien audit Sr Cardinal, pour ne sçavoir
que luy dire des intentions de inondit Sr de Guyse qui sont audit
chiffre. Vostre Excellence luy en pourra 1ère telle part que bon luy
semblera.
De Venize, ce xxime de Janvier 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.i.
Même lettre. Ms. de Grenoble, fol. 94 r).
GABRE au capitaine nicolo losco
166. — [Venise], 1" février 1557 . — Ho ricevuto la lettra di V. S.
per il Sr Sigismondo présente apportatore, allaquale non le faro
longa risposta. Attendete solamente d'aecommodar in allé rose délia
Mirandola, et non vi curate d'altro che quanto alla veslro provisione
venuto che sara qui Giovan petito io ci provedero, di modo che sa-
rete trattato d'amico se un pirrimo francese qualc desidera d intrar
nella militia délia Mirandola, et di toccar il soldo corne é altri sol-
dati. Vi pregojattelo accommodare in qualche compagnia et babbia-
telo per raccomandato et con questo a V. S. mi affero et race*0 di
cuire.
Di Venetia adi primo di febrari 1557.
(I'.il)l. nat . Fr. 20156, fol. 203 originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
167. -- [Venise . Ô février I J5~ . — Monseigneur, Je receuz hyer
ce qu'il pleust à Vostre Excellence m'escripre par ce porteur, et
quant au payement de la compaignye dez chevaulx qu'il demande,
je n'oze prandre ceste auctorité de moy rnesmes, et sans en avoir
commandemant de Messeigneurs le Cardinal (1) et de Termes, et si
panserois bien que le Roy ne trouveroit point maulvays qu'on luy
l'eist provision de cavallerye, tant pour le besoirig qu'il en pourra
avoir à ce printemps, et l'osteràson ennemy, que pour n'estre chose
trop aise à recouvrer, et quant vous. Monseigneur, me commande-
ryez de le 1ère, je n'y ferois une seulle difficulté, scachanl bien que
je serois avoué de tout ce que vous trouvères bon: mais pour n'en-
treprandre rien sur l'auclorité de ceulx qui me peuvent commander,
j'ay escript à Sienne à mondict Sr le Cardinal et à Monsr de Termes.
leur en disant mon advys, qui est tout en faveur dudicl Sr Rodolpho,
et, par mesme moyen, escriptz à Mons'' de Forquevaulx, à ce que ce-
pandant il veuille donner logis et quelque commodité et consolation
(1) Le cardinal de Tournon.
~'1"1 NEGOCIATIONS DE [FÉVRIER 1557]
audict Sr Rodolpho ; qui est, Monseigneur, tout ce qu'il m'a samblé
debvoir fere pour cest heure S'il vous plaist me commander que je
y lace aultre chose, je vous asseure que vous serez incontinent
obéhy. Je suis. Monseigneur, contrainct d'attandre icy encores
toutte cesle sepmaine pour quelque altère que vous trouverez bon,
s'il reuscisl bien, et cepandant, je croy que nous aurons responce
de la Court à noz lettres du \". Nous entendons que ces Seigneurs
ont eu fort agréable la proposition de la ligue, toutesfoys ils n'en
font encores point de responce.
De Venize, ce vme febvrier 1557.
Monseigneur, Si c'est chose qui ne vous desplaise point, je vous
supplierois voluntiers et très humblemeni d'envoyer à vostre Am-
bassadeur, qui est à Florence, le paquel qui s'adresse à Monsr le Car-
dinal, et luy commander de le luy envoyer seurement, comme
chose qui vient de Vostre Excellence.
\irii. de Modène. Cancelleria Dueale, etc. .
CABRE AU DUC DE FERRARE
168. — [Venise], 15 février iôô7, -■ Monseigneur, Ce ponrteur
Gassot est renvenu <le la Court, par lequel j'ay receu ung paquet
pour Vostre Exellence, lequel je vous envoyé par luy mesmes qui
s'en va à Sienne. Il vous plaira, par luy, entendre toute- nom elles
du lieu d'où il vient et ce qu'il a à dire au Due de Florence tant de
la pari du Roy que de Mous1 le Cardinal de Tournon. Mons' le Con-
nestable m'escript qu'il réservoil à me 1ère plus grand dépesche au
retour du boy. qui estoil allé en poste à Emboyse(i) veoyr mes-
seigneurs ses enfantz. Je partiray, Monseigneur, demain malin s'il
plaist à Dieu, pour estre devers vous vendredy ou samedj matin. Je
me double que Partenay, avec l'argenl qu'il conduysoit, n'auront peu
passer Florence; le principal sera que l'argenl ne >oil point en
danger, comme j'espère qu'il ne sera, puisqu'il esl arrivé a saulveté
audit Florence. Pour l'advenir, je croy qu'il fauldra prandre aultre
chemin, puis que les ennemys font actuellement la guerre. Je re-
mettray le surplus. Monseigneur, a quanl je seray devers Vostre
Exellence.
De Venize. ce \v"" febvrier l r>o7.
Monseigneur, Depuys ma lettre escriple, le S' Alexandre Guarin
m'a l'ai«- 1 ceste faveur de me venir trouver et me communiquer,
selon vostre commande, ce qu'il vous a pieu luy escripre, dont je
vous mercye très humblement, et quant à la uégotiation de nies
(1) Amboise.
[FÉVRIER 1557] DOMINIQUE DU GABRE 223
sieurs voz Ambassadeurs icy, '.es serviteurs du Roy qui sont icy
vous y feroienl service s'il/, pouvoient et scavoient bien que voz
afferes n'empescheront james, niais plus tost favoriseront et ayde-
ront les nostres. Ce que je vous en avoys escript n'estoil pas serio,
mais usant ou, par aventure, abusant de la privaulté qu'il vous
plaist me permettre, dont il vous plaira m'excuser. Mons' l'Ambas-
sadeur cl moy, eseriprons à Mons'' de Mairepoix 1 1), selon vostre bon
et saige advis, pour le faict du S1 Camillo (2) et en faisons une
dépesche expresse au Roy, nous semblant chose de grande impor-
tance pour ce qu*il semble que en cela doibt avoir quelque intel-
ligence ou pratique du Pape, et ferons aussi entendre à Sa Matéle
progrès dez Impériaulx sur le Senoys (3) et ces mutations du Duc
de Florence, nous ayant semblé, sauf vostre meilleur advys, que
ce porteur debvoit aller jusques à Flo rence, puys qu'il a à parler
audit Sr Duc. Je ne puys croyre que nostre argent ne soit passé ou
à tout le moyns en seureté, puys que n'avons encores nouvelles
de Partenay. Geste esclusion du Comte de Ste Fior(4) me desplaist
et fault que le Roy se résolve de myeulx penser aux afferes d'Italye.
C'est de Yenize, ce xvic matin.
(Arcli. de Modène. Cancclleria Ducale, etc.).
GABRE A
169. — . 23 février 1 557 . — Nous n'avons icy aulcune
nouvelle digne descripre, sinon les adviz que ces Seigneurs ont de
Levant du xie de Janvier, par lesquelles on asseure que le grand
Seigneur faysoyi toute dilligence d'armer cent gallaires, lesquelles
je ne pense qu'il veult employer ailleurs que ez mers de deçà qui
me faict croyre que Monsieur de la Vigne n'aura pas trouve grande
difficulté a obtenir l'issuee de ladite armée pour ayder les entre-
prinses du Roy. Quant a la des Allemantz, je vous envoyé la coppie
d'ung adviz que jeuz hier de Monsr le Maréchal de Rrissac, il ne
s'en entend rien de nouveau, sinon qu'il avoit rompu quelques pontz
au Marquiz de Pescara (5), lequel ne pouvoit aller avant ne arrière,
(1) Jean VI Suavius, auditeur de rote en 1555. Lors de son élection au pontifi-
cat, le pape Paul IV le nomma cardinal et évêque de Mirepoix ; il resta à Rome,
se démit en 1560 de son évêché en faveur de Pierre de Villars, cl mourut le 9
septembre 1566.
(2 Camillo Orsino, capitaine incapable, mais qui jouissait d'un grand crédi1
auprès de Paul IV.
(3) Sienne étail entre les mains de Philippe II ; la possession de cette ville
assurait au roi d'Espagne la fidélité du duc de Florence.
t Le comte de Santa Fiora, de la vieille famille des Stor/.a. fidèlement attaché
à la cause impérialiste et ennemi personnel du Pape.
5 François-Ferdinand de Avalos et Aquino, tils de Pierre-François Colonna et
d'Isabelle des Baux, devint marquis de Pescaire et del Vasto et grand chambellan
~24 NÉGOCIATIONS DK MA IIS 1587
et cependant il faisoit achever la fortification de Vallence. Et quant
a la practicque de Florence, par les ldlres que ces Seigneurs eurent
hier de leur ambassadeur qui est en France, ilz tiennent la chose pour
toute conclute et accordée, et je croy bien, en conscience, qu'ilz
nen seroient pas trop aisés; on ne les voit pas fort eschauffer en
matière de s'armer ne par mer ne par terre et vont en ces chose la
fort bellement. Adviz de la descente des Allemanlz.
Du xxme de février 1557.
Inquesta hora ch'e la ter/.a di nolti gh S11 Etestori, hamo fatto
chiama, il cappitano Rinaldo perche hanno hanuto aviso duTrento
ch'el colonello del conta Alberico di Lodrone 1 , che vien in Italia
saranel vel Veronese, venerdi et per questo hanno'ordinato, a detto
cappitano che domanda matina avanti di sene vada a Trento per le
poste per condure detto collonello.
(Bibl. nat., Fr. 20529, fol. I '.S. Extrait copie .
sans indication de lien, ni de destinataire .
GABRE AU CONNETABLE
470. — ]'niisr , il mars 1557.— Monseigneur, j'escris au Roy
la venue de Monsieur le Duc de Ferrare, et ay mis beaucoup de
choses en chiffre pour ce que hier j'eus encore advis des Tassins de
Luna comme quatre hommes masques avoienl assailly un de la
poste de Bresse, qui porloil deux pacquets de mondil sieur le Din-
de Ferrare, et luy avoienl donne quelques coups d"espée, mais pour
estre ledit postillon bien monte, il sauva sa vie el les pacquets, de
quoy je lis hier plainte a la Seigneurie, et inconlinenl ils escrivirenl
a leurs recteurs de Dresse quils lisseni toute dilligence de trouver
ces assassins, el quils lissent tenir de leurs cappitaines sur les
champs pour asseurer les chemins; ils pensent bien que ce sont
œuvres des impériaux et auroienl bonne envye den descouvrir
quelques uns. mais il y a ordre île les pouvoir surprendre. Monsei-
gneur le Duc m'a dict quil ny avoil poinl de ses lettres, mais que
cesloit un pacquel que Monsieur de Selve luy av. .il adresse cl forl
recommande, lequel, a ce que je veoy, a este en grand danger,
mais non pas perdu ; el se trouvanl i<\ l'un des Tassins, je l'ay ren-
voyé avec ceste despeche, al li i » que luy mesme la porte seurement
et si avanl dans le pays des (irisons, qu'elle soil hors de danger. Je
du royaume de Naples. Il épousa la fille du duc dr .Manlouc. Isabelle, cl mourul
en 1571.
(1) Le conilc Alberico «le Lodronc, commandant d'un corps allemand.
MARS 1557] DOMINIQUE DU GABRE ±25
viens d'avoir une lettre de Monsieur de Selve du sixiesme do ce
moys qui me mande que Monsieur de Guise n'avoit peu avoir
encores auleune resolution du Pape de ce qui! avoit a faire (1). Icy,
Monseigneur, ny a rien de nouveau digne descrire.
De Venise ce unziesme jour de Mars 1557.
(Ms. de Grenoble, fol. 54 v° .
GABRE AU MOI
171. — [Venise], Il mars 1557. — Sire, Monseigneur le Duc de
Ferrare arriva hier icy, qui fut receu de la Seigneurie a leur ma-
nière accoustumée avec le Buxentore; il ne m'avoit mandé de sa
venue ne de ce qu'il y avoit a faire, dont on parloit en cette ville
assès diversement ; je ne scavois qu'en penser, toutesfois je l'en-
voyay rencontrer en chemin et luy escrivis que si j'estois hon a faire
quelque service à sa négociation, fut pour Voslre Majesté ou pour
son particulier, je ne manquerais jamais de mon devoir, et que s'il
avoit puissance de me commander, j'avois encore meilleure vollonté
de luy obéir. Il ne me fist a cela aucune responce par mon homme
qui fut cause que je ne me voullus ingérer plus avant, et n'allay
point autrement au devant de luy, mais demeuray avec la Seigneu-
rie ; et après qu'il fust arrivé en sa chambre, je luy parlay fort lon-
guement, ou il me dict asses franchement qu'il ne venoit icy que
pour visiter ces Seigneurs et leur oster toutte mauvaise opinion ou
soupçon de son faict, et que, s y moy qui les avoit pratecqués lon-
guement, voyoisquil fust bon qu'il les recherchas! de quelque chose
pour vostre service, il estoit prest de le faire, mais qu'il seroit fort
content de ne leur parler poinct de ligue, s'il pensoil en estre refusé
pour ny mettre de vostre réputation et de la sienne. Je luy dis que
je n'avois aucun commandement de Vostre Majesté de les recher-
cher de rien et que je les avois essaiez par tant de sortes que je
n'en esperois plus rien, mais que son autorité et sa présence pour-
roient, par avanture, plus que Unis nous autres qui nous en estions
mesles, et qu'il voyoit en vostre service et en touttes choses plus
clair que moy. par quoy je me remettois de les rechercher ou non
a sa prudence et bon jugement; qu'il est vray que la chose du
monde qui me faisoit le plus croire qu'ils sont tous résolus de ne
(1) Le désaccord régnait entre le cardinal Carafa et le duc de Guise au sujet
du plan de campagne- Guise voulait que la Lombardie et le Piémont lussent le
théâtre immédiat des opérations; le cardinal, au contraire, voulait que les troupQS
françaises se portassent, de suite, à la défense de l'État ecclésiastique. C'est à
ce malheureux plan que se rallia de Guise.
19
226 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1557]
se mouvoir contre le Roy Philippe est que. s'ils eussent eu quelque
volonté de se mettre en vostre ligue, ils n*auroient pas esté si mal
advises de donner passaige a lant de régiments d'Allemants, qui ont
passes et qui passent tous les jours, pour avoir après a les combat-
tre. Je croyois, quant a moy, qu'on se debvoit bien contenter d'eulx
pourvu quils demeurent en leur neutralité comme je veulx espérer
quils feront; ledit Seigneur Duc me dicl quil estoit forcé qu il s'en
retournast bientost ches luy pour donner ordre a ses affaires estant
menasse d'avoir la guerre en son estât, el que le régiment du Comte
de Lodron qui passa avant hier sur Vérone, après le chemin de
Casai Major et non du Piedmont, attendoit un courrier quil avoit
envoie vers Vostre Majesté et un autre vers Monseigneur de Guise
pour avoir resollution de beaucoup de chose, el après se resouldra
de ce quil aura a faire. 11 est vray qu'il dit quil se defendroil très
bien des forces des ïmpériaulx s'il ne craignoit le travail que luy
peult donner le Duc de Florence et que si vous. Sire, ne le dé-
tendes, il se voit reduict a forl mauvais termes; il faict -on compte
pour ne perdre point tamps ny d'avoir demain son audience secrette
et n'en veut point autremenl de publicque retourner lundy, et. quand
il sera party d'icy, je vous donneroi advis, Sire, comme toutes
choses seront passées au moien de ce que j'en pourrai entendre.
Monseigneur de Guise laissa a Ferrare un Commissaire ordinaire ci
le cappitaine Pacquier pour taire les monstres de mondict Seigneur
le Duc et, a ce qu'il me dict, il n'y a jamais eu dordre d'arrester la
forme du paiement de -a garnison, ne voulant, ledit Seigneur Duc.
se contenter quils soient payes comme le- autres Italiens qui ser-
vent la ligue. Sire, je despechay l'autre .jour Monsieur de Chemans
vers Monsieur le Mareschal de Brissac pour la praticque que menue
Scipion de Castro, lequel se trouve a Padou, et m'escripvit hier une
lettre de quelque provisoin que le personnage demande, laquelle,
Sire, je vous envoyé avec la présente, s'il \oiis plaist la faire lire. et
regarder après avoir eu l'advis de M p le Mareschal de Brissac, ce
qu'il vous plaira d'en l'aire. Ou parle d'embarquer quelques Alte-
rnants a Triesl 1) pour les iraguetter _ par cette mer Adriatique
au Royaume de Naples ci. dict on, que pour favoriser le passage,
doibvenl venir dans le golfe de ces Seigneurs un nombre de sal-
ières imperialles, chose que le Grand Seigneur trouvera fort mau-
vaise et ces Seigneurs s'en pourroient un jour repentir, et si je voy
quils le consentent je ne fauldray de le leur dire et d'en adverlir
avec Monsieur de la Vigne, duquel il n'y a encores icy aulcunes ÛOU-
(1) Triostc, ville forte et porl de l'Illyrie, sur le golte de ce nom. dana
L'Adriatique.
(2) Tra^ueltcr : de l'italien, traghettare, traverser, passer d'un endroit à un
autre, transporter.
[MARS 1557] DOMINIQUE DU GABRE 227
velles, et j'en suis fort esbahy; de Monseigneur de Guise, nous n'en
avons encores iey aucunes nouvelles depuis son arrivée a Rome ; je
luy ay envoyé tout l'argent quil m'a demande pour ce mois de
Mars, qui est justement le tiers de trois cens cinquante mil escus du
second depost dont il fera telle part qu'il luy plaira a ceulx de Rome
et a ceux de Toscane ; ceste armée est es environ de Romini (1) et
Nerena (2) et ne scay encores ou ils auront resoleu de l'emploier,
qui est. Sire, tout ce que je vous scaurois dire pour cette heure.
De Venise ce \ie de Mars 15o7.
fMs. de Grenoble, fol. 10" v.
CABRE AU DUC DE FKRRARE
172. — Venise], 19 mars 1557 . — Monseigneur, ce porteur vous
va trouver pour avoir de Vostre Excellence acquits de beaucoup de
despences quil a faictes par vostre commandement : il vous plaira
ne trouver point mauvais si je vous disque telles choses se doihvent
depescher promptement qu'on en aye la mémoire fresche, et quil
est fort dangereux de les remettre en longueur: pour ceste cause,
il vous plaira veoir ce quil en a dressé et le depescher de ce que
Vostre Excellence trouvera véritable et raisonnable. Je fus hier matin
en Collège pour entendre au vray de ces Seigneurs ce quils avoient
eu du Levant ; ils ont faict semblant de n'avoir eu le loysir d'en
tirer les sommaires, et m'en ont dict quelques petits points de peu
de conséquence, et remis a une autre fois a m'en faire plus certaine
communication. De Monsieur de la Vigne, je n'en ay rien eu. et de
Rome Vostre Excellence aura entendu la promotion des Cardi-
naulx (3) a jour extraordinaire et si le Roy ny a eu grand part, cela
seroit bien aysé a supporter, mais que sa repputation fust un peu
mieulx aydée par ceulx qui sont cause de l'avoir faict passer sy
avant. Je n'ay rien de nouveau. Monseigneur, de la Cour ny d'ail-
leurs.
De Venise ce dixneufviesme de Mars 1557.
(Ms. de Grenoble, loi. 19 v .
(1) Rimini. ville forte d'Italie, près de l'embouc hure de la Marccchia, dans
l'Adriatique.
(2i Monte Nerena : Apennins), à côté de Benevente.
i3; La promotion de cardinaux à laquelle du Gabre fait ici allusion eut lieu le
15 mars. Le garde des sceaux de Fiance Jean Bertrand. Lorenzo Strozzi, frère
du maréchal. Alphonse Carafa, fils du marquis de Montebello, Antoine Trivulce,
archevêque de Toulon, et six autres personnages reçurent la pourpe romaine
dans cette cérémonie. Sur ces dix nouveaux membres du Sacré-Collège, les
quatre premiers étaient manifestement dévoués à la France : les six autres devaient
NÉGOCIATIONS DE [MARS 1557]
GABRE AU ROI
173. — [Venise], 20 mars 1557. — Sire. Monseigneur le Duc de
Ferrare partist d'icy l'aultre jour, nions tiant d'estre pressé et avoir
grande haste, pour luy estre venu nouvelles que les Alternants, qui
estoient a Cazal Major, passoient le Po, et que Monsieur le Prince
son fils estoit aile a Modena pour remédier a touttes choses, si da-
venture on voulloit faire la guerre en son estât; depuis, il ne s'en
est icy entendu autre chose qui l'a i c t croire que ces Allemants,
comme aussy le hruict en estoit. passoient en Toscane, chose qui
duht oster au Pape toutte espérance a lapraticque de Florence. Ledit
Seigneur Duc ne vist la Seigneurie qu'une fois, et puis quant ilsalla
licentier sur cette hoste, a heure du soir non accoustumée, telle-
ment que toutte sa négociation n'a esté, a mon advis, et par ce que
j'en ay peu entendre, que excuses de sa déclaration et parolles gene-
ralles entre voisins, et de inesrne luy a aussi esté respondu. Au reste,
Sire, il n'y a jamais eu ordre d'accorder avec luy la forme et lestât
des payera ens de sa garnison, encores que Monseigneur de Guise
eut laisse auprès de luy Monsieur de Jacquier, commissaire ordi-
naire des guerres, pour cet effect, car, en touttes façons, ledit sieur
Duc vouloit 1 argent estre mis entre ses mains et ne permettre que
nous fissions paier par vos ministres les soldats a la banque. .Nous
luy avons remonstre, et réplicqué fort souvent, que c'esloit altérer
et contrevenir a vus loix et ordonnances, el que nous autres minis-
tres ne pouvions faire cela -ans expresse dispence de Vostre Majesté
ou sans nous mettre en grand danger; mais il a este obstine a cela.
et faisoit de grandes protestations contre vous, tenant certains lan-
gaiges asses fascheux. de sorte que.allin que ledit sieur n'eust point
la dessus occasion de faire ce qu'il disoit, nous advisasmes, ledit
banquier et moy, de luy faire bailler ce que pouvoil mouler, a peu
près, la despence de sa garnison pour ce mois de Mars en payement
et déduction des trente mille escus quil presta comptant, il y a
environ dixhuicl mois, qui luy -oui encores deus, et si Vostre
Majesté se contentera que cela soit pour son dit payement de Mais.
il se tiendra pour receu et a bon compte, et en a baillé aussj sa pro-
messe. Quant au mois d'Avril si Vostre Majesté ou mondict sieur
de Guise ne le commande de nouveau, je n ay pas intention de luy
rien payer, parce que Vostre Majesté ne m'en a jamais rien com-
leur nomination à l'influence personnelle du cardinal Carafa: c'est assez dire
qu'ils avaient été choisis parmi les détenseurs de la politique française. Le roi
de France mail donc lieu d'èlre 1res satisfait de cette promotion-
[MARS 1557] DOMINIQUE DU GABRE 229
mandé ny ne luy eusse pas faict bailler cest argent, si Monsieur de
Guise n eust commandé qu'on ne faillist pas de luy paier ce mois de
Mars pour la grande plainte que ledit sieur Duc luy en avoit faict.
Sire, ces Seigneurs ont eu lettres du Levant du vingtiesme de Feb-
vrier, comme Monsieur de la Vigne estoit arrive a Andrinople le
quatriesme, et avoit desja parle deux fois au Bascba (1); touttefois,
je n'ay encore aulcunes de ses lettres et est impossible quil n'en
vienne bientost. Le Grand Seigneur s'en alloit faire une chasse ge-
neralle, et l'on faict compte qu'il demeurera bien quarante jours sans
ouyr parler daffaires, et preparoit on louttefois l'armée de mer. De
guerre en Hongrie, il ne s'en parloit aucunement. Monseigneur de
Guise, vous aura faict entendre, Sire, les résolutions de Rome, qui
sont bien longues a son très grand regret, a mon advis ; a latin, le
Pape sest resoleu a taire nouvelle promotion de Cardinaulx, entre
lesquels est Monsieur de Tolon (2 , qui estoit icy légat, lequel, Sire,
vous sera toujours affectionne et fidelle serviteur, aucun que aucun
aultre de tout le collège, comme ont este tous ceux de sa maison.
Je pense que ledit sieur de Guise sera bientost de retour en son
camp, lequel est encore en Romaigne, et icy, Sire, pour ceste heure
ny a autres nouvelles dignes descripre.
De Venise ce vingtiesme Mars 1557.
(Ms. Grenoble, fol. 55 r°).
GABRE AU DUC DE GUISE
174. — [Venise \, 29 mars loôl. — Monseigneur, je receuz hier
au soir un pacquet de Monsieur le Duc de Ferrare ou il y avoit un
paquet du Roy, et une lettre vostre de Rome du 20 mars, en laquelle
il y a quelque mention de m'avoir donne quelque adviz de vos
négociations a Rome par les despeches de Marseille et de Monsieur
du Manne (3 : mais je n'en ay rien veu et s'il y a eu des lettres de
Vostre Excellence, pour moy elles ont été portées en France, et
voyant que Monsieur de Carnavalet (4) ne vaut point, et que je n'ay
aucun estât ni nouvelle de ce quil vous faut pour l'assignation
(1) Pacha.
(2 Antoine Trivulce, archevêque de Toulon en 1528, par démission de son
oncle le cardinal Augustin : en I5ii vice-légat d'Avignon ; cardinal en 1557, alors
qu'il était nonce à Venise; mort le 26 juin 1559.
[3 François de Bellier, abbé de Manne.
( i François de Kemovenoyou Carnavalet, chevalier de l'Ordre du Roi. premier
écuyer <le Henri II. chef du Conseil et surintendant du duc d'Anjou ;Henn lit);
mourut en 1511. Sa veuve, Françoise de la Baume, acheta du fils du Président
de Lignières le célèbre hôtel de Paris, construit par Androuet du Cerceau et
connu, depuis, sous le nom d'hôtel Carnavalet.
230 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1557]
davril. Je feray demain partir pour Anconne un tiers de nostre depost
a la reserve de vingt mil escus quil faut pour payer un quartier des
hommes d'armes de Monseigneur le Duc de Ferrare, et le reste de
la garnison ordinaire pour le mois d'avril, emsemble aussi la garni-
son de la Mirandolle et le reste, montant a quatre vingt seize mil
escus. vous sera envoyé entièrement pour le distribuer en vosire
armée en la Romaigne et en Toscane, ce qui est nécessaire. Au
reste, le Roy me mande d'aller trouver le Duc de Ferrare pour ter-
miner toutes les difficultés quon a avec luy (1). mais jay nécessai-
rement affaire icy pour recouvrer et envoyer tout vustre assigna-
tion, et pour la venue de Monsieur de Montmorency qui vient loger
chez moy, de sorte que je me suis excusé, a mondit Sieur le Duc,
de ne pouvoir, pour ceste heure, aller devers luy, et pour en parler
franchement, aussy iray je mal volontiers, estant las de n'ouyr par-
ler de son particulier et rien d'aucun ayde au service du Roy, et
d'autant plus que Sa Majesté nous laisse en mesmes termes que
nous estions pour le temps de guerre, ne mettant aucun règlement
sinon au temps de paix et de trêve, et Monsieur le Duc veut en tout
temps avoir l'argent de sa garnison entre ses mains et payer ses
gens comme il l'entend. Je luy escris qu'aucun ministre du Roy ne
peut changer les loix et ordonnances, et la police observée de tout
temps en semblables choses, s'il n'y a dispence et commandement
exprès du Roy, et je ne scais si vous mesmes, qui avez toute autho-
rité le voudriez entreprendre : parainsy, quil luy plaise se resouldre
a laisser faire les monstres et payemens aux ministres du Roy
comme on a accoustumé, autrement que sa garnison ne sera poinct
payée. Je luy envoyé un homme expies pour cest effect et ne scay
ce quil y fera. 11 se dit icy, et vous m'escrivez aussi un mot de vos-
ire voyage de Naples. On parle encore dune révolte d'Atrye (2) : sy
cela estoit, ce seroit un grand advancement et grande espérance
pour vostre armée, laquelle pourroit trouver la beaucoup de vivres
et de commoditez. Quant aux autres choses que Vostre Excellence
avoit a faire a Rome, ceste longueur qu'on vous y a tenue est gran-
dement fâcheuse et préjudiciable au Roj el a eux mesmes, et, a
l'avenir, je louerois fort que vous prinsiez conseil et resolution de
vous mesme, autrement vous mettrez vostre réputation et les affai-
res du Roy avec son armée en grand danger. Je vous envoyé. Mon-
seigneur, une despeche de Monsieur de Lavigne qui a despeche un
homme au Roy, du 22 février, el depuis en est encore venu un
1) Hercule se détachait insensiblement de la Ligue; la possibilité d'une telle
détection, survenant après celle d'Octave Faroèse, inquiétait à bon droit M. de
Lodève, qui prévoyait que c'en était fait de l'alliance, si le due de Ferrare passait
à la cause du roi d'Espagne.
(2) Atri, ville d'Italie, à 30 lui. de Teramo.
[MARS 1537] DOMINIQUE DU GABRE 231
autre du Ie'- Mars, et, en effet, les nouvelles de la Porte sont que
l'armée sortira plus forte qu'elle n'a encores faict, mais que cest
pour estre employée en leurs affaires d'Affrique et de Iloran (1), en
quoy elle fera la mesme faveur aux affaires du Roi que si elle venoit
pour vous, tenant les forces de l'ennemy occupées a la marine de
Naples et de Sicile, et la mer seure pour nous et suspecte a l'en-
nemy, et disent davantage qu'elle sortira de bonne heure, tous les
gens de Rome estant déjà commandez. Qu'est tout ce que je seau-
rois vous dire pour ceste heure.
De Venize ce 29 Mars 1557.
(Bibl. nat., Fr. 23236, fol. 491) (Mém. du duc de Guise, p. 342).
cabre au duc de ferrare
175. — [Venise], 'J9 mars Jôô7 . — Monseigneur. Je receus, cette
nuict passée, le pacquet qu'il vous a pieu m'envoyer par vostre
courrier, ou ilyavoit un pacquet du Roy avec quelque resolution de
vos affaires, mais non pas telle, a mon gré, comme il feroit de besoin
pour nous mettre tous hors de peine et de disputes. Je vous feusse*
Monseigneur, allé trouver pour vous en faire communication, si ce
n'estoit deux empeschemens que j'ay nécessaires pour huict ou dix
jours; le principal est de recouvrer l'assignation d'Avril et de
donner ordre de l'envoyer à Monseigneur de Guise qui m'en faict
fort grande instance, l'aultre, que les gens de Monseigneur de Mont-
morancy sont desja icy, et attendent l'heure qu'il arrive et venant
logés chés* moy, je ne voudrois qu'il pensast que je me feusse
absenté pour ne luy voulloir faire service et bonne chère, et vous
vouloys envoyer pour ceste cause mon secrétaire; mais il est bien
fort mallade, pourquoy je vous envoyé le commis du Gard, présent
porteur, avec coppie d'un brevet de déclaration de Sa Majesté sur
vostre faict particulier, et l'original vous sera baillé quant il vous
plaira signer et m'envoyer la promesse réciproque que le Roy veult
avoir de Vostre Excellence, laquelle aussy je vous envoyé par ledit
du Gard, pour la signer et faire sceller, s'il vous plaist, car sans cela
je ne me dois dessaisir de lautre, ny vous faire bailler aucun argent,
et, dès que ledit Dugard me laura envoyée, je feray partir ce quil
fault pour payer vos hommes d'armes pour un quartier, et le reste
de garnison pour avril, si mondit Seigneur de Guise ne me com-
mande, cependant, chose contraire a cela. Vous verres, Monseigneur,
par ladite déclaration, que le Roy faict de sa vollonté que Sa Majesté
(1) Oran.
232 NÉGOCIATIONS DE [MARS 1557]
ne vous donne reigiement, sinon en temps de paix et de trefve,
auquel Ion vous payera en cette ville xxvm escus par quartier, sur
lesquels seront payés par les ministres du Roy vos cent hommes
d*armes qui feront monstre et serment a Sa Majesté, et le reste sera
mis entre vos mains pour payer vos gens de pied, chevaux légers
et vostre estât et de vostre Lieutenant en la façon que vous voudres;
mais, quant au temps de guerre, nous demeurons toujours aux
mesmes termes ou nous estions, car nous voulions payer vostre
garnison a la bancque comme le Roy faict pour tous ses soldats, et
ne le pouvons faire autrement, et vous voullés avoir l'argent entre
vos mains pour les faire payer a vostre façon, vous ne trouvères
ministres du Roy qui consente jamais a cela sans expresse dispense
de Sa Majesté, car cest contrevenir a toutes ses loix et ordonnances,
et changer nos polices et ordres aux payemens des gens de guerre.
et ne scay si Monseigneur de Guise mesme, qui a loutte autorité.
le vouldroit entreprendre, et, résolves vous, Monseigneur, s'il vous
plaist, de laisser passer cela de ceste façon, autrement vous mesmes
serés cause de la longueur et empeschement si vostre garnison ne
sera point payée. Quant a ce qui vous est deub pour les mois de
Novembre et Décembre a raison du temps de trefve, en Janvier et
febvrier, a raison de la cappitulation. et aussy pour la despence de
vostre levée de trois mil hommes de pied, Monsieur de Lanssac,
a son arrivée a la cour, leur bailla un estai dont il fus! parlé en
vostre garde robbe a Reggio, sur lequel ils ont faict le compte que
Sa Majesté vous doibt pour sa part lxxi1" i.xxiim 1., desquels t'insem-
ble des xxxm escus du prest dont vous avés l'obligation de Messieurs
les Cardinaulx de Lorraine et de Tournon. Sa Majesté me mande que
le General d'Elbene a promis el s'est chargé de les rembourcer et
quil luy en a esté ou sera baillé assignation, et je croy que 1. dit d'El-
bene vous en pourra escripre bientost, et a moy aussy. et ont faict
leur compte aussy la dessus, que le Pape vous doit pour sa part
xxxm vc n 1., desquels ils disent que mondil Sieur de Guise a pris
charge vous faire rembourser par les ministres de Sa Sainteté.
Mondit Sieur de Guise me mande que Monsieur de Carnavalet
debvoit bientost passerpar icy et m'apporter un estai du reigiement
de toutes nos despences, tels qu'ils l'ont arresté a Rome, qui est
aussy cause que je ne puis abandonner ce lieu icy quil n'ave passé;
nous avons eu lettres de Levant du premier de Mars et Monsieur de
La Vigne a despeché un homme exprès au Roy, la résolution est
certaine que l'armée sortira en plus grand nombre qu'elle n'a en-
cores faict ; il est vray qu'ils la veullent premièrement employer en
leurs affaires d'Africque et de Horan, mais elle fera la même faveur
a nos affaires que si elle ne venoit que pour nous et tiendra la hum
[MARS 1557 DOMINIQUE DU GABRE 233
seure pour nous et suspecte a l'ennemy; qui est, Monseigneur,
toutes les nouvelles qu'on a icy pour ceste heure en me recomman-
dant très humblement a vostre bonne grâce.
De Venise ce vingt neufviesme Mars 1557.
Mv. de Grenoble, fol. 50 r°).
GABRE AU CONNÉTABLE
176. — [Venise , 31 mors 1557. — Monseigneur, s'estant présenté
la commodité du parteinent de Monsieur Derdoy (1), présent por-
teur, je luy ay baille un pacqnet que je reçus hier de Levant, et a
ce que je voy, on peult tenir pour certaine l'yssue de l'armée et en
espérer quelque service, d'autant, que un qui vienl delà, ma dicl que
Monsieur de la Vigne et Monsieur de Cottignac, qu'estoient emsem-
ble a Andrinople, faisoient compte de venir tous deux. Sur ladite
armée, il n'y a encores icy nouvelles que Monsieur de Guise soit
party de Rome, et, par la dernière lettre quil m'a escripte, il estoit
autant resoleu de ce quil avoit a négocier avec le Pape comme le
premier jour qu'il y arriva, qui est une longueur fort préjudiciable
a ceste pauvre armée, et aux affaires communs du Roy et du Pape.
Je reçus, hier, une despeche du Roy du quatorziesme de Mars, pour
le faict de Monseigneur le Due de Ferrare, lequel je n'ay peu aller
voyr pour estre icy occupé a recouvrer et envoyer l'argent de l'assi-
gnation dAvril pour touttes ces dépenses dllalye et mesme pour la
grande presse que m'en faict mondit sieur de Guise, mais j'ay
envoyé un homme a Ferrare avec bonne instruction de tout ce que
le Roy me commande faire, bien que vous nous laisses toujours en
dispute et en différent avec ce Prince la, ne nous ayant baille règle-
ment sinon a temps de paix et de trefve, car, en temps de guerre
comme l'on est maintenant, il veult sa capitullation luy estre obser-
vée, comme le Roy le commande, et nous le luy offrons et luy
monstrons quil ne tient ne a bonne volonté ne a argent, mais il
veut que les ministres du Roy luy baillent l'argent par ses quietan-
ces pour faire après parer par ses ministres les gens de sa garnison
comme ils l'entendent et nous luy disons que c'est rompre touttes
nos loix et formalités de France, et que le commissaire et le con-
trolleur doibvent certifier d'avoir veu faire ledit payement en leur
présence qui seroit une faulceté si l'on faisoit comme il veut, luy
ayant dit franchement que s'il ne le veult laisser faire a nostre
usance, luy mesme sera cause de la longueur et du retardement si
sa garnison n'est payée. Je ne scay comment il se resouldra, mais je
(1) Dardois ou d'Arbois, basque, secrétaire du connétable.
234 NÉGOCIATIONS de [avril 1557]
vous asseureray bien, Monseigneur, quil y sera procédé de telle
sorte qu'il ne se pourra plaindre que de luy mesme. Monsieur de
Carnavalet doibt passer bientost. a ce que m'escript mondict Sr de
Guise, qui vous portera touttes nouvelles de Rome, et entre autres
choses de deçà, qui sera cause que je ne vous en escriray aultre
chose et m'en tairay, encores qu 1 y ait beaucoup de choses a dire.
De Venise ce trente ungniesme Mars 1557.
Ms. de Grenoble, fol. 16 v°).
GABRE AU DUC DE FERRARE
177. — [Venise], 11 avril 1557. — Monseigneur, oultre ce que je
vous ay escript par le sieur Bendidio (1), je nay a vous dire davan-
taige, sinon quil semble que ce matin on aye icy nouvelles certaines
de larrivee de quelques gens de guerre a Correggio (2t. Je scay bien
que vous cognoislrez toutesfois quelle différence il y a do ces petit z
seigneurs la et de leurs voysins a vous, et s'il/, sr vantent davoir la
laveur dun roy Philipe, vous avez la protection dun aultre Roy qui
ne recognoist poincl de supérieur. Je vous suplye très humblement,
Monseigneur, vous rejouyr plustosl de ceste bravade que do vous
en fâcher, et croire que tous commencemens semblent avoir en soy
plusieurs diticultez, mais si quelcun voulloil dir que vous oeussiez
bien commence el continue la guerre, je veulx dire, croire et asseurer
que vous la tinerez fort bien et avec honneur, grandement et con-
tentement, et sil vous vient travail digue de considération, vous
trouverez et le Roy et tous ses ministres affectionnez a vousdeffen-
dre, et a ayder votre grandeur et protection. Monseigneur de Guyse
nest pas si loing quil ne vous puisse bien tost revenir trouver et le
temps et les afferes le requièrent, chose que je veulx escripre au
Roy et audit sieur de Guyse, si debvoir luire, .le vous suplye très
humblement renvoyer ce pointeur le plustosl quil sera possible et
hi\ depescher ses estatz pour les despences que Votre Excellence
luy a commandées, aultremenl vous le mettries en nécessite. Nous
uavons par de ca aubaines nouvelles d importance, pur quoy je pré-
sentera}' a votre bonne grâce mes très humbles recommendacions.
De Venizo ce xie davril 1557.
Vich. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.
(l) Bandidio : homme du cardinal de Ferrare. [Lettre du cardinal de Ferrare ta
Roi: «Comme par mon homme Bandidio, etc.». Mém. -/</ <luc de Guise, p. 168),
(2V, Correggio, ville d'Italie, à 16 kit. de fteggio.
[AVRIL 1557] DOMINIQUE DU GABRE 235
(JABRE AU DUC DE FERRARK
178. — [Venise], 17 avril 1557. — Monseigneur. Je viens de
recepvoir ce soir, estant en contemplation et en dévotion, les deux
lettres quil vous a pieu mescripre, et avois trouve estrange que
Votre Excellence neust escript ne dit a du Gard chose quelconques
pour responces a mes lettres, de sorte que je faisois mon compte de
ne plus continuer cest office. Jay veu tout ce quil vous a pieu me
scripre sur le faict du travail, ou vous dictez estre pour avoir la
guerre en vostre estât et du deppotz que vous desirez du Roy pour
cest effect suyvant vostre capitulation et de la protection que vous
experez de Sa Majesté en ce grand besoing, et quoy, Monseigneur,
je ne vous respondray que deux mots : Que jay advis que ceste
masse de Corregio s'est retirée en Piedmont, reserve quatre cens
hommes de pied quon y a laysse en garnison, et quil y a ceste crue
quon ne face aulcun acte de guerre sur vostre estât. Le sieur Camillo
et ce jeune enfant de leur mayson avec les vingt citadins de Corre-
gio qui estoient a Carpi (I) vous sont tous eschapez des mains et en
quelque façon que ce ay teste. Ces seigneurs de Corregio font leur
debvoir de se mettre en liberté silz peuvent, et fortifier leur place
sans empeschement, puis que vous ne lavez volleue pour vous,
quant vous la pouviez avoir, et quant ilz estoient faibles et sans
protecteur, ainsi, je creoy quilz seront si bien advisez de ne vous
commencer poinct de guerre, et vous si doulx prince que vous les
lairez en paix. Par quoy vous n'aurez aulcun besoing du deppotz
que vous demandez, ny de layde du Roy pour vostre protection, et
quant au post scripto qui est de vostre main, je vous suplye, Mon-
seigneur, considérer en quel estât se trouve le Roy, en quelle des-
pense il est entre, et quel secours il tire de Vostre Excellence pour vous
avoir accepte a son service ; si vous ny faictez mieulx quant bien le
Roy se tayra, Dieu et le monde fera la plaincte pour Sa Majesté, et
pour laysser en ces sainctz jours les afferes du monde et attendre
ung peu a la conscience. Il vous plaira mexcuser si je ne vous faiz
plus longue lettre.
De Venize ce xvne davril au soir 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleiïa Ducale, etc.).
(1) Carpi, ville d'Italie, à 22 kil. de Modène.
236 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1557]
GABRE AU DUC DK FERRARE
179. — [Venise], 20 avril / .3 .3 7 . — Monseigneur. J"ay veu ce quil
vous a pieu me scripre par le sieur Bendidio, lequel ma baille la
promesse que le Roy demandoit de Vostre Excellence signer de vos-
tre main, el je lui ay aussi baille laultre signée aussi de la main de
Sa Majesté pour la vous porter. Je trouve estranges les advis que
vous avez. Monseigneur, de ces gens de guerre que les Imperiaulx
envoyent a Correguio. et ne puis croire quilz y mettent forces bat-
tantes pour 1ère guère en vostre estât, car ilz ne le peuvent faire
sans laysser le Piedmonen prede(l de monsrle Marescbal [2) qui est
de ceste beure en campaigne. Il pourroit bien estre quilz vouldronl
metre a Correggio quelques gens pour vous tenir en suspect, et en
despence, et vous proposer nouveaulx partiz pour se descbarger des
obligations quilz vous feroient dernièrement el se remectre en leur
première liberté. Mais vous avez. Dieu mercy. Monseigneur, assez
de gens de guerre, a pied et a cheval, pour les garder de courre sur
vostre pays et pour tenir vostre frontière en seurete, et silz dres-
soient l'orme de camp pour assiéger quelcune de voz places, je croy
que le Roy ne fauldra de vous secourir, mais que vous mesine.
Monseigneur, vous aydiez le premier. Je vous envoyé, Monseigneur,
le commis du Gard avec le payement duu quartier pour vos cent
hommes darmes,et pour voz aultres garnisons, pour ce mois davril.
luy ayant donne charge de mettre entre voz mains les estalz des
cappitaines el capesoldes afin que vous puissiez appoincter de cela
plus grand nombre de cappitaines et daultres officiers aux compai-
gnies comme vous desirez. El >i vous ne trouvez bon quil paye les
soldats a la banque, il mettra largent pour ceste foyz la ou il vous
plaira luy ordonner et a laultre moys, le Roy y aura nu- quelque
- ieiiieni. mais si fault il quoo aye oecesseremenl ung rolle el
le nom- de [ou- les cappitaines que le Roy non- paye, et de chacun
soldat tant prive soil il, et pour ceste cause jenvoye le coutrolleur
Marcati qui est exercite en telles choses, les estatz que Monseigneur
Pacquier vous a laissez, seront pour ceste foys suivyz. Et quant a
ce. Monseigneur, qui vous est deu du passe, il est fort raisonable
que b- itu\ vous en paye, ci je veoy que cesl sod intention, mais il
est bien raisonable aussy que vous le supportiez et attendiez ce
remboursement pour quelques moys, veu le grandz afferes que Sa
Majesté a. el que. Dieu mercy, \>>us avez biendequoy vous en pas-
ser ; jay escnptz a Sa Map'- le et luy envoyé ung estai au \ra\ de ce
(1) Comme butin.
(2) Le maréchal de Brissac.
[AVRIL 1557] DOMINIQUE DU GABRE 237
qui vous est deu, qui monte une bonne grosse somme et ne sera
pas peu faict si le Roy veult recognoistre la vous debvoire claire-
ment et se charger de sa contribution et de celle du Pape pour vous
mettre bors de disputer et de quereller de tout le passe, et allant
ces pourleurs a la court, il vous servira et aydera grandement a
faire entendre le tout a Messeigneurs du Conseil, et a vous en 1ère
depescher vostre assignation. Au reste, Monseigneur, je veoy que
Monseigneur de Guyse ne faict aulcun doubte ne difficulté que Vos-
tre Excellence ne preste au Roy 111e Lm escus quil fault a ce moys
de may pour fere le IIIe deppotz, du quel on satisfera aprez au des-
pences de l'armée de mon dit sieur de Guyse et aux vostres, et je
me doubte aussi qu'a la court, en facent leur estât pource que je ne
veoy quon parle d'y proveoir par aultre voye, combien que déjà
nous nayons icy plus dargens pour satisfaire a la moytie du moys
de may. Et je veulx espérer, Monseigneur, que vous le ferez pour
inonstrer au Roy par efi'ect la grande affection que vous avez a son
service, et aussi que vous promissez, lors que la cappitulaction se
traicta a Monseigneur le Cardinal de Lorraine de fere ce prest et
avez encores en voz mains la cedulle entière de mon dit sieur le
Cardinal de Lorraine, de Monseigneur le Cardinal de Tournon et de
monsr Davanson pour la somme de mc m escus, et jay vue promesse
que vous feitez de cesle heure, la signer de votre main que vous
me delivreries ceste somme la, toutes fois et quantes que je la vous
denuinderois. Maintenant, Monseigneur, il en seroit temps et vous
supplye très humblement de fere entendre au Roy, et a mon dit
sieur de Guyse, vostre intention la dessus ou la dire a ce pourteur
pour la fere entendre a Sa Majesté, afin quelle regarde ce quelle
aura a fere pour ladvenir, et en voslre particulier, eten tousses aul-
tres afferes, lesquelz nont, Dieu mercy, guieres amande jusques
aujourdhuy des ligues et amitiés dltalye, et Monseigneur de Guyse
scauroit bien quen dire. Il vous plaira, Monseigneur, renvoyer ces
pourteur le plus tost quil sera possible, car, il est necessere quil
face ce voiage a la court et quil revienne en bonne diligence. Qui
est, Monseigneur, tout ce que je vous scaurois dire pour ceste heure,
nayant icy aulcune nouvelle dimportance.
De Venize ce xx° jour davril 1557.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc
GABRE AU CONNÉTABLE
180. — [Venise], 22 avril 1557. — Monseigneur, je veoy bien que
pour eslre trop franc et maulvais courtisan, je suis fort mal avec
Monseigneur le Duc de Ferrare, et luy diz et escript si librement le
238 NÉGOCIATIONS de [avril 1557]
peu de service qu'il faict et la grande despence que le Roy porte
pour luy. et, quant il ne peut avoir tout ce qu'il demande, il luy
semble qu'il n'y a que moy seul qui en suis cause, et si je suis mal
avec luy, je suis encore piz avec vous. Le Cardinal Caraffa qui me
volleust dernièrement a Regio (1) me traiter en vallet. disputant de
ces contributions. et je volleuz bien parler aussi hault que luy ayant
la raison de mon cousté et voyant que mon maistre payoit l'escot.
et luy monstray que je n'estimois guères son bonnet rouge, duquel
il m'avoit volleu donner tant d'espérance, qu'il luy sembloit bien
m'avoir cloz la bouche, mais il trouva, et au besoing et a la dispute,
que j'estimois son bonnet et luy autant que s'il estoit mon infé-
rieur. J'entends que l'un et l'aultre ont l'ait office envers Monsei-
gneur de Guyse pour me deffavoriser envers le Roy et m'oster d'icy :
le partement m'en sera toujours très agréable, d'autant que je scay
bien que je ne puis que perdre a contraster avec ces grands Sei-
gneurs, mais j'aymeroys mieulxquece fust a ma requeste, que s'ilz
se pouvoient vanter de m'en avoir faict chasser, et si vous voiez.
Monseigneur, qu'on dressast quelque partye a mon désadvantage en
ce fait la, je vous supplie très humblement. Monseigneur, n'aban-
donner point de vostre protection l'innocence et l'honneur des bons
serviteurs du Roy et vostres, car mes actions feront toujours foy
que je suis toujours fidel et homme de bien en l'endroit de mon
maistre. sy jamais homme le fust ny le sera; je veulx avoir a tout
le moins ce contentement en mon esprit, puis que de mes services
je n'en puis avoir aultre bien ny récompense, et me recommande.
Monseigneur, très humblement a vostre bonne grâce.
De Venize ce xxn* Avril 1557.
Bibl. nat., Fr. 3126, fol. 96) (originale).
<;ABRF. Al' DUC l»E FEKHAKE
181. — [Venise], 24 avrill557. — Monseigneur, je eroy que Votre
Excellance aura entandu quelque petit commancement que Monsrde
Tavance a faict, entrant au pays de Labrucio (2). Je vous envoyé a
toutes adventures la coppie dune lectre dudit sieur de Tavance,
laquelle Monseigneur le Cardinal ma envoyée, et une coppie de
ladvis quon escript icy de M vlan de la prinse de Valfemere 3), qui
est une heureuse conques te, el espère quelle en admenera daultres
i Lorsqu'il s'était porté, le m février précédent, à la rencontre du duc de
Guise en compagnie du duc de Ferrare el du cardinal Carafa.
(2) Les Abruzzes.
(3) Valfenera, place du Piémont, dans la province d'Alexandrie.
[AVRIL 1557] DOMINIQUE DU GABRE 239
et que cela gardera bien que ceulx de Corregio ne vous feront pas
tout le mal quilz avoient bonne envye de faire, et si jamais vous
avez a vous resentyr de linjure et de la burle(l) quilz vous ont
faicte, je pense que vous nen sauriez avoir meilleur marche, que
maintenant que les forces du Roy Philipe, leur protecteur, sont bien
occupées a Naples et en Piedmont, et aura bien a faire sil se peult
deffendre. par lous les coustez ou le Roy le veul assaillyr. L'ambas-
sadeur Varquez (2) est arrive qui vouloit encores tenir lieu dambas-
sadeur de l'Empereur, et la Seigneurie ma voulu persuader et près-
cher delevouloire trouver bon; mais avec bonnes raisons contraires,
je les ay resoluz de vouloire, en toutes façons, quil me ceddast, et
Monsieur votre ambassadeur et moy avions de sa dresse ung bon
squadron pour en faire demourer Ihonneur a la ligue. A la fin, la
Seigneurie ma envoyé prier 'pour éviter tumulte et ne troubler h'
feste de S1 Marc), que je voulusse me tenyre en mon logis aujour-
dhui et demain, et que ledict Varquez ne bougeroit du sien, et que
je leur ferois fort grand plaisir, pour après a plus grand loysir acco-
moder noz différend/.. Et je leur en ay bien voulu complaire. Icy ny
a rien de nouveau de Levant, ny dailleurs. qui me gardera. Monsei-
gneur, vous fayre plus longue lettre.
De Venise ce xxmie davril 1557.
Vrch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE Al" PRINCE DE FERRA RE
182. — [Venise , 24 avril 155' . — Monseigneur, Il vous a pieu me
scripre que vous desiriez savoir ce que aura este faict du sauf-
conduict dont le Roy avoit escript a la Seigneurie a votre requeste,
et en faveur du conte Horio. Il vous plaira, Monseigneur, entendre
quil ne si est rien faict parladvis dung gentilhomme vénitien, beau
frère ou parent de ce conte, lequel congnoissant la complexion et
eoustume de ses seigneurs, et la qualité du banissement de lautre,
ha oppinion que tout le monde nest pas suffisant pour le luy faire
avoir, et je vous puys asseurer quil ny a ung plus seur moien pour
navoir jamais saufconduict ne grâce de ses seigneurs, que de la faire
demander par princes estrangiers. Je lay expérimente, je croy, deux
cens fois avecques lectres très expresses du Roy et grand impor-
tunyte, et jamais non seuz avoir ung. Hz sont en cela du tout inexo-
rables et jentends que ce bannissement est dune fort estrange
nature, et pour cause fort odieuse a dit seigneurs. Toutesfoiz, si vous
(1) Burla: plaisanterie, badinage.
(2j Vargas.
^40 NÉGOCIATIONS DE [AVRIL 1557]
commandez que je y face autre chose, je ne fauldray, Monseigneur.
de vous obeyr et l'aire service, en me recommandant très humble-
ment a votre bonne gr:ice.
Do Venize ce xxime davril 1557.
Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
183. — Venise], 26 avril 1557. — Sire, je vous escripviz n'y a
que 3 jours, par le commis de l'extraordinaire qui se tenoit icy. et
depuis, j'ay eu une despeche de Monsieur de la Vigne ou d n'y avoit
qu'une lettre pour moy, d'un cintre particulier, que je luy avois en-
voyé, de laquelle je vous envoyé. Sire, une copie deschiflrée au vray,
affin que vostre Majesté voye comme toutes chosses passent. La
Seigneurie m'a envoyé le paquet estant venu soubz la couverte de
leur ambassadeur, et ont publyé la oialladye ilu Grand Seigneur, de
laquelle aussy Monsieur de la Vigne m'escript. Je ne les yray point
voir aultrement pour n'entrer en ce propoz la el affin qu'ilz ne puis-
sent dire que c'est moy qui lav publiée, et aussi que je leur venlx
monstrer. pour quelques jours, que je suis ung peu mal content
d'eulx pour n'avoir vollu donner le lorl a l'Ambassadeur du Roy
Philippe aux disputes ou nous sommes entrez pour les précéden-
ces (1), bien que. Dieu mercy. il n'y aye pas eu du meilleur, car il
y a cinq ou six ans qui! est icy avec tiltre dUnbassadeur de 1 Empe-
reur, et. comme tel, a toutjour précédé voz ambassadeurs, cl main-
tenant je luy ay mis cela en dispute, et l'ay mis hors de sa posses-
sion, enrôles quil dye quil n'a point change de maislre. J'escripz de
ces propoz plus difuzement a Monseigneur le Connestable, affin,
Sïre, que, en vostre Conseil, puissent regarder ce quil leur en sem-
blera et qu'on m'en mande quelques mot/ d'adviz pour n'y faire
point d'erreur, bien vous assureray-je, Sire, que, en parle qui voul-
dra en ce pays, je ne lairray pas occuper le lieu qui est <\f\\ a voi
ministres, a aulcun ministre du Roy Philippes, quelque nom quili
aillent emprunter d'ung empereur qui n'a point d'empire Sire, la
prinse de Valfenyere a mi/ vos afferes par deçà en tort grande répu-
tation, et .chacun espère que ceste bonne Fortune ne sera pas senlle
et qu'elle en admenera d'aultres, vostre année qui est déjà en
l'Abruccio (2) y a faict quelque commencement et prins la ville de
Campoly (3) d'assauli qui donnera ung peu d'exemple et de terreur
i Préséances.
■j Les Abruzzes.
(3) Campli, ville d'Italie, a s kil. île Teramo.
[AVRIL 1557] DOMINIQUE DU GABRE 241
aux aultres. Vostre Majesté en verra les particularitez par ung pa-
quet de Monseigneur le Cardinal de Tournon, qui sera avec la pré-
sente, lequel il m'envoya ouvert. Monseigneur de Guyse m'a escript,
n'y a que deux jours encores, que nostre reste dargent soit assez
court que je ne faille poinct de retenir ce qu'il fault pour Monsei-
gneur le Duc de Ferrare pour le mois de May, ce que je ne fauldray
de faire, et de luy envoyer le reste pour son camp qui seront envi-
ron cm escus, et pour les aultres moys advenir, je croys. Sire, que
Vostre Majesté y aura proveu. Je vous supplie très humblement,
Sire, faire renvoyer bientost par deçà ledit commis, avec la resolu-
tion des affaires de Ferrare, ou il n'est rien survenu de nouveau.
De Venize ce xxvie jour dAvril 1557.
Sire, je veoy par la lettre de Monsieur de la Vigne que la despe-
che que je luy envoiay par homme exprez du ime février, ladver-
tissantde vostre armée passée en Italye, et de la guerre ouverte, luy
a de beaucoup servy pour rabattre les mensonges ou faulces nou-
velles que d'aliltres y escripvent ; et, pour mieulx disposer ceste
porte la contre vostre intention, il ne couste que xn escus d'envoyer
homme exprez de Ragouze a Constantinople, et je croy, Sire, que
vous ne trouverez pas maulvais que, tous les moys, je y face une
despeche ou deux, et que je donne commission a Raguze de l'en-
voyer par homme exprez, affln que voz ministres ayent de quoy
respondre quant ilz y verront quelcun qui veuille descryer voz affe-
res. Ces Seigneurs Vénitiens, a ce que jay sceu de bon lieu, ont
monstre une grande allégresse entre eulx par ce pacquet veneu, se
tenant asseuré que l'armée ne sortira point ; disent davantaige que
vostre Ambassadeur avoit faict requeste que le Grand Seigneur
leur voleut escripre de se déclairer contre vostre ennemy, et qu'il
leur avoit esté respondu qu'il estoit leur amy et qu'il voulloit qu'ilz
vesquissent en paix comme luy pour ceste année.
(Bibi. nat, Fr. 2045G, fol. 5) (originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
184. — [Tenise], /er mai 1557. — Monseigneur, Jay receu la
lettre quil vous a pieu me scripre,et estant icy revenu de Padoue,je
ny ay trouve rien de nouveau, sinon que 1 Ambassadeur Varquez (1)
avoy teste en audience secrète assez longuement avec ces Seigneurs,
et loppinion est quil soyt entre en marchez et partiz avec eulx. Je
mettray pegne dentendre le tout et d'y fere tout lempeschement
(1) Varias.
20
242 NÉGOCIATIONS DE [MAI 1557J
que je pourray. Quant a votre paye de may, le reste de notre argent
est fort court pour larmée de Monseigneur de Guyse, toutesfoisje
vous en fera y la meilleur part que je pourray. Jeuz hier lettres de
mondit sieur de Guise, qui avoyt loge son camp à la portée de
canon, a Civitelle (1), et faisoit son compte de le battre dez mercredi
passe, qui me faict espérer quil le prendra, puis quil lentreprend.
Je ne veoy venir rien de Piedmont depuis la prinse de Valfeniere
et quant a ces Allemands qui debvoient venir, on a icy quelcques
nouvelles quilz sont a Trento (2), mais il ny a nulle raisons ne appa-
rence quilz doibvent aller sur votre estât, ayant tant dafferes en
Piedmont, et nest pas en leur puissance de dresser une armée de
ce coust la, et den dresser une aultre contre vous, car ce nest pas
assez davoir des lansquenetz ne gens du payz; car il y faut de la
cavallerye et de lartillerye, dont ilz sont si mal fourniz quilz nen
ont pas assez pour se défendre aux lieux ou ilz sont assailliz. Je le
vous diz encores ung aultre coup. Monseigneur, que si vous la per-
donez a ce coup a ceux de Corregio, je me doute que vous nen
aurez jamais si bon marche. Qui est, Monseigneur, tout ce que vous
diray pour ceste heure.
De Venise ce premier jours de may 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. ,
CABRE AU DUC DE FERRARE
185. — [Venise], 6 mai 1557. — Monseigneur, Jay veu ce quil
vous a pieu me scripre par ce courrier, et feray partir demain ung
trésorier et ung controlleur, avec largenl quil fausl pour voslre gar-
nison de ce moys de may. Ils fussent p;utiz dez aujourdhuy, nestoit
que les gens de Nazi se sont excusez de ne nous pouvoir depescher
de largent plus tost que demain après disner; lung de ces gens la
aura commission de 1ère tout ce que vous luy commanderez sur le
faict de cest argent que Vostre Excellence a trouve pour commencer
le deppotz de sa protection. Jay veu ladvis de vostre gouverneur de
Reige (3), de quelcque artillerye et gens de pied, (pion disoit deb-
voir venir a Guastalla, je ne veulx pas dire quil ne puisse estre
quon vous veuille travailler, et que les ennemys se voyantz assaillii
t Civitella, ville forte d'Italie, à 14 kit. <le Teramo. Guise était arrivé dam
cette ville, avec son armée, le 2î avril, el son avant-garde s'étail emparéedea
petites places voisines : Campli, Teramo, etc.
(2) Le Tronto, rivière d'Italie, qui prend sa source au Y de la province d'Aquila
et se jette dans l'Adriatique.
(:î) Reggio.
[MAI 1557] DOMINIQUE DU GABRE 243
et perdantz de tous cousiez nayenj; occasion de chercher leur
revanche aux lieux ou ilz debvroient trouver la plus grand resis-
tence, et ou ilz pensent en trouver le moings. Toulesfois, cest une
chose fort loingtaine de toute raison et de tout discours quilz ayent
lennemy en leurs maisons, et quilz veuillent laysser perdre le cer-
tain pour essayer dacquerir ung estât si forlifye et mal ayse comme
est le vostre. Je vous diz, Monseigneur, que si jamais telz ennemys
ont intention de vous assailyr} ou vous a eulx, vous debvez eslre
bien aise que cela se face en ce temps icy, pour leur ruyne et pour
Vostre Grandeur, car, ilz sont si occupez et lravaillez*ailleurs, quil
est du tout impossible quilz puissent fere effort ne défense qui
vaille de vostre couste ; vous voyez les forces que Monsrle Mareschal
Slrozzi (I) menne en la Romaigne, desquelles je présuppose et nen
faiz aulcun double que vous nen puissiez disposer si vous estez
assailly et resoluez de demourer de vostre couste sur la défensive.
Il ny a aulcune diliculte que les forces dudit Mareschal Strozzi, avec
votre garnison ordinere, ne soient trop plus que soufizantcs, mais
vous verrez que les ennemys vous auront menasse et nauront aprez
de quoy vous ofenser, seullement vous auront contrainct de vous
préparer a la defence, si avant que vous aurez de quoy les assaillir
et les chasser de leur propre maison. Si vous estez prince et homme,
je vous le diz, Monseigneur, de zèle et daffection pour le service du
Roy mon maitre, et pour vostre réputation, et pour le bien et hon-
neur que je désire a vostre maison et a vostre personne. Ce matin,
estant en Seigneurie, il est venu a propos den toucher ung mot, et
vous asseure bien que tous les advis que vous scuorez envoyer ne
leur scauroient fere croyre que, en ce temps, les ennemys vous
puissent assaillyr ne mal fere, et mon dit quilz sestoient laissez assez
entendre usant de ce propre terme, Chai bisogna far o lasciar star,
vous entendez assez, Monseigneur, que cela veult dire ; et quant aux
harengues et menaces de Varguez (2j, je suis ce jordhuy entre en
ce propoz avec eulx et leur ay dit ce quil ma semble necessere, et
asseurez vous que si toutes les partis du monde leur estoient pré-
sentez de ce coust la, ils sont resoluez de voulloir estre spectateurs,
par ce quilz ne bougeront de leur neutralité pour prince quelconque,
et si veulx toutefois croire quilz ne prendront pas plaisir de vous
veoir mal traicte. Hz mont dil ce matin ladvis quilz ont de la prinse
de Queras (3) et encores ne sentend rien de Civilelle du couste de
(1) Le maréchal Strozzi, au lieu d'appuyer le duc de Guise, opérait en Romagne
avec une partie des troupes pontificales, pour surveiller le duc de Florence
soupçonné de menées favorables à Philippe 11. (G. Duruy, Carlo Cara/a,p. 225).
(2) Varias.
(3) Ctierasco, ville torte d'Italie, près du confluent du Tanaro, à 31 kil. de
Mondovi.
244 NÉGOCIATIONS DE fMAI 1557
Monseigneur de Guyse; de Levant il ny a rien de nouveau, parquoy,
Monseigneur, je ne vous feray plus longue lettre que de mes très
humble recommandacions a vostre bonne grâce.
De Venize ce 6me jour dt may 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc .
GABRE AU CONNETABLE
186. — [Venise], 12 mai 15.5 7 . — Monseigneur, je me trouve au
lict, bien travaillé d'une fiebvre tierce, qui me fera vous supplier
très humblement de m avoir pour excuse sy je me remectz de tout
ce que j'escriptz en la lettre du Roy. J'espère que Nostre Seigneur
me donnera bientost santé pour pouvoir continuer le service accous-
tumé; etainsy que jescripvoisceste lettre, est arrive ung brigantin(l)
de Raguze, avec une despeche de Levant, laquelle je vous envoyé
par ce mesme courrier, n'ayant eu loisir de veoir la mienne, par ce
qu'elle est longue de six ou sept feuilletz en chiffre.
De Venise ce 12me jour de May 1557.
(Bibl. nat., Fr. 20645, fol. 52; (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
187. — [Venise]^ 16 mai 155 7. — Monseigneur, Mens" Millet (2)
sen va envers vous et mesne avecques luy le commis, qui est pour
a ceste heure comptable de tous les deniers qui se recoyvenl el dé-
pendent pour le Roy en Italye, et sil vous plais! satisfaire ad ce que
Monsieur de Guyse vous demande, ilz seront tous pretz a recevoir :
et quant a vostre deppost. Monseigneur, je ne suizpassi malapprins
de vous en escripre en bourle (3), mais bien vous en ay dict la pure
vérité et dict au dit sieur Millet, comme le faicl dudicl deppost
se doibt conduyre, et ne puys pas penser quil se paisse faire
autrement et, quoy quil en soit, je vous en diray tousjour ce quil
men semble, en bon serviteur du Roy, el vostre. Quanl a ni>/ qou-
velles dicy, je les remecteray sur la suflisance dudil sieur Millet.
I) Briganlin, navire à une seule voile, dans le genre des galères, comprenant
huit à seize bancs, à un seul rameur. On s'en servail spécialement pour les
courses, en raison de leur grande rapidité.
i2) .Iran Millet, secrétaire de la Chambre <lu Roi, tenanl lieu île secrétaire îles
finances, à la place de feu M. deVillaudry, près de Mgr le duc de Guise Voii
Bibl. nat., Fr. 10395. loi. 26).
(3) Bourla : plaisanterie.
[MAI 1557] DOMINIQUE DU GABRE 245
Seullement, je vous diray, Monseigneur, que par lettres que jay de
Levant du xxe d'avril, que la resolution quon avoit peu avoir du
grand Seigneur pour ceste année estoit que Dragut et le Roy Dar-
gier (1), avecques toutes les galleres et autres naves (2) et voilles de
corsaires quilz pourroient mectre ensemble, se jouignissent avec-
ques nostre armée de mer et allassent favoriser lentreprinse de
Napples, et que, au demourant, il feroit sortir quarente ou cinquante
galleres pour la garde de larchipelago, et mont envoyé les comman-
demens du grand Seigneur pour lesdit Dragut et Roy Dargier a ceste
fin, lesquelz jay envoiez au Roy.
De Venise ce xvie jour de may 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
188. — [Venise], 19 mai 1 557 ' . — Monseigneur, je me resouiz bien
fort de la bonne resolution quil vous a pieu prendre de secourir Mon-
seigneur de Guise (3), tant pour le service du Roy que pour lespe-
rance que jay que cela vous portera grand contentement et bénéfice
a voz afferes, puis que les Allemans de Casalmagiore sen vont tra-
guecter a la Spetie, comme Ion me script ; ce nest pas la pire nou-
velle quil vous eust peu advenir, et je vouldrois quilz feussent déjà
la ou ils se désirent de ce couste la....
De Venize xix jour de mai....
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CONNETABLE
189. — [Venise], 21 mai 1557. — Monseigneur, cejourd'huy est
arrivé Monsieur Bodet, vostre secrétaire, et ne parleray point a ces
Seigneurs du passaige des lansquenetz que le Roy veult envoyer
pour le renfort de Monseigneur de Guyse, jusques a ce que j'ay nou-
velles de ce que Messieurs d'Asnois et Coignet (4) en auront arresté
(1) Le dey d'Alger, Yahya, qui succéda à Yousouf, mort de la peste, et régna
de janvier à juin 1557. ^Voir Mas-Latrie, Trésor de Chronologie, p. 1839).
(2) Nave : du latin navis, se disait à cette époque d'un navire plus important
qu'un vaisseau.
(3) Hercule II avait, bon gré mal gré, fourni un peu d'artillerie au duc de Guise.
(Voir Dubuy, Carlo Carafa, p. 227).
(4) Mathieu Coignet, sieur de la Thuillerie, né vers 1535, avocat au Parlement
de Paris, maître des requêtes de Catherine de Médicis, procureur général au
Parlement de Savoie (1559), ambassadeur en Suisse; mort en 1586.
246 NÉGOCIATIONS Dli [MAI 1556J
avec Messieurs des Ligues grises (1). Je differeray aussy, Monseig'-,
d'aller a Ferrare pour quelques jours, et jusques a ce que Monsei-
gneur de Guyse mayt fait entendre comment il vouldra qu'on pro-
cède avec Monsieur le Duc pour ne rien gaster, d'autant que desja
ledit Sieur de Guyse a tiré de luy cent cinquante mil escuz sur sa
simple promesse, et j'envoiay, dez avant hier, ung trésorier dicy
pour les recevoir et les conduire la ou mondit Sieur de Guyse sera,
duquel, Monseigneur, vous avez entendu la resolution par le dernier
courrier quil despescha au Roy, et depuis nous n'en avons icyaultre
chose que ce quil vous plaira veoir par une lettre que mescript le
Collonel Vincenso Tadei (2), qui est gouverneur a Ancona, par ou
je veoy que mondit Sieur de Guyse s'est levé de Civitelle (3) et que
le Duc dAlve s'est approche de luy; je crains bien que sur le desad-
vantaige que peult avoir le premier qui desloge, il y puisse avoir
combat. La place de Civitelle a este trouvée si mal aysée que mon-
dit Sieur de Guyse n'a moins de réputation envers le comraung, de
s'en estre levé avec son armée saulve, que s'il l'avoyt conquize. car
il ne la pouvoit forcer sans perdre toute ceste noblesse quil a avec
luy et ruyner son armée; nostre Toscanne est fort travaillée et en
grand danger, si mondit Sieur de Guyse ne la va bientost secourir.
J'envoye, dez demain, vostre pacquet a Monsieur de Selve par le
courrier ordinaire, et ledit Secrétaire Bodet ne bougera pour quel-
ques jours d'avec moy, attendant quelques autres nouvelles de mon-
dit Sieur de Guyse et vostre resolution sur la despeche du commis
de l'extraordinaire et du sieur Alexandre Fiasco.
De Yenize ce xxie jour de Mai 1557.
Monseigneur, j'ay este ce matin en Seigneurie leur dire des nou-
velles de mondit Sieur de Guyse et leur louer sa resolution de se
lever de devant Civitelle, pour aller combattit' le Duc dAlve, lallant
chercher le plus avant quil peut dans le Royaulme, et layant appro-
che de si prez, que les deux camps estoient voysins de sept mille,
de sorte que de heure a aultre se peult attendre nouvelles du com-
bat, auquel je croy bien que ledit Duc dAlve seroit supérieur de
nombre d'hommes, mais que j'esperois que M de Guise les auroit
meilleurs, et si le Duc dAlve n'aura vollu combatre, comme il
est croyable qu'il ne vouldra faire, ledit Sieur de Guyse pourra plus
honorablement faire ce que le Roy lui avoit commandé, et la Sei-
(1) Ligues grises : Tune des trois fédérations démocrati<|ues des Grisons, chef-
lieu Ilanz, à 10 kil. de Coire.
2 Vincenso Tadei, commissaire îles guerres.
(3) Lo duc de Guise, surpris par les forces supérieures du dur d'Albe, Imaii,
le 15 mai, le siège i!<v Civitella el battait précipitamment en retraite.
[MAI-JUIN 1557] DOMINIQUE DU GABRE 247
gneurie a fort loué la valleur et la prudence de Monseigneur de
Guyse a ne s'ostiner poinl a Civitelle, puis qui! ne la pouvoit pren-
dre sans ruyner son armée.
(Bibl. nat., Fr. 20456, fol. 195) (originale).
GABRE AU DUC DE GUISE
190. — [Venise], 2 2 mai 1 557 . — Monseigneur, J'ai receu ce
matin la lettre quil vous a pieu m'escrire du xv, et entendu de
M. le Cardinal de Tournon Testât de vos affaires dont j*ay parle a la
Seigneurie, pour luy dire comme vous vous estiez levé de devant
Civitelle pour aller combattre le Duc d'Alve, et l'aller chercher le
plus avant que vous pourriez et que déjà vos deux armées estoient
bien voisines. Je vous jure, Monseigneur, que vous avez esté plus
louée de ceste action, et belle resolution, que si vous eussiez pris
Civitelle, et n'y a personne par deçà qui ayt opinion que ledit Duc
d'Alve veuille venir au combat, encore qu'il ayt plus grand nombre
dhommes que vous n'avez, et luy ayant ainsy monstre le visage,
vous pouvez tourner honorablement voz entreprises en tous les
endroictz ou vous verrez vostre advantage. Je vous escrivis hier,
par un homme de Monsieur de Nemours, la venue d'un secrétaire
de Monseigneur le Connestable, icy, pour le passage des lansquenetz
que le Roy vous veut envoyer pour renfort, ne voulant vous aban-
donner ny laisser en nécessité de tout ce que vous aurez besoing.
Je vous supplie très humblement ne penser qua conserver vostre
petite trouppe avec laquelle vous pouvez faire grand service au Roy
et acquérir grande réputation.
La Seigneurie m'a dit aujourd'hui que Monsieur Brissac était
encore devant Coni(l), et la prise qu'on avait ici publiée de Fos-
san (2) s'est trouvée véritable.
Venise ce 22 mai 1557.
(Bibl. nat., Fr. 23236, fol. 516, et Mém. du duc
de Guise, Imp., p. 351).
GABRE AU DUC DE FERRARE
191. — [Venise], 1er juin 1557. — Monseigneur, Jay veu ce quil
vous a pieu me scripre par ce courriere, et depuis, Votre Excellence
aura veu ce que je luy ay escript par le secretair Boudet et Chemaus
(1) Coni, ville d'Italie, à 70 kil. de Turin.
(2) Fossano, ville d'Italie, à 19 kil. de Coni.
248 NÉGOCIATIONS DE [JUIN 1557]
qui satisfaict de responce a tout ce que vous desirez scavoir de moy.
Il es arrive hier, icy, ung gentilhomme parti de notre camp le xxvie,
qui se retiroit sain et saulve, Dieu merci, qui jestime une fort honne
nouvelle pour le Roy et pour Monseigneur de Guyse. Je croy que ledit
Seigneur sera bien tost avecques vous, et quil vous aura fait enten-
dre ses resolutions. Je seray icy attendant ce quil plaira a Votre
Excellence et audit sieur me commander. Quant à ces petites entre-
prises que les ennemys ont faict sur voire estât, puisque le Marquis
de Pescara dit ne vous voulloir poinct fere de guerre, leur offences
seront aysees a excuser et reparer, et saichant la ritirala de nostre
armée, ilz se tiendront hien heureux, mais que vous ne leur deman-
dez rien, le temps nous en fera hien tost certains.
De Venize ce premier jour de jung 1557.
(Arcli. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU ROI
192. — [Venise], 1er juin 1557. — Sire, il est icy arrivé deux gen-
tilzhommes, qui viennent du camp, lequel ilz ont laisse deçà del
Tronto, ayant faict leur retraicte honorahle sans perdre ung seul
cheval de hagaige. Monseigneur de Guyse esloit ung peu mallade et
temporisoit sur les confins en Testât de l'Esglise, pour la grande
prière que luy en faisoit le Duc de l'aliano, affin qu'on ne laissast
toute la Marque (I et la Romagna au prède (2 de l'ennemy. Je
presuppoze, Sire, que mondit sieur de Guyse vous aura faict enten-
dre ses intentions, et ce quil a délibère de faire, duquel j'attendz
aussy a toute heure nouvelles. Cependant, j'ay envoyé a Monsieur
le Duc de Ferrara le secrétaire Baudet et Monsieur de Chemans, qui
estoit icy avec moy, n'y pouvant aller moy mesmes, pour estre
encore ung peu débile de la (iebvre que j'ay eue ces jours passez et
leur ay baillé une instruction de la façon qu'il me semble qu'on
doibt négotier ce que Vostre Majesté désire avoir de luy, en atten-
dant qu'il soit temps que j'y aille. Le commis du Gard n'est encores
aussi de retour, et selon la responce que j'auray dudit Ferrare, je
seray tout prest dy aller quand fera besoing et mesmement a l'ar-
ryvée dudit sieur de Guyse, lequel, comme l'on m'a dit. y sera
bienlost. Je vous escripviz, Sire, n'y a que quatre jours, les propoz
que la Seigneurie m'avoit lenuz de la paix. J'ay, depuis, sceu que
c'estoit a la requeste du Pape, qui avoit dit a leur ambassadeur a
Rome quil désiroit fort la paix et quil en escripvit a ces seigneurs
(h La Marche.
(2) Prede: du latin prœda, prise de pierre, butin.
[JUIN 1557] DOMINIQUE DU GABRE 249
quilz luy feroient grand plaisir d'en mettre les propoz en avant, et
que, pour plaire a Sa Sainteté, et affin qu'elle fust bientost advisée,
ilz avoient volu faire eeste démonstration en public de m'en parler,
et m'aasseuré aussi, quelqu'un qui le cuyde savoir, (pie tant que ces
guerres dureront, on ne scauroit présenter si grand party a ces sei-
gneurs qui les puisse faire sortir de leur neutralité. J'ay receu, Sire,
une lettre de Monsieur de Codignac du xxvme d'Apvril a Andrinopoly,
ou le Grand Seigneur etoit encores, et semble que Monsieur de la
Vigne s'en fust allé devant a Constantinople; la copie de la lettre
dudit sieur de Codignac sera avec la présente.
Sire, j'ay receu une lettre quil vous a pieu m'escripre du xve de
May, par laquelle je voys que Vostre Majesté a trouvé bon que je
tienne souvent adverty voz ministres de Levant de Testât de voz
affaires, a quoy je ne fauldray. Et quand a la précédence de Vargas,
qui se dit Ambassadeur de l'Empereur, puys que vous, Sire, avez
trouvé bonne la résistance que je y ay faicte, Vostre Majesté se peult
bien asseurer que je ne layrray rien entreprandre a vostre préjudice
ne au myen. La Seigneurie ne nous envoyé plus convier a leurs
cerymonies ne l'ung ne l'aultre, et pour ce qu'on na point encores
de Légat, au lieu du Cardinal Trivulce, qui est encores icy, la Sei-
gneurie n'estoit plus accompaignée que des Ambassadeurs de Fer-
rare et d'Urbin, et avoyent faict venir, les Imperiaulx, l'ambassadeur
de Savoye pour precedder celuy de Ferrare, mais nous y avons fait
autre grand conteste, et allay dire a la Seigneurie quil n'y avoit
point aultre Duc de Savoye que vous, Sire, et que le père l'avoit
perdu et que vous, Sire, le possédiez avec bon droict et meilleur
tiltre, tellement que cestuy cy ne l'avoit jamais possédé, ne n'avoit
este receu, ne accepté du peuple, en sorte que ledit Ambassadeur de
Savoye est demeuré frustre de son intencyon,et les a l'on faict tous
deulx de nostre livrée, que l'ung ne l'aultre ne va plus aux cery-
monies.
De Venize ce premier jour de Juing 1557.
Sire, depuis ceste lettre escripte, sont arrivez, de retour de Fer-
rare, le secrétaire Boudet et Chemans, et je vous envoyé la propre
instruction que je leur ay baillée, par laquelle j'aurois finy, ce me
semble, les poinctz principaulx de vostre intencion ; la chose, a ce
qu'ilz m'ont rapporté, se resoult a cela que Mr le Duc ne veult ouyr
parler en façon du monde des cm escus qu'on luy demande mainte-
nant daventaige, et quant aux mcm escus qu'il avoit promis à Mon-
sieur le Cardinal de Lorraine, il dit quil en baillé cent cinquante mil,
a la grande prière que luy en a faicte Monsieur de Guyse, et quil en
baillera les autre cl mil quand on luy baillera la promesse du géné-
ral d'Albene de ces mcm, des autres mcm de son deppost particulier
250 NÉGOCIATIONS DE [JUIN 1557]
et de tout ce qu'on luy doibt du passé pour sa protection, de sorte
que cest une seurté d'environ vnicm escus ; et luy ayant dict la dessus
quil seroit mal aysë de trouver marchant qui se voulut obligera une
si grosse somme, et que s'il ne faisoit ce prest, vostre armée seroit
ruynée et sa garnison demoureroit a payer, il a respondu que tout
périsse et quil ny scauroit faire aultre chose, et que, sy l'on luy
manque, il manquera. Le commis du Gard n'est encores arrivé, et
je n'ay lettres de Monseigneur de Guyse depuis le xve de ce mois;
mais, que j'en aye d'un couste et d'aultre. je regarderay dy donner
unp aultre allarme. Cependant, je scay bien que mondit sieur de
Guyse ne peult avoir faulte d'argent pour ce mois. Ledit sr Duc (1)
dit toutjour au commencement du mois qu'il a la guerre en son
estai, mais a la lin du mois il est toutjour en paix, c'est pour avoir
de nostre argent et s'escuser de n'en bailler du sien. Il se parle fort
de laccord du Pape et du Roy Philippe (2 ), et a toutes adventures, je
vouldrois que Mr de Guyse resoleust de sachemyner et s'ousler du
danger des ennemys secretz qui sont plus a craindre que les enne-
mys declairez. Ces Seigneurs ont eu lettres de Levant du xi de May,
comme le grand Seigneur estoit party d Andrinopoly (3) pour aller
a Constantinople et qu'on avoit faict sortir en î pour la
seurete de l'archipelago (5) quarante galères, de sorte que, au be-
soing, ce Turq et Pape. t>t d'autres avec, ne vous ont gueres secoru.
Dieu vous doint la grâce, Sire, de vous en pouvoir desmeler.
(Bibl. nat.. Fr. 20456. fol. 1) (originale).
GABBE AU DIX DE FEKBABE
193. — [Venise . 2 juin 1557. — Monseigneur, Jay veu ce quil
vous a pieu me scripre par le secretere de Monseigneur le Conesta-
ble (6) et par Chemaus, et vous ayant par eulx faict entendre tout ce
que javoys a vous dire de la part du Roy. et leur en ayant baille par
escript instruction signée de ma main, je ne vous puis dire ne res-
pondre aultre chose sur vostre particulier, si je ne voullois passer
mes commissions, et fere plus (pion ne me commande. Je creoy que
vous verrez bien tost Monseigneur de Guyse, lequel a (autorité et
meilleur moyen de vous sattisfereque moy. .lavais achapte quatorze
(1) Le duc de Ferrare.
(•2) Cet accord fui réellement conclu le il septembre suivant, par un traité <|ui
fit passer le Pape du parti du roi de France dans celui du mi d'Espagne.
(3) Andrinople.
I lot déchiré dans le texte.
(5) L'archipel.
(6) M. Bodet.
[JUIN 1557] DOMINIQUE DU GABRE 251
milliers de pouldre de canon qui doibvent estre consignez a Ferrare
pour les envoyer a mondit sieur de Guyse. Ce pourleur, Jehan Petit,
ma dit quil estoit en peyne de trover maguasin pour la retirer et
pource que cest chose qui pourra, par aventure, servir pour vous
mêmes, il vous plaira, Monseigneur, commander a quelcun de voz
officiers de lartillerye quon lui en face bailler. Jen ay encores icy
aultres dix milliers que je feray conduire au dite Ferrare quant
vous le me manderez, et si ay faict ung marche de cent cinquante
milliers de fer en voullelz de cinquante et soixante dont javoyez
baille cinquecens escuz darres, et on ne travaille poinct a les fere,
pource que Monseigneur de Guyse ma mande quil nen avoyt plus
besoing et quil ne ma envoyé les formes, mais si vous avez volonté
avec la commodité de son retour et de son arivee de chastier voz
voisyns, cest une marchandise dont on auroit bien a fere, et, en tout
evennement, seroit toutjour bonne munition pour vous. Je ne rom-
pray poinct le marche, pour ne perdre les arres, jusqu'à ce que
vous, ou mondit sieur de Guyse, me mandiez aultrement.
De Venize ce nma de jung 1557.
(Arch. de Modène. Cancclleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
194. — [Venise], 10 juin 1557. — Monseigneur, Jay veu ce quil
vous a pieu me scripre par le secrétaire de Monsieur vostre Ambas-
sadeur, et me semble que Vostre Excellence me demande une
chose quelle scait comme moy, et dont par linstruction que javois
baille au secrétaire de Monseigneur le Conestable (1), je vous respon-
doy par motz exprès que je ny scauroy rien dire davantaige. Toutes
fois, puis quil vous plaist que je le redys encores ung coup, je ne
vous scaurois dire sinon que le Roy et Monseigneur de Guyse, tous
deux mont commande de faire payer vostre garnison et vostre estât,
et ce commandement ne nia jamais este revocque, et aussitost que
les trésoriers qui sont allez au camp de mon dit sieur de Guyse
seront revenuz avec argent pour vostre dite garnison et estât, je les
feray partir pour vous aller payer ce présent moys de jung, et auc-
tant en ferayze aux aultres moys en suivans aussitost que largent
sera venu. Si je scavois auctre chose en ceste matière la, je ne la
vous celerois pas.
De Venize ce xme jour de jung 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
(1) M. Bodet.
252 NÉGOCIATIONS DE [JUIN 1557]
GABRE AU DUC DE GUISE
195. — [Venise], I 2 juin 1557. — Monseigneur, J'ai receu deux
lettres quil vous a pieu m'escripre du iuc et mie de ce moys, par les
clercz que vous avoient apporté largent et vous mercye très hum-
blement de la bonne part quil vous a pieu me faire de voz nouvelles;
j*espère que bientost il vous plaira de m'en mander de plus réso-
lues, et Dieu vueille qu'elles soient telles que vous vous soyez
approché de nous, et vostre armée acbemynee vers Ferrare, car, si
vous entrez une foys en cest estât la. soit pour passer ou pour ayder
le Seigneur a se venger de ses voisins, il n'y aura nulle difficulté que
vous n'ayez de luy aultant dargent que vous en avez desja eu, car
cest ce qu'il avoit promis a Monseigneur le Cardinal vostre frère (1)
et dernièrement que je y envoiay le secrétaire de Monseigneur le
Connestable (2) et Chemaus, il confirma de le vouloir faire, pourveu
que on luy baillast la seurete de Guadaigne, tant pour ce nouveau
prest que pour les mcm escus de son deppost et aussi de tout ce
qui luy est deu du passe qui seroit une obligation denviron viir1"
escus, et il sera bien malayse de trouver marchant qui veuille
s'obliger a une si grosse partye. Toutesfoiz j'en ay escript a la court
et attendz dheure a aultre le retour de du Gard, et Monsieur le
Duc (3) attend aussi le retour du Fiascho, et sera malaysé quil face
résolution qui vaille que ledit fiasco ne soit de retour, si ce nest
que vostre présence ne luy lace taire et la nécessité de veoir rostre
armée sur son estât. Si mon allée audit Ferrare eust peu servir a
Feflet que vous desiriez, je vous asseure, Monseigneur, que je y
fusse plustost aile a quatre piedz si je ne n'eusse peu aultrement,
mais je vous respondz que a peine me veult il seullement senlyr
nommer, tant je luy suisdevenu odieux, el sou courroux ne procède
d'aultre chose, sinon qu'il luy souvient davoir perdu l'ayse el le
repoz la ou il avoit toujours vescu, el qu'il luy semble que moy seul
l'ay mis en ce travail ou il se trouve maintenant. De vray. je n'ay
pas beaucoup lait pour luy. mais j'av encores moings laid pour le
Roy, de sorte que je puys dire que d'un cousté el d'aultres j'av
perdu mes peynes. Je désire forl de vous aller faire la révérence
pour vous faire service a toute obéissance, mais je ne vouldrois
point, s'il estoil possible, aller a ferrare pour ne nie présenter de-
vant ung prince en sa maison qui me voit mal vouluntiers el qui se
(1) Le cardinal de Lorraine.
2 M. Bodet.
(3) Le due de Ferrare.
[JUIN 1557] DOMINIQUE DU GABRE 253
tient offensé de moy. Si vous estes, Monseigneur, pressé d'argent
pour vostre armée, avant que le veoir il sera nécessaire que vous
y envoiez ung des vostres qui aye patience d'escouter toute plainte
et qui schache importuner, et ne faictes point, M, estât de moy,
car je vous asseure que je gasterois tout. Icy se dit depuis hier que
les Imperiaulx ont eu adviz de la prinse de Coni par force, mais la
Seigneurie n'en a rien. De la Court, Monseigneur, vous en avez tou-
tes nouvelles par Marseille et je n'en ay rien en particulier.
Dp Venize ce xne jour de Juing 1557.
Monseigneur, jay parle aux Seigneurs de Testât de voz afferes, de
façon qu'ilz cognoissent la bonne intention du Roy et vostre en-
vers le Pape, et n'ay point volleu encores toucher aucun malcon-
tentement nostre, jusques a ce que les choses soyentunpeu mieulx
résolues, et qu'on puisse veoir comme vous m'escripvez si nostre
ligue continuera ou non. Quant a Testât de tout l'argent du deppostz
qui estoit icy, aussitost que du Gard sera de retour de la Cour, il
vous sera envoyé : et, quant aux vim francz de Monsieur de Selve,
Monsieur le Connestable ma expressément escript que le Roy l'en-
tendoit ainsy, et si l'on faict aulcun fond dargent en ceste ville, je
vous asseure bien quil ny sera prins ung seul escu que vous, Mon-
seigneur, ne le commandiez. Quant aux mille escuz que vous de-
mandiez, qui estoient icy reservez pour les boulletz, Dieu vueille
quil puisse suflire a payer les boulletz et les pouldres que je sui-
contrainct de payer par les marchez que j'en avois faictz.
iBibl. nat., Fr. 20512, fol. 91) (originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
196. — [Venise], 15 juin 1557 . — Monseigneur, Jay veu ce quil
vous a pieu me scripre du xvu,e de ce moys et yray en Seigneurie
fere toutes les remonstrances, et meilleurs offices quon pourra, pouj
les persuader de remédier aux allarmes et représailles que faict sur
leur mer ceste fuste des ennemys. Je vous escripviz dernierment,
Monseigneur, que aussi tost que le trésorier seroit venu du camp
avec la provision dargent, jenvoierois payer voslre garnison; les tré-
soriers sont bien venuz, mais de largent il nen y a poinct encores
de novelles; aussi tost quil y en aura, je vous asseure que je ne le
lairray pas séjourner une heure. Icy nous navons aulcunes nouvel-
les, sinon de Rome et du camp, lesquelles je croy bien que vous
scavez plus tost et mieulx au vray que nous.
De Venize ce xvie jour de jung 1557.
254 NÉGOCIATIONS DE [jUIN 1557]
Monseigneur, ceste lettre a este gardée par traducteur jusqu'à ce
jour xixe que le commis du Gard est revenu de la court et me remect
Ion la resolution de voz afferez aprez quilz auront acorde de toutes
choses avec le Fiasco, le quel ilz faisoient compte de depescher dans
bien peu de jours aprez.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU CONNETABLE
197. — [Venise], 16 juin 1557. — Monseigneur, Je n'ay rien a
adjouster a la lettre que jescriptz au Roy, sinon que Monsieur
d'Asnois m'escript du vc de juing que les Impériaulx faisoint lever
en grand diligence ung régiment nouveau de cinq mille lansquenetz
et quil estoit passe de huict a neuf cens chevaulx ou jumentz pour
tirer artillerye qui alloyt droict a Mylan; c'est signe quilz veullent
faire quelque effort du couste de Piedmont ou du cousté de Ferrare,
ou quilz veullent favoriser leur recolle en quelque endroit. Je me
resjouys bien qu'ilz lacent leurs grans forces du cousit'' de deçà, car
cela me faict espérer que vous les trouverez plus foibles du couste
de Flandres et en Piedmonl. et s'ilz se veullent venter d'avoyr
conserve l'Italye, vous vous pouvez aussi contenter d'agrandir la
France. Vous avez, ce me semble, assez fonces en Italye pour conser-
ver vos armez et vostre Tuscanne (1), si l'on se veult resouldre a la
défensive, et si tenez occupez environ vingt mille Allemantz que le
Roy Philippe aura faict passer en Italye, et environ dix mille Espai-
gnolz qui sont aujourd'huy au Royaulme ou en Lombard ye, mais
que nous ayons veu quelque reiglemenl au fail de Ferrare. Apres
l'arrivée de du Gard, le Sr Bodet vous yra trouver, lequel cependant
est icy avec moy et vous escript de ses nouvelles.
De Venize ce xvie de juing 1557.
(Bîbl . uat., Fr. 20456, loi. 197, (originale .
GABRE AU DUC DE FERRARE
198. _ Venue'], 22 juin 1557. — Monseigneur, .lai veu ce qu'il
vous a pieu me scripre du sauf conduict que vous desideriei de
cesle Seigneurie, pour ung homme d armes de vostre compaignie.
Ces Seigneurs sont si difflcilles en telles choses que ]<- nen sceui de
ma vye obtenir un seul. Toutesfoiz, je ne lainay pour cela dessayer
(1) Toscane.
[JUIN 1557] DOMINIQUE DU GABRE 255
cestuicy quant on men baillera quelque mémoire, et seray 1res aise
de lui faire service pour lhonneur de vous en me recommandant
très humblement a vostre bonne grâce.
De Venize ce xxnme jour de jung 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
199. — [Venise], 22 juin 1557 . — Monseigneur, suyvant une lettre
que Monseigneur de Guyse ma escripte, jenvoye ces commis du
trésorier devers Vostre Excellence pour recepvoir et bailler sa quic-
tance de largent quil vous plaira prester au Roy, pour après en
envoyer a mondit sieur de Guyse, et payer vostre garnison et encores
mille hommes davantaige. Monsieur de Monteuson sen va aussi qui
pourra fere voz monstres et ce que vous luy commanderez. Il se dit
icy, depuis bier, que Monsr le Marescbal de Briss[ac] tient Coin (1)
tout jour plus assiège que jamais, et de la Court je nen ay aulcunes
lettres depuis les dernières que je vous escripviz.
De Venise ce xxnme jour de jung 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
GABRE AU DUC DE FERRARE
200. — [Padoue~\, 28 juin 1557 . — Monseigneur, Jay receu la lettre
quil vous a pieu me scripre estant en barque pour men aller a Ve-
nise, et veulx espérer que Dieu vous donnera tout bon succès a len-
treprinse de Guastalla, et a cbastier voz voisins, qui vous ont tant
provoque que vostre querelle ne sauroit estre plus juste. Le monde
vous en aura en plus grande reputacion et le Roy aura fort grand
contantement de vostre resolution, et encores plus de secours que
vous faictes a Monseigneur de Guyse. Le commis du Gard, présent
porteur, sen va résider auprès de Vostre Excellance, qui vous dira en
quel eatat nous sommes icy en matière dargent, et Mons1* le secré-
taire Rodet partira demain pour aller prandre congie de Vostre
Excellence et sen retourner a la Court. Jay eu lettres de Lyon du
xvme comme le Fiasque y estoit arrive bien depescbe et content de
la Court et debvoit arrester deux ou trois jours audit Lion pour
councluere toutes choses avecques le gênerai Dalbene. Qui est,
Monseigneur, tout ce que je vous diray pour ceste heure.
De Padoua, en barque, ce xxvnr3 de jung 1557.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.),
(1) Coni.
256 NÉGOCIATIONS DE [JUILLET 15o7j
GABRE AU CONNETABLE
201. — [Venise], ê juillet iobl . — Monseigneur, Je receuz, il y a
trois jours, la despeche qu'il vous pleust mescripre du loe avec celle
du Roy a laquelle je fais la responce qu'il vous plaira veoir. Mr Bodet
est allé au camp de Mr le Prince de Ferrare qui est en cest endroit
la de Guastalla et de Corregio, et a son retour de la il vous plaira
veoir toutes nouvelles de ce quil aura veu et de toutes choses de
deçà. Je croy bien que Monseigneur de Guise attend en grand dévo-
tion nouvelles du Roy, et vostres, par Monsieur de Navailles (1),
mais je croy bien qu'il ne les pourra avoir si tost comme il désire,
si vous mettez vos resolutions apprès l'arrivée de Monsieur le Ma-
reschal Strozzy. lequel n'aura peu taire grande delligence s'il n'aura
laisse en chemin le Marquis de la Cave (2 quil menoit avec luy:
quant au propoz, Monseigneur, dont je vous escripviz l'autre jour
en chiffre de Padoua par l'ung des Tassins, ]»• n'en ay rien entendu
davantaige et ny avois rien oublié, sinon de vou> dire la quallité de
celuy qui descouvrit le fait de Mr de S1 Papol 3 . qui m a dit que
c'estoit ung homme (h1 uuerre conlident des Imperiaulx, mai- sy
mal recongneu qu'il se vouloil venger d'eulx elles habandonner et
avoit prié qu'on n'en escripvil rien jusques a son retour, mais nous
avons craint (pie luy mesmes soit descouverl et reteneu ou qu'il luy
puisse survenir quelque empeschement, qui est cause que nous
avons advisé de ne différer point a vous donner cest advis la, soit
que la chose puisse estre vraye ou non pour estre de l'importance,
Monseigneur, que vous pouvez juger. Avec la présente, sera ung
paquet que j'euz avant hier de M1 de Selve. ïcy se dit publiquement
que le Roy a retiré le Duc d'Urbin avec 1-2 mil escuz de pention et
cens hommes darmes; la Seigneurie m'a demandé avec grand curio-
sité si j'en savois quelque chose; je leur ayt dit que je n'en avois
aucun advis. mais que je 1»' cn.yois parce que j'en avois veu de
quelque particulier, et a la vérité. Monseigneur, je pence que la
(1) Jean de Montaut, baron de Navailles. mort à Macerata en 1557, «car il mourut
au voyage de M. de Guise en Italie». Brantôme, édil Lalanne, t. rv, p. 176).
(2) Le marquis de Cavi, fils du duc de Paliano, avait été remis au maréchal Strozzi,
qui le conduisit en Fiante, sous prétexte que le mi. par amitié pour les Carafe,
désirait le taire élever avec -es enfants. En réalité, le marquis de Cavi était
envoyé à Paris comme otage par le duc de Guise qui se déliait de la duplicité du
cardinal Carafa. iV. Duri y, Cardinal Carafa, p. -J-J'.H.
3 Bernard Salviali, chevalier de .Malte, prieur de Capoue, grand prieur de
Borne, amiral de l'ordre de Malte, embrassa l'étal ecclésiastique, devinl évêque
de Saint-Papoul en juin 1549 par la démission de son frère;évôque de Clermonl
et cardinal en 1561, grand aumônier de Catherine de Hédicis; morl le 6 mai 1568.
[JUILLET 1557] DOMINIQUE DU GABRE 257
despense ne sera point mal employée. Il ny a icy rien de nouveau
du Levant et pour ceste année n'en fault espérer aultre secours que
ce que vous en avez veu. et s'il leur en fault demander pour l'année
prochaine et quil vous faille continuer la guerre, vous avez assez de
temps pour y penser. Cependant je tiendray les ministres de par de
la bien adverty de toutes choses, en me recommandant, Monseig1",
très humblement a vostre bonne grâce.
De Venise ce 2e jour de Juillet 1557.
(l'.ibl. nal.. Fr. 20645, fol. 61) (copie).
GABRE AU CONNETABLE
202. — [Venise], 16/47 juillet 1557. — Monseigneur, la présente ne
sera que pour accompaigner des pacquetz de Monseigneur le Cardi-
nal de Tournon et de Monsieur de Selve, et pour vous dire aussi la
réception de la despeche du Roy, et vostre du 25e du passe, par du
Rau, qui arriva hier matin, et le soir mesme il s'embarqua pourtra-
gueter a Raguze, et constinua son voyage de Levant, par ce qu'il se
trouva de fortune trois brigantins Raguzois, quiestoient prestzafaire
voile. Je veoy, Monseigneur, par vostre despeche, que desja les en-
nemis avoient commencé la guerre en Picardie, et que vous com-
mencez a avoir du travail pour y aller remédier et acheminer voz
forces de delà. Les discoureurs, par deçà, ont oppinion que c'est de
ce couste la ou l'on vous veult le moings offendre, et que, après qu'ilz
vous auront fait tourner et acheminera ce cousté la tous voz forces,
Dom Ferrant vous assaillira du cousté de Champaigne et de Bour-
goigne, avec une aultre armée qui viendra d'Àllemaigne, et Dieu
veuille qu'ilz n'ayent point le cœur a 1 entreprinse, dont je vous ay
escript par Tassin, ou que vous y ayez remédié. Car vous savez,
Monseigneur, que s'il yvenoil le moindre inconvénient du monde,
ce seroit la ruine de voz affaires d'Italie et de France, et toute la
chrestienté s'en ressentiroit aussi. Monsieur de S1 Papoul est tou-
jours a Padoua, et ne me m'a point mande le retour de l'homme qui
y estoit aile en entendre des nouvelles ; il est possible que ledit
homme aye change de volonté ou qu'il luy soit survenu ma-
ladie ou aultre empeschement, et pour ce qu'il avoit dit qu'une
partie de leurs forces de Piedmont debvoit eslre employée a ceste
entreprinse, je suis entré en quelque souspeçon de reste longue de-
meure du Marquis de Pescare a Fossan (1), pour ce que, les advis
qu'on a icy de Milan, contiennent que le Cardinal de Trente estoit
(1) Fossano, ville d'Italie, à 19 kil. de Coni.
21
258 NÉGOCIATIONS DE JUILLET 1557J
sorty de Milan pour faire sortir de toutes leurs places de Lom-
bardie toutes leurs garnisons, et les envoyer audit Marquis, soubz
couleur de ce qu'il estoit enferme en une certain passaige, ou
Monsieur le Mareschal letenoit assiégé, el ne s'en pouvoit retourner
de deçà sans combattre: et, voyant que ces! empeschement dure
depuis vingt jours en ca, je suis entre en quelque fantaisie qu'il
y a plustot quelque artifice que si grande nécessite, comme ilz
disent. Tout le monde coudoit que, pour cest empeschemeni ou
ledit Marquis se trouvoit, es'tans toutes les forces de l'ennemy
tourné de ce coste la. Monsieur le Duc de Ferrare. qui ne trou-
voit aulcune résistance en campaigne, deust faire quelque grand
effect en la guerre qu'il avoit commencé; mais ce a este tout
le rebours ; car c'est lorsqu'il s'est levé de l'entreprinse de Guas-
talla. et a tellement diminué son camp que l'on dit que les garni-
sons de Corregio et de Guastalla courent partout son estai et y fonl
de grandz maulz. Le Fiasques n'es! encores arrive, bien qu'on
l'attend de jour en autre; mais je pense que Monsieur Bodet. vos-
tre secrétaire, s'en pourra dan- deux joui- par-tir dicy pour aller
trouver ledit sieur Duc, pour après s'en retourner devers vous et
vous apporter toutes nouvelles de deçà. Quanl a la levée que le
Roy avoit mandé faire des Suisses pour Italie, a ce que j'entendz,
il y aura delà longueur et quelque difficulté, el quant a Monsei-
gneur de Guise, je croy qu'il atend eu grand dévotion le retour de
Monsieur de Navailles, comme lait le Pape celle de Monsieur le
Mareschal Strozzi. De l'armée Turquesque, il ne s'en entend rien
icy, sinon quelle est en mer depuis le 3' de juing.
De Venise ce 16e de Juillet iool .
Monseigneur, .le veoy par lettres qu'on a icy de Flandres du 5 de
ce mois qu'il ny avoit encores nouvelles de l'arrivée de Domp Fer-
rant, lequel toutesfoisy pouvoit arriver dez le 20e dupasse. C'est donc
signe évident qu'il s'est arresté ou en Allemaigne ou en Franche
Comté pour vous préparer quelque autre bonne besongne de ce
couste la ; et, voyant aussy le Ion- séjour du Marquis de Pescaire a
Possan, qui est la place la plu- voisine qu'il/, axent de la fiance, et
qu'ilz envoyent de ce cousté la toute- les Forces qu'il/ peuvent, je
ne me puis pas garder, soit que je sois souspeçonneulx de ma nature,
ouquej'aye maul vais jugement qu'il n'yaye quelque dangerde l'en-
treprinse dont je vous escripviz et. quand il devroit estre a mes
de-pens. j'a\ bien voulu despecher la Rivière que Monsieur de Mou-
lue m'avoil icy envoyé, lequel je congnois pour homme advisé, seur
et fidelle. allin qu'il -en alla-l eu dilli-ence a Lyon cl que. eu che-
min, il se informas! quelles nouvelles ou a de Domp Ferrand et du
cousté d'Allemagne ; et. arrive qu'il -oit a Lion, s'il trouve «pic VOUS
[JUILLET 1557 DOMINIQUE DU GABRE 259
n'y ayez envoyé quelque personnage de qualité pour prendre garde
atout, je luy ay défendu de parler de ce propoz a ame qui vive ;
mais, s'il entend que le Marquis de Pescares soit encore a Fossan, je
luy ay donné charge d'aller trouver Monsieur le Mareschal de Brissac,
et luy communiquer secrètement l'entreprinse et le souspeçon que
j'ay, affin qu'il ouvre l'œil a toutes choses de son cousté ; et. si ledit
la Rivière voit ny entend quelque autre chose de plus grand souspe-
çon, je luy ayt dit que luy mesme allast jtisqua Dolo ( I) pour des-
couvrir nouvelles dud. Domp Ferrand, et sy Ion y fait masses et
assemblées, et en quelles parts on les doit adresser, bien que je
présuppose que Monsieur de la Guische (2) ou quelque autre doibt
estre a Bourg en Bresse, car ilz ont bon moyen d'en entendre toutes
nouvelles, et ledit de la Rivière se pourra adresser a luy s'il y
veoit quelque chose qui aye besoing de prompte provision, et s'il
entend qu'il y aye quelque danger, vous en donnera advis ; s'il
n'en voit point, il s'en ira faire ses affaires et j'en loueray Dieu.
De Venize ce 17 Juillet 1557.
(Bil)l. nat, Fr. 20645, fol. 10 (copie).
GABRE AU DUC DE FERRARE
203. — [Venise], 18 juillet 1.5.')7. — Monseigneur, Nous avons
icy ouy parler diversement de notre guerre, mais je veulx croire
qu'en toutes choses vous avez procède avec raison et selon la
variette des occasions qui se présentent. 11 est possible que bien tost
vous aurez plus grans forces et meilleurs moyens dexerciter vos
entreprinses. Monsieur le Secretere Doudet, présent pourteur, ne
veult pas sen retourner a la court, sans prendre congé de Vostre
Excellence, et de Monsieur le Prince, et dira fedellement ce quil
vous plaira luy commander. Geste présente ne sera que pour la
compaigner, et me recommander très humblement a votre bonne
grâce.
De Venize ce xvme jour de juillet 1557.
(Arcli. do Modène. Cancelleria Ducale, elc).
(1) Dello Commit1, petit village du diocèse de Brescia. {Dictionnaire des com-
mîmes d'Italie).
(2) Gabriel de la Guiche, seigneur de la Guiclie. de Chaumont, de St-Geran, né
le 5 novembre 1497, gouverneur de Bresse en 1547, capitaine d'une compagnie
d'ordonnance en 1553.
260 NÉGOCIATIONS DE [AOUT 1557"
GABRE AU DUC DE FERRARE
204. — [Venise . 20 août 1557. — Monseigneur. Jav veu ce quil
vous a pieu mescripre par Monsieur Rosset, e1 entandu le grand
malheur advenu au pouvre Monseigneur le Conestable et a la
France (1). Cest bien ung des estranges accidens qui eust sceu
venyr a ce pauvre royaulme, et se peull dire véritablement oeuvre
de Dieu et non humaine, car sil y a eu faulte de nostrecouste, elle
est faute du plus grand chef de guerre qui feust en la crestiente.
Et je croy que les ennemys ne pensèrent jamais, une heure devant,
a ung si grand heur pour eulx. Dieu vueille quilz nayent suivv leur
victoire, par ri la gendarmerye est rompue et noz Allemands des-
faicts. .le ne veoy pas que le Roy puisse promptemenl remectre ung
autre camp ensemble pourempesdirr leurs cours, et venue a Paris.
Le Roy a bon besoing damys, dayde et de conseil, et je veuls es-
pérer. Monseigneur, que vous ne luy fauldrez en ceste adversité de
tous les deux et de le consoler. Mon-1 Rosset m'a communicque
ce que vous luy avez comande dire a ces Seigneurs ou il y a toutes
persaussions de remonstrances lie- prudentes, e1 tendans au bien
des allaite- de sa Mayeste. .le y feus hier matin les visiter en au-
dience secrète, el leur voulluz bien dire «pie le roy avoit faict une
forte grande perte et fort mal a propoz. Estant l'ennemy dedans le
royaulme m grossement arme, mai- que j'esperois que Dieu qui
scavoil la justice de la querelle de -a Mayeste, ne lhabandonneroit,
ne son royaulme. en ceste adversité, et quen peu de temps, avecque
sonavde. sa Mayeste remediroyt a ce grand inconvénient, que le
Roy avoit durant son règne ayde tous les affligez de la cristiente, et
oblige beaucoup de princes et de personnes, en ceste ïlalye, et
neantinoin-e. que je veoyois bien peu de sperance que Sa Mayeste
peust avoir auCun ayde de personne a ee grand besoin,-, et que bien
luy serviroit. a mon advis, >i de luy mesmez il y pouvoil remédier,
et que pour ceste cause Sa Mayeste seroiz contraincte de .doue pour
quelque temps loreille et la bourse a toutes despences dltalye, el
recommander a ceste Seigneurie la protection de la personne d de
le slat du Pape, et de Voire Excellance, leurs prochains voisins,
daultans que la chemyse non- touchoit de pin- pie- que le pour-
poinct ei quil failloit, avant toutes choses, conserver le royaulme
assaillj dexplus formidables forer- quil aye jamais este. Quilz deb-
voienl bien considérer de quelle importance estoil a eulx, et a tonte
lllalye, dempescher la grandeur de rr roy d Angleterre -2 . puys que
i La défaite de Saint-Quentin LO août I
(2) Philippe il qui avait épousé m 1554 Marie Tudor, reine d'Angleterre*
[AOUT 1557] DOMINIQUE DU GABRE 261
bon luy veoyoit suyvre le chemin el le naturel de son père. Hz
mont a cela respondu qu'il/, neurienl de leurs vyes une aouvelle qui
tant leur faschast, et leur visaiges el contenances le tesmoingnoient
clairement. Mais, au reste, ilz nonl respondu sinon que parolles ge-
neralles fort honnestez, sans substance et sans aucune construction
comme ilz ont accoustùme. .le scay bien que tout ce que nous leur
disons sont parolles perdues, et que pour chose qui sceust advenir,
pourveu quon ne sadresse a eul\, ilz ne sen eschausferonl de rien.
Toutesfois s'il vous semble. Monseigneur, que je y doibve l'aire
quelque autre office, je faray 1res vouluntiers ce que vous me com-
manderez. Jattenderay la segonde nouvelle de France, et Dieu
vueille quelle ne soit pire que la première. Je ne scay ce que Mon-
seigneur de Guise se resouldra de faire après avoir entandu ce
malheur, et ne puys croire qu'il ne vienne bien tost a Ferrare, sache-
ver de quérir la, el puys aller trouver le Roy. car sil veult attandre
larmee, il ny sera de Noël. Je crains bien que Ion face encores a
Paliano [1 quelque fricasse. qui ne vaille gueres, car jamais ung
malheur ne vient seul. Monsr de la Vigne partist hier au soir pour
la court, lequel porte au Roy beaucoup de bons propoz de la part
du Grand Seigneur, et grans offres des secours pour lannee qui
vient, dargent, de municions et de galleres et dune armée en Alle-
maigne la plus grosse que jamais homme aye veux. Maisjay grand
peur que ce sera après la mort, le médecin. Notre Seigneur, vueille
avoir pithie du Roy el le consoller.
De Venize ce xxme jour daust 1557.
ArcH. de Modène. Cancellcria Ducale, etc. .
GABRE AU DUC DE GUISE
205. — [Venise], 22 août 1557. — Monseigneur, vous avez en-
tendu le malheur advenu a Monseig' le Connestable et a nostre
pauvre France. J'ay grand peur que la seconde nouvelle que nous
en aurons ne soit encore pire que la première, de sorte que le Roy
a grand besoing d'ayde, de bons conseils et de bons ministres, car
si la gendarmerie est défaicte, et tous noz Allemans comme on dict,
je ne veois pas que Sa Majesté puisse rassembler promptemenl loi-
ces ny formes de caïnp pour empescher les courses des ennemys el
leur venue a Paris 2), le malheur voulant quil ne luy soil resté un
(1) Le duc d'Albe, débarrassé du duc de Guise qui se dirigeail vers Rome, se
dispesait à frapper un grand coup en enlevant, avec ses troupes, el celle- de
Marc-Antonio Colonna, la place forte de Paliano.
[% Le désastre de Saint-Quentin, venant après la défaite du duc de Guise à
Civitella, engendrait, en effet, les plus vives appréhensions ; on ne doutait point
262 NÉGOCIATIONS de [août 1557]
seul chef de guerre auprès de luy et que vous estes si loing et
malade que je ^ne pense point que vous y puissiez estre de ce Noël]
sy vous ne faites compte de venir sans l'armée. Je ne scay quelle
resolution Dieu vous fera prendre la dessus.
Je fus hier en Seigneurie deviser avec ces Seigneurs de ce mal-
heureux accident, et ayant eu audience secrète, je leur voulus bien
dire que le Roy avoit faict une très grande perte et mal a propos,
étant l'ennemy dedans le Royaume, si grossement armé, mais que
fespérois que Dieu qui scavoit la justice de la querelle de sa Ma-
jesté ne l'abadonneroit, ni son royaume, en ceste adversité, et qu'en
peu de temps, avec son ayde, Sa Majesté remedieroit a ce grand in-
convénient, que le Roy avoit. durant son règne, ay dé tous les affliges
de la chrestienté et oblige beaucoup de princes en cesle Italie, et
neantmoins qu'il voyoit bien peu d'apparence que Sa Majesté put
avoir aucun ayde de personne a ce grand besuing. et que bien luy
serviroit, a mon advis, si de luy mesmes il y pouvoit remédier; que
pour ceste cause, Sa Majesté seroit contraincte de clore pour quelque
temps l'oreille et la bourse a toute despence d'Italie, et recomman-
der a ceste Sainteté la protection de la personne et de lestât du
Pape et du Duc de Ferrare, leurs proebains voisins, d'autant nous
touchoit de plus près que le pourpoint, et quil falloil avant toutes
choses conserver le Royaume, assailly des plus formidables forces
qu'il ayt jamais esté; qu'ils debvoienl bien considérer de quelle im-
portance estoit a eulx et a toute l'Italie d'empescher la grandeur du
Roy d'Espagne, puis qu'il suivoit déjà le parti de son père et son
naturel. Hz m'ont a cela respondu que de leur vie ilz n'ont receu
nouvelles qui les faschat davantaige, ce que leurs visages tesmoi-
gnent clairement, mais ilz nont rien dit que généralement et hon-
nestement. ne s'eslanl expliquez davantaige. Mr de la Vigne partit
hier pour la cour et porte au !{<>> plusieurs bonnes paroles de la
part du Grand Seigneur et de grandes offres pour l'année prochaine
d'argent, de munitions et galleres, et une armée eu Allemagne, la
plus grosse que jamais 11(11111111' ayt veu.maisjay peur que ce soit
après la mort, le médecin, Nostre Seigneur, veuille regarder en
pitié nostre Roy et nostre pauvre France.
De Venize ce 22 Août 1557.
[Bibl. iiat.. Fr. 23236, fol. 553 (copie el Mém.
du duc de Guise, hnp., p. 380
que Philippe, enivré par ses succès, ne voulût terminer la guerre en dictant, à
Paris même, les conditions de la pais au roi de France.
[AOUT 1557] DOMINIQUE DU GABRE 263
GABRE AU DUC DE FERRARE
206. — [Venise], 25 août 1557. — Monseigneur, Je ne vous
scaurois dire les interprétations que Ion faisoit en cesle ville sur ce
que, du couste de Flandres il ne venoit aulcung advis a la Seigneu-
rie ne aux ministres du roy d'Angleterre de ce conflict de Saint
Quentin ; chacun en parloit selon son sens et sa passion, mais on
me vient médire quil est arryve ce soir ung gentilhomme, a lambas-
sadenr Varquez (1), avec les particularitez de la victoire, lesquelles
il na encores publyees, voulant aller demain le dire en Seigneurie.
Mais quelcun de sa maison a dit que Monseigneur le Conestahle
estoys prisonier, et trois chevaliers de lordre aussi, et trois qui en
estoient mortz (2), et que, en effect, il y auroyt eu plus de prisso-
nie.rs que de mortz. Demain, nous en entendrons mieulx la vérité,
et cependent, Monseigneur, je vous en ay volleu dire ce quon men
a dit, en supliant Nostre Seigneur vous donner très bonne et longue
vie.
De Venize ce xxve jour daoust 1557.
Monseigneur, on me vient lonl a teste heure de dire que Mon-
seigneur le Conestahle avoit eu une arquehuzade au couste, fort
dangereuse de mort, que Mons'' le Mareschal Sainct André est pri-
sonnier avec aultres cinq personnes de qualité, et ung troisiesme
filz de mondit sieur le Conestahle mort, que Monsr le Conestahle
navnvl mené avec luy que douze enseignez de François, la moytie
de noz Allemandz, et la moytie de nostre gendarmerye ; que le Duc
de Bronshvic (3), avec cinq mille chevaulx, avoyt rompu tout cela,
de sorte que le Roy aura encores quelques relicques des forces
quil avoyst assemblées, et que Ion commencoyt, dez le xnii, la
hatterye a Saint Quentin, qui est moins mal que silz eussent che-
mine plus avant, car, par aventure, cela les amusera quelques jours,
et ce pendent le Roy aura temps de- pouvoir assembler ung aultre
camp.
(Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc.).
(1) De Vargas.
(2) Le duc d'Enghien était tué, le duc de Montpensier, le maréchal de Saint-
André, le duc de Longueville étaient prisonniers.
(3) Le duc de Brunswick.
264 NÉGOCIATIONS DE AOUT 1557]
GABHE Al CONNETABLE
207. — [Venise . Ji> août 1557 . — Monseigneur, jay a vous l'aire
récit d'une dispute, ou je suis a présent, avec l'ambassadeur de
l'Empereur ou du Roy Philippe, pour la précédence. Il vous plaira
entendre qu'il vint icy. y a environ six ans, un docteur qu'on appel-
loit Vargues (1), ambassadeur de l'Empereur, et comme tel avoit
toujours précède les ambassadeurs du Roy. En septembre dernier,
le Roy Philippe l'envoya appeller, etescrivit a cette Seigneurie qu'il
le renvoyeroit bientost, et qu'en attendant son retour, il envoyeroit
ici un homme pour tenir sa place. Ce Vargues s'en va. et deux
mois après vint un cavalier Espagnol, qu'on appelloit de Layula,
lequel n'apporta que lettres du Roy Philippe a la Seigneurie, conte-
nant quil lenvoyoit au lieu de Vargues. Quant ce vint au jour des
cérémonies publiques, la Seigneurie me dit que cetuy la pretendoit
tenir le lieu d'ambassadeur de l'Empereur. Je leur envoyay cela
bien loing, et leur dis que je voulois procéder sans aucune dispute,
puisqu'il n'avoit apporté que lettres et commission du Roy Phi-
lippe qui tiit cause que l'autre n'esl jamais comparu en aucun acte
public, et j'ai toujours tenu premier lieu après le Légat du Pape.
Maintenant. Vargues esl revenu de Flandres depuis 3 jours, et sans
faire nouvelle réception ny cérémonie, esl venu visiter la Seigneurie
comme il avoit accoustumé avant quil s'en allasl : el ayant, le lende-
main, a nous trouver en Chapelle aux vespresde Saint-Marc, je croj
que ledit Vargues dit a la Seigneurie quil entendoil garder son Lieu
accoutumé, disant, pour ses raisons, quil avoitete reçu ambassadeur
pour l'Empereur, lequel vivoil encore, el quil n'avoit changé de
personne ni de maistre, mais seulement etoil aile parler au Roi
Philippe, comme je faisois bien souvent a Ferrare, et vers Monsieur
de Guise. La Seigneurie, sachant bien que l'entendois tout autre-
ment, sassembla l'apresdisné, et m'envoya quérir a une heure non
accoustumee en leur collège, ou le Dur ± me voulu! persuader, et
prescher, que je voulusse trouver bon que chacun de nous retournas!
en son lieu accoustumé, déduisant toutes raisons que ledit Vargues
pouvoil alléguer a cette intention, et que je leur ferois bien grand
plaisir que les choses se passassent entre nous paisiblement et sans
dispute, disant davantage que sils connoissoienl ledit Vargues, am-
bassadeur du Roy Philippe. il> ne lairoienl aucune difficulté que je
ne h- deusse précéder : que cela estoil quant a eux résolu, mai- quils
lavoienl toujours tenu pour l'Ambassadeur de l'Empereur et que,
i De V'argas.
-i Le Dose.
[AOUT 1557] DOMINIQUE DU GABRË 265
quand ilsabsenta, le Roy Philippe leur avoitescrit quille renvoyeroit
bientost, tellement quil n'avoit point été autrement révocqué et
leur sembloit que cela dut aller ainsi. Je leur lis beaucoup d'argu-
ments, au contraire, pour leur montrer que Vargues etoit purement
ministre du Roy Philippes el non de l'Empereur, et que, dès que
ledit Roy entra au gouvernement des Royaumes et Estats que son
père lui avoit remis, il avoit rappelle et révocqué tous les ministres
que l'Empereur avoit en Italie ; qu'après il en avoit conlirmé les uns
en leur charge, comme il avoit fait maintenant ledit Vargues, et
change les autres, et que, pour mieux veriffîer que ledit Vargues
estoit licentié de reste charge première, ces Seigneurs, quand il
partit, lui avoient donné son présent de deux mil eseus, encores
quils n'ayent accoustumé d'en donner aux autres que mille ; et si
maintenant ledit Roy Philippe s'en veut encore servir en ceste
charge, ce n'est pas a luy de lui bailler le lieu d'Ambassadeur d'Em-
pereur, veu quil est chose notoire et publique que l'Empereur s'est
démis de tous ses royaumes, Estais et de l'administration de l'Em-
pire (1), nayant pas réservé pour soy un palme de terre, ni aucune
authorité en l'Empire, et que, quand il s'en alla mettre en un mo-
nastère (2), soit par dévotion ou désespoir, il liscentia tous ses
ambassadeurs, qui souloient estre auprès de luy, pour ne vouloir
plus ouir parler ny traitter desdites affaires du monde, et de vouloir
gagner maintenant ceste precedence par ceste voye, c'estoit toute
artifice et tromperie ; que Vargues se devoit contenter de negotier
les affaires de son maistre, sans penser par ses finesses usurper le
lieu du premier Roy Chrestien, duquel j'estois ministre, et voulois
bien prier la Seigneurie de ne mettre pas la main a cela et se
garder bien d'en faire jugement au préjudice de la réputation et
honneur du Roy, mon maitre, qui leur est confédéré et des meil-
leurs amis quils ayent, et fait si grande profession d'honneur, quil y
a dix ans qu'il ne fait que combattre pour le garder, et y a despensé
et despensera les centaines de millions. Aucuns de la Seigneurie se
levèrent pour faire de nouveaux argumens contre moy, me deman-
dant si Vargues, leur venant parler de la part de l'Empereur, s'ils
pouvoient refuser de l'ouir comme son ministre, et pourquoy donc
ne tiendra-il ce lieu la? Je leur respondis que l'Empereur ne pouvoit
avoir affaires a traiter icy, et que toutes les négociations estoient
réduites avec desorloges(3), et, enfin, je leur demandai s'ils ne fai-
(1) En abdiquant, en 1555, Charles-Quinl avait donné à son frère Ferdinand les
États héréditaires d'Autriche et la couronné impériale; à son lits Philippe II
d'Espagne, les Pays-Bas, l'Italie et le .Nouveau Monde.
(2) Le monastère de Saint-Just, dans l'Estramadure,
13) Allusion à l'une des occupations préférées de Charles-Quint, dans sa retraite
266 NÉGOCIATIONS DE [AOUT 1557]
soient point de conscience de vouloir converser avec un excom-
munié, et sils ne scavoient pas bien que le Roy Philippe usurpoit de
fraische mémoire beaucoup de place du patrimoine de l'église et
faisoit actuellement guerre contre la personne de nostre Saint Père
et son siège et cité de Rome, et que lui et tous ses conseillers, ser-
viteurs et ministres sont excommuniés par la bule que le Pape
publia le jour du Jeudy Saint dernier 1 , que je les priois de laisser
l'affaire entre nous deux, et quils ne s'en empêchassent point, et que
si je me gardois bien mon lieu, je lui donnois la querelle gagnée.
Que, pour conclusion, je ne lui voulois non seulement céder, mais
je voulois en toutes façons procéder; je les laissai en bien fort
grand peine, ne sachant qu'elle resolution y prendre, car ils ne se
pourroient pas priver de l'assistance des Ambassadeurs de ces dits
deux grands princes, et si ne voudroient pas mettre la main a ce
jugement, ils ne voudroient pas au--i desplaire a l'autre, et je pense
avoir la raison de mon coté. Enfin je me retiray en mon logis et
commencay a mettre gens emsemble, pour me taire bien accompa-
gner, et pour demeurer supérieur, s'il falloil jouer des mains; l'Am-
bassadeur de l'Empereur n'en faisoit pas moins de son coté. Ainsi
la Seigneurie envoya devers l'un et devers l'autre, pour nous prier
de ne vouloir point troubler leur leste de S1 Marc, et ne bouger de
nos logis pour ces deux jours, et, qu'apivs. a plus grand loisir, on
verroit daccommoder nos differens, me priant, sur tous les plaisirs
que je desirerois leur taire, d'avoir cette patience, el quils m'asseu-
roient que Vargues ne bougeroit de son logis. Je leur (is respon-<-
que je voudrois bien leur complaire en plus grande chose, el leur
monstrer que j'étois homme de paix, mais quil me sembloil avis
qu'on faisoit tort au Roy, mon maistre, et que je l'avertirois du tout.
Nous en sommes demeurez la, el cependanl je croy bien que si
Vargues peut faire voir quelque lettres de l'Empereur, qu'il le fera
quand il en devroit contrefaire une ; mais si je n'en ai commission
du Roy en une façon ou autre, je ne lui cedderay jamais, car jevoy
bien (pie ce a'est qu'une tromperie. Si vous voyez, Monseigneur,
que j'y doive faire autre chose, il nous plaira m'en dire le bon
plaisir du Roy et vostre bon advis
De Venise ce vingt six d'Août 1557.
Bibl. iiat., Fr. 16079. fol 1) (copie).
de Saint-Just, qui consistait à essayer de mettre d'accord entre elles les heures
de ses horloges.
i Paul i\ avait déclaré rebelles el ennemis du Saint Siège Charles-Quinl el
Philippe II, le jeudi saint précédent; il avail excommunié solennellement loua
ceux qui avaient envahi les États de l'Église el les complices des envahisseurs,
quelle que lût leur dignité. VoirG.Duw y, Cardinal Carafa, p. 226 .
[AOUT 1557] DOMINIQUE DU GABRE 267
GABRE AU DUC DE FERRARE
208. — [ Venise , SI aoûl 1 557. — Monseigneur, J'ay veu ce qu'il
vous a pieu m'escrire par le secrétaire Myron, présent porteur, et
loue Dieu de ce qu'on n'a pas encore mauvaises nouvelles de S'Quen-
tin, ny que les ennemys ayent poursuivy leur victoire; s*ilz man-
quent a prendre cette place dans le quinziesme du mois prochain, je
tiens leurruyne toute certaine, carie Roy àdéja de forl lionnes troup-
pes et nos Suisses seront arrivez ; les pluyes et les longues nuicts
auront abbattu le cueur et labravure des ennemys, les difficultés des
charoys et des vivres seront plus grandes, de sorte qu'ilz n'auront
plus beau party que de se retirer ; que sy, le malheur vouloit que
la place se perdist, le Roy ayant son camp frais, il luy sera facile de
la recouvrer avant que les ennemys ayent reparé ce qu'ils en auront
abattu. Quant aux choses d'Italie, s'il m'est permis, Monseigneur,
d'en dire mon opinion, il est aisé de les conserver en Testât qu'elles
sont aujourd'huy. Le pis que peut arriver du costé de Rome (1) est
la perte de Paliano, chose que le Pape et ses nepveux ont bien mé-
rité, puisqu'ils la pouvoient avictuailler a leur aise pendant que Mon-
seigneur de Guyse etoit a Civitelle, et que toutes les forces du Duc
d'Alve estoient occupées de ce costé la ; et si le Pape ne fait la paix,
qui est tant sollicitée de ces Seigneurs, laquelle il semble estre aussy
désirée de Sa Sainteté, et de ses nepveux, et du Roy Philippe, sy
fauldroit il que Sa Sainteté se contentât de se mettre du tout sur la
défensive et de conserver Rome et ses principales places, a l'effect
de quoy on a moyen de lui laisser partie des forces de Monseigneur
de Guyse, lesquelles, selon mon jugement, on ne doit point penser
a ramener en France de cest hyver, mais les despartir en Italie en
trois lieux : une partie au Pape, une a noz places de Toscane, et
l'autre a la deffence de vostre estât, car, de les mener pour le se-
cours du Roy en France, il est certain qu'elles ny arriveroient jamais
a temps, par ce quil y a de grande difficultés en leur passage, et se-
roient combattues et consommées par le mauvais temps, avant
qu'elles soient a moitié du chemin. Mais il faut, Monseigneur, que
je vous die, avec toute la submission et reverecce que je vous doibz,
que vous faites une grande ruyne en noz affaires, aux vostres et a
ceux du Pape, refusant l'argent que le Général d'Elbene a envoyé a
Ferrare avec commission a Nazi de le nous délivrer pour en payer
l'armée du Roy; c'est l'intention dudit d'Elbene et le Roy me l'a es-
cril ainsy etcomnmndé très expressément, et ne scay, Monseigneur,
(!) Le duc d'Albe n'était qu'à une quinzaine de milles de Komr.
268 NÉGOCIATIONS DE AOUT 1557]
comment vous n'avez quelque respect a user de cette rétention vio-
lente a l'endroict du Roi, et enung besoing de si grande importance,
comme est la conservation d'une armée, et vous supplie très hum-
blement. Monseigneur, y bien penser; car. encore que le Roy vous
soit debiieur de ceste somme, et de plus grande, vous ne la pouvez
retenir justement contre sa volonté et offensez grandement Sa
M et le Pape (1); Monseigneur de Guyse s'excusera et déchargera
sur vous de n'avoir pu secourir Paliano. par ce que vous aviez retenu
le payement de l'armée; nos places de Toscane seront perdues par
ce qu'il sont deubz trois moys qui leurestoient assignez sur l'argent
que vous retenez. Je suis seur, M, que de tels reproches vous
fascheroient. Vostre Excellence a laicl sy volontiers plus grand
service a l'ung et a l'autre, en temps ou onenavoit moinsde besoing
et je la supplie que ce peu ne luy fasse pas perdre beaucoup davan-
tage, d'autant plus que les cent mil escuz que vous faisiez chercher
en cette ville seront tout prest aussy tost que vous envoyerès l'obliga-
tion de vos marchandz, lesquelz cent mil escus vous pourrez pren-
dre et cependant secourir mondit Seigneur de Guyse de ceulx la
qui sont pretz et comptans. Je scais bien, Monseigneur, que vous
dites avoir besoing du vostre el que vous n'attendez que l'heure que
vostre ennemy vous viendra assaillyr; j'advoue que vous le debvez
craindre el vous bien pourvoir, mais je vous veulx bien dire qu'il
n'y a nulle apparence de cela, car voz récoltes sonl faictes, voz
places bien munies d'hommes, et ne peuvent estre prises que
par de longs sièges. Oultre que l'enneniv. ayant tant de guerre et
d'armées ailleurs, il n'y a point d'apparence qu'en l'entrée de l'hy-
ver et sur la fin de son argent, il veuille lever une autre armée con-
tre vous, scachant bien que vous estes le prince d'Italie qui peut
mieux se deflfendre. 11 vous plaira. Monseigneur, m'excuser si je
vous dis franchement ce qu'il m'en semble, car, sy le monde tour-
noit sens dessus des soubz, je ne veux poinl faillir de vous estre
véritable et fidel serviteur, etc.
De Venize ce dernier Août 1557.
Bibl. nat., Fr 23236, fol. 554 copie et Hém. du
duc il.' Cuise. I m } ». , p. 382, el Arch. de Modène.
Cancelleria Ducale .
(1) Le duc de Ken-are, que la retraite du duc de Cuise laissait à découvert et
qui était menacé d'avoir la guerre, el toutes les forces du duc d'Albe sur ses
Etats, avait, jusque-là, généreusement contribué au paiement des soldes el muni-
tions pour le compte du roi de France Ses avances ne s'élevaient pas à moins
de cent quarante mille livres tournois, luasi le duc refusait-il de restituer au
roi les cent mille écus qu'il avait reçus en dépôt, malgré les supplications du
duc de Guise et de M. de Lodève. Voir n icanachi, Renée de France, p
284).
[AOUT 1557] DOMINIQUE DU GABRE 269
GABRE AU DUC DE GUISE
209. — [Venise], Ier septembre 1557 . — Monseigneur, depuis mon
autre lettre écrite, est venu ung courrier de Lyon, avec lettres du
24, lequel a apporte dix mil escus sur la paye des cent mil livres
de la gendarmerie. Je vous envoyé coppie de la lettre escrite par
Monseigneur le Cardinal de Lorraine au General d'Elbène, par
laquelle on veoit les affaires du Roy en assez bons termes ; il sem-
ble par ladite lettre qu'on entend que vous laissiez l'armée en Italie,
mais encor faut-il veoir que ce soit en lieux ou elle puisse gagner
le pain du Roy, et luy faire service, et je vois les affaires de Rome
tellement conduites, que vous debvez croire perdu tout ce que
vous y laisserez, et si vous laissez nostre Toscane en main des Ita-
liens non payez, vous en entendrès dire quelque desordre, avant
peut être que vous soyez en France, que si vous faictes le desparte-
ment de l'armée selon mon mémoire (I), vous conserves la Toscane
et le Duc de Ferrare. J'ay veu, Monseigneur, les lettres de Rome,
la bravade des ennemys, venus jusques aux murailles (2) ; il est
impossible que vous puissiez honorablement abandonner le Pape
que vous ne les ayez faict ung peu retirer, affin que soubz la faveur
de vostre armée, Sa Sainteté puisse avoir meilleure condition en
l'accord, et vault mieux pour cela que vous différiez vostre parle-
ment pour sept ou huit jours que de partir en haste et laisser les
choses en confusion.
De Venize ce 1er Septembre 1557.
(Bibl. nat., Fr. 23236, fol. 56U (copie) etMém.
du duc de Guise. Imp., p 281).
GABRE AU DUC DE GUISE
210, — [Venise], 1" septembre 1 557 . — Monseigneur, c'est grand
pityé de ceste obstination de Monseigneur le Duc de Ferrare en ma-
tière de cest argent, car il ne s'en peult ayder et jamais le mar-
chant ne luy délivrera; et cependant il vous laysse en grande néces-
sité et les all'aires du Pape et les siens mêmes en grand confuzion;
(1) Voir ce mémoire à l'Appendice qui suit.
(2) Le cardinal Carafa sauva Rome de la prise d'assaut, grâce à un habile
subterfuge : sachant l'ennemi campé aux abords de la Porte Majeure, il til allu-
mer pendant la nuit des Lorches le long des remparts. Le duc d'Albe, trouvant la
ville ainsi éclairée, n'osa point donner l'assaut et fit battre en retraite. (Voir
G. Dukuy, Cardinal Carafa, p. 239).
270 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 15571
nous y avons de deçà usé tout l'artifice possible, et Monseigneur
le Cardinal de Ferrare y fait ce quil peult, mais personne ne le
peut vanillé (1). Monsieur Myron. a ce que je veoy, l'a aussi fort
bien presse, niais ny pour cela, nous avons advisé quil y re-
tourneroit encores avec une lettre que je luy escriptz. contenant
remonstrances de la grand offence quil faict au Roy et au Pape,
qui auront juste occasion de s'en ressentir, comme il vous plaira
veoir par la copie de ladite lettre qui servira de protestation,
et la copie en sera renvoyée au Roy. s'il ne se veult renger a
la raison, et y envoyons celuy qui conduysoit icy le party de cent
mille escuz pour luy dire a bouche, qu'ilz sont tous pretz et contentz,
aussitost quil envoyera les obligations des marcbands de Ferrare
que luy mesmes a présentez, et ledit Myron vous despechera aprez
ung courrier pour vous advertir, Monseigneur, de la responce qu'il
aura eu et de ce qu'on y aura peu taire. Nous avons icy le banquier
qui nous solloyt servir par commission du gênerai de Albenne, si
change depuis ceste routte advenue devant S1 Quentin, quil ne nous
bailleroit pas ung escu si le mènerai d'Elbenne ne luy en envoyoit le
moyen et la commission, et vous pouvez, Monseigneur, de la penser
si les autres banquiers, a son exemple, doibvent avoir grande volonté
de nous secourir; je ny scaiche aulcung remède, sinon que le Pape
escripve ung brief à Monseigrle Duc. se plaignant de «este rétention
d'apgenl qui estoit pour payer l'armée de la ligne, et luy comman-
dant, sur peyne d'excommuniemeut et de rébellion, qu'il aye a le
délivrer, puis quil est certain que le Roy la envoyé et destinés reste
fin (2). Quant au gênerai d'Elbenne, il y a longtemps que je lu\ ay
escript la peyne ou vous estiez, el que nous ne pouvons avoir cest
argenl la. afin qu'il y pourveusl par aultre voye, mais je n'en ay
encores responce. ny nest aussy venu autre argenl sur la partye des
cent mille francs de la gendarmerye, depuis les vingt mille escuz
derniers qui vous ont este envoj ez. S'il en vienl peu ou prou, il vous
sera incontinent envoyé. Le Commis du Gard, qui s'en revaencore
a Ferrare pour la quatriesme fois, vous envoyé, Monseigneur, lestât
du second deppostz de uicLm es<-u> etnya ordre. Monseigneur, qu'on
puisse rien voir de uecl avec ces clercz. Car il y met une partye de
troiz mil et tant d'escuz pour'les irai/ de la conduite de l'argent qui
vous a esté envoyé depuis que vous estes en Italye, dont je n'ay
poinct volleu arresler les parties, riant neeesseure que Monsieur
(1) Convaincre, persuader.
2 Le duc de (luise joignit mvs efforts à ceux de M de Lodève pour .noir cette
somme; il écrivit à Hennit' il qu'il serait cause de la ruine de son armée.
Hercule se laissa attendrir et remit au malheureux général la moitié de la somme
déposée, soit 50000 écus. Voir \\ canachi, Benée '/<• France, p. 384, el lettre
de du Gabre au Roi qui suit).
[septembre 1557] Dominique du gabre 271
Viallard les voye pour ce quil y rnect plusieurs fraiz d'escorte qu'il
a paye depuis Ravenne a Ci vitelle, et Monsieur Myron m'a dit que
vous en aviez baille quelques fons au commis Testu (1). Quant a
largent que Monseigneur le Duc a preste, il dit vous en avoirenvoye
Testât et que jamais il nen retint par de la ung seul escu ne pour
fraiz ne pour autres chose ; il a encores deux mil escuz qu'il a der-
nièrement retenuz, mais il y a aussi quelques restes a payer des poul-
dres et bouletz, lesquelz j'ay este contraint de prendre sur peyne de
prez de nm escus d'arres qui avoient este advancez, et si vous le
trouvez bon, je serois d'oppinion, Monseigneur, de faire conduire
tout a la Mirandole, et en prendre bon récépissé de Monsieur le
Comte, car vous aurez veu comme il a volontiers baille, quant vous
le luy avez demande, tout ce quil en avoit, et si nous les laissons a
Ferrare, j'ay peur, quand nous en aurons besoing, qu'il en face
comme de nostre argent, de les porter tout d'ung train en Toscane ;
ce seront grandz fraiz et je ne scay si elles iroyent seurement en
ceste saison.
Monseigneur, je ne faiz doubte que vous ne soyez en grand peyne
a vous resouldre de ce que vous avez a faire de voslre armée pour
obeyr au commandement du Roy et contenter le Pape, et si j'avois
bon corps pour courir la poste, je vous fusse très volunliers aile
trouver pour recepvoir voz commandementz, en attendant la veneue
de mon successeur; mais pour aussi que en ce temps je ne doibz
laisser ce lieu icy seul, il vous plaira m'en excuser et recepvoir en
bonne part ung mémoire que j'ay mis par escript, contenant mon
advis sur la resolution qui se pourroit prendre de vostre dite armée
et de vostre partement, affînque, apprez avoir entendu les adviz de
plusieurs, vous y puissiez asserer vostre dernier et meilleur juge-
ment, et si vous y trouvez quelque faute, il vous plaira, Monsei-
gneur, l'excuser sur mon ignorance et sur ma bonne volunté. Il est
vray, Monseig1-, que je desirerois bien que ledit mémoire ne feust
veu de personne qui le peult redire aux ministres de Sa Saincteté,
et si ne m'en soucierois pas beaucoup, mais que je feusse hors de
ce pays.
De Venize ce premier jour de Septembre 1557.
Monseigneur, il est deu a Monsieur le Comte de la Mirandole les
moys de juillet et d'aoust, et maintenant sommes entrez au ine moys,
M. de Selve n'a pas ung escu pour vivre et n'a garde de trou-
ver qui luy en preste. En Testât ou sont nos affaires, vostre armée
est sans argent, la Toscanna en grand nécessite, et, avec ces cent
(1) François Testu, contrôleur des bandes italiennes en l'armée du duc de
Guise. (Bibl. nat.. Fr. 10395, fol. 41).
272 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 1557]
mil escuz de Ferrare, nous eussions temporizé en attendant d'aul-
tre argent, de sorte que ceste rétention nous couppe la gorge a
toutes choses. Ledit sieur Conte a déjà envoyé icy par deux foiz pour
avoir argent et se plainct bien fort, il a pryé Monsieur le Duc de
nous voulloir lascher de cest argent quelque peu pour luy, d'aul-
lant que je l'assignois. la dessus, mais il l'en a du tout reffuzé: je
ne scay quel ordre y donner ne a quel saint me vouer, et luy ay
escript qu'il estoit forcé qu'il eut encores patience pour quelques
jours; ilz doibvent bien trouver estrange ceste longueur, carjamays,
depuis que je suis en Italye, on ne leur avoit difere leur payement
quinze jours, et Dieu scayt comme ilz doibvent cryer contre nous
a la Cour, quant nous les importunons d'argent, veu la grand néces-
site ou ilz sont eulx mesmes.
[Bibl. nat., Fr. 20525. fol. 125) (originale).
GABRE AU DUC DE FERRARE
211. — i Venise], 20 septembre I .')57. — Monseigneur, le monde et
la fortune est tant changée en noslre endroit que je ne scay plus que
dire ; je veoy que vous estez pour estre assaily et que nous avons
bien peu de moyen de vous deffendre, qui me desplail bien. Si oze-
rois je jurer que la bonne volunte ne mancquera poincl du couste
du Roy ne de- ses ministres; mais, quant a la puissance, j en doubi
quelque peu, veu les grands afferes <»u Sa Majesté 9e trouve. Ce se-
roit, Monseigneur, imprucfence daccuser les fauctes passes des ungs
et des aul très, car cela ne peult remédiera noz adversitez; el Fault
mieulx fere a [advenir, se résolvanl ou a la paix ou a la guerre, et
en lung ou laultre. fere ultimum de potentia el non les chose- a de-
my, comme Ion a faict par le passe. Jay bonne espérance que ces
Seigneurs ne vous abandonneront poincl. a quo) messieurs voz mi-
nistres qui sont icy fonl fort grand deboir, el en ce peu que je puis
je les seconderay et ayderay toul jour, daultanl sincère el bonne
affection, que s'il y alloil de ma propre vve. Il semble de prime face
que laccord de Rome soit anostre préjudice, et je le tiens a grand
heur pour le Etoy et espère que doresnavant cesseront noz malheurs,
car il vault mieulx estre seul que mal acompaigne.
De Venize cexxe de septembre 1557.
Messer Baccio Tholomei VOUS dira. Monseigneur, les difficultés qui
se sont trouvées sur le prest que vous desiriez icy, el ce qu'il laul-
droit pour y remédier.
\irh. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
[septembre 1557] Dominique du gabre
273
GABRE au cardinal de lorraine
212. — [Venise], 23 septembre 1557. — Monseigneur, oultre ce
qu il vous plaira veoir en la lettre que j'escriptz au Roy, je ne vous
scaurois dire sinon que j'avoys envoyé à Monseigneur d'Aumalle
lu mil escuz, tant de la monnoye qui estoit a Ferrare, que de quel-
ques restes que javois icy trouvé, ez mains des Trésoriers, et pour ce
que les chemins sont fort mal seurs, j'ay donne charge aux clercz
de s'arrester a Ravenne, et que l'ung d'eulx allast trouver mon dit
sieur d'Aumalle pour scavoir ou il vouldroit l'argent lui estre ap-
porté. Monsieur de Byron(2) vient d'arriver icy,qui m'a dit que ledit
sieur faisoit compte de ne faire la monstre qu'il ne fust sur le Fer-
rarois, ou j'espère l'aller trouver pour veoyr ce qu'il resouldra de
faire. Monsieur le Duc est tant travaillé et menasse de guerre que la
raison veult que le Roy le secoure, et le debvoir vouldroit avec, que
ceste troupe de Monsieur d'Aumalle demeurast pour sa deffence,et,
en ce cas la, son estât seroit en seureté et bien gardé, tiendroit on
l'ennemy en grande despence et amuseroit Ton la toutes les forces
qui sont maintenant en Italye, lesquelles sans cela seront employées
contre notre Tuscanne ou en Piedmont, mais je veois grande diffi-
culté a payer la dite armée, car, Monseigneur, le Duc fait exécrables
serementz qu'il n'a point d'argent ; d'aultre coste, ces seigneurs ne
le vouldroient pas veoyr ruyner, mais ilz le vouldroyent bien veoyr
affoibli d'argent et d'une partye de son estât, par quoy quelque
bonne myne qu'ilz nous facent, je n'ay pas grand foy en leur ayde.
Je y ay prins les expediens, et usé des persuasions que vous veoyez
et n'y scaurois faire davantage de trouver argent a Yenize sur le cre-
dict du Roy ni de mondit sieur le Duc; je le veoy impossible, veu le
mauvais estât de noz affaires en France et en Italie, car les gens de
ce pays ne mettent pas volontiers leur argent a l'adventure. Vous
m'escripvez, Monseigneur, d'y emploier mes moyens et mon crédit
qui est trop petit pour telz affaires et n'est pas pour estre plus grand
a l'advenir, puisque je ne suys enaulcune considération envers vous
aultres, Messieurs, qui estes auprez du Roy ; car, s'il pluvoit abbayes
ou bénéfices, il n'en scauroit tumber ung seul sur ma teste. Toutes-
foyz, ny pauvretés ni accident ne me fera jamais estre autre que bon
serviteur du Roy.
De Venize ce xxme jour de Septembre 1557.
(Bibl. nat., Fr. 20456, fol. 199) (copie).
(1) Armand de Gontaut, baron de Biron, né en 1521, servait en Piémont sous le
maréchal de Brissac ; fut créé grand maître de l'artillerie (1569) et maréchal de
France (1577). Il fut tué au siège d'Épernay en 1592.
22
274 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 1557]
GA.BRE AU ROI
213. — [Venise], 23 septembre 1557. — Sire, enfin laccord de
Rome (1) a été fait, et Vostre Majesté en aura veu les partieularitez,
mais par adventure non pas toutes les secrètes intentions (2) et
resolutions prises entre le Duc d'Albe et le Cardinal Caraffe. Quoi-
qu'ils fassent quant a moy, Sire, je l'entens de cette façon, que tout
le pis qu'ils scauroient faire, est tout le mieux qui vous scauroit
advenir, pour vous faire une bonne fois résoudre a ne plus vous
fyer en eulz pour ladvenir; car le procédé de tous vos alliez en ce
pays a este tel, quil doit servir d'exemple et de mémoire a vous.
Sire, et a vostre postérité pour ne jamais plus mesler vos affaires
avec les leurs. Il ny a ny petit, ny grand en Italie qui ne connoisse
le grand devoir que vous avez faict en celte ligue, et qui ne parle
du peu d'aide et des mauvais offices de voz alliez. J'ay bonne espé-
rance, Sire, puisque vous estes deschargé de ceste compagnie la,
et de ceste dépense mal employée, que vos malheurs cesseront et
que Dieu reprendra la protection de vos affaires et de vostre
Royaume. Si on se pouvoit décharger aussi honorablement du Duc
de Ferrare et le laisser en quelque repos et seurete, comme est le
Pape, je le trouverois encore meilleur.
Sire, mondit Sieur le Due est fort menacé d'avoir la guerre el
toutes les forces du Due d'Albe sur son Estât, avec celles des Ducs
de Florence et de Parme. Je presche fort ces Seigneurs pour pren-
dre sa protection, el pour essayer de leur faire paver vostre armée;
ils reculent tant qu'ils peuvent leurs résolutions; el hier, après
avoir receu les articles de l'accord de Rome, je les ay sollicite de
me respondre et dire clairement leur intention et de m'accorder le
passage et vivres par leur Estât, pour l'armée que mené Monsei-
gneur d'Auniale. Ils me tirent réponse qu'ils me feroienl appeler
pour me dire la résolution, après qu'elle seroil arrestée entre eux,
et m1"'.!1' 'rs excusasse de la longueur sur la grande importance de
Cl) Allusion à l'accord officiellement intervenu entre le duc d'Albe ci Paul IV.
aux termes duquel ce dernier dénonçait l'alliance avec la France et s'engageait
à observer la neutralité.
2 I.a convention secrète dont parle Lodève fiait relative à la question tou-
jours irritante de Paliano; elle lui rédigée cuire le duc d'Albe el le cardinal
Carafa el resta mystérieuse. En vertu <le celle convention, le flef de Paliano
recevait désormais un gouverneur investi de la confiance de-; deux parties, el
pourrait être démantelée m le roi Philippe l'exigeai! l>an> ce dernier cas, le duo
de Paliano recevrait une suffisante indemnité. (Voir G. Duroy, Le cardinal Carafa,
p. 245).
[septembre 1557] Dominique du gabre 275
cette affaire et sur la multitude de leurs balotes (1), ou ils avoient
fort contraires et diverses opinions, et que les Republiques ne se
peuvent pas sitost résoudre, comme un prince absolu. Mais, par
advis que j'ay secrets de leurs disputes, on me donne espérance
qu'ils feront quelque cbose de bon. Ledit Duc de Ferrare a icy deux
ministres qui demandent aide et protection et sollicitent la réponse,
mais ils n'en peuvent avoir. Je croy, Sire, que mondit sieur d'Au-
male sera bientost avec sa petite troupe au Ferrarois, ou il fera la
monstre et quelque payement de ses gens avec cinquante mil escuz
que Monsieur le Duc nous a délivrez de cette monnoye qui étoit a
Ferrare. Quant aux autres cinquante mil escuz quil a retenuz, en-
core que Vostre Majesté luy en ayt nouvellement escrit, je ne pense
pas quil les délivre, si ce n'est quil soit forcé de se servir de vostre
armée, auquel cas il fauldroit résoudre, ce me semble, que luy ou
les Vénitiens la payassent, ou par prest ou autrement, car denvoyer
de l'argent de France pour eux, je l'ay encores redit franchement a
ces Seigneurs que je vous en dissuaderois tant que je pourrois, veu
les affaires que vous avez en vostre Royaume, et, de plus, ne leur ay
pas voulu celer que, sur l'obligation du Duc de Ferrare et de tous
les marchands de sa ville, nous n'avons pu trouver en cette ville
aucun argent, et ceux qui en avoient premièrement offert pour le
party de cent mil escuz se sont du tout retirez, veu la défaveur de-
nos affaires et dudit Duc. Parquoy, si ces Seigneurs ne mettoient la
main a la bourse, je ne voyais autre remède que de débander
nostre armée et laisser le Duc de Ferrare en proye de l'ennemy.
De Venize ce 23 Septembre 1557.
(RiBiER.t. ii, p. 704) (originale).
GABRE A M. DE BEAUREGARD
214. — [Venise], 23 septembre 1 557 . — Monsieur, Je veoy bien
que le temps nest pas propre pour faire querelles particullieres en
vostre court, les publicques y sont trop fâcheuses et desplaisantes;
il estoit aise de prévoir en vostre mesnaige quelque désolation, car
Dieu la prédite aux lieux ou il y a divisions et partialitez, comme
Ion a toujours vesceu la, si le Roy ne prent aultre forme au gouver-
nement de ses affaires. Je crains quil y vienne encores pis, et Dieu l'en
veuille garder. Je n'esperay jamais guières de vostre court du temps
que je pensois y avoir ung protecteur, je vous laysse penser si jen
doibz espérer, maintenant que personne ne my cognoisplus.Si vous
(1) Voix, suffrages.
276 NÉGOCIATIONS DE [SEPTEMBRE 1557]
voulez que jaye quelque bien et récompense de mes longs services,
faictes moy estre diseur de grâces a la court, ou clerc de chapelle,
ou solliciteur au pallais, car le mestier dambassadeur est fort con-
traire a cella. Je me plains fort de Monsieur de Nouailles, qui
estoit arrive a Lyon il y a vingt six jours, et seroit déjà icy a cloche
pied sil eust volleu ; il trouva une myenne lettre, par laquelle je le
prioys prendre la poste, il n'a pas seullement escript sil viendra ou
non, ny n'a envoyé personne pour lui préparer logerz. Jay vendu
mes provisions et mes meubles, et maintenant je ne scay si je doibz
partir ou non: pour le moins, il me met a lyver, dont je luy suis
bien peu obligé, et si l'on avoit faite ellection daultre en son lieu,
je vous prye. Monsieur, me le mander, car, sy je ne puys passer ces
Grisons par tout octobre, je me retireray pour cest yver en quelque
beau lieu sur le lac de Garde avec trois serviteurs, Xanscio rsurire
el abondare et penuriam pâli. Vos aultres, auriez peur que je fusse
trop riche si Ion m'eust faict quelque part de la despeuille de Mon-
sieur de Soyssonsii), Dieu vous maintienne en voz ayses et vous
doint, Monsieur, ce que plus desirez.
De Venize ce xxiuc de Septembre 1557.
Je croy bien que pour le bon recueil que je trouverav a mon arry-
vée a la Court, il n'est nul besoing que je prenne la postt>.
[Arch. du Ministère des Affaires étrangères, t. vu du fonds
Venise, t. i de la Collection Noailles, fol. 36 originale).
GABRE AU COMTE DE LA MIRANDOLE
215. — [Venise], 25 septembre /.'>."> 7. — Monseigneur, je vous mer-
cye très humblement de la Visitation faite par le capitaine Lyvio (2)
qui n'estoil point nécessaire, car je vous suis serviteur, el vous
trouverez que a la Court je ne vous seray pas inutile, et vous assu-
rerez. Monsieur, que sil peull venir entre mez mains tant soit peu
d'argent, que vostre garnison sera payée pour les moys dont elle a
faict monstre, mais je jure Dieu que si alloit de ma vye, je ne seau-
rois ou en prendre pour ceste heure, et sil y en avoit, je serois très
content et d'opynion que vous mecttez encore quelques compa-
gnies de gens de pied dans vostre place, voyant le grand bru ici qui
se faict des forces impérialles qui doibveni venyr assaillir Modene,
Uegge, lieux si voysins de vostre estai, quil esl bien raisonnable
(1) Il s'agit de la succession do Mathieu de Longuejoue, évoque de Soissons,
mort le 6 septembre 1557, qui étail titulaire de plusieurs prieurés el abbayes,
(Voir Gallia christiana, t. i.\\
(2) Livio Crotto, capitaine siennois. {Commentaires de Mortfluc, t. iv, p. 11.
[OCTOBRE 1557] DOMINIQUE DU GABRE 277
que vous soyez sur voz gardes, mais vous pourrez veoyr, Monsieur,
le proccedder des ennemys, et sellon cella vous gouverner, ayant
tousjours consultation aux grandz affaires ou le Roy se trouve de
présent, et je scay bien que vous ne le vouldrez mectre en despence
inutille que n'y en voyez plus grande nécessité, auquel cas, Mon-
sieur, vous pourrez renforcer vos garnisons, et sil y aura icy argent
du Roy, je la vous feray payer, et s'il ny en a point, et que vous
en fournissiez du vostre, vous scavez que Sa Majesté ne manque
jamais a ceulx quil ayme et qui sont soubz sa protection. Il ne
vouldra pour peu de chose laisser perdre vostre place pour laquelle
il a faict de si grandes despences. Vous pouvez bien, Monsieur, estre
asseuré,au surplus, quil no tiendra pas a moy que tout ce que nous
aurons dartillerye et de munitions ne soit porte soubz vostre garde.
Je ne vous scauroys dire, Monsieur, le temps de mon partement,
parce que je n'ay aulcune nouvelle de mon successeur. Jay dict au
cappitaine Lyvio les nouvelles que nous avons icy, et me recom-
manderay bien humblement a vostre bonne grâce, en supplyant
Nostre Seigneur quil vous donne, Monsieur, bonne vie et longue.
De Venize ce xxve jour de septembre 1557.
Le sieur Lyvio ma parle du payement de vostre compaignie, ha-
vant elle fut au camp, et de la monnoye que l'on vous a baillie a ceste
dernière monstre, et de cest argent qui vous est deu et que vous
dictes que Monsieur de Guyse a ordonne au Trésorier de Tuscane
vous payer, je luy ay respondu sur cela ce quil m'a semblé, il vous
plaira le croyre de ce quil vous dira de ma part.
(Arcli. Aff. étrangères, Venise, t. vu, fol. 37) (copie).
Même lettre (Bibl. nat., Fr. 20620, fol. 37) (copie).
GABRE AU CARDINAL DE LORRAINE
216. — [Venise], 17 octobre 1557 . — Monseigneur, Monsieur de
Daqz (1) est arrivé icy et a este receu, bien veu et honoré de ceste
Seigneurie. Je luy ay communicqué tout ce peu que je scavois des
affaires de deçà et de ceste charge, et me semble quil y ferabeaucoup
de service au Roy et quil est capable de plus grandz négociations
que celles dicy, desquelles je ne vous oscripray autre chose, laissant
fere cest office audit Sr de Daqz. Joinctaussy que pour le présent ny a
chose qui importe ne digne d'escripre, car, quand au faict de Ferrare,
vous verrez, par la depesche de Monseigneur le Cardinal de Tournon,
(1) François de Noailles, évèque de Dax.
278 NÉGOCIATIONS DE [OCTOBRE 1557]
ce que Monsr de Villars(l)a rapporté dudit Ferrare, ou il nestoit be-
soing ne raisonnable que je portasse eeste mauvaise nouvelle a
Monsieur le Duc (2) pour mon adieu que je luy diray par escript,
car il eust eu plus d'occasion et dargumentz en ses plainctes par-
lant a moy que avec ung aultre nouveau en son faict, je me suis
licentié de ces Seigneurs et dans cinq ou six jours je me mettray en
chemin pour aller rendre raison de ma vilication (3) et obeyr a ce
quil vous playra me commander.
De Venize ce xvne dOctobre 1557.
(Arcli. Aff. étrangères. Venise, t. vu. fol. 81) (originale .
GABRE AU DL'C DE FERRARE
217. — [Venise], 20 octobre 1557 . — Monseigneur, je prépare mon
partement pour la court, puisque Monsr (4) Dagz, mon suc-
cesseur, est arrive, lequel vous yra bien tost visiter delà part du Roy,
a quoy je leusse voluntiers acompaigne pour prendre congé de
Vostre] Excellence et recepvoir voz commandemens, [si je eusjse
pense que cel eust peu porter service ou remède a voz
[t]rava[ulx], a quoy je ne espargner ma propre vye
quant je verray <iuil vous seroit pour le moings,
diray je, Monseigneur, hault et clair la ou le Roy esl
tenu de vous ayder et détendre vos lie maison propre
et espère quil le fera, sil peult, une fois avoir hors du
royaulme.
Monseigneur, je me tiendray toute ma vye a ii quant
il vous plaira me commander quelque oy je seray,
en me recommandant très humbleme[nt
De Venize ce xxe jour doctobre 1557.
(Arcii. de Hodène. Cancelleria Ducale, etc. .
(1) Pierre deVillars, qui succéda en 1560 à Suavius comme évêque de Mirepoix.
(2) Le cas du malheureux duc de Ferrare était, eu effet, singulier. Hercule
n'était pas compris dans le traité de paix qui allait être conclu, le'ji octobre sui-
vant, entre le Pape et Philippe II. et, de fait, il étail menacé de supporter seul
les conséquences de la guerre. Au surplus, non seulement son infortune n'exci-
tait aucune pitié, mais encore les petits princes de son voisinage comptaient
agrandir leurs étals aux dépens du duché de Ferrare 11 ne fallut rien moins que
l'intervention énergique de Cosme de Médicis pour que la paix lui fût accordée,
mais aux conditions suivantes: il se démettrait de son titre de lieutenant général
de la Ligue, ne fournirait, désormais, ni canons ni munitions à ses allies, res-
tituerait San Martino à Sigismond de Gonzague el ferait la paix avec Octave
Farnèse. Ces conditions humiliantes furent ratifiées par Philippe II. et le duc
rentra dans l'inaction, tout heureux, après de telles secousses, >\<' conserver
son duché indépendant et intact. [Voir Roi NAi hi, Renée de France, p. 286 281
(3) Vilication : du latin, vilUsatio, administration.
(4) Les mots remplacés par des points manquent dans le texte.
[JANVIER 1558] DOMINIQUE DU GABRE 279
GABRE A M. DE NOAILLGS
218. — [Paris], 13 janvier 1558. — Monsieur, vous aurez, par une
depesche du Roy, le discours que m'a este monstre de la prinse de
Cales (1), et aurez la de quoy faire garder la chambre a Monsieur
l'Ambassadeur d'Espaigne, car cest a vostre reng a braver mainte-
nant, et a luy a se cacher; cela nous apportera grande repputation,
mais aussy cela vuydera bien noz bourses, .le m'accoustre de ceste
court, comme peult faire ung homme qui sort de Venise, mais
jespere en sortir bientost, et ny revenir que le plus tard que je
pourray. On m'a donne quelques expectatives sur les premiers bé-
néfices vacants, j'en donnerois voluntiersla moitié pour avoir l'autre
asseurée, et sy ayme mieulx quitter le tout que d'attendre icy les
occasions. Il ny a remède, Monsieur, de faire cognoistre a Monsieur
de S1 Ciergue que le Roy n'a aulcun interest a ses quinze cens escus,
que cest a luy a y deffendre de son chef. Nous en avons este assem-
blez cejourd'huy devant Mons1' le Cardinal de Chastillon, et après
tous je vous doys escripre une lettre de son faict, et Mons1' le Car-
dinal aussy avec une depesche du Roy, vous en ferez après le mieux
que vous pourrez, mais que soys hors dicy, j'en lairray le pense-
ment a luy et a qui il appartiendra. Nous avons forces décimes et
extraordinaires sur l'église, mais je croy que vous, Monsieur, pour
estre Ambassadeur, ne paierez que huict decymes, qui est aultant
comme ung aultre vacquant. Voyla, Monsieur, tout ce que je vous
scaurois dire pour ceste heure, présentant mes recommandations a
vostre bonne grâce.
De Paris, ce xme Janvier 1558 [58].
Vous que icy ny a nulle dolieza ne plaisir, et les plus grandz
y vivent en belitres (2).
'Arch. Aff. étrangères, Venise, t. vu, fol. 284) (originale).
(1) Guise, rappelé en France après la défaite de Saint-Quentin, fut nommé
lieutenant-général du royaume ; il refoula les Espagnols vers le Nord et prit
Calais aux Anglais le 8 janvier 1558. Cette victoire releva la réputation militaire
de la France et permit à Henri II d'entamer des négociations de paix honorables,
<jui aboutirent au traité de Cateau-Cambrésis (3 avril 1559).
(2) Les mots remplacés par des points manquent dans le texte.
APPENDICE
MÉMOIRES, LETTRES, DOCUMENTS DIVERS. RELATIFS AUX
NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE
1. — \ Ferrure], 15 mars 1553. — Articles secretz d'estroicte intel-
ligence, ligue et confœderation, entre le Roy très chrestien Henry
2e et Monseigneur le Duc de Ferrare, lesquelz l'Evesque de Lodesve
a proposez et mis en avant, a mondit Seigneur le Duc, comme mi-
nistre de Sa Majesté, et ayant charge et commission de venir aux
particularitez et moiens de effectuer ladite ligue et amytié. Réser-
vant sur tout le bon plaisir du Roy(l).
Premier article Monseigneur le Duc n'a rien
Premièrement,queleRoy pren- trouvé de mauvais en cest article,
dra en sa protection et sauve- bien adict que l'on a accoustumé
garde tout Testât, pays, terres et de faire un dépost de quelque
Seigneuryes dudit Seigneur Duc somme d'argent pour sûreté du
de Ferrare, pour iceulx conserver contenu en l'article. Mais je luy
et deffendre de toutes ses forces ay faict responce qu'il seroit im-
(1) Nous avons eu la bonne fortune de trouver le présent projet d'alliance, tel
qu'il a été rédigé et annoté par du Gabre en 1553, et nous en donnons ici le texte
in extenso.
Ce projet, bien qu'il n'eût rien que de très honorable, suivant la judicieuse
expression de M. Rodocanachi {Renée de France, p. 226), ne reçut pas immédia-
tement l'approbation royale, et il fallut attendre, deux ans encore, avant que les
stipulations proposées par l'évêque de Lodève fussent acceptées. Le traité défi-
nitif signé en 1555 par le cardinal de Lorraine ne différa guère de celui qu'avait
préparé du Gabre. Cela s'explique par cette raison qu'Henri II, connaissant l'in"
fluence dont jouissait le duc de Ferrare dans le nord de l'Italie, ne pouvait se
passer de son alliance et était obligé de l'acquérir, même aux conditions les
plus onéreuses.
Si ce document n'avait rien que de très honorable, en 1553, il est bien difficile
de comprendre qu'il soit devenu, deux ans plus tard, l'objet de critiques acerbes
et qu'un contemporain s'en soit servi pour déverser sur l'évêque de Lodève les
plus injustes calomnies.
Tel est pourtant le rôle étrange que joua Jean de Morvillers.
On trouvera plus loin (pièce 4 du présent Appendice) le mémoire que rédigea
ce dernier sous l'empire d'un sentiment trop facile à deviner — Morvillers n'avait
pu pardonner à du Gabre de lui avoir succédé au poste envié d'ambassadeur à
Venise.
28-2
NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [MARS 1553]
possible en ce temps de faire
ledit deppost, que le Duc Otta-
vio (i) n'en avoit demandé, et
neantmoins chacun a veu le grand
debvoir que Sa Majesté en avoit
faict, par quoy n'en fault parler
icv.
et finances, avoir et pouvoir en-
vers et contre tous ceulx qui
vouldront offencer et assaillir le-
dit sr Duc, en aulcun lieu de son-
dit estât, pays et Seigneuryes,
sans excepter le Pape, l'Empe-
reur, ne aucun autre prince et
potentat qui voulust entrepren-
dre de faire la guerre audit Duc
de Ferrare, laquelle advenant,
sadite Majesté promet et s'oblige,
dresser et mettre sus, une armée
suffisante, non seullement pour
résister et deffendre ledit pays,
mais pour devenir supérieur et
victorieux, avec l'a-yde de Nostre
Seigneur, a rencontre de ceux
qui y vouldront entreprendre.
Promet aussy, sadite Majesté,
payer et souldoier tous les gens
de guerre, de pied et de cheval,
de ladicte armée, et fournir aux
fraiz de l'artillerye qui sera né-
cessaire pour ladicte année, et
en campagne seulement.
2. — Que, advenant la guerre,
s'il est nécessaire fort ilier aucune
desdites places et faire fortz nou-
veaulz bastions, cavalliers. tran-
chées et autres fortifications né-
cessaires pressantes, et non vo-
lontaires. Sa Majesté les fera tain'
a ces propres coutz et despensel
de ses propres deniers. Laissant
audit sieur Duc a porter la des-
pence des autres fortiffîcations
qu'il vouldra faire volontaires,
non pressées, ne en temps de
guerre.
Monsieur le Duc a dicl quil
faut faire les fortifications Me
Verse! -i . et de Rege (3) et Del-
phinal (4), qui ne doibvent estre.
appellées volontaires, d'autant
qu'elles sont nécessaires pour
rendre tout son estai imprenable
et quasy inaccessible, pourquoy
Sa Majesté y pourroit contribuer
pour sa part.
(J) Octave Farnèse.
(2) Verseil, ville d'Italie, à 15 kil de Novare.
(3) Reggio.
(4) Final Nelli Emilia, ville d'Italie, province et arrondissement de Modèn*
[MARS 1553] APPENDICE
3 _ QUe en temps de paix, et Monsieur
non suspect pour tenir tout ledit cest article,
estât en seurete et hors de dan-
ger et destre surprins de ses voi-
sins et ennemis, Sa Majesté paye-
ra et entretiendra de ses propres
deniers audit Sieur Duc deux mil
hommes de pied de garnison or-
dinaire, que ledit Sieur Duc dé-
partira par ses places, ainsy que
bon luy semblera.
le
283
Duc trouve bon
4. — Et, oultre cela, baillera
audit Sieur Duc de Ferrare cent
hommes d'armes du nombre des
vieilles bandes et ordonnances
de France, dont ledit Sieur Duc
sera chef et capitaine, que Sa Ma-
jesté fera payer sur son ordinaire
par quartiers, de troys moys en
trois moys, en temps de paix et
de guerre, a la solde accoustumée
des autres, avec les estatz et ap-
poinctement de cappitaine, lieu-
tenant ou enseigne, laquelle com-
paignie de cent hommes d'ar-
mes, ledit Sr Duc pourra faire
d'Italiens, ses subjectz et autres,
comme il luy semblera bon, et
demeureront dans les pays dudit
Sieur Duc en garnison, despartis
dans sesdites places comme bon
luy semblera.
Il a aussi trouvé bon cet ar-
ticle.
5. — Que Sa Majesté baillera
audit Sr Duc pouvoir, par lettres cle.
patentes, de Lieutenant général
de sadite Majesté en toute l'Ita-
lie, avecq ample autorité de com-
mander a tous les gens de guerre
tant de pié que de cheval, faire
lever, casser et remettre, traicter
et accorder au nom de Sa Majesté
toutes ligues, accordz, traictez,
Il a trouvé bon tout cest arti-
284
NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [MARS 1553]
trefves et suspensions d'armes-
avecq quelconque prince et po-
tentat que ce soit, et selon les
occurences qui se présenteront,
faire dons et presens, ordonner
des finances et de toutes les des-
pences ordinaires et extraordi-
naires, comme ont accoustume
tous autres lieuxtenans de Sa Ma-
jesté, avec promesse que autre
prince ni gentilhomme, que le
Roy voulut envoyer en Italie, ne
pourra commander audit Sieur
Duc, saouf et réservé la personne
de Sa Majesté le Daulphin ou
aulcun de Messeigneurs les en-
fans du "Roy.
6. — Que pour aider au s1' Duc
a porter la despence quil sera
contraint de croistre pour la
conduicte desdictes affaires, Sa
Majesté luy donnera de pension
ordinaire, et pour son plat (1), la
somme de xvinm escus par an,
qui est a la raison de mil cinq
cens escus par moys, par le tré-
sorier de l'extraordinaire, estant
en Italie, par sa seule quittance,
comme est accoustume aux au-
tres lieuxtenans.
Monsieur le Duc a dict que l'on
eust bien autant donne au Duc
d'Urbin et qu'on luy pourroit
bien donner n"' ecus par mois,
mais qu'il ne voudroit pas a cela
qu'on ne lusi d'accord.
7. — Que pour soulager ledit
Sieur en si grandes affaires, et
luy bailler personnes d'honneur
et dexperience au faict de la
guerre, sur lesquelz il se puisse
reposer et descharger d'une par-
tie desdites affaires, sera faict
toute diligence daccommoder au
Monsieur le Duc dict que le
vray liltre du sieur Camille doil
estre Lieutenant du Roy en Tos-
cane, et Monsieur de Termes en
Lombardie. et allant a la guerre
comme deux ne se desdaigne-
ront pas de mener soubz luy
lavant garde, et que le Sr Camille
i Expression ancienne, prise dans le sens de bénéfices, d'émoluments, l'ar
exemple: « Monseigneur de Guise pour son plat 1000 livres». Bibl. nat., Ft.
10395, fol. 6. Comptes de l'armée du duc de Guise en 1581 .
[MARS 1553] APPENDICE
service du Roy le Sr Camille Ur-
sin(l),luybaillanttiltre et qualité
de Cappitaine général des armées
du Roy ou de Lieutenant du Roy
en Toscane, avec xm escus de
pension, et sera aussi accom-
modé, au service dudit Sieur, le
sr Baptistin Strossy, avec pen-
sion de nm imc escus par an, et
tiltre de commissaire général, et
superintendant sur les monstres
veues et reveues des gens de
guerre, pour lexpérience et gran-
de suffisance dont ledit sr Duc
le congnoist.
285
doit avoir une compagnie d'hom-
mes d'armes pour ce quil en
avoit une des Vénitiens. Quant
au sr Baptistin, que c'est le plus
digne maistre de camp qu'on
puisse trouver en Italie, et quil
luy fauldroit ce tiltre avec la
superintendance des monstres.
8. — Que, advenant que Sa
Majesté face guerre offencive et
veuille faire conqueste en la Du-
ché de Millan, au pays de Lom-
bardye, en la Toscane, ou au
Royaume de Naples, s'il advient
avec l'ayde de INostre Seigneur,
il face conqueste desdits pays ou
partie diceulx, Sa Majesté sera
contente pour agrandir Testât ou
maison de Ferrare et recongnois-
tre l'amytié et bienvueillance,
confirmées par tant d'alliances,
proximité de sang, comme elle
est aujourd'buy, estans les en-
fans dudit Sieur Duc, filz d'une
fille de France, Sa Majesté bail-
lera en mains dudit Sieur Duc,
pour en jouir a jamais luy et les
siens: C'est assavoir en Lombar-
dye la ville de Crémone et les
places et chasteaulx en depen-
dans. En la Toscane, les villes de
Pise et de Ligorne (2), et au
Royaulme de Naples le pais et
Ledit sr Duc dit que pour se
mettre, luy et son estât en dan-
ger, il mérite bien Crémone sans
paiement ne sans la luy faire
achepter, qu'on luy en a donne
autrefois l'intention. Quant aux
autres, il s'en remet toujours a
la bonne vollonté du Roy.
(1 Camille» Pardo Orsini.
(2) Livourne.
286
NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [MARS 1553J
villes de l'Abbrucio, en payant
néantmoings par ledit sr Duc a
Sa Majesté ce que lesdites terres,
villes et pais seront estimez de
valleur, a raison de dix pour
cent du revenu d'icelles, aussy
tost qu'il se trouvera possesseur
pacificque et jouissant des dites
villes par la conqueste et forces
du Roy.
9. — Et, réciproquement, ledit
sr Duc, pour continuer et persé-
vérer en l'amityé et servitude
que les Ducs, ses prédécesseurs
et ancestres, ont toujours eu
avec la maison de France, de
laquelle ils ont toujours receu
l'honneur et faveur en leurs affai-
res, ou recongnoistre en partie
la faveur et amityé qu'il plaist au
Roy luy porter et a sa maison,
se déclarera ouvertement servi-
teur du Roy, promettra et s'obli-
gera servir Sa Majesté en temps
de guerre et de paix de sa per-
sonne et de son estât, pais, terres
et seigneuries, villes, places for-
tes et plat pays, pour en icelles
laisser entrer Sa Majesté, ses
serviteurs et ministres, y faire
masse de gens et armes, aller,
passer et revenir fortz et faibles,
selon que le temps et l'occasion
le requerra, bailler et administrer
vivres, logis et toutes autres com-
moditez possibles, en paiant tou-
tesfois et vivans sans desordres,
ne faire excedz, et demeurons
toujours lesdictes gens de guerre
soubz l'obéissance dudit s' Duc.
Monsieur le Duc n'a rien trouvé
de mauvais en cet article.
10. — Que ledit sr Duc se dé- Il n'a rien trouve de mauvais
clarera amv des amis du Roy, en cest article, et jt> luy a\ «lit
franchement- que sur ces motz
S' Siège ny S1 Empire, le Pape
n'y l'Empereur ne sont pas
exceptez.
Il n'a rien trouvé mauvais en
cest article.
[mars 1553] appendice 287
ennemy desennemys, sans aucun
en excepter, sauf et réservé le
S1 Siège Apostolicque et le Saint
Empire (1), desquelz il veult de-
meurer toujours bon vassal, et
ne permettra en temps de guerre
que les ennemis de Sa Majesté
ayent passage, vivres et commo-
ditez quelconques en sesditz
pays, terres et seigneuries.
11. — Que, advenant que Sa
Majesté vueille faire guerre offen-
sive et conqueste ausdictz pays
de Naples, de la Toscane et de
la Lombardye, ledit sr Duc pro-
mettra de bailler et consigner
entre les mains des ministres du
Roy, dix canons, quatre couleu-
vrines (2), quatre sacres (3) et
quatre gorfalques, avec autres
sept pièces de campagne, mon-
tées et équippées, de leurs afl'ustz
et eqnippages nécessaires, a la
charge que Sa Majesté sera tenue,
dans deux moys après, que la
guerre sera finye, les luy rendre
dans Ferrare en la mesme bonté,
qualité et equippagequil les aura
délivrez, et sy elles estoient gas-
tées, esventées ne empirées, les
fera reffaire et refondre, aux des-
pens de sadite Majesté. Et s'il
s'en falloit ou perdoit aulcune,
sadite Majesté sera tenue payer
pour canon la somme de ,
pour couleuvrine (4) , et pour
les autres pièces
(1) Saint Empire Romain : .litre <|ue porta l'ancien Empire d'Allemagne depuis
le xe siècle jusqu'en 1806.
(2) Couleuvrines : sorte do petits canons. En général, les pièces d'artillerie
recevaient des noms d'animaux, tels que dragons, serpentins, sacres, fauconneaux,
etc.
(3) Voir annotation ci-dessus.
(4) Mots en blanc dans le texte.
288 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [MARS 1553]
12. — Que ne pouvant. Sa Ma- Il a esté content,
jesté, recouvrer d'ailleurs et
promptement pouldres, boulletz
et autres munitions d'artillerye,
ledict sr Duc en accommodera des
siennes. Sa Majesté en payant
raisonnablement ce qu'elles val-
lent.
13. — Que Sa Majesté essayera,
par toutes voyes bonneste. lici-
tes et honnorables, de recouvrer
du Duc Octavio de Farneze la ville
de Parme et estât du Parmezan,
en luy baillant bonne et suffizante
recompense, au autrement et en
cas quil se puisse trouver expé-
dient, que, avec le contentement
dudit Duc de Parme, ledit estai
tombast entre les mains de Sa
Majesté, en ce cas elle promet
de le bailler et mettre en mains
dudit Sieur Duc de Ferrare, el
len faire Seigneur et possesseur,
pour en jouir, luy el les siens, en
payant, par ledit sr Duc a Sa Ma-
jesté, telle somme de deniers
quil sera advise et raisonnable,
eu esgard a la valleur et juste
estimation dudit estai. A la charge
de recongnoistre pour Seigneur
souverain ledit Sr Roy et de luy
jurer et promettre serment et
debvoir de bon et loyal vassal.
14. — Que ledit sieur Duc,
avant qu'entrer en déclaration
manifeste, esseyera de 1ère tout
office et plain debvoir de persua-
der le Pape et la Seigneurie de
Venise, avec l'aide des ministres
du Roy, de voulloir entrer en
ligue et confédération deffensive
ou offensive avec sadite Majesté,
Il désire fort, sur cet article,
entendre l'intention du Roy et
de Mr le Connestable.
Il a trouvé bon cesl article.
[MARS 1553^ APPENDICE 289
en laquelle ledit Sr Duc de Fer-
rare entrera avec les conditions
qui seront advisées et conclues,
demeuransneantmoings, ces pre-
sens articles, secretz en leur en-
tier.
15. — Et la ou il adviendroil H n'a rien trouvé mauvais en
qu'ilz en fussent refusans et que cest article.
Sa Majesté fut contraincte venir
a guerre contre les estatz et pais
de l'eglize et des Vénitiens, et
que sadite Majesté auroit conquis
villes, places et pays de leurs
dits estais, sera restitué de lad
conqueste audit sieur Duc toutes
les places et pays sur lesquelz il
a droict et prétentions, et qu'il
prétend luy estre usurpées par
les Vénitiens, et si Ravenne et
Cervie tombaient entre les mains
et puissance du Roy, sadite Ma-
jesté en accommodera ledit >r
Duc et le mettra en ses mains.
pour en jouir luy et les siens, en
faisant pareilles remonstrances
et vassal de Sa Majesté, et payant
a sadite Majesté, pour partie de
la despence qu'il aura portée aus-
dites guerres, ce que lesdites
places seront estimées a raison
de dix pour cent du revenu.
16. — Que ledit sieur Duc \\ a trouvé bon tout cest arti-
n*entrera en aulcune déclaration cie.
ny ces présens articles ne seront
aucunement obligatoires et n'au-
ront aucune force ne vigueur.
jusques a ce que sadite Majesté
aura faict passer en Italie tel
nombre de Suisses, d'bommes
d'armes etsoldatz français, qui,
joinctz avec les Daliens qui sont
de présent au service du Roy, Sa
290 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABFŒ [MARS 1553]
Majesté soit maistre de la cam-
pagne pour lever le siège de
Sienne, et avecques moyen d'of-
fencer et dassaillir les eslatz des
susdictz ; et que pour lentretene-
ment de ladite armée. Sa Ma-
jesté ave consigné et faict fons
a Venise, a Ferrare, ou a Rome
de quatre cens mil escuz comp-
tans pour entretenir ladite armée
troys moys.
17. — Que sy Sienne, cepen-
dant, venoit a estre perdue, et
entre les mains de l'Empereur,
et que sa dite Majesté ne voulut
faire entreprise en Italie, ne au-
trement se prevalloir, en cest
esté prochain, de la faveur de
l'armée de Levant, qui esl atten-
due et qui fera Sa Majesté supe-
rieure de la mer. et. par ce
moyen, luy rendra toutes entre-
prises aisées et facilles on Ita-
lye. en ce cas la, ledit s' Duc ne
entend estre tenu a aulcunes
choses contenues en cesdilz pre-
sens articles.
Il a trouvé hon tout cest arti-
cle.
18. — <Jue Sa Majesté no
pourra faire traicté 'le paix, tref-
ve, ne autre forme daccord avec
lEmpereur, nv princes Italiens.
que ledit Seigneur Duc ny -<>it
comprins comme principal con-
trahanl, luy. son pays el -es suh-
getz.
Il a trouvé hon cest article, y
adjoustant que quand le Ro\ lui
aurra l'ailly de promesse en quel-
que chose, il entend estre deso-
blige de tout le contenu en ces
articles.
Ferrare le Ireiziesme mars mil cinq cens cinquante trois.
Bibl. nat.. collection Loménie de Rrienne, vol. 6, fol. I6»\
[novembre 1553] appendice 291
PROCURATION DE HENRI II A GABRE
2. — [Fontainebleau], 28 novembre 1553. — Henry, par la grâce de
Dieu, Roy de France, a tous ceulx que ces présentes lettres verront,
salut. Comme nostre très chère et très amée compagne la Reyne,
ayant entendu que, a Venize et ailleurs en Italye, aucuns se seroient
présentés a nos ministres pour nous secourir et ayder par prest de
certaines bonnes et notables sommes, pour subvenir aux besoins de
nos affaires de guerres et aux grandes et inestimables despences
que nous avons a supporter et conduire en les assignant, asseurant
de leurs payements et rembourcements, avec honnestes proufict et
interest sur nos domaines, aydes, fermes et gabelles de Lyonnois
dont ils demandent leur estre faict vente et aliénation, les aucuns
au denier douze, les autres au denier quatorze, ou plus ou moins,
selon les sommes quils nous presteront. Et considérant nostre dite
compaigne quaudit pays de Lyonnois, nous n'avions moien, pour
les aliénations précédentes, de leur bailler assignation, ne asseurance
de leurs dicts payements, et rembourcements, elle nous avoit sup-
plyé et requis de nous voulloir ayder de tout ce qu'elle a, et tient et
possède, de bien immeuble-immeuble par succession de ses feu
père et mère, en nostre pays dÀuvergne (1), voisin dudit Lyonnois
et ailleurs pour le vendre, aliéner, engaiger et en disposer comme
de nostre propre, ou autrement la voulloir autoriser pour ce faire,
affin de nous bailler les deniers quelle en pourra tirer et recouvrer,
laquelle authorisation nous luy aurions a sa très instante requeste
accordée, au moyen de quoy elle auroit décerné ses lettres de pou-
voir et procuration specialle a noz amez et féaux les Eveques de
Lodève et sieur de Selve, nostre conseiller maistre des requestes
ordinaire de nostre hostel et Ambassadeur devers la Seigneurie de
Venise, et a chacun d'eulx, l'un en l'absence de laultre, pour et en
son nom, authorisée de nous comme dessus, vendre, alliener et
engaiger a telles personnes et pour tel prix et sommes de deniers
que l'on pourra trouver, les biens, comtes, baronnies, terres et pos-
sessions qui luy appartiennent de son propre et par succession de
ses dicts feu père el mère, tant es pays d'Auvergne, que ailleurs ou
besoin sera, et dautant que ceux avec lesquels on conviendra des
venditions, transportz, aliénations el engaigemens des terres de
nostre dite compaigne pour en recouvrer argent, voudront par
(il Henri II avait délaissé à Catherine de Médicis, le 12 juillet 1549, la jouissance
des domaines qui lui étaient échus de la succession de ses père et mère. Cathe-
rine avait pour mère, on le sait, .Madeleine de la Tour d'Auvergne, qui possédait
la baronnie de La Tour.
292 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE '.NOVEMBRE 1553]
adventure avoir de nous quelque seuretés, promesses et obligations
pour l'entretenement et observation des choses qui traictées, passées,
et accordées sur lesdiles ventes, cessions, transportz et aliénations,
et engaigement a eeste cause est besoin et requis, commectre et
députer de nostre part aulcuns bqns el notables personnaiges avec
suffisant pouvoir de nous a ceste fin, scavoir taisons que nous con-
sidérant que nous ne scaurions faire meilleure élection pour cesl
efîect que des personnes desditz Eveque de Lodeve et Sieur de
Selve, pour la bonne et entière confiance que nous avons de leur
personnes e! de leurs sens, vertu, probité, loyaulté, expérience et
bonne dilligence, iceux et chacun d'eulx en l'absence de l'aultre,
avons commis, ordonne et deppute, commettons, ordonnons et
depputtons par ces présentes, avec plein pouvoir, autorite, com-
mission et mandement spécial, pour et en nostre nom, convenir
avec les marchans Italyens el autres, qui, par engaigement, consti-
tution de renie, vendition ou allienation, voudront avoir et prendre
desdites comtes, terres et seigneuries appartenant a nostre dite
compaigne, et leur faire et bailler par nous el en nostre nom imites
les promesses, seureté, obligations, qui seront et verront estre a
faire, et dont ils seront requis el recherchés par lesdits presleurs
et acquéreurs pour l'entretenemenl el observation des choses qui
seront traitées, passées el accordées sur les susdites ventes, aliéna-
tions el engaigemens, loul ainsi que nous mesmes ferions el l'aire
pourrions si presens y estions en personne ; jacoyt que le cas re-
quisl mandement plus spécial que en ces présentes n'esl exprimé.
Promettant en bonne foi et parolle de Roy par cesdites présentes
signées de nostre main, el su. bs 1 obligation el hypothèques de tous,
et chacuns nos biens meubles el immeubles presens el advenir
avoir agréable et tenir terme el stable el ratifier en la meilleure
forme que taire ce pourra, toul ce que par nos dicts depputes aura
este faict, promis, accorde el asseuré pour non-, el en nostre dict
nom ausdits presleurs et acquéreurs ou leurs procureurs el deppu-
tes es choses dessusdite-, leur- circonstance el deppendances, sans
jamais aller ne venir directemenl ou indirectement, au contraire,
en quelque manière que ce soit : en outre, promettons encore, que
si besoin est, el requis en sommes que nous ferons omologuer el
enregistrer en nos Courts de Parlemenl el Chambre de nos Comptes
ces dites présentes, ausquelles en tesmoin de ce nous avons laid
mestre nostre scel.
Donne a Fontainebleau le vingl huictiesme jour de Novembre
l'an mil cinq cens cinquante trois de nostre règne, le septiesme.
Signé : Henry.
Sur le reply, l)i nui h, el scelle en double queue de cire jaune.
Ois de Grenoble, tel. L9 v° .
[septembre 1554] appendice 293
NOMINATION DE GABRE A L AMBASSADE DE VENISE
3. — Compiègjie], 5 septembre 1554. — Monsieur de Lodesve,
vous entendrés, par le sr de S1 Luc I . gentilhomme de ma cham-
bre, ce que je luy ay donne charge de dire el de faire es lieiiN et
endroicts nu il vu. car il vous communiquera les mémoire et instruc-
tion bien amples que je luy ay faicl bailler, vous [triant le croire en
cest endroicl comme moy mesrne, et avoir au surplus en toute
recommandation que vous avez eu jusques icy le mesnaigement de
nos despences de delà, pour le bien de mon service et la conduitte
de mes affaires, car vous voyes quil en est plus temps et saison que
jamais.
Au demeurant. Monsieur de Lodesve, voyant que le besoin et la
nécessité de mesdictes affaires requièrent que j'ay un Ambassadeur
a Rome auprès de uostre S Pène, et que quant bien le sr de Lanssac
n'auroit esié pris prisonnier (2), comme vous m'avés cscript en
avoir eu advertissement, si est ce .que je vouldrois bien l'emploier
ailleurs que la; a cesl ■ cause, j'escrips présentement au sieur de
Selve quil sen aille le plustosl quil pourra, audit itome pour y résider
mon ambassadeur et en son lieu j'ay advisé de vousenvoier a Venise
pour y faire semblable résidence, avec charge de mon ambassadeur
devers la Seigneurye, a laquelle j'en escrips par une lettre que j'ai
envoyée audict sr de Selve. faisant mention de ra revocquation et
de l'eslection que jay faict de vous pour tenir sa place, dont jad-
vertis aussy mon oncle. .Monsieur le Duc de Ferrare. et que ceste
charge ne vous empeschera point de satisfl'aire a celle que vous
1 Valeran d'Espinay de Saint-Luc. Il fut envoyé de Rome à Sienne en 1554,
au mois d'octobre, par les cardinaux Farnèse et du Bellay. Voir lettres de^lils
cardinaux, Bibl. nat . Fr. 20447, fol 2-25 .
Saint-Luc vint à Montalcin, vit Strozzi, entra dans Sienne, et écrivit au roi.
(Bibl. nat., Fr. 20642. toi. 36). — Il devint plus tard gentilhomme de la Chambre
du Roi et maréchal de camp dans l'armée que le due de Guise conduisit en Italie.
(Bibl. nat . Fr. 10395. Comptes de l'armée du duc de Guise'. — Voir aussi
Montluc, édit. de Ruble, t. iv. p. 17 .
2 Le maréchal rie Brissac, sachanl Montluc en détresse, avait mandé un
courrier à Borne pour donner ordre à M. de Lansac de venir le rejoindre à Sienne.
Fn arrivant à Montalcin, Lansac reçu! l'avis de continuer sa route à pied sous
l'escorte de deux gardes et d'un de ses serviteurs : mais, comme il était sur le
point d'atteindre Sienne, des soldats ennemis s'emparèrent de lui et le condui-
sirent au marquis de Marignan qui le retint prisonnier, jusqu'à la tin delà
guerre, à Florence, ou il lut traité, non en diplomate, mais en espion. {Com-
mentaires de Montluc. edit. de Ruble, t. iv, p. 468 .
Ribier (t. il, p. 531-34 indique, clans une lettre du cardinal d'Armagnac au
Connétable, la date du ]s août 1554 comme celle où se passa cet événement.
294 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [1555]
aves eu jusqu'icy auprès de luy, car elles sont deppendantes l'une*
de l'aultre, et quand il sera besoin vous le viendrés tousjours trouver
pour négocier avec luy ce quil s'offrira, estimant que pour vostre
absence dudict Venise, ainsi par bouttées (1), mes affaires et ser-
vices n'en pourront porter ne souffrir aucun préjudice ne dommaige,
par quoy vous regarderes a vous préparer, pour faire ce voyage et
en suivre en cest endroict mon voulloir et intention, priant Dieu,
Monsieur de Lodesve, quil vous aye en sa très saincte et digne
garde.
Escript a Compiegne le cinquiesme jour de septembre 1554.
Signé : Henry,
et plus bas : Dlthier.
Monsieur de Lodesve, j'ay depuis ceste lettre escripte advisé
de mander au sr de Selve que, au cas que ledict sr de Lanssac ne
fust prisonnier, il ne parte point de Venise jusques a ce quil ayt
autres nouvelles de moy, car je veux bien faire entendre première-
ment audict sieur de Lanssac mon voulloir et intention et ce quil
aura a faire, par quoy il fault que, sellon ce que jay escript audit
sieur de Selve, vous vous gouvernés et ne faictes ne plus ne moings
que luy, et quant aux mémoire et instruction quil vous fauldra. je
vous les envoyeray cy après.
Signé: Dutuier.
(Ms de Grenoble, fol. 82 r).
4. — 1555. — Mémoires destat de ml;ssire jean de morvilliers
eveque d'orléans (2)
Discours sur les affaires qui se sont passées avec le Duc de Ferrare
en Ijôj
Il se résolut donc [le Duc de Ferrare , pour toutes ces causes,
de prendre partye avec lo Roy, sil le pouvoit avoir tel quil !•> reque-
roit, et ceste sienne délibération communicqua premièrement a
lEveque de Lodève, résidant lors a Ferrare, par commendemenl «lu
Roi, pour le fait des finances ou l'on avoit souvent besoin- de l'ayde
dudit Duc, lequel avoit tant acquis a son service ledit Eveque de
(1) Bouttée : secousse, intervalle. (Voir Lacurne de Saintk-Palaye, Gtossati*
de l'ancienne langue française).
(2) Sur ce personnage, voir l'ouvrage de M. Bagubnauli db Puchbsb : ■ /MM
de Morvillers, évêque d'Orléans, ganir des sceaux de France», 1 vol. in 12. Paris,
Didier, 1870.
[1555] APPENDICE 295
Lodeve quil se monstroit autant affectionné envers le Duc qu'au
service du Roy et, à la vérité, ses actions en ont donné plus de
preuve qu'il ne f au droit pour son honneur et pour le bien du service
du Roy. LEveque de Lodeve prit en main la conduite de celte pra-
tique sur les arres quil avoit ja, car le Roy luy avoit donné charge
qu'estant a Ferrare sondast toujours la volonté dudil Duc, le persua-
dant, selon les occasions qui se présenteroient, d'entrer en l'unyon
avec Sa Majesté. Aussi ledit Eveque escrivit lors au Roy quil trou-
voit le Duc bien disposé a prendre party. pourveu que ledit party
fut honnorable et qu'il eut moyen, en se déclarant, de maintenir son
estât en seureté. Le Roy ayant reçeu la lettre de lEveque de Lodeve,
quil estimoit procéder en ceste affaire avec la loyauté dung fidèle
serviteur, luy respondit que service plus agréable ne pourroit luy
faire que persuader le Duc de Ferrare a prendre party avec luy,
quil ne vouloit espargner condition aucune, soit pour l'honneur,
ou maintenir ses estatz en seureté, laschant ainsi la bride audit
Eveque de Lodeve de traitter avec le Duc a telles conditions, qu'il
verroit pour bien de son service. Ledit Eveque ayant cette lettre du
Roy fit une capitulation avec ledict Duc contenant en substance
les articles qui en suivent
finalement, par ce benoist traité, le bon eveque obligeoit le Roy a
mettre une grosse somme de deniers en dépôt dans la ville de Fer-
rare, pour subvenir promptement au Duc s'il en avoit besoing, et en-
voya au Roy cette capitulation comme ung beau chef d'œuvre donl
l'autheur méritoit louange et rémunération, commémorant par ses
lettres la difficulté qu'il avoit eue a renger le Duc a cette raison.
Le Roy ayant veu cette capitulation, la trouva merveilleusement
estrange et, contre toute expectalion, si fit Monseigneur le Conné-
table. En premier lieu, il n'avoit jamais pense prendre le Duc comme
serviteur, mais bien comme prince allié et amy. le recevoir a condi-
tion honorable pour tenir son party, et moyennant ce, prendre aussy
la protection de ses estatz. voire aussi luy promectre secours cer-
tain le besoing occurent, et l'ayder de quelque raisonnable somme
de deniers pour la garnison de ses villes
On fit entendre doucement au Duc de Ferrare que 1p Roy eut bien
désiré pouvoir accepter ce quil requéroit pour ladite capitulation,
mais que ces charges estoient si excessives, et les finances dudit
Seigneur si foibles, qu'elles n'en scauroient porter la moitié, quant
ores il seroit deschargé de plusieurs autres despenses quil estoit
forcé de soutenir, quil avoit, grâce a Dieu, en celle guerre non seul-
ement résisté, mais endommagé son ennemy, et quil esperoit avec
l'ayde de Dieu garder son advantage, voire le croistre, et essaieroit
296 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE "15551
de se passer de compagnie si chère
On escripvit alEveque de Lodeve assès aigrement (1), avecblasme
de sa témérité et peu de considération quil avoit eue en sadite capi-
tulation, ou il s'etoit déclaré si avant pour le Duc de Ferrare, que
s'il eust esté son serviteur, il n'eust peu faire mieulx pour luy ny
pis pour le Roy. En conclusion, on luy fit entendre que le Roy ne
vouloit plus quil s'entremist de telles praticques, et que ledit Sei-
gneur se sentoit très mal servy de luy pour cette fois, ainsy de-
meura ledit Duc frustre de ses demandes. L'Eveque de Lodeve, qui
de tout temps avoit été nourry a la cour et connoissoit les humains,
usa de tels artifices pour rabiller sa faulte quil en fit oublyer la mé-
moire nuits jours après, combien qu'elle fut lourde et notable, que
le ministre qui l'avoit commise meritoit, a vray dire, plus grand châ-
timent que destre honteusement desmis de sa charge. Toutteffois,
on le laissa à Ferrare (2) sous couleur quil étoit agréable au Due.
lequel luy montrent une grande privaulté et se laissnit. en appa-
rence, persuader, a ses prières mesme, ou il estoit question démet-
tre la main a la bourse pour secourir les affaires du Roy, et estoit
vrai, mais qui entendroit bien les moyens, et les causes intrinsèques
de ce gouvernement trouveroit qu'il y avoil plu- de perte (pie de
gaing pour le Roy, car si Ton doibt adjouster foy eu gens de biens
et clairvoyans qui traittoient lors les affaires ;i Rome et a Venise,
ils sapercevoient chacun jour que lEveque de Lodeve ne scavoit rien
de si secret et si important au service du Roy qui! ne le communic-
quat au Duc de Ferrare, qui nen recueillil pas une petite utilité, en
ce temps la, car encore quil aymal mieux le Roy que lEmpereur,
si estoit il si jaloux de ce que Ion pouvoil toucher, ou il pensoit que
noz entreprises pou voienl approcher le feu de sa maison ou autre-
ment le mettre en dépense, il savoil dextrememenl et soubzmain
faire rompre noz desseings, l'expérience l'a montré plus d'une fois,
Au moyen de quoy, ceulx la mêmes qui estoienl les plus proches et
aray d'iceluy Duc, serviteurs du Roy, ayant aperçu cela quand ils
vouloient après entreprendre aucune chose sans le sceu du Duc de
Ferrare, ne le communicquoil audit eveque de LodeA e, e si ans ass
rés, comme ils disoient, que ledit Eveque de Lodeve ne savoil rien
qu'il ne le communicqua au Duc.
Bibl. ait.. Fr. 5i72, fol. 26 .
(1) Nous n'avons trouvé, malgré nos recherches, aucune lettre adress
Gal>n\ qui tut conçue dans les termes de blâme indiqués par Morvillers.
(2) Ici, ainsi qu'au commencement de ce mémoire, Morvillers fail résider
l'Hvéque de Lodeve à Ferrare. Or, depuis le mois de septembre 1584, du Gabre
était pourvu de l'ambassade de Venise.
[avril 1556] appendice 297
5. — [Amboise], 12 avril 1556. — Mémoire pour répondre et replie-
quer a Mv le Duc de Ferrure, de la pari du Roy., sur ce que Mr le
Prince son fils{\ a de la sienne dit et expose de sa part.
Le Roy ayant entendu ce que Mr le Prince de Ferrare luy adict et
expose de la pari de M. le Duc, son père, suivant le contenu en une
lettre que ledit sieur Duc a escrit a son ambassadeur, estant par
deçà, sur ce quil a entendu par le sieur de Ramboillet, que Sa
Majesté luy avoit despeché lois de la conclusion de la trefve (2),
s'est grandement esmerveillé des malcontentement, confusion et
desesperation, ou iceluy sr Duc dict estre entré, de ce que sadicte
Majesté ne luy veut, comme il estime, continuer et observer la cap-
pitulation quil luy a pieu ratiffier, par escripturepublicque, et auten-
tique, signée de sa main et scellée de son scel, pour a quoy luy res-
pondre le Roy ne luy veult user que de raison commune, sans autre
artifice de remonstrances et persuasions. L'on seait bien que toutes
promesses et obligations sont faictes avec fondement, selon les con-
ditions accordées entre les contractans, et dont l'elfe et et exécution
se remettent, ou a présent ou au futur, avec le temps et l'occasion,
ainsi quil est dit et porté par les traictes qui en sont passés.
Le principal fondement de la cappitulation faicte avec ledict sr
Duc est la ligue offensive et défensive traictée avec nostre S' Père
le Pape, de laquelle Sa Majesté luy doibt faire bailler la charge et
autorité de Capitaine général, et davantage le faire son Lieutenant
général en Italye, hormis le Piedmont. En considération desquelles
charges, et pour aucunement luy ayder a porter la despence quil luy
conviendroit croistre et augmenter pour raison d'icelles, il luy de-
voit estre baille et paye par chacun mois deux mil escus de pension,
luy promettant, sadite Majesté, outre cela, le prendre en sa protec-
tion avecq ses personnes, estât et pays. Or, si depuis cette cappitu-
lation la trefve est intervenue entre l'Empereur, le Roy d'Angle-
terre (3) et le Roy très Cbrestien, laquelle suspend l'exécution du
traite de ladite ligue, quant a l'offensive pour le temps que ladite
trefve doibt durer, qu'est ce quil se peult maintenant faire et obser-
ver quand aux poinetz cy dessus touchés, car, pour le regard des
charges de Lieutenant gênerai du Roy et de cappitaine général de
1 ! Ligue, encores que Sa Majesté advoue qu'elles sont affectées audit
(1) Alphonse, fils aine du duc de Ferrare, était reparti pour la France avec le
consentement de son père, dès qu'il avail entrevu l'éventualité d'une nouvelle
guerre. (Voir Rodocanachi, Renée de Frimer, p. 273 .
(2) La trêve de Vaucelles, 5 lévrier 1556.
(3) Philippe II, époux de Marie Tudor.
298 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE "AVRIL looH'
sr Duc, venant a l'exécution de ladite ligue, si est ce qu'elles ne se
peuvent cependant exécuter, ny ayant armes n'y forces assemblées,
ne pareillement autres actes a exploicter deppendans de l'autorité
d'un Lieutenant et cappitaine général, et par ainsy, iceluy sr Duc n'a
été et n'est aucunement contrainct de croistre et augmenter sa des-
pence pour raison d'icelles charges, et, par conséquent aussi, il ne
peult demander ce qui luy avoit été accordé pour cet effect, qui
sont lesdits deux mil escus par mois, mais se retrouvant les choses
au temps et avec l'occasion qu'elles pourront avoir lieu, il ne fault
point quil face doubte que tout ce qui luy a esté promis par la cap-
pitulation ne luy soit inviolablement observé et entretenu.
Reste seulement, cependant, le faict de la protection, laquelle, dès
maintenant et pour toujours, le Roy veult observer audict sr Duc,
ainsy quil luy a fait entendre par ledict sr de Ramboillet. l'asseu-
rant que, au cas quil soit assailly ou offensé, en quelque lieu et
endroit de son estât, ou autrement par quelque prince ou potentat
que ce soit, Sa Majesté avec ses forces, voire jusques a sa propre
personne, s'il estoit besoin de la y employer, le deffendra. main-
tiendra et conservera envers et contre tous. Et combien que ledit
sr Duc ne doibve aucunement doubter que l'on luy vueille courir
sus, ne entreprendre sur son estât si la foy dos princes est invio-
lable, puisquil est comprins dedans la trefve, tant de la part de
l'Empereur et du Roy d'Angleterre que de celle dudit sieur Roy très
Chrestien ; toutesfois, sadite Majesté pour luy maintenir sadite pro-
tection, l'asseurerde l'effeet dicelle, et luy aider a aucunement sup
porter la despence quil pourroit faire pour augmenter la garde de
ses places ou autrement s'asseurer de quelque doubte ou soupçon
ou il pourroit être entré, pour avoir cappitulé avec le Roy, qui désire
singulièrement recognoistre la grande démonstration qui1 ledicl sT
Duc luy a faite de l'entière affection et dévotion quil luy porte s'ac-
commodant capitulation, dont néanmoins ilnes'esl encores ensuivy
aucune exécution, lui a accorde et accorde les cinquante mille livres
de pension par an, avec la compagnie de cenl hommes d'armes dont
il doibt estre le chef, selon ce que ledit sr de Ramboillel luy a fait
offrir, sadicte Majesté, a laquelle il semble, par le dire et jugemenl
de tout homme d'expérience, raison el équité que iceluy sieur Duc
a très bonne et juste cause et occasion de s'en contenter, sans, pour
le présent, aucunement répeter les autres particularités de ladicte
capitulation, mesme pour ce quil touche l'entretenemeni des gens
de pied et de cheval pour la garde desdites places, a quoy, par les
raisons dessus dielz. el par ce que le Roy laid maintenant pour
ledict sieur Duc, Sa Majesté pense avoir suffisamment satisfaict, en
attendant que le temps et l'occasion se présentent, que ledit sieur
Duc en puisse raisonnablement faire instance, venant a l'exécution
[octobre 1556] appendice 299
du traité de la ligue, ou bien au cas qu'il fut offensé ou assailly en
son estât.
Et au regard de la response que ledit sieur Duc a faite sur ce que
ledit Rambouillet luy a propose, que le Roy vouloit qu'il eust dores-
navant la communication et participation de toutes ses affaires
d'Italie, il doit entendre que, ce que sadite Majesté en a faict, n'a
esté que pour la parfaite et entière confiance qu'elle a en luy et
pour la grande estime qu'elle a tousjours faict de ses vertus, pru-
dence et bon jugement, dont elle s'étoit pensée prévaloir a la con-
duite et direction de ses affaires, et non point pour le faire compaignon
de ses ambassadeurs et ministres, comme ledit sieur Duc a voulu
dire par sa lettre, car le Roy n'ignore pas sa qualité, et puis voiant
que, pour le temps ou nous sommes, il ne pouvoit mieux accom-
moder le tiltre de son Lieutenant général, qui demeure sans exer-
cice durant ladite trefve, ainsi que dict est que de bailler a icelluy
sieur Duc l'intelligence de sesdites affaires, il a bien voulu que, par
sesdits ambassadeurs et ministres, il luy en fust rendu compte
comme à son superintendant sur iceulx.
Signé : Henry.
Et plus bas: Faict a Amboyse le douziesme avril 1556, après
Pasques.
Signé: Duthier.
<Ms de Grenoble, fol. 8 r°).
MONTMORENCY A GABRE
6. — [Paris], 1 1 octobre 1556. — Monsieur de Lodesve, j'ay faict
veoir au Roy ce que vous m'avés escript du vingtquatriesme du
mois passe, dont il a esté très ayse, et mesme pour Tordre que vous
avés donne a faire tenir des deniers du depost a Rome ou l'affaire se
présente selon que vous scavez. 11 est vray, que par ce que je puis
veoir et entendre que lordre que nous avions prescrit pour la consi-
gnation dudit depost dune part, et d'autre a Venise ne se pourra
bien observer pour ce que le Pape, pour sa part et contribution, étant
la despence a faire du coste de Rome, ne vouldra pas envoyer ses
deniers audict Venise, en un coffre, comme il estoit dict pour après
les rapporter audit Rome, dautant quil y auroit de la despence inu-
tile et superflue, outre les inconvénients qui peuvent survenir, au
moyen de quoy il ne sera point de besoin du pouvoir que l'on avoit
advise de vous depescber, mais suffira que vous faictes selon ce
que vous avez accoustumé, pour faire recevoir audict Venise les
deniers par le commis du trésorier de lextraordinaire, et puis les
300 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DE GABRE [DÉCEMBRE 1556]
envoier par chacun mois seurement, audict Rome, par ladvis de
Messieurs les Cardinaulx de Ferrare et de Tournon. et selon ce que
vous manderont aussy les ministres du Roy audict Rome, suivant
le règlement arresté par chacun mois, de la despence commune dp
la ligue, dont il vous doibt estre envoyé Testât par lesdicts minis-
tres, vous priant, au surplus, ne mettre en fantasie de demander
vostre congé, car vous avès trop bien servy jusques icy par delà, ou
vous avez toutte lexpérience requise et nécessaire a la conduicte
des affaires, pour, au temps qui court, parler de vous en retirer,
mais, au contraire, il faut que vous vous délibérés et resoh
continuer plus que jamais vostre service, voyant que le temps et
l'occasion vous y appellent, vous pouvant asseurer sur moyque le
Roy, ayant si bonne cognoissance comme il a de vostre suffisance,
et de combien vous luv êtes utille serviteur, vous fera du bien el de
l'honneur, de sorte que vous avez juste occasion de demeurer rou-
tent et satisfaict ! . n'ayanl autre chose a vous dire que ce que
lAbbé de S1 Ferme vous pourra faire entendre en passanl de la reso-
lution du Roi, pour le secours quil envoyé au Pape, avec autres
particularités de sa despeche, priant Dieu, Monsieur de Lodesve, quil
vous ayt en sa Sainte el digne garde.
Escript a Paris le unziesmejour dOctobre 1556,
Signé: Momorancy.
Et au dessus: a Monsieur l'Eveque de Lodesve, con r du Roj el
son ambassad' devers la Seigneurie de Venise.
Ms de Grenoble, fol. 20 r).
7. — [Ferrare], S décembre 1556. — Mémoire de VEvesque de /.<>-
dève, ambassadeur du Roy n Venize, pour les affaires </<• sa M<tjr*i<:
en Italie, sur lesquelles il plaira << Monseigneur h- Connestable de
faire responce <m plustot 7'"' faire se pourra.
En premier lieu, il est notoire a chacun, que depuis les dernières
ordonnances faites par le Roy sur le laid de la guerre, les com-
pagnies de gens de pied qui sont a la soiilde du Roy eu France, en
Italie, ne se bailleni a moins de troyscens hommes pour enseignes,
avecques le- avantages de dix pour cenl el les autre-, appoincte-
mens ordinaires des cappitaine, lieutenant, enseigne, sergens, cap-
1 Nous avons voulu reproduire cette élogieuse lettre du Connétable
Gabre, pour prouver dans quelle haute estime étail tenu le prélal ambassadeur,
et détrurne ainsi h' déplorable effet <les attaques de Morvillers.
[décembre 1556] APPENDICE 301
poraulx, fourrier et tabourins (I), et quant aux hommes armez, il
n'estoit accoustumé on payer, sinon ceulx que l'on présentoit, en
effect, a la monstre, portant les armes sur le dos, pourveu qu'ilz ne
excédassent la moitié.
Il advint lors du siège de Parme que les vieilles bendes de Pied-
mont y vindrent, dont estoient chefz Jehan de Turin (2), San Piedro
Corso (3), Chiaramont (4) et autres qui avoient acquis je ne scay
quelle réputation d'estre si furieulx, eulx el leurs soldatz, que l'on
ne regardoit a rien de la despence pour les bien traiter et tenir
contans, lesdits cappitaines qui savoient bien faire l'arc de s'enri-
chir sur lesdites compagnies, chacun le scait, et ledit Eveque en
parle pour avoir été tousjours durant le siège dans Parme et sceu-
rent si bien crier et alléguer la charte, qui y estoit pour estre la
ville assiégée de ennemys avec Monsieur de Termes, lors lieute-
nant du Roy, lesadvantages de huict pour cent, oultreles dixaccous-
tumez, et leur payoit on la moitié de toutte la compagnie comme (5)
soit qu'ilz le feussent, ou qu'ilz ne le l'eussent pas.
Aussitost que cela fust accordé aux vieilles bendes, les cappitai-
nes du Duc de Parme le sceurent et voulurent estre payez de ceste
façon, et ny eust remède que de l'accorder, et a cella si bien conti-
nué, après le siège levé, quelque trêve qu'il y eut, et a l-on si mal
accoustumé ceste nation que aujourd'huy, tant aux garnisons et aux
armées que l'on mis a en campagne, cest ordre a este et est suivy et
en Lombardie et en Tuscane. De sorte que, avecq les passevolans (6)
et larrecins, que gens de guerre de toutes nations scavent aujour-
d'huy bien faire, il y a été discipé tant d'argent que le Roy en en-
tretiendroit pour quelques mois une bonne armée, et qui ne remé-
diera a ce désordre, ayant a dresser la guerre et voullant entrer eu
grosses et nouvelles despences par deçà, on continuera tousjours
ce mauvais mesnage et confusion, et n'y aura compaignie qui ne
(1) Tambours.
(2) Le capitaine Jehan de Turin, fils d'un colonel italien au service de la France,
tué en 1553. Il avait sollicité la survivance des charges et pensions de son père.
(Lettre du maréchal de Brissac, 31 décembre 1553. Bibl. nat.. Fr. 20642. fol. 191).
(3) Sanpietro Corso, capitaine corse, servit d'abord dans les bandes noires
florentines et passa en 1553 au service de la France, où il devint colonel; il
mourut assassiné le 17 janvier 1557, victime de la vendetta des Orano. {Com-
mentaires de Montluc, t. i. p. 163, note).
(4) Fiancesco de Chiaramonte, colonel d'une des bandes italiennes dont Strozzi
était général. Son tils Annibal était capitaine d'une bande italienne dans l'année
du duc de Cuise. (Bibl. nat , Fr. 10395).
5 Mot en blanc dans le texte.
6; fasse-volants : nom donné à de faux soldats que les officiers faisaient passer
en revue pour tromper les inspecteurs et les commissaires quand leurs compa
gnies n'étaient pas complètes, afin de s'approprier leur solde.
302 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [DÉCEMBRE 1556]
couste deux ou trois cens ecus plus qu'elle ne doibt, qui montera
tant en une grosse trouppe et au long aller, que avec ce trop la on
en pourroit entreprendre une autre nouvelle guerre. Est aprez, ung
autre desordre que l'on a faict tant de petitz capitaines qui n'ont
moien, puissance, ne réputation pour assembler et maintenir nom-
bre de soldatz, quil y a plusieurs compaignies de cent hommes et
de lx et de moings, et les estatz desditz cappitaines et chefz mon-
tent plus que la paye des soldatz, et font tant croistre la dépense,
qu'elle passe quasi le double de ce que cousteroient lesdites com-
paignies si elles estoient entières comme elles doibvent estre.
Maintenant que le Roy aura icy ung Lieutenant, prince Italien de
grande auctorité (1), qui a dellibéré se faire craindre et obéir de
ceulx de sa nation, et regarder de plus prez quil pourra a remé-
dier a ses confusions, mauvais mesnages, larrecins, et puis aussi
que le Roy apporte si incroiables despenses que chacun scait, les-
quelles il fault encore continuer, il semble que Sa Majesté ajuste
occasion de voulloir penser a la reformation et retrancbement des
despences superflues et mal emploiées, et, pour cest effect, semble
qu'il seroit bon que Sa Majesté feyt une ordonnance signée de sa
main, pour l'envoier a sondit Lieutenant général, qui la monstreroit
pour son excuse a ceulx qui en pourroient estre mal contans.
Comme Sa Majesté veult et entend que toutes les compagnies de
gens de pied, qui sont et seront cy après a son service, soient
reduictes au nombre de trois cens, avecq expresses deffences
de ne payer les appoinctemens des hommes armez, sinon de ceulx
qui effectuellement se présenteront armez a la monstre, selon que
l'ordonnance ancienne et accoustumée le porte, et que les advan-
tages de xvm pour cent soient reduictz a dix, comme il est en
France, en Piedmont, et en toutes les garnisons et armées de
Sa Majesté.
Et quant aux passevolans et larrecins que les cappitaines ont ac-
coustumés de faire, attendu que on les y veoil incorrigibles, seroit
bon mectre en l'ordonnance une grande terreur de peine de mort
pour les cappitaines qui seront trouvez en faulte, et pour celluy qui
aura servy au passevolant exhortant, el commandanl au Lieutenant
gênerai quil ait a estre sévère et rigoreulx en telles punition-, avecq
toutefois, condition, que si ledit Lieutenant voit que, pour restrein-
dre ceste mauvaise coustume, il y eut danger de pouvoir subvenir
desordre, il luy soit donne auctorité, par lettre a part, d'en faire le
mieulx qu'il pourra et lordonner comme il congnoistra pour le
mieulx.
Si cella est bien observé, la despence d'une année sera beaucoup
(1) Le duc de Ferrare.
[DÉCEMBRE 1556] APPENDICE 303
moindre et scaura ton de combien de gens de combat le Roy peult
faire estât, car, cest aujourd'huy une chose bien corrompue el
malheureuse que le Roy paie en Tuscane v ou vic payes, et chacun
qui en vient, dict qu'il ny a pas trois mil hommes en séance.
Maintenant, faut parler des garnisons et despences ordinaires aux
places qui ont este soubz la protection du Roi, comme sont Parme
et la Mirandola, lesquelles auroient besoing de ce grand reiglement,
car il y a des despences fort superflues, et ausquelles le Roy n'est
nullement tenu par les cappitulalions, et y est Ton entre du temps
que lesdites places ont ete en guerre et assiégées, mais aprez
qu'elles ont este en liberté et hors de travail pour la tresve accor-
dée, on n'a pas laissé de les continuer, de jour a autre les augmen-
ter, desquelles parties superflues j'ay dresse ung estât a part, et par
le menu qui est envoie avecq ce mémoire, affin que l'on puisse
mieulx discerner et adviser celles qui seront raisonnables de conti-
nuer, et celles que l'on voudra retrancher, et verra l'on par ledit
estât, que réduisant la despence desdites garnisons ordinaires, selon
ce que l'on a promis par les cappitulalions, le Roy espargnera en
ces deux places seullement au bout de l'an peu moings de cxm livres
(lui serviroient a paier la plus grande partie des garnisons de la
nouvelle protection dont le Roy c'est chargé de Testât et place du
Duc de Ferrare, de sorte que la ne s'y trouveroit de gueres aug-
mentée pour ladite protection. Et en cas qu'il fust trouvé bonde faire
laref.'ormation de ceste despense selon ledit estât, il seroit nécessaire
de parler au cavalier Tiburce et a l'homme du Comte de la Miran-
dola pour leur faire entendre et faire trouver bonne l'intention du
Roy, et, oultre cela, en écrire une bonne lettre au Duc de Parme et
Comte de la Mirandola, leur remonstrant la grande despence que le
Roy a faicte pour conserver leurs places quant l'ennemy y a voullu
entreprendre, et que s'ilz ont veu, par effect, que le Roy n'y a riens
espargné, il est encore tout prest et résolu de faire mieulx quand il
en sera besoing, mais, puis quil plaist, a Dieu que chacun peult
congnoistre déjà la grande foiblesse de l'ennemy et au contraire
la grande prospérité ou les affaires du Roy sont reduictz, estant sa
Majesté maintenant entré en ligue avec le Pape et le Duc de Fer-
rare, sadite Majesté a fait comprendre leurs places et estats soubz
la protection de ladite ligue, de sorte que, veu le peu de moyen que
lEmpereur a de dresser armée pour travailler lesdites places, et
puisqu'elles auront doresnavant les estats de l'église et de Ferrare
promptz et obligez pour leur secours, il nefault craindre qu'ils puis-
sent estre travaillez ne assiégez, et pour ceste cause, aiant Sa Majesté
a entrer en autres nouvelles entreprises et grosses despences, il a
faict regarder par les gens de son conseil a retrancher et refformer
les despences superflues et non nécessaires, tant en France que en
304 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE Df GABRE [DÉCEMBRE 1556]
Italie, et a este advise de réduire lesdites despences de leurs places
a ce qui leur a este promis par les cappitulations, a quoy le Roy ne
vouldroit. pour rien manquer, qui est le paiement quant à Parme
de xvc hommes de pied et cinquante chevaulx. dont les deniers - -
ront doresnavant mis en leurs mains par leurs simples quittances
pour paier leurs soldatz au meilleur mesnage et espargne qu'ilz
pourront, et sans plus estre en despence de commissaires, control-
leurs, multiplication de trésoriers et autres mangeries qui ont y esté
par le passé: et quant aux vivres et munitions qui sont dans leurs
places acheptées de sa Majesté, que sadite Majesté veult et entend
qu'elles soient vendues en ceste année pour se prévaloir des deniers
qui en sortiront, ou quelles soient vendues et consignées a la coin-
munaulte de leur cytadins, pour le prix courant en leur place, et a
rabattre le payement desdits vivres sur ce qui sera deu et mois
advenir pour leurs dites garnisons, aiant donne charge a l'Évesque
de Lodève, ambassadeur de Venize, d'aller ou envoyer taire ladite
vente et consignation et suyvre cest ordre, que dessus, les asseurant
encores ung coup que leur advenant travail et affaires, sadite Ma-
jesté ordonnera a Monseigneur le Duc de Ferrare, a présent son
Lieutenant général en Italie, de pourveoir a leur secours, et n'y
espargner chose que ce soit pour les conserver H deffendre envers
tous et contre tous.
Et seroit très nécessaire faire ung ions certain de toutes h'- -
nisons ordinaires, séparé de l'extraordinaire des guerres, pour ne
leur faillir chacun, mais at lin qu'ilz n'aient occasion de se plaindre,
et, soit que l'on vueille faire le retranchement <u>dit ou non. il
plaira au Roy donner ordre a la provision de l'argent nécessaire
pour lesdites garnisons. Reste maintenant a parler des choses
nécessaires pour effectuer tout ce que l'on a promis a Monseigneur
le Duc de Ferrare. a quoy il ne faull manquer m on ne le veut per-
dre, car il a toujours protesté que si on ne luy tienl promesse, il
entend être en liberté de se pouvoir retirer de la cappitulation.
Il luy a este promis, en premier lieu, encores, que ce soi! h- der-
nier article, de faire rattili t an Roy la cappitulation dans quarente
jours après la datte d'ieelle qui passera le vingtsixiesme de decem-
ble, laquelle il ne faicl difficulté que l'on envoie, car il disl et pro-
testa icy a Monseigneur le Cardinal de Lorraine, puis qu'on le faisoil
signer et qu'il ne s'en pouvoil retirer, qu'il entendoil que le Roy
feust obligé aus<i a luy maintenir tout ce que ses ministres luy
avoient promis, sans s'en pouvoir retirer pour quelque cause que
ce feust. Pour ceste cause, il plaira a Sa Majesté faire depeseberet
envoier ladite ratification eu dilligence el eu bonne forme, >i desja
n'a esté envoiée.
Luy a este aprez promis de luy bailler pouvoir de lieutenant
[décembre 1556] APPENDICE 305
général du Roy en Italie, avecques toutes les amples facultez quil
en a jamais esté baillé a autre de sa quallite.
Il plaira le faire despecher et l'envoier ou plustost autant honno-
rable et favorable que l'on pourra, et que le mérite, la grandeur et
qualité dudit Sieur Duc, et quil puisse, par la, congnoistre que Sa
Majesté luy fye la guerre et la paix et la conduicte de toutes ses
affaires et ministres en Itallie.
Luy a esté après promis quil seroit cappitaine gênerai de la ligue
dont il luy fault encores autre pouvoir; cela dépend de la négocia-
tion de Monseigneur le Cardinal de Lorraine a Romme, et se fera
après la conclusion et establissement de ladite ligue.
Luy a este aussi promis de luy payer par chacun mois nm escus
pour son plat et pension; il plaira a sa Majesté envoierfons d'argent
pour les luy paier avecques la despence de sa garnison. Il luy a
este promis de luy paier cent hommes d'armes, ledit Sieur Duc
commence a assembler et faire trouver gentilzhommes qui soient
vraiz soldatz en effect, et non en apparence, et a leur faire achepter
gros rossins bardables(i) pour faire une belle et bonne compaignie.
Je crois bien quil passera quelques mois avant qu'il les puisse
avoir mis emsemble, et aura le Roy bon loisir d'envoier le paie-
ment.
Quant au payement de gens de pied et chevaulx légers de sa gar-
nison, il dict quil se tient, quant a luy, pour tout déclairé et a
mandé faire levée de gens de pied en toute dilligence pour ce quil
a eu advis du sieur Daulle Vitel (2) que les Imperiaulx ont faict
venir a Plaisance quatre compaignies d'Italliens et au bourg S'
Denis (3) mille Almans, et que leur cavallerie c'estoit aussi ache-
minée vers Crémone et ne vouldroit estre surprins, et qu'ilz com-
mençassent a rompre de ce coste la, en lui desrobant Bresseil ou
quelque autre place, comme ilz firent a la dernière guerre de Parme,
et entend pour ceste occasion que sa dite garnison, au moings ce
qu'il en pourra assembler, soit paiée pour ce mois de Décembre. Il
s'en va demain vers Modène et Reige (4) pour veoir faire la reveue
de ses gens et les mectre en ordre, affin que dedans huict ou dix
jours j'en puisse aller faire la monstre, dont jay adverti Monsei-
gneur le Cardinal de Lorraine pour m'en commander ce quil luy
plaira, n'estant déclairé par la capitulation en quel temps doibt com-
mencer la despence de sa protection, et je me garderay bien de
travailler en cela sans exprez commandement joint, que si ledit Sr
(1) Bardables : pouvant être bardés d'un bat pour transporter les fardeaux ou
les pièces d'artillerie.
(2) Paolo Vitelli : condottiere.
(3) Le bourg Saint-Denis, à deux ou trois milles deçà Parme.
(4) Reggio.
24
306 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE ^MAI lo57_
Duc mesmes ne preste l'argent de cedit mois, je ne scay ou le
prendre, mais de percister a le voulloir jusques a protester que si
je luy en faictz reffuz, il prend cela pour manquement de promesse,
me disant que je considère le demourant quil laisse a dire pour la
révérence quil porte a sa Majesté, et veoy bien que si on le mal
contante en cecy, il en pourra advenir quelqne désordre.
Luy a este aussi promis quil seroit envoyé promesse du gênerai
Dalbeyne, qui le obligeast envers ledit Sieur Duc jusques a la
somme de mcm escus pour le deppost de sa protection et aux inte-
restz comme le contient l'article.
Je désire bien que l'on prenne le dit article el promesse plus a
ladventage du Roy que autrement, car s'il survenoit guerre audit
sr Duc et le Roy n'eust argent pour le secourir. Sa Majesté seroit
contraincte en prendre a xx et x\x pour cent, la ou il entend mectre
peine et espère en trouver parmy ses amiz et subgectz a beaucoup
moings; et si le Roy pouvoit, par tel moien. assembler cinq ou six
cens mil escuz, il debvroit les voulloir prendre, encores qu'il n'en
eust besoing pour sil luy subvenoit occasion de l'eure un gros effort
sur la fin de ceste guerre, il trouvast cest argent prest, pour s'en
pouvoir ayder et ne fault pas craindre quil soit pour fournir de son
argent soubz le nom d'autres pour gaignier les interestz, car il nous
a dict franchement qu'il s'estimeroil meschant et indigne de vivre
et qu'il ne meriteroit pas le lieu que le Roy lui donne en son ser-
vice. Par ainsi il plaira a Sa Mageste donner ordre d'envoier la pro-
messe dudit Dalbene en forme contenue en larticle dudit deppost.
et veoir sur cela ung mémoire que j'envoye a pari pour le monstrer
audit Dalbène.
Cela faict, ledit Sr Duc dict quil ira servir sa Mageste jusques aux
Indes si luy est commande et que l'on luy face scavoir les entre -
prinses et l'intention de Sa Magesté, el od verra de quelle affection
et dilligence il entend user en ce service.
Des choses de Romme il ne s'en peult icy faire mention, pour
n'avoir entendu encore aucune particularité de ce que Monseigneur
le Cardinal de Lorraine y aura négotié.
Faict a Ferrare'le mc de Décembre Ki56.
(Bibl. nal.. Fi-. 3125, fol. 58) (copie).
8. — Venise î .' mai 155 7. — Estât des affaires ei de V armée en la
fin dudit amis de May envoyé audit S1 Eveque de Lodeve
Monseigneur le Duc de Guyse, continuant son logement entre
Norette el Poropoly, ou il séjourna 10 joins entiers pour veoir la
contenancede l'ennemyel essayer ions moyens de l'attacquer, après
[MAI 1557] APPENDICE 307
avoir considère la façon de faire do sondit ennemy, avoir este bien
informé de toutes ses forces et bien regardé la situation du pays,
délibéra de proposer Monsieur le Duc de Paliano (1) d'employer
cette armée sans la laisser plus longuement perdre temps, puis-
qu'elle avoit déjà essaye tous moyens possible pour venir au com-
bat, et qu'emsemble on donna si bon ordre que les pays du Pape ne
peussent estre aucunement endommagez. Ce que considérant plus
particulièrement le tenoit plus retenu en toutes ses résolutions,
dont iinallement le 25e jour de Mai après disner, s'estant trouvé un
peu indisposé, envoya a Mr le Duc de Palliano, pour le prier de
prendre la peine de le venir voir pour communicquer avec luy des
affaires communes, et estant, ledit Duc, arrivé, luy dit quil avoit
bien voulu luy en parler en particulier avant que de rien proposer
au Conseil pour faire quelque bon project et adviser a prendre une
bonne résolution.
Luy remonstra, qu'ayant esté conlrainct, pour éviter que l'ennemy
ne se vint mettre entre luy et ses vivres durant quil tenoit Civitelle
assiégée et quil ne courust les terres de l'Eglise, il avoit été advisé
de se porter au lieu ou il estoit, pour couvrir ses vivres et se tenir a
la teste del'ennemy, pour voir sil y auroit moyen de luy présenter
bataille, ou il n'avoit neantmoins pu lattirer, s'en esloignant autant
quil pouvoit, l'ayant bien lesmoigné en ce quil n'avoit voulu entre-
prendre de se faire maistre de la ville de Tortorette (2), qui est sur
la colline, ou il pouvoit prendre grand advantagepour ce faire, ayant
en outre eboisy un camp le plus fort quil estoit possible, environné
delà mer d'un costé, delà rivière de 1 autre, et, noncontent de cela,
il s'y fortilioit toujours, s'y tenant a couvert, en sorte qu'il ny avoit
aucune apparence de l'aller assaillir par la teste, a moins que de se
la vouloir rompre, ce qui pouvoit être imputé a peu de prudence a
un chef de guerre ; que sy on le vouloit attaquer par derrière, se
logeant entre lui et ses vivres, il n'estoit assez fort pour ce faire
pour ce que les vivres luy pouvoient toujours venir par la mer, dont
il estoit maitre ; qu'ainsy de demeurer plus longtemps devant l'en-
nemy avec l'armée, ou il y avoit déjà beaucoup de malades et perdre
le temps sans rien faire, cestoit aussi faire perdre le cœur aux siens
et quil seroit beaucoup plus a propos, pour le service de Sa Sainteté
et de sa Majesté, de tascher d'endommager l'ennemy, et que, pour
cela, il en falloil advertir sadite Sainteté comme estant plus voisine
et par ce Monsieur le Marescbal Strozz pour la sullisance et con-
liance que sadite Sainteté et sa Majesté avoient en luy, et cepen-
dant que l'armée pourroit changer de logis pour respirer un peu, ce
,1) Caral'a, duc de Paliano, frère du cardinal,
(2) Torlorelle, ville d'Italie, nrovince de l'Abruzze, à 30 kil. de Teramo.
308 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE JUILLET 1557j
qui fut assez approuvé par Monsieur le Duc de Palliano, après quel-
que résistance a la proposition d'envoyer ledit sieur Maréchal
Strossy, parce qu'en effet il estoit malade de fiebvre.
Venise, 22 mai 1557.
(Bibl. nat.. Fr. 23236, fol. 516, et Mém. du duc de Guise.
Imp., p. 357).
NOAILLES A GABRE
9. — [Compiègne], 22 juillet 1557. — Monsieur, je pense bien
que vous avés desja entendu comme il a pieu au Roy me com-
mander de m'en aller la. part ou vous estes, pour estre amplement
instruict par vous de vostre charge, a laquelle Sa Majesté a voullu
que je succédasse, plus comme je croy, pour satisfaire a l'instante
requeste et sollicitation que vous luy avès longtemps faicte destre
soulaigé des grands et continuels travaulx que vous y avés sous-
tenus, que pour oppinion quil eus! que je peusse par mesme moyen
succéder a vostre suffisance, en laquelle je m'asseure trouver le
remède de toultes mes faillies, avec espérance que vous m'en serés
autant libéral que vous cognoistrés estre besoin a une telle foiblesse
que la mienne, qui se trouvera grandement fortifiée de vostre bon
entendement, s'il vous plaist luy en faire aussi bonne pari que jen
désire en vostre bonne grâce, el pour ce, Monsieur, que j'espère me
rendre devers vous dans la lin du mois prochain ou. pour le plus tard.
au commencement de l'aultre; je nestendray ce propos plus avant,
seullementvous diray que l'on haste mon partemenl beaucoup plus
que je ne le vouldrois, pour le pende loisir quil me reste a Diestre
ordre aux choses requises et nécessaire pour la commodité du mes-
naige de ma maison, en quoy je me vois merveilleusement surpris et
empesrlié. et mesmemenl pour la provision île quelques bons vins,
lesquels, a ce que je peux entendre, se recouvrent si difficilement
par delà, que si je n'en laids de bonne heure faire a la francoise,
comme vous aves faict, ainsy que j'ay entendu par ceux qui en ont
heu, je suis en grand danger d'en trouver de fort mauvais, qui est
bien un des rencontre-. «In monde que je crains le plus, comme
celuy qui a faict son apprentissage eu l'escolle de Monsieur de Grand-
sel ve, mon oncle, que vous avés bien congneu, el si je ne vois pas
que j'ay moien dy pouvoir remédier, si n'esl pas vostre lionne ayde
et secours, qui me faict, avec ladvis de ce porteur, vous prier hum-
blement parcelle c\ de commander a quelqu'un des vostrea de
men faire faire telle quantité que vous cognoistrez mestre néces-
saire, et je ne fauldray de le rembourser Incontinanl après mon
arrivée, de l'argent quil aura advancé a cesteffect, el oultre, lion-
[JUILLET-AOUT 1557] APPENDICE 309
sieur, que vous me ferez un très grand plaisir, vous aures non seul-
ement en cella, mais en toul ce qui despendra jamais de ma puis-
sance, autant de pari et commandement que sur la vostre propre,
et remeclanl la vérité de ce langage au premier effect ou vous me
vouldrez employer, je feray lin par mes très humbles recomman-
dations a vostre bonne grâce, priant Dieu, Monsieur, vous donner
telle part que vous désires en la sienne.
De Compiegne ce xxne jour de juillet 1557.
Signé: de Noailles, Evesque Dacqs.
(Ms de Grenoble, fol. 90 r°).
10. — [Compiegne], 22 juillet 1557. — Instruction pour Mv lEve-
que dAcqs Premièrement estant arrive audit Venise avec lEveque
de Lodève, a présent ambassadeur, par delà, il luy baillera lalettre
que b' Roy lui escript touchant ses revocation et retour par deçà,
suivant le congié quil a faict demander, lequel luy a este accordé
comme chose 1res raisonnable pour les causes quil a remonslrees, etc.
Très chers et grandz amys et confederez et alliez. Nous avons
présentement depesche nostre amé et féal conseiller lEvesque de
Dacqs, pour aller résider nostre ambassadeur auprès de vous, au
lieu de nostre amé et féal conseiller M" Dominique du Gabre, eves-
que de Lodesve, lequel, après avoir, par longue espace de temps,
demeuré es quartiers de la, tant a Ferrare que a Venise, en la charge
de nostre dit ambassadeur, nous a faict demander congié pour venir
donner ordre a ses affaires spirituelz et temporelz. chose que nous
a semblé si raisonnable que nous luy avons liberallement accordé,
luy mandant s'en venir nous trouver, etc.
Escript a Compiegne le xxue jour de Juillet l'an mil vc cinquante
et sept.
Henry Duthier.
(Affaires étrangères, Venise, t. vm, fol. 1 et 16).
DISCOURS DE SAINT-QUENTIN
11. — [ ], août 1 557. — Le mardy dixiesme de ce moys,
Monsieur le Connestable ayant, deux jours auparavant, bien faict
recognoistre le lieu et moyen de mètre de gens dedans la ville de
Saint Quentin pour rendre la place plus forte, partyt, avec larmee
du Roy, de La Fere ou estoyt son camp, pour aller audit Saint Quen-
tin, faisant conduyre avec luy quelques prises darlillerye et ung bon
310 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE AOUT 1557]
nombre de batteaulx. avec lesquelz il auroit délibère mètre par
eaue les gens de guerre dedans ladit ville, et exploicta si heureuse-
ment sa délibération et quil y mict sept ou buict cens hommes.
barquebuziers esleuz sans plusieurs cappitaines et gentilhommes,
qui liberallement se y jecterent a la veue des ennemis sans aucun
empeschement, et se retiroyt en fort bon ordre, et pour ce que
cella ne se peulst faire avec le temps, lesditz ennerniz tjui estoient
de la leaue. et avec lesquelz cepandant y avoit eu quelzques escar-
mouches par les nostres, feisenl passer au dessus de la rivière de
Somme cinq ou six mille cbevaulx pistolliers (1) et toute la fleur de
leur armée pour venir traverser le chemin a la relraicte de lanostre
qui avoyt ja bien advance de deux lieues, mais aucun des les dit
pistolliers se basterent tant que noz gendarmes (2) furent con-
traintz de les charger, et dura la meslee si longuement, que la
grosse troupe des ennemys eut loysir de venir cependant, et, se
trouvans ainsi renffbrcez quasi de toute leur armer, pressarent tant
les nostres en lieux ou ilz le trouvèrent ;i leur ad vantai ge, que en-
cores que les chefs et les plus gens <le bien yayent faict t<>ul devoir,
si est ce que Dieu a voulu que mondit sieur le Connestable, mons1
le Duc de Montpensier (3), monsr le Maréchal de Saint André (4), et
quelsques autres seigneurs et cappitaines ayent este prins, les
autres sont retrouvez a La Fere •"> ou monsr le Duc de Nymours a
recuilly et rassamble les innés, donnant tel ordre que Ion espère
ce dommaige estiv bien tosl repare, pour le moings a estre ledit
Saint Quentin si bien pourveu, quil y a apparence que les ennemys
sont pour y demourer une bonne espace de temps, et que le Roy,
actendu ce quil faict venir, lever et mètre sur de toutes partz avec
ce quil avoyt reserve pour ung besoing, aura forces suffisantes pour
lever le siège et faire plus de dommaige audit ennemys quilz nont
proficte de ceste rencontre.
Arch. de Modène. Cancelleria Ducale, etc. .
.1 On appelait pistolliers, au xvr siècle, des cavaliers armés de pistolets.
(Lalan.ne. Dictionnaire historique de la Frant
K2) On donnait autrefois le nom de gendarmes aux cavaliers armes de toutes
pièces. Lalanne, Dictionnaire historique de la Fran
(3) Louis 11 de Bourbon, pair de France, dauphin d'Auvergne, lieutenant-général
des armées du roi. Le comté de Montpensier avait été érigé en duché pairie on
sa faveur eu 1538. Montpensier mourut le 23 septembre I
i Jacques d'ALbon, .sieur de Saint-André, maréchal de France en 1541
tué à la bataille de DreUx en 1562.
(5) La Fère, chef-lieu de canton du département de l'Aisne, à 24 lui. N.-O. da
Laon
[septembre 1557] appendice 311
le roy a l'eveque d'acqs (17 septembre 1557)
12. — [ ], octobre 1557. — M'' de Dacqs, J'ay par cydevant
escript a Monsieur l'Eveqne de Lodesve, vostre prédécesseur, am-
bassadeur a Venise, et aianl la charge el supérintendance de mes
finances en Italie, etc., pour faire payer l'état de Mr de Selve, am-
bassadeur a Rome.
(Affaires étrangères, Venise, t. vu, fol. 34).
Estât abrégé de la despence faicte par Guillaume du Gard depuis
le mois de janvier 1 557 jusquau mois d'octobre
(Affaires étrangères, Venise, t. vu, fol. 120).
Monsieur de Lodesve, pour ses estats d'ambassadeur que le Roy
escript lui payer pendant neuf mois la somme de 17575 escus.
(Affaires étrangères, Venise, 1. vu, fol. 123 v .
13. — [Venise], /er septembre 1557 . — Mémoire de l'Fveque de
Lodeve au Duc de Guyse sur les affaires de ce temps la
Ayant entendu lEveque de Lodeve, Ambassadeur pour le Roy a
Venize, que sa Majesté avoit mandé a Monseigneur de Guyse s'en
retourner en France, avec son armée, le plus diligemment qui luy
sera possible, laissant les places et Testât du pape fourniz de
garnisons pour les défendre soubz la charge de Monsieur le Maré-
chal Stozzy, ledit Eveque a bien voulu prendre la hardiesse de dire
son advis des choses qui luy semblent nécessaires aux affaires de
sa Majesté en Italie et l'envoyer par escrit a mondit Seigneur de
Guyse, par le secrétaire Myron, affin qu'après avoir entendu par
ledit Sieur diverses et peut être contraires opinions des Ministres de
sa Majesté, son Excellence, avec sa prudence et bon jugement, se
puisse mieulx resouldre de ce qu'il aura a faire.
Premièrement. Il est vraysemblable que le Roy n'a mandé venir
la personne de mondit Sieur de Guyse, que pour avoir auprès de
sa Majesté un grand chef de guerre, tel quil est pour gouverner
et commander a la grosse armée que sa Majesté est contraincte
préparer pour conserver la France, et ne revocque l'armée d'Italie,
sinon pour espérance qu'elle vienne secourir son Royaume sur cette
grande infortune qui est advenue devant S1 Quentin.
312 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE PU GABRE [SEPTEMBRE 1557]
Il est certain que ladite armée, laquelle se trouve déjà a Rome,
ne peut aller en France promptement et diligemment, sinon par
mer, auquel cas, fauldroit attendre bien longuement avant que
l'armée de Marseille la fust venue trouver, et maintenant qu'on
entre sur l'hyver, la navigation pour les gallères sera assès fascheu-
ses et mal seure, joinct aussy que l'armée imperialle nous est tou-
jours supérieure et que c'est mettre nos gallères, et gens de guerre,
en danger de l'ennemy.
Sy on veut faire repasser l'armée par le chemin de Lombardie
comme elle vint, sy elle marche en trouppes elle sera combatue des
ennemys, parce quelle est petite, sans artillerie ny suite de vivres ;
s'ilz vont desbandez, ils seront deffaicts et dévalisez en beaucoups
de lieux des ennemys ou ilz passeront, et peut estre envoyez en
gallere.
Si on les veult casser et renvoyer desbandez par la Suysse, le
voyage est si long et fascheux qu'ilz seront combattus et ruinez du
long du voyage, des neiges et difficultés des montagnes, «'t n'y aura
ny homme ni cheval qui puisse servir, eslant arrivé ;i Lyon, poinct
que quand ilz seroient bien payez avant partir, encore fauldroit il
que la plus part des soldatz demandassent l'aumosne en chemin.
Ainsy, quelque voye qu'on leur fasse prendre, pour retourner sur
le commencement de l'hyver en France, ce ne sera que perte
d'hommes, de chevaux, de reputacion et d'argent, et semble qu'il
sera meilleur se résouldre a éviter tous ces inconvenientz, et main-
tenir encore pour quelques mois la réputation et les affaires de
l'Italie, en Testât qu'elles sont, en attendant que l'on voye le progrès
de l'ennemy en France, et n'abandonner tout d'un coup, pour une
petite adversité, l'Italie et les amys «pie le Roy a si cheremenl
acheptez et pour lesquelz il ;i laid tant de despences.
On veoit que le Cardinal Trivulx (I), qui est icy pour le Pape, a
esté depuis deux jours avec ces Seigneurs et leur a fait tant d'instan-
ces qu'ils voulussent procurer et solliciter l'accord avec le boy d'An-
gleterre. La Seigneurie ;i envoyé quérir l'Ambassadeur Vargner _ .
qui est icy pour ledit boy d'Angleterre, lequel a un pouvoir bien
ample de traiter et remettre tous les differentz du Pape et dudit
Roy, au jugement et arbitrage desdits Seigneurs, et eu sonl les
choses sy avant que la Seigneurie a despeche en diligence un de
leurs principaux secrétaire vers e Pape, et le Duc d Allie reprenant
les conditions quasi arrestées a Ostie entre le Cardinal Caraffe et
ledit Duc. De sorte qu'il y a appare ace que l'accord se fera, veu que
(1) Dès le 2* août, le cardinal Carafa avait informé le cardinal Trivulce, légat a
Venise, de la gravité de la situation, et lui avait ordonné de solliciter l'aide de la
Seigneurie.
(2) Vargas.
[septembre 1557] appendice 313
les deux partyes le désirent, et que ces Seigneurs icy y mettront de
leur auctorité, ce qu'ilz pourront pour le faire réussir, et aussy que
le Pape et ses aepveux, voyant l'adversité advenue au Roy, crain-
gnent d'estre abandonnez de sa Majesté.
Si ledit accord se faict, le Pape aura esté conservé des forces du
Roy, et le Roy se trouvera deschargé d'un grand fais et de gens de
qui on ne peut espérer aucun ayde, ny aucun office d'amitié, et
ayant veu par expérience qu'ilz ont faict tout le contraire de ce
qu'ilz avoient promis et qu'on esperoit d'eulx.
Et en cas dudit accord, Monseigneur de Guyse peut retirer toute
son armée des environs de Rome, avec satisfaction et contentement
de Sa Sainteté, laquelle aura grand subjet de se tenir obligée au
Roy, et Sa Majesté pourra dire n'avoir gueres amendé ses affaires
pour s'être allié avec sadite Sainteté, mais encore est il meilleur
de s'en retirer tard que jamais.
Que si ledit accord ne se fait poinct et que le Pape demeure tou-
jours en guerre, je serois d'advis que l'on laissast plustot perdre
Paliano que de hazarder une bataille desadvantageuse pour nous,
comme elle seroit sans doubte. Le Duc d'Albe ayant plus d'Alle-
mands et Espagnolz que nous n'avons de Suysses et de François,
car, quant a noz Italiens, on scait qu'ilz ne servent que de nombre,
et non pour le combat, cela ayant été veu sy souvent qu'on n'en
doubte plus; que s'il nous arrivoit un second malheur, nous serions
perdus, d'honneur et de réputation, par tout le monde ; et si nous
estions victorieux, nous n'avons le moyen, le Pape ny nous, de pour-
suivre la victoire, de sorte que, a mon advis, nous debvons fuyr
l'occasion de venir a cette extrémité, mais faire resouldre Sa Sain-
teté quelle se contente sur l'hyver de demeurer sur la deffensive
avec des garnisons raisonnables.
Davantage ledit Eveque ne seroit pas d'advis qu'on luy laissast
aucun François, ni de pied ny de cheval, car on scayt le mauvais
traictement qu'ilz firent aux régiments de Messieurs de Givry (1) et de
la Mote, au temps qu'ils avoient plus besoing; on scait aussi com-
ment ilz traversèrent a Bologne ceulx de Monsieur de S1 Vidal (2),
que le Cardinal Caraffe setoit oblige de payer: faulte de quoy faire,
ils alloient demander l'aumosne de porte en porte, après avoir
vendu toutes leurs armes au grand déshonneur de la nation fran-
çoise ; oultre quil est impossible que ceste année on ne veoye a
(1) René d'Anglure. sieur de Givry, baron de Boursault, comte de Tancarville,
chevalier de l'ordre du Roi, capitaine de cent chevau-légers, colonel de l'infanterie
française en Toscane. Lorsque Montluc fut rappelé en France. Givry fut nommé
lieutenant-général du roi à Montalcin. ;Lettre de Montluc, 15 septembre 1537.
Commentaires, t. iv, p. 100). Il fut tué à la bataille de Dreux en 1562.
(2) Antoine de La Tour, seigneur de Saint-Vidal 'Saint-Vidal, baronnie enVelayi.
314 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [SEPTEMBRE 1557;
Rome et ez environs une cherté incroyable, et peut estre une
famine, si de Provence on n'y porte des bledz et des vins.
On veoit, de plus, quil est deub déjà trois mois a noz places de
Toscane, de sorte quelles se vont perdre pour ny avoir garnison, en
la plupart, que d'Italiens non payez, lesquelz nont aucune affection
ny fidélité qu'autant quilz sont bien payez. Monsieur de Montluc va
faict ses récoltes de bledz et de vins abondamment, et ne peuvent
les places que le Roy y tient estre en nécessité de vivres de ceste
année.
Donc, pour conserver ce pays conquis, qui est aujourd'hui au Roy
comme son patrimoine, il semble qu'on y debvoit envoyer tous les
gens de pied et chevaux légers françois (quand bien il seroit quatre
mil) qui sont avec mondit Seignrde Guyse,avec bons chefz, car en ce
taisant, on conserve ces bonnes trouppes fidelles au Roy. et les che-
vaulx qui seroient ruynez avant qu'ils fussent a demy chemin de
France; on tient ainsy les places du Roy en seureté, et le Duc de
Florence en crainte et despence continuelle, qui est le vray moyen
de le consommer comme on dit a petit feu.
La despence ne sera que de vingt mil escus par mois sy elle est
bien réglée, que le Roy pourra porter pour cest livrer ; ces forces
donneroient quelque réputation au Pape, et. l'hyver estant passé,
pourroient estre rafraischies et secourues par mer. faisant cepen-
dant fortifier le port de Talamon pour y avoir quelque descente
seure. pouvant estre secourus par lestai de l'Eglise, si le Pape nous
demeure amy, ou par le Duché d'Urbin qui demeurera en neutralité
comme il est aujourd'huy.
Que si, au printemps, le Roy a besoin:: de faire quelque entre-
prise en Italie pour favoriser l'armée Turquesque, sy elle vient, ou
pour aultre chose, sa Majesté aura la des forces de gens de sa na-
tion aguerris, italiennez, fidels et connoissans le pays.
Quant aux Italiens qui sont en la Toscane, je les envoyerois au
Pape et a Monsieur le Mareschal Strozzi. pour s'en servir et Les
payer si Sa Sainteté en avoit besoing, ou pour les casser si elle
n'en avoit que faire.
Quanta nos Suysses, amenés par tnondil sieur de Guyze, il/ ont
sy bien servy qu'on ne les doibt pas mescontenter, et leur doibt on
donner le choix ou de leur retour en leur maison, ou d'une bonne
garnison sur Testât du Duc de Ferrare, qui les doibl payer pour ces!
hyver, puis qu'il a sy grand peur d'estre attaque ce qui ne luy scau-
roit couster cent mil escus, moyennant quoy, ces pays seroient en
seureté, etauroit grande réputation partout : que sy aucuns desdits
Suysses vouloient aller passer lhyver en leurs poiles, ils en auraient
le moyen, et d'aller et venir par le Vénitien sans passer sur le pays
ennemy.
[1557] APPENDICE 315
Quant aux hommes d'armes qui sont avec mondit seigneur de
Guyse, attendu quïlz ne se peuvent retirer en France que parle che-
min des Grisons, qui est une despence incroyable et la ruine des
chevaulx, je leur donnerois garnison a Ferrare, ou le Duc les rece-
vra, comme je crois, attendu sa crainte, et leur laisseroit pour chef ou
Monsieur de Tavannes (1) ou Monsieur de Brosses i) ; et sy, l'hyver
estant passé, il f'ault continuer la guerre, ce sont des troupes portées
en Italie, suffisantes pour attaquer et se deffendre, et qui tiendront
toujours l'ennemy en crainte et despence, et les affaires du Roy en
réputation, et ses amys et alliés contents et asseurez ; et fera-t-on
valoir cela auprès du Grand Seigneur pour le porter a se remuer a
bon escient.
Et ayant mondit Seigneur de Guyse ce despartement aysé a faire,
dans peu de jours il se peult embarquer avec sept ou huit galleres
pour Marseille, et mener avec luy tous les princes, seigneurs et gen-
tilshommes qui l'ont suivy, non obligez par les ordonnances, et qui
sont venus pour honneur ou pour plaisir, et aller trouver le Roy
pour luy faire service, laissans les chevaulx qu'ils auront de prix,
avec les trouppes d'hommes darmes, dans le Ferrarois, pour ne les
perdre en si long voyage.
Il est mal séant a un prestre de parler de ces choses sy avant qui
ne sont de sa profession, mais la qualité qu'il plaisl au Roy que jaye
en son service, et l'affection que je doibs au bien de ses affaires, et
celle que j'ay aussy-a vous en particulier, Monseigneur, m'excuse-
ront, s'il vous plaist, depresumption et de tout reproche.
Fait a Venize le 1er jour de Septembre 1557.
iBibl. nat., Fr. 23236, fol. 556, et Mém. du
Duc de Guise. Imp., p. 285] .
14 AD VIS DE M. DE LODÈVE
(Amenda de M. de Dacqs)
Vous avez le sr Francisque Bertrand, lequel vous viendra souvent
dire des nouvelles et persuasions, il le faut fort escouter et louer,
jamais ne luy discourir, sinon de galante humeur.
Vous avez Marc Vidal, homme dextre *d fort exercité aux partiz
d'argent, qui scait la ou il y en a, et les moyens d'en avoir possible
(1) Gaspard de Saulx, sieur de Tavanne, maréchal de camp dans l'armée du
duc de Guise ; il fut nommé maréchal de France en 1570, gouverneur de Provence
en 1572 ; mourut le 19 juin 1573.
(2) M. de Brosses, maréciial de camp dans l'armée du duc de Guise.
316 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE [1557]
et raisonnable; est homme d'entendement et d'honneur, vous aurez
toujours par luy toutes les nouvelles de Realte et de S1 Marc, qui
servent de passelemps et quelquefois donnent argument et matière
d'escripre.
Vous avez cest ambassadeur de Ferrare, qui est de son naturel
afexionné a noz affayres et est fort mal traité, et mal content du Duc,
et faict profession de descouvryr toutes secrettes intentions de la
Seigneurie et des ennemys, il luy faut faire bonne chère et quelquef-
foys l'appeller a diner domesliquement, louer son scavoir aux
lettres et aux armes, dont il faict grande profession, et louer ses
discours, mais estre fort réservé a luy faire les vostres.
Vous avez icy Camille de la Croix, qui est fort bon jeune homme
et dilligent et fidelle, vous fera mille service aux négociation du
palays, des courts, sil advenoit quelque occasion, et pour l'expédi-
tion des lettres et patentes dont vous aurez bien souvent besoing
de la Seigneurie; je my suis tousjours tant fye que, quant je ne pou-
vois aller a la Seigneurie, je ly envoyois au lieu de mon secrétaire.
Vousavez le sr Francisco Nazi, homme de grand crédit et homme
de bien; cest luy qui a toujours fourny tous les deniers despenduz
pour le Roy en Itallie et a secouru les ambassadeurs, mais il veut
bien scavoir comment.
11 vous fault eslire ung secrétaire vostre, qui tous les matins aille
a S1 Marc entendre tout ce que Ion y dicl au lieu ou se reduysenl
tous les ambassadeurs subalternes el les autres secrétaires, el par-
tant dudit S1 Marc, il sen viendra a Realte donner une passe-grata
et puis s'en viendra disner et vous rapporter tout ce quil aura
entendu ; ladvertir de la modestie el de parler réservement.
Jay ung portier qui a servy troys ambassadeurs : forl bon homme,
seur et conscientieux. jamais ne bouge de la port»1, et avant que
lonsoit levé il a ballye el nestoyé la salle el la maison; il a ung escu
le mois de gaiges. Vous l'aurez si le voulez.
Jay ung jeune gentilhomme français, que Ion appelle Cambiz. qui
me sert de copyer. Il vouldroit encores demeurer en Itallye el esl
fort bien conditionné, de qui je me fye; il avoit deux escuz de
gaiges.
(Affaires étrangères, Venise, t. vu, loi. 9).
APPENDICE 317
ADDITIONS
P. XXI, note 2. — Le duc de Longueville. — Léonor d'Orléans,
duc de Longueville, fils de Longueville (François d'Orléans, mar-
quis de Rothelin), né en 1540, mort en 1573 à Blois. — En 1551, il
recueillit la succession de François III, son cousin, mort sans pos-
térité, et fut gouverneur de Picardie. Après avoir été lait prison-
nier des Espagnols, à la bataille de Saint-Quentin, il prit une part
active aux affaires du temps et soutint le parti de la Cour. Charles
IX lui accorda en 1571 le titre de prince du sang. Marié en 1561
avec Marie de Bourbon, veuve du comte d'Enghien, Jean de Bour-
bon, il en eut neuf enfants. (Voir Anselme, Histoire des Grands offi-
ciers de la Couronne).
P. 10, dépêche 8, dernière ligne, en note. — Les noces du duc
Orace. — Il s'agit du mariage d'Horace Farnèse avec Diane d'An-
goulême, fille naturelle de Henri II, légitimée, et d'une Piémon-
taise, ou, suivant Brantôme, de Diane de Poitiers. Après la mort
d'Horace Farnèse, Diane d'Angoulême épousa François de Mont-
morency, fils du Connétable. Elle mourut en 1619.
P. 21, dépêche 14, ligne 6, en note. — Monsieur d'Aumale. —
Claude II de Lorraine, né en 1526, marquis de Mayenne, duc d'Au-
male en 1547, colonel de la cavalerie légère, gouverneur du Dau-
phiné (1548), de Bourgogne (1550), s'illustra à la défense de Metz,
assiégée par Charles-Quint, et aux batailles de Dreux, Saint-Denis,
Moncontour. Il avait épousé en 1547 Louise deBrézé; mourut au
siège de La Rochelle en 1573.
P. 35, ligne 27 , en note. — Marenne. — Sans doute, la Maremme,
territoire de Toscane, entre Livourne et Piombino.
P. 59, ligne 13, en note. — Le duché de Milan. — Après Mari
gnan, François Ier se rendit maître du Milanais; Maximilien Sforza
enfermé dans le château de Milan, résista quelque temps, mais
moyennant une pension de 30.000 ducats, céda le duché à Fran
çois Ier en 1515. — En 1521, le pape Léon X et Charles-Quint
ayant conclu une ligue, reprirent le Milanais au nom de François
i
318 NÉGOCIATIONS DE DOMINIQUE DU GABRE
Marie Sforza. Celui-ci mourut en 1531. L'Empereur s'empara alors
du duché de Milan, et entretint longtemps François 1er de l'espé-
rance d'investir l'un de ses fils de ce duché ; malgré cette pro-
messe, il en investit Philippe II le 11 octobre 1540. Ce prince, et
tous les rois d'Espagne, possédèrent le duché de Milan jusqu'en
1706, époque où l'empereur Joseph Ier s'en rendit maître.
P. 59, dépêche 43, ligne 5, en noie. — Les Tassin de Luna ou
Lonato ils étaient plusieurs, car du Gabre, pages 224 et 256 de la
présente correspondance, dit : l'un des Tassins résidaient à Lonato,
à 22 kilomètres de Brescia ; ils remplissaient Ips fonctions de cour-
riers et entretenaient de constantes relations, à titre d'agents de la
France en Lombardie, avec nos ambassadeurs à Venise.
P. 95, dépêche 72, ligne J , en noir. — Le duc de Mantoue. —
Guillaume de Gonzague, 3e duc de Mantoue. (ils de Frédéric Pr, duc
de Mantoue, et de Marguerite, fille de Guillaume VI Paléologue, né
le 14 avril 1538; il succéda en 1550 à son frère aîné François, sous
la tutelle de sa mère et de son oncle le cardinal Hennit' : épousa en
1561 Éléonore d'Autriche, tille de l'empereur Ferdinand Ier, el mou-
rut le 14 août 1585.
P. 135, ligne 6, en note. — Prestanza : impôt, taxe.
P. 168,lign>- :>. en note. — Alvarot. — Alvarotti, ambassadeur
d'Hercule II auprès de la Cour de France. Il avait été chargé, en
1554, de ramener à Ferrare l'héritier présomptif du duché, Alphonse,
qui s'était enfui pour aller se mettre au service d'Henri II Voir
Rodocanacui, Renée de France, p. 229 .
P. 216, note. — René d'Elbeuf. — René de Lorraine. 7 (ils de
Claude, duc de Guise, 1er marquis d'Elbeuf; il mourul en 1566. —
Elbeuf avait été érigée en comté par Philippe VI en 1338; «'lit' échut
en 1554 à la maison de Lorraine et fut, dès lors, érigée en mar-
quisat.
P. 242, dépêche 185, ligne I ! , en unir. — Guastalla, ville d'Ita-
lie, sur la rive droite du Pô. à 27 kilomètres N.-E. de Parme.
P. 263, noie 2. — Le duc d'Enghien. — .Iran, comte de Soissons,
puis duc d'Enghien à la mort de son frère François, uaquil le 6
juillet 1526; il était fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, el
APPENDICE 319
de Françoise d'Alençon. A la bataille de Saint-Quentin, il se jeta
dans la mêlée, la lance en avant, ne voulant pas être frappé par
derrière, fut mortellement blessé, et mourut à 1 âge de 31 ans.
La seigneurie d'Enghien, en Hainaut, était passée de la maison de
Luxembourg dans celle de Bourbon par le mariage de Marie de
Luxembourg avec François, comte de Vendôme, en 1467. Ce titre fut
successivement porté par son fils Charles et ses deux petits-fils
Jean et Louis de Bourbon. (Voir Le duc d'Aumale, Histoire des prin-
ces de la maison de Condé, 7 vol. in-8°. Paris, Calman-Lévy, 1885).
P. 308, dépêche 9, ligne 27, en noie. — Ce "Monsieur de Grand-
selve » était, sans doute, un oncle maternel de François de Noailles,
pourvu de l'abbaye de Grandselve, au diocèse de Toulouse.
TABLE ANALYTIQUE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOCIME
Abondio, courrier — '219.
Abruzzes.— 135, 137, 238, 240, 286.
Achile (Domenico d'). — 95.
Adda 1"). — 40.
Agria. — Voir Erlau.
Albe.— 21, 59.
Albe 'Fernando Alvarez de Tolède,
duc d'). - xxi. 7, 32. 37. 41, 122, 127,
130, 135, 137. 138, 140, U3. 147, 148,
176, 182, 190, 192. 195, 205, 206, 211,
215, 216, 246, 2.7, 261, 267, 268, 269,
274, 312, 313.
Albenine. — Voir Bene (Albisse ciel).
Albize. — Voir Bene (Albisse del)
Albo.n Jacques d'), seigneur de Saint-
André, maréchal de France. - Voir Saint-
André.
Albret 'Henri d'), roi de Navarre. —
159.
Albret 'Isabelle d'). — 160.
Albret (Jean d'). — 160.
Albret Jeanne d'). — 160.
Alcala de Hénarès.— 183.
AlencoiN (duc d1), quatrième tils de
Henri II. — 118
Alençon 'Françoise d'), mariée à
Charles' de Bourbon, duc de Vendôme.
— 319.
Alès (d1). secrétaire de Gabre. — 152.
Alexandre (le sieur). — Voir Guérin
Alexandre.
Alexandrie — 147. 238.
Alger — 100.
Alger (devs d'). —Voir Yahya, You-
souf.
Alvarot — Voir Alvarotti.
Alvarotti, ambassadeur de Ferrare
en France. - 168. 318.
Ambassade de France, à Venise (Pa-
lais de Y). — Voir Urbin (Palais d .
Ambassadeurs de Charles-Quinte —
A Rome, voir Manriquez de Lara,
marquis de Saria.
A Venise, voir Vargas.
Ambassadeurs de FÈrrark — A Paris,
voir Alvarotti.
A Rome, voir Roddi.
Ambassadeurs de France. — En An-
gleterre, voir Noailles François de .
Selve Odét de . Seurre [Michel de .
En Ecosse, voir Péguineau (Martin,.
Langea c Jean de ■
En Espagne, voir Langeac (Jean de).
A la Porte Ottomane, voir Aramon
'Gabriel d'). Boistaillé {Hareau de),
Cambray [Jean-Jacques de . Codignac
{Michel de . Fumel (François de), Lan-
sac [Louis de . Mari/lue [Charles de),
Noailles (François de), Vigne [de la).
En Portugal, voir Guivhe \Claude de
la), Langeac 'Jean de).
A Rome, voir Armagnac (Georges d'\
Avanson Jean d'), Guiche Claude de
la), Langeac Jean de), Lansac (Louis
de , Mari/lac (Charles de), Selve (Odet
de).
En Suisse, voir Asnois d'), Langeac
(Jean de\ Coignet (Mathieu).
En Transylvanie, voir Martincs.
A Venise,\oir/l rmagnac (Georges d').
Ba'if (Lazare de . Canossa, Gadagne
(Guillaume de), Langeac iJean de),
Morvillers (Jean de), Noailles (Fran-
çois de), Pélicier (Guillaume), Pins
(Jean de), Selve (Georges de), Selve
(Odet de).
Ambassadeurs de Philippe II. — A
Venise, voir Ayala, Vargas.
Amboise - 222, 297,299.
A.MBNZÉ Jean d' . enseigne au régi-
ment de Piémont. — 28.
ANCÔNE. — 122, 135, 161, 215. 216,
230, 246
Andelot (François de Coligny, sei-
gneur d',. agenl de l'ambassade de
France à Venise — 20, 80.
Andrinople. — 152, 166, 220, 229,
233. 219. 250.
Androuet du Cerceau. — 229.
Angennes (Jacques d'), seigneur de
Rambouillet, capitaine nés gardes. —
89, 297, 298, 299.
Angleterre (roi d"). — Voir Henri
VIII. Philippe U.
->:■>
322
TABLE ANALYTIQUE
Anglure (René d"), sieur de Givray.
colonel de l'infanterie française en Tos-
cane.— 313.
Anne de Bretagne, reine de France.
— xi, 3.
Anne de Hongrie, mariée à Ferdi-
nand 1er d'Autriche. — 189.
Anselme île P.). - 108, 311.
Antibes. — 91.
Antonio don . — 152.
Aramon (Gabriel de Luez. baron d).
ambassadeur auprès de la Porte Otto-
mane. — 51, 99.
Archives du ministère des Affaires
étrangères. — vu. xx: — de Ferrare. —
vu. xxvn; — de Modène. — vu. xx.
Arezzo. — XVI.
Ariège. — VIII.
Armagnac ^Georges d' . évêque de
Rodez, ambassadeur à Venise. — xv,
163, 293.
Arnoul (le contrôleur;. — 87.
Arquebuses. — Ml .
Artillerie. — 6, 18. 20. 38, iO. 54,
145, 159, 161, 187, 19i. 197. 211, 242. 245.
251. 254, 2". 282, 2s:. 2-8. 305. 312.
Ascanyo le sieur) —7,8, 92
Ascension (fête de 1'.. — 12s.
Asnois 1 Louis de Salazar. seigneur d';,
ambassadeur en Suisse. — 121. 245,
254.
Atri. — 230.
Attanante, secrétaire du cardinal
Carafa. - 147.
AUCANVILLE. — IX.
Ai ch (Collège des Jésuites d'). — IX.
Augsbourg. — 127, 183.
Auguste île duc . électeur de Saxe.
— 72
Augustins religieux . — 12S.
Aumale Claude II de Lorraine, due
d). - 21, 118. 2!i>. 27::. 271. 27:,. 317.
Aumale (comte d' . — Voir Guise
[Claude de Lorraine, premier du
Aumale Henri d'Orléans, duc d'). —
319.
Autriche Marguerite d' . veuve
d'Alexandre de Médicis, remariée a Or -
tave Farnèse. — 37.
Auvergne. — 291.
Avalos et Aqdino François-Ferdi-
nand d' . marquis de PescaïTe. — Voir
Pescaïre.
Avanson Jean de Saint-Marcel, sieur
d'), ambassadeur à Rome. — 106, 107,
109, 11U. 115, 117. 119, 151, 194, 237.
A VR ANCHES. — W .
Avala don Giovanni . ambassadeur
par intérim de Philippe II à Venise. —
212.
Bagdad. — 100.
Baglione Adrien . commandant des
troupes italiennes au service de la
France. - 121. 211. 220. 221.
Bagny (comte de). — Voir Carafa
.\nt<mio).
iUENAULT DE PUCHÈSE. — 291.
Baif iLazare de , ambassadeur à
Venise. — xv.
Bailleul Commanderie de). — x.
Bâillon Adrien). — Voir Baglione
(Adrien,) .
Ban. — 61. Ban arrière-. — 61.
Ba.ndidio (le sieur .agent du cardinal
de Ferrare. — 234, 236^
Banques. — 165, 232, 236.
Banquiers. —Voir Benc (Atbixse del),
Soz>/. <tmzz> Roberto,.
Banquiers de Lyon.— 164:- de Paris.
164.
Baptistin (le sieur . — Voir ïtrozzi
Baptistin .
Barberousse. — Voir Keir cl Din
Barcelone. — 10
Barques. — 83, 134,161,198, 201 -
Barry. - 183.
Barthe Paul de la . seigneur de
Termes. — Voir Termes.
Baschet Armand . — 122. L34, 185.
Bassa le). — 141, 174.
Baume Françoise de la), mariée à
François de Carnavalet. — 229
Baux Isabelle des , mariée à Pierre-
François Colonna. — 223
Bayard (Pierre du Ter rail, seigneur
de). - 94.
BAYLE de Ferrare .— 107: de Venise .
— 166
B A YONNE. — XXII. 55.
BEAUCAiRe Etats tenus à . - xi.
ieg ''.U' Jean du Thier, seigneur
de . secrétaire des finances. — xn. xm,
xxn. 29, 34, 169, 189, lit'.. 208, 27
294, 299, 309.
BeliÈvre de . — vu.
Bellay Guillaume du . seigneur de
. — Voir Langey.
Bellay Jeandu , seigneur du Bellav,
cardinal. - 55. 56. 57, 58, B
Bellay Louis du , seigneur de Lan-
gev, pèie du cardinal Jean du Bellav.
— "55
l!i i.i.ikr François de . abbé de Manne,
chargé de missions auprès du Pape.—
151, 229.
Bene Albisse del . -encrai ei surin-
tendant des finances. — 8
26. 31, 33, 3.",. 56. 60. I '16. 67,
68, 76. 81, f " 90, 92, 103, 104,
L32, 139, l-i. 192, 200, 232, 249
270. 306.
'. ENTE. — 227 .
Bentivoglio Cornelio), colonel ita-
lien au service de la France. — :'■■">.
Bi 1. 1 m- \ ii.i.f (de . ancien capitaine
français. - 168, 169.
r.hiii li lnd Francisque . -
l'uni 1; wii Jean . cardinal, garde des
sceaux de France. — 227.
Iti'/ii >,- Diocèse de . — xmv : Etats
tenus à — xi.
Bibliothèque nationale a Paris.—
VI. xxvn.
BlLLON, secrétaire du duc de l'arme.
TABLE ANALYTIQUE
323
Binch (de). — xxvi.
Biron. — Voir uontaut {Armand de).
Biscuits. — 152.
Blés.— 14, 21, 107, 187, 190, 193,194,
196. 197. 198, 199, 200, 201, 202, 314
Blois.— xi, xv
Bodet (Wr , secrétaire du Connétable.
— 245, 246, 247, 248, 249, 250,251, 252,
254, 255, 256, 258.
BOGNIÈRES. — 218.
Bohème (le roi de'. — 57.
Boistaillé (Hureau de), ambassadeur
auprès de la Porte Ottomane. — 100.
Bologne. — x, xx, 43, 64, 80, 133,
141, 145, 146, 147, 148, 155, 206, 215,
219, 313.
Bombardes. — 161 .
Bombardiers. — 161
Bonifacio. - 70, 7:, 92.
Bonnacorsy de), secrétaire du duc
de Ferrare. — 11, 13, 14, 15, 60.
Bonnet [Jules). — xi.
Borghetto — 187.
Borgia (Lucrèce), mariée à Alphon-
se Ier d'Esté, duc de Ferrare. — 3, 96.
Boucher. — 82, 83, 114.
Boucher (Etienne , abbé de Saint-
Ferme. - 120, 194, 300.
Bouchier (Arnouldj, secrétaire de
l'ambassade de Borne. - 25, 51, 52.
Bouchot (Henri). — xxvi.
bouillard (d.). — x, xxiii.
Boulets. — 36, 145, 253, 271. 288.
Boulogne. — 102
Boullogne. — Voir Bologne.
Bourbon (maison de).— 319.
Bourbon (Antoine de), roi de .Na-
varre. - 4, 118. 159, 160.
Bourbon Antoinette de), mariée à
Claude Ier de Lorraine, duc de Guise.— 7.
Bourbon (le cardinal Charles de). —
118.
Bourbon (Charles de), duc d'Enghien,
fils de François de Bourbon. — 319.
Bourbon Charles de), duc de Ven-
dôme. — 318.
Bourbon (François de), duc d'En-
ghien, frère aîné du suivant. — 318.
Bourbon (Jean de), comte de Sois-
sons, duc d'Enghien. - 263, 318.
Bourbon (Jean de), duc d'Enghien,
pelit-tils de François de Bourbon. —
319.
Bourbon (Louis de), duc d'Enghien,
frère du précédent. — 319.
Bourbon (Louis II de), pair deFrance,
duc de Montpensier. - xxi, 263, 310.
Bourbon ^Marie de), veuve du comte
de Soissons, duc d'Enghien, remariée
à Léonor d'Orléans, duc de Longue-
ville. - 317.
Bourg (Claude du), trésorier des fi-
nances à Lyon et trésorier de l'extra-
ordinaire dés guerres. — 189.
Bourg-en-Bresse. — 259.
Bourges — x, xv, 174.
Bourgogne. - 257, 317.
Boyvin de Villiers, secrétaire du
maréchal de Brissac — 21, 25.
Brandebourc (marquis Albert de).—
71.
Brantôme (Pierre de Bourdeilles, sei-
gneur de). — 23, 33, 35, 53, 102, 123,
160,107, 256, 317.
Bbesaule, médecin de du Gabre.— 32.
BRESCELIiO. - 20, 24,25. 30, 37, 39,
40, 41, 43,60, 67, 72. 75,77,80, 135, 169,
193, 305.
Brescia. — 3, 57, 208, 213, 214, 224,
318.
Bresse. - 259
Bresse. — Voir Brescia.
Bresseil. —Voir Brescello.
Bbeuil (Jacques du). — xxm.
Brézé (Louise de), mariée à Claude II
de Lorraine, duc d'Aumale. — 317.
Bbigantins — 2 4 4, 257.
Brissac (Charles de Cossé , maréchal
deFrance. — 25. 102. 146. 147. 148.
153, 156, 161, 218, 220, 223, 226, 236,
247, 255, 259, 273. 293, 301.
British Muséum, à Londres — xxvi.
Brosses [de), maréchal de camp dans
l'armée du duc de Guise — 315.
Brunswick ^Henri II, dit le Jeune, duc
de). — 101, 263.
Brutus (Lucius-Junius). — 108.
Bruxelles. — 217.
Bucentaure (le). —128,166,204,225,
Burgos. — 25, 138.
Burgues (le cardinal). — Voir Men-
doza .
BURTY (A). — XXIII.
ÎÎISSIÈRES-BUZET. — IX.
Byasio (Jean-Marie de), prisonnier.—
Cabassolles (Antoine de), capitaine
des galères. — 56, 59.
Calais. — 279.
Cales. — Voir Calais.
Calvi — 76, 81.
Calvin (Jean). — xiv.
Cambis île sieur de . secrétaire à
l'ambassade de France à Venise, - 176,
316.
Cambray (Jean-Jacques de), vice-
ambassadeur auprès de la Porte Otto-
mane. — 17 4, 181, 182, 185, 195, 203.
Camillo ; le sieur , capitaine italien.
~ 15, 19. 20. 235.
Cami-li — 240. 2i2.
Canons. — 40, 70, 80. 161, 187, 287.
Canossa, évèque de Baveux. — xv.
C^piferi (Jérôme), cardinal. — i.i.
Capus famille de . — ix.
Carafa (Alphonsel, cardinal, neveu
du cardinal Carlo Carafa — 227.
Carafa i Antonio . duc de Montebello,
comte de Bagny, neveu de Paul IV et
frère aine du cardinal Carlo. — xx,
122, 129. 141. 112. 176, 178, 187. 216.
Carafa Carlo , cardinal, neveu de
Paul IV.— XV, xvi, \vii, xviii. XIX, 43,
118. !2ii. 121. 122. 123, 132, 133, 134,
137, 138, 139, KO. 143, I 11. lin. 117.
148. 1 l'.i, 160, 163, 168, 170, 171, 172,
176, 177, 178, 186. 187, 203, 204, 207,
324
TABLE ANALYTIQUE
208. 209. 210. 212. 213, 214. 215. 216.
217, 218. 219, 220, 225, 228, 230, 269,
274. 312, 313
Carafa Jean-Jacques . comte de
Monlorio, duc de Paliano. neveu de
Paul IV, frère du cardinal Carlo. —
137, 139, 140, 147. 171, 176, 206, 218.
25G. 307. 308.
Carcassonne 'sénéchal de).— 61, 62.
Carnavalet François de Kernevenoy
ou . chevalier de l'ordre du Roi.— 229,
232. 234.
Carnavalet (Hôtel . à Caris. —229.
Carpi. - 114, 115, 235.
Casal Major — 166, 226, 228. 245.
Casa le — 105, 135. 150.
Casoli. — 99.
Castelfranco. — 1 15.
Castel Rodrigo. — 138.
Castro. — 187
Castro [duc de). — Voir Farnèse
(Horace .
Castro duchesse de). — Voir Diane
d'Angoulâme.
Castro Scipion de . — 156. 226.
Cateau-Cambrésïs (paix de). — 8, 150,
279.
Catherin Jehan), maître de la poste
à Lyon. — i .
Catherine d'Angleterre, mariée a
Guillaume de Courthenay — 107
Catherine de Médicis, reine de
France. _ s. 10. 12. 120. 215, 256, 291.
Cavalcanti Lucrèce . mariée au gé-
néral del Bene. 8.
Cavalerie. — 51. 135, 1 19, 152, 221.
242, 305.
Cavi le marquis de . fils de Jean ■
Jacques Carafa. — 256.
Ceneda. — 219.
Cér isoles - x. «Il .
CERVIA.— 121. 212. 21 i. 215, 289.
Césarin Julien . — 172.
Ceslos (monastère de. àTolède). - 136.
Chambre apostoliquk la . 120, 1 T i .
Chambre des comptes. — 292.
Champ ac.ne.— 257
Champdoiseau, courrier — 137, 139,
140.
Chantereau, secrétaire d'Odel de
Selve. — xvi.
Chantilly. — 10. 13.
Charles VU I, roi de Fiance.— xi.
Charles l\, roi de France. — 9, 317.
Charles-Quint, empereur wi.
xvii. xix, '. 16. 23. 17. 53, 58, 59, 69,
71. 72. 73, 74, 75, 78, si. 98, 100, 102,
105, 110. 112. US. 126, 127. 129. 111.
142, 1 il. 150. 157, 171, 172, 176, L78, 179,
180, 182 183. ISS. L92, 199, 210,239, 240,
249, 264, 265,266, 282, 287,290, 296,297,
298, 317. 318,
Charrière F. '.— 171. 181.
Cil VS'i ILLON le cardinal de . — Voir
Colii/iui Odet de .
Chauchanon 25.
Chemans François-Brigilte-Errault,
sieur de . - 119, 156, 157, 226. 247,248,
249, 250, 252
Cherasco. — 213.
Chesnay-des-Bois (La). — 27.
Chesneau (Jean), secrétaire de M.
d'Aramon. — 51.
Chevau-légers. — 34, 37. 38, 102,
129, 152, 189, 202. 207, 216, 232, 314.
Chiaramonte Annibal de. capitaine
italien au service de la France. - 301.
Chiaramonte François de), colonel
italien au service de la France. — 301.
Chinsi. — 25.
CHIOGGIA. - 128. 134. 145, 197. 199.
Chiosa. — 36.
Civita-Vecchla. — XX. 172.
ClVITELLA. XXI, 212. 213.216, 217.
261. 267. 271. 307.
Clément VU, pape. — 5
Coghart [le baron Pierre . résident à
Rasuse. 99. 100. 111. 113
Codignac Michel de . ambassadeur
auprès la Porte Ottomane - 99. 127.
lit. 150, 152. 171. 181. 185,203, 233. 249.
Coi i fier Gilbert . lieutenant général
en Italie. - 196, 198, 200. 2'i.
Coignet Mathieu . ambassadeur en
243.
- 132, 133, 246.
François de . — Voir .1»-
Suisse.
Coire.
Coligny
delot.
Coligny
France. —
Gaspard de . amiral de
lis
Coligny .odet de), cardinal de Cha-
lillon - 17. 26, 28, 32 194, 279.
Collège le . à Venise — 134.
COLONNA famille . — 137. 217
Colonna Vseanio), duc de Paliano.
- 171
Colonna Marc-Antonio.— 137,171,
176 261.
Colonna Pierre-François), seigneur
de Zagarolo. — -
Colorno. — 80.
Commandon Jean-François .cardinal,
secrétaire «le Paul IV. - 191.
Commissaires des goerres. — Voir
Jacquier, Paquier, Tadei Vin
etc.
CompiÈGNE. — xiv. xxii, 293, 291, 308,
Conciles. — Voir Latran, Narbonne,
l'ise, Trente
Conclave lei. — xvn.
Condom. — 94.
CO.NEGLl v\" — 219.
CONl. — 217. 253, 255,
Conni i \t:i.i: (M. le . — Voir Montmo-
rency Anne de .
C i'nsi il dbs l>i\ île . à Venise
CONS1 wiiMipi e. — 20, 51. 100. 107,
lie. 120, 123, 166, 193 241, 249, 250.
Com i taiNi (Tomaso), provéditeur à
Venise - 220.
Con iTtni.i i ' i \ . — Voir Lttu-
glade, Marcati Pomaro.
Coparb. 202.
Cornbuo, agenl à Venise. — B
CORRBGGIO. — 234, 255. 231
256, .
Corse. - 2::. 73, 75. 77, 90, 91.
TABLE ANALYTIQUE
323
Corso (San Pietro . colonel an service
de la France. — 301.
Cotignag. - Voir Codignac.
COULEUVRINES - 281 .
Courriers — Voir Champdoiseau,
Chemans, Franchot, Gassot, Girault,
Guërin, Jacobo, Jehan André, Landes
{des , Lhome (Pierre de), Losco, Ma-
lacrida, Marseille, Ncpy, Perrot, Petit
Jean : Rau du . liirieie la . Scipion,
Sigismondi, Tassin, Thienne <ie .
Tholomei.
Courtenay Edouard de . comte de
Devon — 107, 168, 169
Courtenay (Guillaume de), comte de
Devon — 107.
Crémone.— iO. 17, 166, 172, 285, 303.
Croce ,Pompeio de. 105.
Croix (Camille de la , agent de l'am-
bassade de France à Venise. — 316.
Croix (Jean-Jacques de la), secrétaire
de l'ambassade de France à Venise. —
22, S8.
Cujas. — XXIV
Cumedi.no. — X.
CUMIANO. — 201.
Dabello, notaire. — ix.
Dagqs. — Voir Dit.r.
Dandini (Jheronimo), nonce en France
sous Paul III, cardinal. — 47, 59, 75,
78, 80.
Dardois, secrétaire du Connétable.—
233.
Dauphin (le). — Voir François II.
Dauphin'É. — 317.
Dax évêque de). — Voir Noailles
[François de,.
Del'isi.e (Léopold). — xxvn
Dello Cùmune — 259.
Delvechio. — Voir Vechio [Thomas
del).
Deudoys. — Voir Dardois.
Desjardins A . — 89. 212.
Despalato. — Voir Spalato.
Diane d'Angoulè.mk. mariée à Horace
Farnèse, remariée à François de Mont-
morency. — 203, 317.
Diane' de Poitiers, duchesse de Va-
lentinois. — 29, 317.
Dix (Conseil des). - Voir Conseil des
Dix.
Doges de Venise, — Voir Flabanico,
Prioli, Trevigian, Venieri.
Doria (Andréa), généralissime des
galères de Charles-Quint. — 75.
Dorsudoro (île de), à Venise. —
128.
Douai- Mgr . — 9. 19.
Doudet (le' secrétaire . — 259.
Dragons. — 287.
Dragut ou Drogui i . corsaire haï ba-
resque. — 69, 7t. 2 15.
Dreux. - 310. 313, 317.
Duke y 1». . - xwu.
Uupra r Antoine , cardinal, chance -
lier de France sous François l\ — I s:'..
Durûy Georges).— xvii, i:;. 106, lis.
137. 171, 176, 179, 183, 186. 190,204, 207,
216 217. 243, 245. 256,266,269,274.
Dr i hier. — Voir Beauregard.
Edouard IV, roi d'Angleterre. — 107.
Elbe île d'). - 68, 69, 92.
ELBEUF Jîene d'). — Voir Lorraine
René de .
Éléonore d'Autriche, mariée à Guil-
laume de Gonzague, troisième duc de
Mantoue. - 318.
Elisabeth d'ANGLETERRE . — vu.
Emboyse. — Voir Amboisc.
F.M BRUN. — X.
Empereur d' —Voir Charles-Quint.
ënea. - Voir Piccolomini (Enea).
Enghien duc d'). — Voir Bourbon
Jean de).
Enghien .seigneur d'). — 319.
ëpernay (siège d'). — 273.
Erlau. — 18 i.
Este maison d'). — xi.
Este (Alphonse I" d' . duc de Fer-
rare. — 96.
Este [Alphonse II d'), duc de Fer-
rare, tils aîné d'Hercule II. - 61, 81, 162,
166, 167, 168 200, 228, 239, 256 239, 297.
Este Anned' , fille aînée d'Hercule II,
mariée au duc de Guise. — 83.
Este (Eléonore d';, abbesse, demi-
sœur d'Hercule II — 90.
Este (Françoisd'), frère d'Hercule II.
- 17, 173.
Este Hercule II d' , duc de Ferrare.
- VII, XIII. XIV, XVII. XVIII. XIX, XX, .XXI,
xxvi. 3. i. 5, II. 10. 13. 1 i. 16. 18 à 23,
2:;. 26. 27. 30, :;2. :::;. 36, \\. 12. il. 15
a 18. 50, 31 52, 5 1 a 57, 59 à 63, 66,
67. 69, 70. 72 73. 7i 76. 78 à 85, 88,
90, 91, 96, 97, 98. loi. 103. 106 a 1 IS,
120. 122 12::. 125, 126. I2S a 132, 134,
135, 1 U. 115. liii l n. 149, 151. 153,
155, 157, 158, 162, lui. 165. 167, 169 à
171, 177. IsO, 182, 181. 186, 187, 197,
200, 201, 207, 211, 215. 216. 218 à 222,-
22 i à 231, 233 à 238. 211. 212, 211 à
255, 258 259, 260, 262. 263. 267 à 275,
278, 281, 282. 284, 283. 288. 289. 290,
20:; a 299, 303 à 306. 31 i à 318.
Este Hippolyte d'), cardinal, frère du
précédent, dit "le Cardinal de Ferrare.
- xvi, xvii, 13, 20, 35. 3C, il à 44, 59
à 61. 67, 70, 71, 73, 75, 77, 81. 91, 93,
94, 111,112, 115, 118,115,146,147, 166,
167, 182, 231, 270, 300.
Este (Louisd'), deuxième tils d'Her-
cule II. — 200.
Fiais de Languedoc. — x. — Voir
aussi Béziers, Beaucaire, Pézenas
Etats d'Orléans.— Voir Orléans.
Eustochia Laura . deuxième femme
,\ Uphonse I " d'Esté. - or,
E\ REUX. — XV, l",l .
Fan iouche. — Voir Fantuccio.
Fanti ccio Frédéric . audileur de
rôle. - 13. 131, 137, 20:;. 217. 21S.
26
326
TABLE ANALYTIQUE
Farges Louis . —xxvii.
Farnèse (famille). - 111. 112.
Farnèse Alexandre), cardinal. — 148,
184. 187, 293.
Farnèse Constance), fille naturelle
de Paul 111, mariée à Bosio Sforza,
comte de Santa Fiore. — X.
Farnèse (Horace), duc de Castro. —
4, 10, 203, 317.
Farnèse (Octave , duc de Parme et
Plaisance. 34. 37, 47. 93. 148. 177.
184. 1S6, 188, 194, 209, 230, 274. 278,
282, 288, 30:;.
Farnèse Pierre-Louis .lils naturel de
Paul III - 5, 187.
Farnèse le cardinal). - Voir Far-
nèse [Alexandre).
Fauconneaux, sorles de canons. —
287
Favorite la . — Voir Diane de Poi-
tiers.
Ferdinand Ier d'Autriche, roi des
Romains. — 183, 185, 189, 193. 205,
318.
Ferdinand, comte de Tyrol. deuxième
fils de Ferdinand Ier d'Autriche. — 189.
Ferrant Domp . - Voir Gonzague
i : ■ dinand II de .
Ferrure. y. vi. xi. xiii. xvh, 51,
105, 109. 112. 11 i. 116 117. 121. 125, 126,
129, 131. 131. 137. 139 à I i2. 144, 1 V9.
155. 1112. 105. I0S à 171. 17 1. 175. 182,
186, 187, 188, 195.. 196, 202, 203, 206,
207, 217. 21S. 219, 220, 233. 211. 246,
21!) a 252. 251 2(11. 264, 21,7. 271. 272.
275. 275. 277. 27S, 290, 294, 205. 296,
5H5. 309 315, 5111.
Ff.RRARE le cardinal de .— Voir Este
[Hippolyte '/"
Ferr \hf. Cour de} — xvi
Ferrare le duc de).— Voir Este
Hercule </' .
Ferrare Renée de France, duchesse
de . mariée à Hercule II d'Esle. ai. \i\.
3. 83 88, 90. 97
I i rrière Hector delà.- 4. 89, 120,
15,1. 160, 197.
Fiasco Mexandre . - 200, 201, 210.
252 25 1. 255 258.
Final Nelli Emilia. — 282.
FlSQUET. - X.
Flabanico Donienico . doge de Ve-
nise. — 122.
Flaminio 'le sieur;. — Voir i rsini
FI <i m ni m.
Flandres. - 39.7 1. 120. 129. 112. 15,1.
157. 160, 218, 251 25s. 21;:;. 264.
Florence. - il. 13. 1 1.25. 21;. 28. 31,
5i;. 12. 5:;. 51. 55, 112. 70, 71, 72. su. m,.
90, 91. 95, MU 155. 159, 161, 184, 222.
223, 221. 22s 293.
Florence duc de). — Voir Médicis
fu^iif de .
Foix Comté de . — vin
Fonds fr vnçais Bibliothèque natio-
nale) . — vu
Fonds lai in Bibliothèque nationale).
— VI.
Fontainebleau.— xiii. xx. 291, 292
Forcadel (Etienne), jurisconsulte.—
XXIV.
Fortifications. — 72. 134. 148. 282.
Fossano. 247 257, 258. 259.
Fourquevaux (Raymond de Beecaria
de Pavie. de Robert', 1 aron de), tréso-
rier des finances en Italie.— 9. 13, 11.
21. 23. 24. 25, 27, 49, 56. 7 t. 77, 79, 93.
lui. 115, 146, 159, 186, 196. 220, 221.
France [Renée de). - Voir Ferrare
Renée de France, duchesse de .
France Marguerite de), mariée au
duc de Savoie."— 150.
Francfort-sur-le-Mein. — 7.
Franche Comté. — 258.
Franchot, courrier. — 56, 57.
François Ier. roi de France. — xi.
XIV, 13, 22. 25. 75. 80, 100, 143, 317, 318.
François IL dauphin, puis roi de
France.' fils aine de Henri II.— 53, 284.
FRKGATES. — 76. 161.
FrÉJUS. — loi.
Fricili. — Voir Frioul.
Frioil le). — 219.
Frotté le cavalier), gentilhomme
ferrarais — 166
Fumel François, baron de), gentil-
homme ordinaire de la Chambre.- 58.
Gabarra l'abbé . — 193.
G vbre. — vm.
Gabre famille du . — vin.
Carre Arnaud du . receveur des ex-
ploits et amendes au Parlement de
Toulouse ix.
Gabre Fabre du), consul à Gabre.—
Mil.
Gabre (Georges du . conseiller-clerc
au Parlement de Toulouse, firère de
Dominique du Gabre. — ix.
Gabre Guillaume «lu . neveu de
Dominique du Cabre. — xxiv.
G VBRE Raymond du . neveu de
Dominique du Gabre . - is .
Gadagne Guillaume de), seigneur de
Bothéon, gouverneur du Lyonnais, am-
i'ur extraordinaire à Venise. —
86, 87. 252.
Gadagne Thomas de), maître d'hôtel
de François l'r. - 86.
Gadagne Thomas de), maître d'hôtel
de Henri II. 86.
G.AETE. - 125. 130.
Gaignières Fonds), à la Bibliothèque
nationale. — 199.
G ULLAC. — IX.
c m mu ni (l'abbé).— ix. xxvii.
Galères —75. s:;, ni. 125. 125, 150,
152. 156, 157. 166, 172. 1S5. 201,. 207,
210, 21 1. 22:;. 22(1. 2,1. 2,5. 250. 201.
262, 312, 315.
G \i;c. \ ilon Garcia de Tolède —
Voir Tolède [Garcia -/c .
C \i;n Guillaume du . commis de l'Ex-
traonlinaire des guerres 231, 235,
236, 248, 25li. 252. 255. 25,. 255 27o :: I | .
G \uu \ntoinc Escalins des Aymards,
|,aron de la . dit le Capitaine l'olin..
,, encrai des galèl es de France. — 23. 17 i.
TABLE ANALYTIQUE
327
Garde iGaucelin de lai, évoque île
Lodève. — 61.
Garde lac de) . — 276.
Gasolo Carlo de), capitaine italien
au service de Charles-Quint. — 93
GASSOT. courrier. - 5. 12. 1 4, 16, 17,
27, 28. 30. 35, 36. 86. 222,
Gendarmerie. — 260. 263. 270. 310.
GÊNES. - 37 53, 73 75, 91. 92. 127.
130,148, 137. 192.
Genève. — 196.
Gigliola Julia . - 109. 110.
Giral'lt, courrier. — 212, 214
Givry de). VoîrAnglure Renéd'
Gontaut (Armand de .baron de Itiron.
maréchal de France. — 273.
Gonzague maison de). — 32
Gonzague (Éléonore de), mariée à
François-Marie Ier de la Rovère, duc
dl'rbin. — 24
Gonzague (Ferdinand de), vice-roi de
Sicile - 10. 2 4. 25, *0. 53. 59, 75, 257,
238, 259.
Gonzague François de., deuxième
duc de Mantoue. — 318.
Gongague Frédéric de . premier duc
de Mantoue. — 318
Gonzague (Guillaume de), troisième
duc de Mantoue. — 95. 108, 171, 201,
318.
Gonzague l'Hercule de . évêque de
Mantoue. cardinal. - 52.201,318.
Gonzague (Isabelle de) tille de Fré-
déric de Gonzague. mariée à François-
Ferdinand de Âvalos, marquis de Pes-
caïre. — 224.
Gonzague Jean-François de), marquis
de Mantoue. - 10.
Gonzague (Louis de), seigneur de
Bozzolo. — 53.
Gonzague (Pierre de), frère du pré-
cédent. — 33
Gonzague (Rodolphe de). - 57. 79.
Gonzague (Sigismond de). - 278.
Gorfalques, sorte de canons. — 287.
Grand Seigneur le). — Voir Suley-
man II.
Grandselve (M. de). - 308. 319.
Grandselve abbaye de). — 319.
Grapello — 24. *
Cli AVELINES. — 8.
Grenade-sur-Garonne. - vin,ix xxiv.
Grenoble manuscrit de).— xxvn.
Grisons îles . — 121.215,224,246,
275, 315.
Grossetto. — 95.
Guadaigne. — Voir Gadagnc .
Guarin (le sieur Alexandre . — Voir
Ouërin Alexandre .
GUASTAIXA. - 10. 242, 233, 236. 258,
318.
Guérin Alexandre', courrier. — 85.
103. 10 4, 110, 112. 222.
Guiche (Claude de la . évêque de
Mirepoix, ambassadeur en Portugal et
à Rome. — 9, 15, 17, 18, 26, 41, 43, 48,
56.
Guiche (Gabriel de la), gouverneur de
Bresse. — 259.
Guise (Charles de), cardinal, dit le
cardinal de Lorraine. — xi. xvn. xvm,
xxii. 13. 1 4. 17. 27. 30 16. 77, 78.86 87,
119 123. 121. 126. 12$, 129 130 131. 133,
133. 142, I 13. I 11. 151, 153, 232. 237. 219,
252, 269, 27. . 277, 281. 304, 305, 306.
Guise Claude de Lorraine, premier
duc de), père de François de Guise —
7. 83. 318.
Guise François de Lorraine, duc de .
—XI, XXI, 7 17. 21, 78. 102. I 13, 122, 135.
137, 139, 1 10. 143. 1 15 à l'.8, 152, 155,
156, 139 à 162 165, 201 à 203 205, 207,
210. 211, 211 à 216, 21S. 220, 221. 223 à
229, 231 à 23 4 237. 238 241 à 252 233,
256, 238. 261. 264, 267 à 270 277. 279.
284, 293. 301. 306, 311. 313, 31 1. 315.
Hainaut. - 219.
Harley imanuscrits du fonds . au
British Muséum xxvi.
Haumale Mr d . Voir Aumale
Claude II d').
Hauteville (Elisabeth d'), mariée à
Odel de Coligny - 17.
Hébrard (Aloin), notaire. - 61.
Henri IL roi de France. — vi. xi, xiu.
xvn. xx. Dépêches de Gabre à lui. 4.
5. 7. 11. 17. 22. 34, 15, G2, 65, 68. 70,
74, 89, 91. 107. 120, 123, 130. 132. 133,
144, 147. 155, 156, 175, 178. 185, 190,
196, 199, 204, 213, 225, 228, 240. 248 274,
— Dépèche à Noailles, 311. — Pro-
curation à Gabre, 291.
Henri III. duc d'Anjou, puis roi de
France. — 94 118. 229.
Henri, roi de Navarre, puis Henri IV,
roi de France - 118.
Henri VIII. roi d'Angleterre. — xn,
xiv.
Hercule II d'F.ste. — Voir Este Her-
cule '/' .
Hesdin. - 3, 4. 6. 7. 2L. 150
Hongrie.- x, 100. 152. 136. 183. 184.
193. 229.
Hongrie (reine de' — Voir Isabelle.
Hongrie (roi de). — Voir Ladislas,
Zapoli.
Horan.— Voir Oran.
Horio le comte . — 239.
Ilanz. — 2 16.
Innocent VIII. pape. — 75.
Innocent X. pape. — 187.
Inquisition Tribunal de 11. — xiv.
Isabelle, tille du duc de Mantoue.—
Voir Gonzague Isabelle de .
Isabelle de Pologne, reine de Hon-
grie, tille de Sigismond-Auguste, roi
de Pologne. — 176.
Isée. - 106.
Ismael 1er. empereur de la Perse. —
100.
Jacobo [Domp . courrier.— 28.
Jacquier ,de), commissaire ordinaire
des guerres. — 228.
3-28
TABLE ANALYTIQUE
Jehan André . capitaine et courrier.
— 180.
Jehan. — Voir Byasio Jehan Marie
de).
JOINVILLE. — 13.
Joseph Lr. empereur d'Allemagne.
— 318.
Jules monnaie romaine). — 133, 193,
197.
Jules II. pape. - 122. 216.
Jules III. pape. — xu. xvi. 33, 36.
12. ;-. 18, 53, 58, 70, 71, 84, 85, 03. 95.
98, 99. 102. 107, 120, 290 296.
Kaboul. — Voir Kaposvar.
Kaposvar. - 193.
Kheïr-ed-Din-Barberoussé corsaire
algérien, grand amiral de la Porte . —
69":
Lacurne de Ste-Palaye. — 126. 294.
LALii.-L\r-, roi de Hongrie. — 189.
Lafayette iMme de la). — 160.
La FÈre. — 309. 310.
La Fontaine le trésorier . — 81
Lalala. — Voir Ayala don Giovanni .
Lalanne Ludovic . — 22. 23. 33. 35.
53, 102. 123. 160. 161 236.
Lamoignon manuscrits de M' île . —
199.
Landes [M' des), courrier — :
Langeac Jean de . évêque d'Avran-
clies. ambassadeur à Venise. - xv.
Langey Guillaume du Bellay
gneur de . - 23
"" Langlmu. de .contrôleur en Toscane.
— 130.
Lansac Louis de Saint-Gelai-
gneur de . ambassadeur à la Porte Ot-
tomane et à Rome — vu. 17. 15, 16,
47. 48. 51, 5 '■ 63, 82. 83. 3
S8. 93. 95, Km. 101. 104 115, 155, 194,
211. 232. 293 294.
Lansqueni 9, lui.. 153, 2,2.
245. 217. 255.
Laon. — 310.
Latotr Antoine de - igneur de
Saint-Vidal, colonel d'un régiment d'in-
fanterie en Toscane
Latran (Concile de . — 122
La Treilhe de Fozières famille de .
— .\.
La ut r Ei : — 'i'.
La Vigne. - Voir Vigne lu .
Le Bru. — 94.
Lefèvre-Poni vus Germain . — 168.
Lenoib Alexandre . — xxiv.
Lens. - 160.
LÉON \. pape. - 317 .
LÉRIN-. — 151.
Lhome Pierre de . courrier. —
Lignières le président de). — 220.
Ltgi îse. — 246.
LiGl es suisses. 52.
Limoges. — xv. 55.
Lisbonne. :'.■.'.
Livio Crotto, capitaine siennois. —
276, 277,
LIVOURNE - 95, 285. 317.
Livres luthériens. — 97.
LOC 1ES. 4.
Lodève église de . — 61.
Lodève évêques de"). — Voir Garde
Gaucelin delà . Mandagot Guillaume
de)
Lodrone Alberico, comte de), com-
mandant il'uii corps allemand. — 224.
226
LOMBARDIE. - xxi. 6. 7. 54, 148, 149.
191. 210. 218 219. 225. 25». 284, 285.
287. 301, 312. 318
LOMÉNIE DE BrIENNE. — 290.
LONATO. - lit. 208. 209. 213. 318.
Longuejoue Mathieu de . évêque île
Soissons. - 276.
LoxGUEViLLE duc de . — Voir Or-
léans (Françoise'), duc de Longueville.
LONGUEVILLE duc de . — Voir Or-
léans Léonor d'), 'lue <!*■ Longueville.
Lorraine maison de . — :; 1 s.
Lorh une Claude de . premier duc de
— Voir Guise.
Lorraine cardinal de — Voir
Charles de .
Lorraine François de), grand-prieur
de France. — 83
I.iirr une guerre de . — 21 .
Lorhaine René de . marquis d'Elbeuf,
lieutenant du duc de Guise en Italie.—
21'..
Losco le capitaine Nicolo . — 9.221,
Louis Vit. roi de Fiance — cl .
Louis XI. roi de France. — 206.
Louis Ml. roi de Fiance. — xi. 3.
I.i c famille du . — îx.
Lucignano - '.J 67, 95.
Luino. — 1 lu.
Lun.a . — Voir Lonato.
I.ii.ii es. — 95.
Luxembourg maison de . — 319.
Luxembourg .Marie de . mariée à
I - de Bourbon, comte de Ven-
dôme. • 319.
Luzzaro seigneur de). - Voir Gon-
zagûe Rodolphe .
Lye. — Voir Luino
Lyon. - \. g 21. 2". 51, 56. I
66, 70. si. 82, ^7 90, lie; Ils. 132, 138,
139, I il. 152 loo. ici. 193. 2e-
:;12.
RATA. - î
M VDRID l'ait.'' de . — i:;
Madri ce Christophe . évéque de
Trente. - KI7. 121. 127, 130. 19
212. 21
Madri ce Nicolas , capitaine général
au Tvrol. - 107.
— Noir Vadruce
Chi istophe
M vgdi bourg (Albert, marquis de . —
73.
MaIREPOIX (M' de — Voir SuaViUS.
M ILACRIDA le capitaine . — 98
Mai.m, \ Charles . directeur des
archives de l'Étal à Venise. — icxvi.
TABLE ANALYTIQUE
329
Malte. — 68.
Mandagot (Guillaume de), évêque
de Lodève. - 62.
Manfredo, banquier. 31
Manne (M. de). - Voir Bçllier [Fran-
çois de).
Manrïquez de Lara Jean, marquis de
Saria . ambassadeur de Charles-Quint à
Rome. - 105, 183
Mans le). — 55.
MANTOUE. - 5. 37. 146, 201.
Mantoue de cardinal de). — Voir
Gonzague Hercule).
Mantoue 'due de). — Voir Gonzague
[Guillaume de).
Manuscrits. — Voir Grenoble. Harley.
Lamoignon, etc.
Marcati, contrôleur des finances. —
236.
Marcel II, pape — xvi, i.:i, ni.
Marchands. - 8. 9. 22 27. 64. 66, 68.
90. 103. 133 161. 193. 1 7. 198, 199 200,
201, 202, 207 252. 268 270 275
Marche d'Ancone.— Voir Ancône,
Maréchaux de France. — Voir Bris-
sac Gontaut, M ont hic Montmorency
[François). Strozzi. Saint André, Saulx
(Gaspard de). Termes [de
Maremme [la). - 35. 317.
Marenne. — Voir Maremme [la).
Marguerite d'Autriche. Voir
Autriche {Marguerite cT).
Marguerite de France, mariée à
Philibert de Savoie. — 150.
Marguerite Paléologue, duchesse
douairière de Mantoue. — Voir Paléo-
logue {Marguerite).
Marie Tudor. fille de Henri VIII et de
Catherine d'Aragon, reine d'Angleterre.
— 260, 297.
Marienbourg. — 95, 150.
Marignan. — 5, 317.
Marignan (marquis de) — Voir Médù lis
(Jean-Jacques de) .
Marillac (Charles de\ archevêque
de Vienne, ambassadeur auprès de la
Porte Ottomane. - 155.
Marot (Clément). — xiii.
Marseille. — 76, 81, 94, 95, 113, 312,
315.
Marseille, courrier. — 109, 115, 229,
253.
Marta. — 187.
Martin (Alonce), gentilhomme espa-
gnol. - 183.
Martin (Ernest). — x.
Martin Jean-Baptiste'', capitaine. —
152
.Martin de Troyes, receveur des
finances. — 138.
Martinengo (Camillo de Moretz, comte
de), capitaine calabrais au service de
la France. - 35. 39.
Martines Pierre-Louis deV ambas-
sadeur en Transvlvanie. — 175.
Mas Latrie (de). — 215.
MATTEOLO(Messer), maître des postes
du pape. — 26, 81.
Mauguio. — v.
Maurice, électeur de Saxe. — 73.
\l Dticis maison de . — 52.
MÉDICIS Alexandre de . duc de Flo-
rence - 37.
Médicis Catherine de). - Voir Ca-
therine de Médicis.
Médicis Cosme de), duc de Florence,
premier grand-duc de Toscane. - 3.5,
S. 11. 12 14, 15. 27 30 31, ?>■!. 33. 36,
51 51 55. 61, 62 67 à 72. 80. 89. 92.93,
98, 125 129. 132, 112 1,9. 155, 160. 165,
171, 188, 200, -2-12. 223, 226. 243. 274,
27 s. 31 I
Médicis (François de) deuxième grand-
duc de Toscane. — 71
Médicis Jean de), dit le Grand Diable.
— 3.
Médicis Jean-Jacques , marquis de
Marignan. — 53, 09 105, 293.
Médicis (Marie de), reine de France.
— 72.
Mendoza François de), archevêque
de Burgos. cardinal.— 25.
M É HINDOU — 22.
Metz. t, 5, (î. 7, 150 160, 317.
Michel (Jean), ambassadeur de Ve-
nise à Partè. — .XX i\
Milan. - xvi. 10. 38, 53, 108. 121,127,
130. 147. 1 19, 157, 213, 215 218, 238, 254,
257, 258.
.Milan 'château de) — 317.
Milan 'duché de) - 59. 285, 317, 318.
Millet (Jean), secrétaire de la cham-
bre du roi — 211.
Mirandole (La1. - vi. 5. 13. 14, 18,
19, 24, 40. 51. 56 63 61. 68. 75, 87, 93,
119, 126, 132, 162, 187, 196, 221, 230,
271 303.
Mirandole ;comte de La).— Voir
Pico (Galeotto II .
Mirandole (Dominique de LaV — 52,
53.
Mirepoix 'évèques de). — Voir Gui-
che [Claude de la),Suavius (Jean), Vil-
lars (Pierre de\
MiRON(le secrétaire;. - 267, 270. 271,
311.
MODÈNE. — 20, 28, 30, 37, 100, 145,
228 235, 276. 305.
Moltn 'le procureur du). — 16.
MONCONTOUR. - 317.
MONDOVI — 243.
Monnaies.— Voir Jules, Réals, Testons.
Montaigne Michel de). — xxv.
MONTALCINO. - 25, 30. 31, 31, 35, 36,
11, 53. 56, 293, 313.
MONTALTK — 187.
Montanson M. de).— 255.
MONTARGENTORO — 95.
MONTARGIS. — XI.
MONTAUBAN. - IX.
Montaut Jean de, baron de Navail-
les . - 256 258.
Montebello (marquis de). - Voir Ca-
rafa i intonio .
montecatini — 95.
Monte Nkkena. — 227.
montepulciano. — xî .
Montferrand. — v.
330
TABLE ANALYTIQUE
MONTICELLO. — 18.
Montluc Biaise de), maréchal de
Franco.— xvi. 3 55, 94, 102, 105, 135.
149, 258. 293, 313, 314.
Montmorency Anne de . connétable
de France et gouverneur du Langue-
doc, xii, xiii. xv. xxi. 10. il. 13. 15.
20. 33, 37. U 16, 49, 30. 52, 53. 55. 51
à 60. 63, 67. 73. 75, 77. 82. 83. 88. 89,
93. 99. 101. 105 lli 119. 123, 136 141.
143. 1 19. 152 153. 157. 159. 162, 163,
166. 168. 169. 173. 17 i 175, 181, 182,
IS5. 186 188. 189. 192. 195. 198, 199,
203, 208. 222 221 253. 237. 210, 211.
215. 250. 253, 231. 257. 260. 261. 263.
264, 288, 293. 295. 299. 300, 309, 310,
317.
Montmorency (François de), fils aîné
du Connétable, maréchal de France. —
195 203. 230. 231. 317.
MONTONE [La . — »5.
Montpellier. — v.
Montpensier. — Voir Bourbon [Louis
Il de .
Montre des trolpes. 131, 157. 162.
226. 230, 235. 273. 275. 276. 277, 285,
301.302, 305
MORENGY M. de). — 119, 130. 193.
Mohone Pietro . cardinal . - 29.
Mortiers — 161.
Mohvillers Jean de . évêque d'Or-
léans ambassadeur à Venise.— xn. w,
281. 291, 296. 300.
Motte de la), madré île camp de
l'armée du Duc de Guise — 313.
Mousquets. - 36, 161.
muhlberg.— 32.
Munitions. — 6, 9, 14. 21. 187. 194
196, 197. 198. 262. 277. 301.
Nantoitllet château de . — 143.
Naples. — xvi. 5. 9 10. 14. 20, 33.
55, 61, 92, 91. 108. 127. 130. 117. ! 19,
166, 170. 171, 205, 226, 230, 251. 239,
215.
Naples (royaume de . — 285, 287.
Naples ( vice-roi de . — Voir Tolède
don Pierre <l> .
Narbonne. — 9.
Narbonne (Concile de . — xi.
Navailles de . — Voir Montant.
Navarre mi de). — Voir Bourbon
Intoine de .
Naves. - 215.
Navires. — 75.
Na/.y (Francesco . gentilhomme flo-
rentin, commettant du général d'El-
bène. - 8. 18, 26. 81, 124, 12ii. 130,
192. 212. 267. 316.
Nemours Jacques de Savoie, duc de .
- 160, 216. 217 51(1.
Nepy AscaniO de), courrier. — 67.
Nîmes. — 51.
Nh.ii i r, secrétaire du duc de Ferrare
— 23, 43. 48. 60, 62, 63, 67, 73, 74, 76.
77. !Ei. 112.
No AILLES. — XXII.
Noailles (François de), évêque de
Dax, ambassadeur à Venise, —vu, xxn.
181. 193. 276, 277. 278, 279, 308. 309,
311. 315, 319.
Noei. féfedeV — 204. 261. 26?.
Nous de navires. — 198.
NORETTE. — 306.
Novare. - 290.
OcTwio le duc . — Voir Farnèse
Octave ■
Odier. notaire à Audi. — ix.
Ognibene fie chevalier Giovanni , di-
recteur des Archives à Modène. xxvii.
Omale M. d' . — Voir Aumale Claude
d').
O.NEILLE. — 75.
Or ace de duc). — Voir Farnèse Ho-
race .
Oran. - 231. 232.
Orléans Étais tenus a . — xv.
Orléws évêque d . — Voir Monil-
ler* Jean de .
Orléans iFrançois d';, duc de Lon-
gueville, marquis de Rothelin. — 317.
Orléans Leonor d'), duc de Longue-
ville. - XXI, 263. 317.
Orléans-Longueville Charlotte d'),
mariée à Philippe de Savoie — 160.
Ornano famille). 301.
Orsini Camillo - 223, 284, 2S
Orsini Julio . — 205.
Orsini de Ceri Jean-Paul . —
ORUYBTTE — Voir Un ieto.
Orvieto. — 58. 63.
(tuY le docteur , chef de l'Inquisition.
— xiv, 96.
OSTIE — IX, 53. 118. 312.
Ottavio le due. — Voir Fumese
Octave ■
Pachecho de Cerallo Franeesco),
cardinal, légal de Charles-Quint —
138, 146.
PACQUIEB le capitaine . - 226. 236.
PAD01 i . 112. 1%, 197, 219. 226.211.
255. 256, 257.
Padoi i évêques de . — Voir Pisami
(François . Pisani l.<<tn< .
PALKOLOGI e Guillaume VI . -
Paléologue Marguerite . mariée à
Frédéric de Gonzague, duchesse douai-
rière de Manloue. — ils
Palia.no due de). — Voir Catofa
Jean Jacques ■
PAL] \no duché de . — 171. 176, 217.
21,1. 21,7. 268. 27 > 313
Papes.— Voir Innocent 17//. .Iules //,
Jules m. Marcel u. Paul m. Paul II,
Pie iv.
Pâques fête de). - 37.
Pâques foire de . — 56
PAQUIEB André Allemand. >ieur de .
commissaire de- guerres. — 162, 163,
165.
Paris. — \\i. xxn, xxm. 13, 55. 102,
164, 2».o. 261, 262, 279, 299, 300. -
Parlement de Paris. — w. 155, 245, 292,
TABLE ANALYTIQUE
331
Parlement. —Voir Paris, Toulouse,
Rouen.
Parme.- vi, x. 5. 8. 13, 14. 18. 19,20,
24, 25. 35, 40, 41, 49. 54, 56, 63. 61, 74,
75, 78, 79. 80, 87, 93, 106, 119, 126, 130.
132, 148, 181, 186. 187, 188. 190, 193, 194,
197, 198, 200, 201,202, 288, 300.301,
303, 30 i, 305. 318.
Parme (duc de). — Voir Farnèse
{Octave).
Parme (duché de). — 5, 145.
Partenay (Jean de;. - 9, 10, 14. 24,
25, 27, 111, 222. 223.
Passe- Volant. - 301, 302.
Paul III, pape.— x, xvi, 5, 28, 45, 187.
Paul IV, pape.- xvu, xxi, 3. 114,115,
117, 118, 120 à 123. 125, {26, 127, 130, 133
à 136, 139 à 142, 146. 147, 149, 151, 155,
159, 160, 161. 165, 166. 170, 171, 172. 173
à 180. 182, 183 184, 187 à 195 200, 202,
204,206. 207, 208, 210, 211,212, 214 à
217, 219, 223, 225, 228, 232, .233, 237,
248, 250, 253. 258 260. 262, 264, 266 à
271, 274, 278, 282, 287, 288, 293, 297,
299, 300, 303, 307, 312, 313, 314.
Pavie (bataille de). — 94.
Péguineau (Jacques', trésorier des
guerres. - 189.
Péguineau (Martin', ambassadeur en
Ecosse. - 189.
Pela (levèque de). — 132.
Pélicier (Guillaume , évèque de Mont-
pellier, ambassadeur à Venise. — v, vi,
xv.
Pérouse. — 8. 58.
Perrot, courrier. — 52, 115, 116
Pescaire (François- Ferdinand de
Avalos, marquis de), grand chambellan
du rovaume de Naples. — 223, 248, 257,
258, 259.
Peste a Venise. - 175, 180, 184, 185.
188, 195, 197.
Petk.liano (Giovanni Francesco, Ura-
no, comte de), gentilhomme italien au
service de la France. — 22, 48, 93
Petit (Jean), courrier. — 196, 197,
251.
Pkzenas i États tenus à). — xi.
Philippe II, roi d'Espagne. — xxi,
108, 12 , 122. 131, 134. 136, 138, 140,
144, 145 à 148, 152, 156, 176, 182, 186
187, 188, 191, 192, 194, 195, 199, 200,
202, 205, 207, 209, 212, 213, 216, 217,
223, 226, 230, 234, 239, 2 40, 243, 250,
254, 260, 262 à 267. 274, 278, 297, 298,
312, 318.
Philippe-Auguste, roi de France. —
61.
Philippe VI de Valois, roi de France.
— 318
Picardie. — 21, 64. 66, 69,70, 76, 78,
102. 257, 317.
Piccolomini (Enéa), gentilhomme sien-
nois. - 89.
Pico (Galeotto IF, comte de la Miran-
dole. — 6, 9, 19, 68. 93, 94, 119, 177,
189, 271, 272, 276. 303.
Pie IV, pape. — 17.
Piedmont. — Voir Piémont.
Piémont. — xvi, 12, 15,25, 38, 40, 53,
54. 55, 73, 75, 117, 146, 149. 150. 151,
171. 202, 207, 210. 218. 225,226,235,
236 238, 239, 242, 254, 257,273,297,
301, 302.
Pienza - 12, 18.
Pierre (le seigneur). — Voir Strozzi
{Pierre).
Piétro ;'signor).— \o\rStrozzi {Pierre).
Pins (Jean de), évèque de Rieux.
ambassadeur à Venise. — xv.
Piombi.no. — 69, 317.
Pisa.ni (François), évèque de Padoue,
cardinal.— 193, 196.
Pisani (Louis), neveu du précédent,
évèque de Padoue, puis cardinal. —
193, 196.
Pise. - 122, 216, 285.
Pise (Concile de). - 122.
Pise (Jheronimo de), colonel italien
au service de la France. — 11, 44 47,
80.
PlSTOLlERS. — 310.
Plaisance.— 37, 146. 148. 18i, 186,
305.
Pô (le). — 166, 318.
Pologne (Isabelle de), reine de Hon-
grie. — Voir Isabelle de Pologne.
Pologne (roi de). — Voir Sigismond
{Auguste).
Pologne (reine de). — Voir Sforza
Bona.
Poltrot (Jean, seigneur de Méré.—
7.
Pomaro (Pierre), intendant de l'am-
bassade de Frauce à Constantinople,
puis contrôleur général des munitions.
— 14, 20, 94, 108. 196.
Poropoly. — 306.
Port-Hercule. — 95, 113.
Poudre de guerre. — 36, 145, 161,
250, 253, 296.
Pouille (la). - 121, 215,
Pozero. ■ 160.
Prégay (le), conseil des Prégadi. —
122 215, 216.
Préséances. — 192, 240, 249, 264.
Prévéza. —111.
Prieur (grand-prieur de France). —
Voir Lorraine {François II de).
Prioli (Lorenzo), doge de Venise. —
17 1. 175.
Provence. — 314.
Provisions. — 64, 72, 87, 103, 126.
200
Puy (Etats tenus au). — xi.
Puydorphile (famille de). — ix.
Quéras. — Voir Cheresco.
Raguse. - 99, 123, 150, 206, 214, 220,
2 il, 244, 257.
Rambouillet (le sieur de). — Voir
Angenne {Jacques d').
Haimiindi (Marc-Antoine). — XXVI.
Rasse (Monseigneur de). — Voir
Farnèse [Horace).
332
TABLE ANALYTIQUE
RATISBONNE. — 127.
Rau (du), courrier. — 257.
RAVENNE.— xviii, 45, 58, 83, 121, 122,
131, 141, 210, 211, 212. 214 à 217. 271.
273. 289.
Real (monnaie). — 64, 133.
RÉFORME I il j - — -XIII.
REGGIO — xx, 37. 72, 197, 218. 232.
234. 238, 242. 276, 282, 305.
Reims. - 13.
Reine (de France). — Voir Catherine
de Médicis.
Renée de France. — Voir Ferrure
Renée de France, duchesse de .
Rhodes (île de . — 100.
Rialto (pont et place du), à Venise.
— 174, 316.
Ribier Guillaume). — vu. xxn. 123,
131, 148, 149, 180. 188, 192. 275. 293.
Rigoumes. — Voir Ru y Gomez de
Silva (don<
Rimi.ni. — 227
Rinaldo (le capitaine . — 224.
Rivière (M* la , courrier.— 214, 258,
259.
Robert ^Aristide de).— vin, xxvn.
Robert-Garils (de). — vm.
Rochvmbeai: [le marquis de;. — 4.
Rochelle (,1a;. — 317.
Roddi, ambassadeur de Ferrare a
Rome. — xxvi.
Rodez. - xv.
Rodocanachi (Emmanuel . — xi. 29,
61. 97, 167, 200, 268, 270, 278, 281, 297,
318.
Rodolpho (le sieur).— 221
Rohan (Françoise de). — 160.
Rohan (René de), père de la précé-
dente. - 160.
Roi d'Angleterre. — Voir Philippe
H
Rois fêle des). — 5.
Romag.ne Ua • - 62. 129. 155. 229,230,
243, 248.
Romains (roi des). — Voir Ferdinand
I" d'Autriche.
Rome - 7, 9, 11. 12, 11. 18, 24, 25,
26, 38, 48, 52, 55, 57. 59, 60, 80. -
86, 87 89, 90, 93, 102, 105, 111 à 115,
117. 118. 120, 122. 124 à 127. 129. 130,
133, 135, 137, 139 à 143. 145 a 149, 151,
153, 155, 156, 157, 159, 160, 163. 166,
167, 168, 176, 177, 178, 182. 183, 181,
187, 189 à 195, 197, 202 à 207, 209, 210.
211, 213, 215, 216. 218. 219, 227. 229,
230 à 234, 248, 253, 261, 266, 267, 269,
272, 274, 290, 293, 296, 299, 300, 305,
306, 312, 313, 314.
Rome (ambassade de). — xiv.
Rosset Alphonse, coadjuteur, puis
évêque de Ferrare. — 37, '77. 98, 260
Rostan-Pacha. - 203.
Rouen Parlement de — 155.
Ro\ ère François-Marie de la . duc
d'Urbin. — 24
iiu\ ère Guid'Ubaldo de la , duc
d'Urbin fils du précédent. — 24, 111.
126, 130, 256, 281
Rublk (Alphonse de . — 3.
Rumeau m.;. — vin.
Ruy Gomez de Silva (don,, tavori de
Philippe II. - 182.
Sacres, sortes de canons. — 287.
Saint André (Jacques d'Albon. sei-
gneur de), maréchal de France. — xxi.
263. 310.
Saint-Ange (château), à Rome. — 211.
Saint-Ciergue (Antoine Rohier. baron
de . général des tinances en Langue-
doc. - 11, 16,99. 163, 104. 165. 279.
Saint-Denis bataille de). — 17. 317.
Saint-Denis bourg d'Italie . — 305.
Sajnt-Didieb île chevalier de). — 128.
Saint-Empire romain. — 287.
Saint-Esprit monastère du/. — 128,
129.
Saint-Ferme (abbé de). — Voir Rou-
cher (Etienne .
S \ ini -Florent. — 29, 91.
Saint-Gelais Louis de), baron de
la Motte sainte Héray, seigneur de Lan-
sac. — Voir Lansac.
Saint-Georges (le cardinal). — Voir
Capiferi
Saint-Georges fêle de . —111.
Saint-Germain-en-Laye . — 10.
Saint-Germain-des-Prés. — XXIII.
Saint-Jean (Commanderie de/. — vin.
Saint-Jean fêle de). - -
Saint-Just monastère de . —265.
Saint-Luc de ). — Voir Valeran
d'Espinay de Saint-Luc.
Saint-Marc, à Venise. — 99, 316.
Saint-Martin. - 21.
Saint-Martin (la Rocque de).— 1 1">,
Saint-Michel ordre de). — 206.
Saint-Omer. - 51 .
Saint Papoul Monsieur de). — Voir
Salviati Bernard .
Saint-Quentin. — xxi. 130, 260, 261,
263, 267, 270, 219. 309, 311, 317. 319.
Saint-Saens fprieuré de . -- \.
Sain i Sr\ i eun A\ meri . évéque d'Ag-
de . - 10.
Sain i-Sk\ erin Jean-Francisco de . —
■
Saint-Vidal. — Voir /.'/ Tour An-
le la .
Saintes — 28.
Sai.mke — 95.
Salpêtre. — 145.
Sai.ic.es. — 8.
Salviati Bernard . évêque de Saint-
Papou!. — 256, 257.
Salviati Carlo). - 196, 191.
San Francisco palais de . à Ferrare.
— \IV
San-Martino. -
Santa Fiore comte de . — 25
S.\RIA (marquis de). — Voir Minut-
ie Lara.
Saulx Gaspard de . sieur de Tavan-
nes, maréchal de camp dans l'armée du
duc de Guise, puis maréchal de France.
- 315.
Savoie. — 2'.. 249.
TABLE ANALYTIQUE
333
Savoie (duc de). — Voir Savoie
{Philibert-Emmanuel de).
Savoie (Jacques do).- Voir Nemours.
Savoie Philibert-Emmanuel, duc de».
— 150, ni, 213.
Savoie Philippe, duc de). — 160.
Saxe (électeurs de). —"Voir Auguste,
Maurice.
Scatola. — 24.
Scipion (le sieur), courrier. — 12.
Sélim 1", empereur des Ottomans. —
100
Selve (Georges de), évêque de La-
vaur, ambassadeur à Venise et à Rome.
— XV.
Selve 'Jean de), premier président
du Parlement de Paris, père du précé-
dent — XIV.
Selve (Jean-Francisque de', fils du
précédent. — xv.
Selve Jean-Paul de), évêque de
Saint-Flour, frère du précédent.— xv
Selve ^Lazare de), chargé de missions
en Suisse, frère des précédents. — xv.
Selve [Odet de), ambassadeur à Ve-
nise et à Rome, frère des précédents.
— vu, XIII. XIV, XV, 3, 12, 18, 30, 33.
43, 48, 53, 74, 80, 93, 110. 121, 212, 224,
225, 246, 253, 256, 257, 271, 291 à 294.
311.
Sénéda. — Voir Cériëda.
Sens — 143.
Sens (le receveur de). — 83.
Serpentins, sortes de petits canons.
— 287.
Serres (Mr de), trésorier des armées
et commissaire des vivres. — 17, 21,
30, 35, 106, 202
Seurre (Michel de), gentilhomme de
la Chambre du roi, ambassadeur en
Angleterre. — 167, 168.
Sève <le chevalier). — Voir Seurre
(Michel de).
Sforza (famille). — 223.
Sforza (Roua), reine de Pologne. —
166, 183.
Sforza (Rosio), comte deSanta-Fiore.
— x.
Sforza (François-Marie), duc de
Milan. — 318.
Sforza ;Guido Ascanio). — x.
Sforza (Maximilien), duc de Milan —
317.
Sicile. — 71.
Sienne. — vi, xvi, 3, 5 à 15, 18 à 25,
27, 28, 30 à 33, 35, 36, 38, 42, 43, 45, 47,
48, 50. 53 à 60, 62, 63, 64, 67 à 72, 75,
78, SI, 85, 88 à 94, 98, 101, 102, 105, 106,
135, 177, 179, 217, 221, 222. 223, 290,
293.
SlGETH. — 100.
Sigismond (Auguste), roi de Pologne.
— 166, 175.
Sigismondo (le sieun, courrier.— 221.
Soissons (évêque de). — Voir Lon-
quejoue (Mathieu de).
Somme (la). - 318.
Sophie (le . — Voir Thamasp I".
SOUBÈS (le seigneur de). — x.
Soubise (Mr de:, gentilhomme de la
Chambre.— 105, 114, 119,152,186, 190.
Spalato. — 153, 220.
Spézia (la). — 245.
Spire — 7.
Spire (diète de). — 7.
Strozzi (Raptistin . gouverneur de
Modène. — 30, 31, 39, 45, 58. 285.
Strozzi (Lorenzo), cardinal, frère du
suivant. — 227.
Strozzi (Pierre), maréchal de France.
— 22, 23, 35, 42. 45, 46, 47, 49 à 52,54,
55, 56, 58, 89, 91, 92, 93, 102, 105, 106,
119. 147, !48, 151), 176, 214, 243, 256,
258 293, 301, 307, 308, 314.
Strozzi (Robert), banquier à Venise,
frère du précédent. 90.
Suavius Jean), évêiiuc de Mirepoix.
- 223. 278.
Suisse. — 312.
Sui.leyman II, empereur des Otto-
mans.— 11, 22, 23. 51, 69, 100, 111,
117, 119, 120, 127. 152, 153, 156. 157. 184,
186. 190,193. 203,223,226, 229. 2 il. 261,
262.
Syrente. — XVI.
Tadéi (Vincenso), gouverneur d 'An-
cône, commissaire dès guerres. - 246.
Taix (Jean de), gentilhomme de la
Chambre, grand-maître de l'artillerie.
— 4.
Talamon (port de). — 314.
Tanaro (le). — 21.
Tassin ^de Luna ou Lonato . agent
de la France en Lotnbardie. — 59,' 85,
91, 166, 195, 208. 209, 213, 224, 256,257,
318
Tauris. — 100.
Tausserat-Radel Alexandre). — v,
XXVII.
Tavance (M. de).— 238.
Tavannes (M. de,.— Voir Saulx
(Gaspard de)
Téramo.— 230, 242, 307.
Termes (Paul de la Rarthe, seigneur
de), maréchal de France. — 7, 9, 11, 13,
14, 17, 27, 34, 36, 53,54, 63, 68, 73,76,
221, 284, 301.
Térouenne — Voir Thérouanne.
Testons (monnaie. — 64, 81, 133.
Testu (François), contrôleur des ban-
des italiennes dans l'armée du duc de
Guise. - 271.
Thaiz (M. de).— Voir Taix (Jean de).
Thamasp Ier, empereur de la Perse.
— 100.
Thérouanne. — 4, 51, 57, 58/61.
Thienne (Octaviode .courrier.— 188.
Thion ville. — 42.
Tiioloméi (Raccio), courrier. — 272.
TiBrucE le cavalier). — 303.
Tolède (Garcia de). — 14.
Tolède (Pierre de), vice-roi de Na-
ples, père du précédent. — 7, 10. 12.
To.miîesy. — 17.
Tortone. - 1 47.
tohtorette.— 307.
27
334
TABLE ANALYTIQUE
Toscane.- 6, 7. 12, 16, 19. 32, 37,
54, 6!. 87, 91, 114, 125, 126, 130,
132, 135, 142, 149, 135, 166, 172. 187,
190, 191, 214, 227, 228, 230, 246, 254,
267, 268, 271, 273, 284, 285, 287. 301,
303. 313, 314, 317.
TOSCANELLO. — 187.
Toulon (archevêque de). — Voir
Trivulce Antoine).
Toulouse.— xxiv, 17, 319. — Parle-
ment, xxiv. — Sénéchaussée, vin.—
Viguerie, ix.
Tour (haronnie de la). — 291.
Tour d'Auvergne (Madeleine de la),
mère de Catherine de Médicis. — 291.
TOURNON. — IX
TÔurnon (François de), cardinal, mi-
nistre et secrétaire d'Etat. — ix, xiv,
xvm. xxin. 12 t6, 70. 86. 96, 118, 129,
151, 159, 170. 176,177, 17S. 192, 218.221,
222. 232, 237. 241, 2 il. 257, 277. 300.
Transylvanir — 127. 175, L85.
Thème.- 106, 148, 133. 183. 224.
Thème le cardinal de . — Voir Ma-
druce Christophe).
Trente Concile de . - 17. 136, 191.
Trkpoli [Stéphane . — 17 i.
Trévigian ..Marc Antonio), doge de
Venise. - 109.
Trévise. - 219.
TRIESTE. - 219, 226.
Trivulce [Antoine . archevêque de
Toulon, cardinal. - xxi, 227. 229, 249,
312.
Trois EvÊCHÉS. — 7.
Tronto [le . - 242, 248.
Tunis. — 10, 100.
Turin. — 21, 218, 247.
Turin (Jehan de), colonel au service
de la France. — 301
Tyrol. — 183.
Udine. — 219.
Urbin duc d" . — Voir Rovère (Gui
d'Vbaldo de La).
Urbin (Etat d'). — 220, 314.
Turin le palais d' , à Venise. — 123.
129.
Ursini (Flaminio), capitaine italien.—
55, 57.
Ursini (Julio;. — Voir Orsini Julio .
I rsins Christophe Jouvenel des),
seigneur de la Chapelle des Ursins.— 102.
Ùrsins Jourdain des , lieutenant-gé-
néral en Corse. — 33, 91.
Valcolin. — 82.
Valence. — Voir Valenza.
VALENZA 'place du Milanais . — 117.
148, 21S, 220, 224.
Valeran d'Espinaï de Saint-Luc, ma-
réchal de camp dans l'armée du duc
de Cuise. - 293.
N'aliénera. — 238, 240, 242.
Valfe.nière. — Voir Valfenera.
Valfenyère. — Voir Valfenera.
\ \\.\ ion le capitaine . — 91 .
Vannes. — 155.
Vaquiès famille de). — \\.
Vargas 'François de . ambassadeur
de Charles-Quint et de Philippe 11 à
Venise. — 136, 171, 192. 239, 240, 241,
243. 219. 263,264, 265, 266, 312.
Varsovie. — 191.
Vatican (palais du). — xvm.
Vaucelles trêve de . — xv, xix, 131.
297.
Vechio (Thomas dcl , aumônier ordi-
naire du roi, chargé de mission auprès
du duc de Ferrare. - 89. 90. 91. 92, 93.
Venieri (François . doue de Venise.—
14S. 17 4.
Venise. — xiv, xvi, xvm, 3. 11, 16,
17, 18. 22. 23, 26, 27. 29. 30, 32,
64, 72. 75. 83, 83. 87, 90, 109, 112, 119,
120, 144, 143, 146. 166. 167. 173, 180,
182 à 183. ISS. 197. 19S. 199, 214, 218,
219, 22n. 2'. 3. 27:!. 279. 2SS. 2 0, 291.
293, 294, 296, 299, 300, 304, 309 311,
31S.
Venise ambassadeurs à Venise et de
Venise . Voir Ambassadeurs; — Voir
aussi Rialto, Saint-Marc, Urbin Palais
'/■ ■
\ ; mi rini, conservateur des Archives
a Ferrare. — XXVI.
VERCE1L —282.
Vérone. - 22 4. 226
Verseil. — Voir Yeiccil.
Vi \i.i.\kt Michel . conseiller du duc
de Cuise en Italie. — 133. L62, 271.
Vicenci . 180, 181, 182, 184, 185,
186, 188, 189. 190, 219.
Vidal Marco . maître des courrier-.
;i Venise. - 197, 315.
Vienne Autriche . — 100. 189, 191.
Vienne M. de). — Voir Marillac
Charles de .
VlGNALE — l-"'l>. 13!. 152
VlGNAUX. - XXVII
\ igné (Jean Carcenac, dit La . ambas-
sadeur auprès de la Porte Ottomane.—
vu. 12:;. r,:;. 156, 160, 162, 166, 206, 210,
21 4. 221). 22 :. 226, 227. 22!». 230, 2::2.2:i::,
210. 211 249, 261, 262.
Villandri (Claude le Breton de . se-
crétaire des finances.— 86, 110, L27. 244.
VlLLARS Pierre de , évoque de Mire-
poix. — 223, 27s.
Villemo.n i . / de . agenl a Constanti-
nople. 120, 111. 137. 168.
Vll.LEMIR. — IX.
Vini.i.i Paolo). — 3
ViTERBE. ;:!. 48, 187.
Vivres de GUERRE. — 12.
56, 76, L05, I is. 196, 287, 301, -'^'-
Volpia.no. — 119.
V miv \. dev d'Alger. — 245.
Vousouf, dej d Uger. — 2 48
Y\ nr.K —21.
Z a poli Jean-Sigismond . roi de
Hongrie, - 175.
ERRATA 335
ERRATA
Page xv, note, ligne 4, au lieu de : François de Selve, lire : Jean-Paul de Selve.
Page xx, ligne 29, au lieu de: il arriva lui-même ,à Venise, lire: Jil arriva à
Venise.
Page xxn, ligne 23, annuler le renvoi {!) et le placer à la ligne 29 après le
mot : écus.
Page 39, note, au lieu de : Camillo Martinengo, lire: Camillo Orsini.
Page 100, note 1, au lieu de : Thomasp I", lira Thamasp Ior.
Page 114, note, au lieu de : à 20 kil. de Brescia, lire: à 22 kil. de Brescia.
Page 118, note 3, au lieu de : François de Lorraine, duc de Guise, lire : Claude
de Lorraine, duc d'Aumale.
Page 135, ligne 6, au lieu de : Prestanza, lire: prestanza.
Page 151, note 2, au lieu de: François de Bouliers, lire : François de Bellier.
Page 183, note 4, ligne 2, au lieu de : Alcala de Bénarès, lire : Alcala de
Hénarès.
Page 215, note, ligne 2, au lieu de : lettre de du Gabre au roi, page 144, lire :
page 216.
Page 223, note 1, au lieu de : Camillo Orsino, lire : Camillo Orsini.
Page 282, note 2, au lieu de: Verseil, lire: Verceil.
Page 301, note 3, ligne 3, au lieu de : Orano, lire : Ornano.
Montpellier. — Imprimerie Serre cl Roumégous, rue Vieille-Intendance.
La Bibliothèque
Université d!Ottawa
Echéance
The Library
University of Ottawa
Date Due
a_3 9J3 0 3 OjO Ij 7 7 9 5 8 b
DC 112 t D 6 3 fl 4 1903
DU 0 fl B R E 1 DOMINIQUE.
CORRESPONDANCE POLITIQ
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CE DC 0112
•D83A4 1903
COO DU GABRE»
ACC# 1370230
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